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Dictionnaire argot-français - Vidocq - Éditions du Boucher

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— Vous m’étonnez, madame, jamais<br />

avant vous on ne s’était plaint de mon<br />

zif.<br />

—Mon cher Poulot, dit la dame à<br />

l’oreille de son mari, le zif sucre parfaitement,<br />

ce que j’en dis n’est que pour<br />

l’avoir à douze sols la livre. Quoique<br />

votre zif ne vaille pas à beaucoup près le<br />

sucre de seconde qualité, continue la<br />

dame en s’adressant au solliceur, je veux<br />

bien cependant en prendre quelques<br />

pains, à la condition que vous me le laisserez<br />

à douze sols.<br />

— Vous ne voulez rien me laisser<br />

gagner, madame, cependant comme<br />

c’est la première affaire que j’ai l’honneur<br />

de faire avec vous, je ne veux pas<br />

vous refuser. Si avec votre zif vous<br />

voulez que je vous envoie des cafés<br />

Bourbon et Martinique fins verts, première<br />

qualité, je suis mieux que tout<br />

autre en mesure de vous satisfaire »; le<br />

solliceur montre alors des échantillons<br />

de cafés de qualités supérieures, qu’il ne<br />

vend pas, mais qu’il donne.<br />

La dame fait une commande plus ou<br />

moins forte de zif et de café, et le solliceur,<br />

après l’avoir remerciée, se dispose<br />

à sortir lorsqu’il se ravise tout à coup.<br />

« Je m’adresse à d’honnêtes gens,<br />

incapables de nuire à un père de<br />

famille?<br />

— Sans doute, monsieur, répondent<br />

en chœur la dame et son mari.<br />

— Vous devez bien penser, continue le<br />

solliceur après avoir regardé autour de<br />

lui et s’être assuré que le nombre de ses<br />

auditeurs ne s’est pas augmenté, que si<br />

je puis vous livrer à des prix modérés<br />

mon zif et mes cafés, c’est qu’ils ne<br />

m’arrivent pas par les voies ordinaires.<br />

Avec mon zif je fais passer en contrebande<br />

d’autres marchandises : de<br />

magnifiques foulards de l’Inde, de<br />

127<br />

SANS-CAMELOTE<br />

superbes madras, des châles de l’Inde,<br />

des draps de Ségovie admirables; permettez-moi<br />

de vous faire voir quelques<br />

échantillons de ces pro<strong>du</strong>its merveilleux<br />

des fabriques étrangères. »<br />

Et le solliceur, sans attendre une<br />

réponse qui ne serait peut-être pas favorable,<br />

fait un signal, et la servante intro<strong>du</strong>it<br />

dans l’appartement un compère qui<br />

porte sous son bras un assez volumineux<br />

paquet de marchandises. « Voyez,<br />

madame, dit le premier en déployant<br />

une pièce de foulards, le grain de ce<br />

tissu, l’éclat et l’heureux mélange de ces<br />

couleurs, 18 francs la demi-douzaine.<br />

Admirez, monsieur, la finesse, la force et<br />

le luisant de ce drap, le roi n’en porte<br />

pas de plus beau, 28 francs l’aune, ce<br />

qui coûte ordinairement 60 francs. Voici<br />

des madras de l’Inde, tout ce qu’il y a de<br />

plus beau. » Le solliceur vante ses marchandises,<br />

dont l’aspect <strong>du</strong> reste ne<br />

laisse vraiment rien à désirer; avec une<br />

telle assurance, il est si persuasif, si<br />

engageant, qu’il parvient à vendre à ses<br />

auditeurs, qui croient faire avec lui<br />

d’excellentes affaires, une partie notable<br />

de ce que contient le ballot que porte<br />

son compagnon.<br />

Les foulards de l’Inde ne sont que de<br />

mauvais foulards de Lyon parfumés<br />

d’une légère odeur de goudron; le drap<br />

de Ségovie <strong>du</strong> drap de Verviers, et les<br />

madras des mouchoirs de Cholet<br />

apprêtés et calandrés.<br />

« Madame, dit le solliceur après avoir<br />

reçu le prix des marchandises ven<strong>du</strong>es,<br />

si vous désirez recevoir promptement<br />

votre zif et votre café, il faut que vous<br />

vous déterminiez à me rendre un léger<br />

service. On vient de me saisir à la<br />

barrière pour 24 000 francs de marchandises;<br />

pour faire honneur à divers<br />

engagements, j’ai été obligé de laisser

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