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Dictionnaire argot-français - Vidocq - Éditions du Boucher

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dont il sera parlé plus tard, qui savent<br />

tirer de la foule le seul indivi<strong>du</strong> propre à<br />

être <strong>du</strong>pé, ces hommes, presque toujours<br />

dépourvus d’é<strong>du</strong>cation, savent<br />

cependant saisir le plus léger diagnostic;<br />

ils jugent un homme à la coupe de ses<br />

habits, à la couleur de son teint, à celle<br />

de ses gants, et ils le jugent bien.<br />

Lorsque l’emporteur a rencontré ce<br />

qu’il cherche, il s’approche, et une conversation<br />

à peu près semblable à celle-ci<br />

ne tarde pas à s’engager : « Monsieur<br />

pourrait-il m’indiquer la rue…?<br />

— Cela m’est impossible, monsieur; je<br />

suis étranger.<br />

— Eh! parbleu, nous sommes logés à<br />

la même enseigne; je ne suis à Paris que<br />

d’hier matin. »<br />

L’emporteur n’a pas cessé de marcher<br />

près <strong>du</strong> provincial. « Vous êtes étranger,<br />

ajoute-t-il après quelques instants de<br />

silence, vous devez désirer voir tout ce<br />

que la capitale renferme de curieux. »<br />

Signe affirmatif. « Si vous le voulez,<br />

nous irons ensemble voir les appartements<br />

<strong>du</strong> roi. J’allais, lorsque je vous ai<br />

rencontré, chercher ici près des billets<br />

que doit me donner un des aides de<br />

camp <strong>du</strong> <strong>du</strong>c d’Orléans; c’est une occasion<br />

dont je vous engage à profiter. »<br />

Le provincial hésite, il ne sait ce qu’il<br />

doit penser de cet inconnu si serviable;<br />

mais, que risque-t-il? Il n’est pas encore<br />

midi, et les rues de Paris ne sont pas<br />

dangereuses à cette heure; et puis les<br />

appartements <strong>du</strong> roi Louis-Philippe doivent<br />

être bien beaux; et puis ce n’est pas<br />

lui, le plus madré des habitants de Landernau<br />

ou de Quimper-Corentin, qui se<br />

laisserait attraper : il accepte; l’emporteur<br />

fait le saint Jean à ses deux compagnons<br />

(voir ce mot, p. 80), qui prennent<br />

les devants et vont s’installer au lieu<br />

convenu.<br />

41<br />

EMPORTEUR<br />

C’est un café estaminet d’assez belle<br />

apparence, dont le propriétaire est<br />

presque toujours affranchi. L’emporteur<br />

y arrive bientôt, suivi de son<br />

compagnon; en entrant il a demandé à<br />

la dame de comptoir si un monsieur à<br />

moustaches, et décoré, n’était pas venu<br />

le demander; on lui a répon<strong>du</strong> que ce<br />

monsieur était venu, mais qu’il était<br />

sorti après toutefois avoir prié de faire<br />

attendre. « Eh bien, nous attendrons »,<br />

a-t-il répon<strong>du</strong>; et il est monté au billard<br />

après avoir demandé quelques rafraîchissements<br />

qu’il partage avec son compagnon.<br />

Le monsieur à moustaches n’arrive<br />

pas; pour tuer le temps on regarde jouer<br />

les deux personnes qui tiennent le<br />

billard, et qui ne sont autres que la bête<br />

et le bachotteur. La bête joue mal, et à<br />

chaque partie qu’elle perd elle veut augmenter<br />

son jeu, le bachotteur ne veut<br />

plus jouer, et offre de céder sa place au<br />

premier venu, la bête sort pour satisfaire<br />

un besoin, alors le bachotteur s’exprime<br />

à peu près en ces termes, en s’adressant<br />

à l’emporteur :<br />

« C’est une excellente occasion de<br />

gagner un bon dîner, le spectacle, et le<br />

reste; il est riche, il est entêté comme<br />

une mule; rendez-lui quelques points, et<br />

son affaire est faite.<br />

— Si je savais seulement tenir une<br />

queue, répond l’emporteur, j’accepterais<br />

la proposition. »<br />

Le provincial, qui a enten<strong>du</strong> cette conversation,<br />

et qui a vu jouer la bête,<br />

trouve charmant de se faire régaler par<br />

un Parisien; il pourra parler de cela dans<br />

son endroit. Il joue, il perd; son adversaire<br />

raccroche toujours; il s’échauffe, il<br />

joue de l’argent; les enjeux sont mis<br />

entre les mains <strong>du</strong> bachotteur; le provincial<br />

envoie au diable l’emporteur, qui

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