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Dictionnaire argot-français - Vidocq - Éditions du Boucher

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SURBINE<br />

La surveillance serait une mesure utile,<br />

si nous étions tous exempts de préjugés.<br />

Malheureusement il n’en est pas ainsi.<br />

Quoique nous soyons, dit-on, le<br />

peuple le plus éclairé de la terre, les préjugés<br />

nous dominent encore. Lorsqu’un<br />

débiteur a payé ce qu’il devait, personne<br />

ne vient lui reprocher les retards qu’il a<br />

mis à acquitter sa dette. La position <strong>du</strong><br />

libéré est, suivant moi, tout à fait semblable<br />

à celle <strong>du</strong> débiteur retardataire. Il<br />

devait à la société une réparation quelconque,<br />

et s’il s’est acquitté en subissant<br />

la peine qui lui a été infligée, pourquoi<br />

donc lui reprocher sans cesse la faute ou<br />

le crime qu’il a commis; pourquoi le<br />

repousser impitoyablement? Lorsque<br />

les Pharisiens voulurent lapider la<br />

femme a<strong>du</strong>ltère : « Que celui qui est<br />

sans péché lui jette la première pierre »,<br />

dit le Rédempteur, et la femme a<strong>du</strong>ltère<br />

vécut pour se repentir. Vous êtes donc<br />

plus purs que le Rédempteur, vous tous<br />

qui êtes sans pitié.<br />

Je connais des gens qui occupent dans<br />

le monde de très belles positions, et qui<br />

méritent sous tous les rapports l’estime<br />

qu’ils inspirent. Ces hommes cependant<br />

ont tous subi des condamnations plus<br />

ou moins fortes. Eh bien! je le répète, ils<br />

méritent l’estime qu’ils inspirent, et,<br />

cependant, si leur position était connue,<br />

ceux qui maintenant leur touchent la<br />

main, qui les admettent à leur table, s’en<br />

éloigneraient comme on s’éloigne d’un<br />

lépreux ou d’un pestiféré.<br />

J’ai vu souvent des libérés parvenir, en<br />

cachant leur position, à se faire<br />

admettre dans un atelier, s’y très bien<br />

con<strong>du</strong>ire <strong>du</strong>rant plusieurs années, et<br />

cependant en être ignominieusement<br />

chassés lorsqu’elle était connue.<br />

Les conséquences de la condamnation<br />

sont donc cent fois plus terribles que la<br />

144<br />

condamnation elle-même pour ceux qui<br />

sont soumis, à l’expiration de leur peine,<br />

à la surveillance de la haute police. Et, je<br />

ne crains pas de le dire, les libérés qui<br />

n’ont point de fortune doivent opter<br />

entre deux partis, mourir ou redevenir<br />

ce qu’ils étaient. Mourir! tous les<br />

hommes n’ont pas assez de courage<br />

pour cela. Le libéré repoussé <strong>du</strong>rement<br />

par cette société que jadis il a offensée,<br />

mais à laquelle cependant il ne doit que<br />

ce que tous les hommes doivent,<br />

reprend ses anciennes habitudes, il va<br />

retrouver ses camarades <strong>du</strong> temps<br />

passé, qui lui donnent ce qui lui<br />

manque, un asile et <strong>du</strong> pain, et bientôt il<br />

redevient malgré lui ce qu’il était jadis.<br />

Qui donc a tort? C’est la société; ce<br />

sont les préjugés. Pourquoi ne pas<br />

écouter l’homme qui vient à résipiscence,<br />

l’homme auquel une circonstance<br />

souvent indépendante de sa<br />

volonté, une mauvaise é<strong>du</strong>cation, une<br />

passion qui n’a pas été combattue ont<br />

fait commettre une faute quelquefois<br />

involontaire, et souvent excusable?<br />

Pourquoi se montrer inhumain pour le<br />

seul plaisir de l’être? À quoi sert un<br />

Code qui proportionne les peines aux<br />

délits, si le coupable est marqué pour<br />

toujours <strong>du</strong> sceau de la réprobation?<br />

L’injuste préjugé créa la récidive.<br />

Que l’on ne croie pas que le libéré succombe<br />

toujours sans avoir combattu.<br />

Lorsque j’étais chef de la police de<br />

sûreté, des libérés qui avaient obtenu la<br />

permission de résider à Paris, et qui ne<br />

pouvaient trouver <strong>du</strong> travail, venaient<br />

souvent me voir et me demander des<br />

secours. Je les secourus longtemps, mais<br />

enfin je fus forcé de cesser, alors ils volèrent<br />

pour vivre.<br />

Le séjour des grandes villes est interdit<br />

aux libérés, et cependant ce n’est que

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