Dictionnaire argot-français - Vidocq - Éditions du Boucher
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SUCE LARBIN<br />
de sa vie tout entière. Une correspondance<br />
sera établie avec MM. les maires<br />
de toutes les communes de France qui<br />
voudront bien, sans doute, encourager<br />
mes efforts et m’adresser ceux de leurs<br />
administrés qui viendraient à Paris pour<br />
servir. Aucun domestique ne sera admis<br />
à l’agence qu’il n’ait préalablement<br />
établi son indivi<strong>du</strong>alité d’une manière<br />
positive, et justifié de l’emploi de son<br />
temps depuis sa sortie de son pays.<br />
« Une carte dont le domestique sera<br />
porteur pour être envoyé en place, fera<br />
connaître ses nom, prénoms, ses antécédents,<br />
etc., etc.; les maîtres sauront<br />
donc enfin quelles sont les mœurs, les<br />
habitudes et le caractère de leurs serviteurs.<br />
« Comme on l’a déjà dit, les mauvais<br />
seront impitoyablement repoussés, les<br />
bons, au contraire, seront protégés,<br />
aidés et secourus en cas de besoin.<br />
« Je ne prétends pas avancer que ces<br />
mesures détruiront de suite le mal, le<br />
temps seul peut opérer des prodiges;<br />
mais si les maîtres veulent bien, en<br />
s’adressant exclusivement à moi,<br />
seconder mes efforts, le bien ne tardera<br />
pas à se faire sentir.<br />
« Les domestiques sortis de l’administration<br />
devront donc jusqu’à un certain<br />
point inspirer de la confiance, car enfin<br />
ils seront connus, et leur vie passée sera<br />
la garantie morale de leur vie à venir.<br />
« On appréciera, j’ose l’espérer, ce que<br />
je viens de dire, et pour être bien comprises,<br />
mes raisons n’ont pas besoin de<br />
plus longues explications : que l’on me<br />
permette seulement les quelques lignes<br />
qui suivent et qui doivent nécessairement<br />
terminer ce discours.<br />
« Ceux qui se font servir considèrent<br />
aujourd’hui leurs domestiques comme<br />
des instruments nécessaires sans doute,<br />
138<br />
mais qui peuvent être brisés sans<br />
remords; cette funeste tendance des<br />
esprits a fait plus de coupables peut-être<br />
que les vices naturels à l’homme, dont<br />
l’é<strong>du</strong>cation n’a pas corrigé les mœurs :<br />
le domestique qui ne reçoit en échange<br />
de son travail, de ses soins, de son<br />
dévouement même, que de l’argent seulement,<br />
se dégoûte bientôt d’une chaîne<br />
dont l’espoir d’un meilleur avenir ne<br />
vient pas alléger le poids; il se sert, pour<br />
quitter cette position devenue insupportable,<br />
de tous les moyens qui se présentent<br />
à son esprit : aussi tel indivi<strong>du</strong> a<br />
manqué à sa destinée qui devait être<br />
celle d’un honnête homme, parce que<br />
ses protecteurs naturels n’ont pas su<br />
deviner le fruit caché sous une rude<br />
écorce. Il existe malheureusement des<br />
hommes essentiellement vicieux et<br />
contre lesquels tous les correctifs doivent<br />
échouer; mais il en est, et le<br />
nombre de ceux-là est plus considérable<br />
qu’on ne le pense, dont les fautes sont<br />
excusables, si l’on veut bien avoir égard<br />
aux circonstances qui les ont fait commettre.<br />
« Autrefois il n’était pas rare de rencontrer<br />
des domestiques qui honoraient<br />
leur profession par des sentiments<br />
élevés et une probité à toute épreuve,<br />
cela se conçoit; autrefois le domestique<br />
était un des membres de la famille; le<br />
maître savait lui pardonner les fautes<br />
légères, les défauts de caractère, il<br />
s’occupait de son bien-être, il cherchait<br />
à lui rendre sa position supportable, et<br />
lorsque les années avaient blanchi sa<br />
tête, il assurait son avenir. Aujourd’hui<br />
s’ils ne vont pas mourir à l’hôpital, les<br />
domestiques périssent d’inanition sur la<br />
voie publique.<br />
« On doit à tous les hommes, quelle<br />
que soit d’ailleurs leur position sociale,