ISRAËL - Consistoire de Paris

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05.07.2013 Views

CINÉMA Sous le poids des maux, le choc des sentiments Tout à la fois écrivain, scénariste et homme politique (ayant été Ministre de la Culture de Corée du Sud entre 2002 et 2004) Lee Chang-dong est devenu en quelques années un cinéaste reconnu dans son pays ainsi que sur la scène internationale, habitué du Festival de Cannes et lauréat de plusieurs récompenses à ce jour, dont celle du prix d'interprétation féminine en 2007 pour le superbe Secret Sunshine et du meilleur scénario cette année pour le non moins superbe Poetry. Un nouveau film qui navigue constamment aux gré des mots et des maux, entre poésie et mélodrame, et qui nous vient de l'un des plus subtils metteurs en scène asiatiques, mêlant à la magie de la poésie la réalité glauque du quotidien que doit affronter son héroïne, Mija, une dame excentrique de 65 ans, élégante et digne, qui élève avec difficulté son petit fils lycéen. Une femme qui, à l'automne de sa vie, décide de suivre des cours de poésie et s'attache à vouloir percevoir toute la beauté des choses, alors même que son quotidien est loin d'être gai, entre le ménage qu'elle doit faire pour un homme d'affaires devenu infirme, la maladie d'Alzheimer qui lui est diagnostiquée au détour d'un examen médical et son petit-fils qui se trouve mêlé à une sordide affaire de mœurs. Un mélange des genres qui s'illustre dès le générique puisqu'au moment où apparaît sur l'écran les pictogrammes du titre du film (" Shi " qui signifie Poésie en coréen), l'image qui nous est offerte n'est autre que celle du cadavre d'une adolescente, qui a échouée au bord du fleuve après s'être suicidée en se jetant d'un pont. Creusant ainsi son propre et singulier sillon, en se différenciant intelligemment de ses autres confrères coréens tels Bong Joon-ho ou Park Chan-wook, le créateur 48 INFORMATION JUIVE Septembre 2010 de Secret Sunshine continue de tracer, œuvre après œuvre, le parcours douloureux et sensible de gens simples et profondément humains, confrontés à de terribles épreuves et dont le cheminement se fait alternativement de l'ombre vers la lumière et de la lumière vers l'ombre. Car il faut bien parler d'œuvre avec ce réalisateur âgé de 56 ans, qui a commencé à se consacrer au 7ème art à plus de 40 ans et dont les quatre premiers films furent autant de réussites, de l'intriguant Green Fish (sorti en 1997) au très brillant Secret Sunshine (2007) qui nous contait le parcours initiatique, tragique et déchirant d'une veuve dont le fils avait été kidnappé (avec une impressionnante prestation de la grande Jeon Do-yeon). Nul doute par ailleurs que ce prix d'interprétation cannois obtenu en 2007 pour Secret Sunshine a joué cette année en la défaveur de l'immense interprète principale de Poetry, Yun Jung-hee, actrice légendaire en Corée du Sud (avec plus de 300 films à son actif du milieu des années 60 au milieu des années 90), qui n'avait pas tourné devant une caméra depuis plus de 15 ans avant PAR ELIE KORCHIA de donner son accord à cet ambitieux projet de Lee Chang-dong. Une actrice d'exception pour un personnage d'exception, qui nous offre ici une incroyable palette de sentiments et qui fait dire à juste titre à Lee Changdong que " si comme son titre l'indique, Poetry parle de poésie, ce n'est pas un film poétique. Au début, Mija imagine que la poésie est de l'ordre du suprême et de l'intouchable mais elle finit par comprendre ce qu'est l'essence même de cet art qui exprime autant la beauté que la souffrance ". Réflexion sur le temps qui passe et sur la complexité à affronter le réel, Poetry a aussi pour toile de fond la justice en ce bas monde, puisqu'on y apprend que la jeune adolescente qui a été retrouvée morte le long du fleuve s'est suicidée après avoir été victime de viols collectifs, point de départ du profond questionnement intérieur et du dilemme de Mija. Ne reniant nullement son regard acéré sur la société qui l'entoure, et livrant à nouveau une vision particulièrement critique de la société coréenne contemporaine (où les parents d'enfants moralement corrompus entendent acheter le silence d'une mère atrocement endeuillée), Lee Changdong excelle donc entre douceur et dureté, pudeur et trivialité, dans une mise en scène où la sobriété le dispute à l'émotion, et en laissant toujours au spectateur le soin d'imaginer ou d'interpréter ce qui lui est donné à voir par les interprètes ainsi que par un scénario aux nombreuses ellipses, refusant avec sagesse tout pathos manichéen. Un bouleversant conte d'automne qui, loin d'être un fleuve tranquille, trouvera son aboutissement dans un beau travelling sur un cours d'eau, symbole d'une conclusion " ouverte " et de l'acceptation nécessaire du flot inéluctable des choses de la vie.

Histoires juives Jean Peigné vient de publier aux éditions de Fallois " la grande encyclopédie des histoires drôles (19 euros ). On y trouve naturellement comme dans tout ouvrage de cette nature un grand nombre d'histoires juives, parfois franchement antisémites et parfois appartenant au panorama le plus classique de l'humour juif. Il arrive La directrice d'un pensionnat de jeunes filles aussi huppé que collet monté téléphone au colonel commandant la caserne voisine -Bonjour colonel, Mademoiselle de la Huchapain, directrice du Collège des Oiseaux, à l'appareil. La fin de l'année scolaire approche et puisqu'il faut s'adapter à son temps, nous avons l'intention d'organiser une petite sauterie pour nos grandes Mais il nous faudrait des cavaliers. Alors j'ai pensé que vous pourriez nous en envoyer, disons une quarantaine. Je vous rappelle colonel que nos élèves appartiennent aux plus grandes familles. Je compte donc sur vous pour sélectionner des jeunes gens du meilleur monde. Surout pas de juifs, colonel, pas de juifs… L'officier donne son accord et le jour dit, un autocar militaire s'immobilise dans la cour du collège. Quarante Noirs en descendent. -On vient pour les filles…Alors où sont les gonzesses ? Horrifiée, la directrice, au bord de l'évanouissement, s'écrie : -Il y a certainement une erreur ! -Cela m'étonnerait Madame, répond un des Noirs. Le colonel Lévy ne se trompe jamais ! Cinq juifs ont successivement marqué l'histoire de l'humanité en décrétant la règle universelle qui régit le monde. D'abord Moïse : Tout est loi Puis Jésus : Tout est amour. Puis Marx : Tout est argent. Puis Freud : Tout est sexe. Enfin Einstein : Tout est relatif. Un jeune juif est engagé pour son premier emploi avec un salaire de 1.000 euros. Le premier mois, il rapporte ponctuellement 1.000 euros à ses parents. Le deuxième mois, 995 euros . Le troisième mois, 990 euros. Alors sa mère s'écrie : -David, je ne suis pas dupe. Dis-moi immédiatement le nom de cette femme ! A Jérusalem, face au Mur des Lamentations, deux juifs français qui ne se connaissent pas pleurent et gémissent à qui mieux mieux. Au bout de dix minutes, le premier ravale ses sanglots et dit à l'autre : -Vous aussi, vous êtes dans le prêt-àporter ? (Parfois l'auteur Jean Peigné ne fait que " déménager " ou " déjudaïser " une histoire. Exemples les deux histoires suivantes qui ont partie depuis des lustres de l'humour juif le plus classique) Mohammed vend des merguez dans une petite camionnette garée quotidiennement à un endroit très passager, juste devant la banque Rothschild . Un jour, son ami Saïd lui dit : -J'ai plus de sous pour finir le mois. Comme tes affaires marchent bien, j'ai pensé que tu pourrais peut-être me HUMOUR aussi que l'auteur ait, volontairement ou pas, décidé de transformer des histoires figurant d'ordinaire dans des anthologies de l'humour juif, en des récits ayant pour cadre la communauté musulmane. Voici un bouquet d'histoires extrait du livre de M.Peigné. prêter cent euros ? -Ma parole, fait Mohammed, je voudrais tellement te rendre ce petit service, mon frère !Mais je ne peux pas, j'ai un accord avec Rothschild : je ne prête pas d'argent et lui ne vend pas de merguez. A l'école, un fils de travailleur algérien est constamment l'objet de brimades de la part de certains de ses petits camarades. Alors, pour que cela cesse, son père le change d'établissement et change aussi son prénom. -Maintenant, tu ne t'appelles plus Ahmed, tu t'appelles Maurice. Et tu ne dis à personne que tu es algérien. Compris ? Un mois plus tard, le gosse rentre à la maison avec un carnet de notes catastrophique, et il reçoit une raclée mémorable. Le lendemain, il arrive en classe avec les deux yeux au beurre noir. -Qu'est-ce qui t'est arrivé, Maurice ? lui demandent ses copains. -M'en parlez pas ! Hier soir en rentrant chez moi, j'ai été agressé par un Arabe ! INFORMATION JUIVE Septembre 2010 49

CINÉMA<br />

Sous le poids <strong>de</strong>s maux,<br />

le choc <strong>de</strong>s sentiments<br />

Tout à la fois écrivain,<br />

scénariste et homme<br />

politique (ayant été<br />

Ministre <strong>de</strong> la Culture <strong>de</strong><br />

Corée du Sud entre 2002<br />

et 2004) Lee Chang-dong<br />

est <strong>de</strong>venu en quelques années un<br />

cinéaste reconnu dans son pays ainsi<br />

que sur la scène internationale, habitué<br />

du Festival <strong>de</strong> Cannes et lauréat <strong>de</strong><br />

plusieurs récompenses à ce jour, dont<br />

celle du prix d'interprétation féminine<br />

en 2007 pour le superbe Secret<br />

Sunshine et du meilleur scénario cette<br />

année pour le non moins superbe Poetry.<br />

Un nouveau film qui navigue<br />

constamment aux gré <strong>de</strong>s mots et <strong>de</strong>s<br />

maux, entre poésie et mélodrame, et qui<br />

nous vient <strong>de</strong> l'un <strong>de</strong>s plus subtils<br />

metteurs en scène asiatiques, mêlant à<br />

la magie <strong>de</strong> la poésie la réalité glauque<br />

du quotidien que doit affronter son<br />

héroïne, Mija, une dame excentrique <strong>de</strong><br />

65 ans, élégante et digne, qui élève avec<br />

difficulté son petit fils lycéen.<br />

Une femme qui, à l'automne <strong>de</strong> sa vie,<br />

déci<strong>de</strong> <strong>de</strong> suivre <strong>de</strong>s cours <strong>de</strong> poésie et<br />

s'attache à vouloir percevoir toute la<br />

beauté <strong>de</strong>s choses, alors même que son<br />

quotidien est loin d'être gai, entre le<br />

ménage qu'elle doit faire pour un<br />

homme d'affaires <strong>de</strong>venu infirme, la<br />

maladie d'Alzheimer qui lui est<br />

diagnostiquée au détour d'un examen<br />

médical et son petit-fils qui se trouve<br />

mêlé à une sordi<strong>de</strong> affaire <strong>de</strong> mœurs.<br />

Un mélange <strong>de</strong>s genres qui s'illustre<br />

dès le générique puisqu'au moment où<br />

apparaît sur l'écran les pictogrammes<br />

du titre du film (" Shi " qui signifie Poésie<br />

en coréen), l'image qui nous est offerte<br />

n'est autre que celle du cadavre d'une<br />

adolescente, qui a échouée au bord du<br />

fleuve après s'être suicidée en se jetant<br />

d'un pont.<br />

Creusant ainsi son propre et singulier<br />

sillon, en se différenciant intelligemment<br />

<strong>de</strong> ses autres confrères coréens tels Bong<br />

Joon-ho ou Park Chan-wook, le créateur<br />

48 INFORMATION JUIVE Septembre 2010<br />

<strong>de</strong> Secret Sunshine continue <strong>de</strong> tracer,<br />

œuvre après œuvre, le parcours<br />

douloureux et sensible <strong>de</strong> gens simples<br />

et profondément humains, confrontés à<br />

<strong>de</strong> terribles épreuves et dont le<br />

cheminement se fait alternativement <strong>de</strong><br />

l'ombre vers la lumière et <strong>de</strong> la lumière<br />

vers l'ombre.<br />

Car il faut bien parler d'œuvre avec ce<br />

réalisateur âgé <strong>de</strong> 56 ans, qui a<br />

commencé à se consacrer au 7ème art<br />

à plus <strong>de</strong> 40 ans et dont les quatre<br />

premiers films furent autant <strong>de</strong> réussites,<br />

<strong>de</strong> l'intriguant Green Fish (sorti en 1997)<br />

au très brillant Secret Sunshine (2007)<br />

qui nous contait le parcours initiatique,<br />

tragique et déchirant d'une veuve dont<br />

le fils avait été kidnappé (avec une<br />

impressionnante prestation <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong><br />

Jeon Do-yeon).<br />

Nul doute par ailleurs que ce prix<br />

d'interprétation cannois obtenu en 2007<br />

pour Secret Sunshine a joué cette année<br />

en la défaveur <strong>de</strong> l'immense interprète<br />

principale <strong>de</strong> Poetry, Yun Jung-hee,<br />

actrice légendaire en Corée du Sud<br />

(avec plus <strong>de</strong> 300 films à son actif du<br />

milieu <strong>de</strong>s années 60 au milieu <strong>de</strong>s<br />

années 90), qui n'avait pas tourné <strong>de</strong>vant<br />

une caméra <strong>de</strong>puis plus <strong>de</strong> 15 ans avant<br />

PAR ELIE KORCHIA<br />

<strong>de</strong> donner son accord à cet ambitieux<br />

projet <strong>de</strong> Lee Chang-dong.<br />

Une actrice d'exception pour un<br />

personnage d'exception, qui nous offre<br />

ici une incroyable palette <strong>de</strong> sentiments<br />

et qui fait dire à juste titre à Lee Changdong<br />

que " si comme son titre l'indique,<br />

Poetry parle <strong>de</strong> poésie, ce n'est pas un<br />

film poétique. Au début, Mija imagine<br />

que la poésie est <strong>de</strong> l'ordre du suprême<br />

et <strong>de</strong> l'intouchable mais elle finit par<br />

comprendre ce qu'est l'essence même<br />

<strong>de</strong> cet art qui exprime autant la beauté<br />

que la souffrance ".<br />

Réflexion sur le temps qui passe et sur<br />

la complexité à affronter le réel, Poetry<br />

a aussi pour toile <strong>de</strong> fond la justice en<br />

ce bas mon<strong>de</strong>, puisqu'on y apprend que<br />

la jeune adolescente qui a été retrouvée<br />

morte le long du fleuve s'est suicidée<br />

après avoir été victime <strong>de</strong> viols collectifs,<br />

point <strong>de</strong> départ du profond<br />

questionnement intérieur et du dilemme<br />

<strong>de</strong> Mija.<br />

Ne reniant nullement son regard<br />

acéré sur la société qui l'entoure, et<br />

livrant à nouveau une vision<br />

particulièrement critique <strong>de</strong> la société<br />

coréenne contemporaine (où les parents<br />

d'enfants moralement corrompus<br />

enten<strong>de</strong>nt acheter le silence d'une mère<br />

atrocement en<strong>de</strong>uillée), Lee Changdong<br />

excelle donc entre douceur et<br />

dureté, pu<strong>de</strong>ur et trivialité, dans une<br />

mise en scène où la sobriété le dispute<br />

à l'émotion, et en laissant toujours au<br />

spectateur le soin d'imaginer ou<br />

d'interpréter ce qui lui est donné à voir<br />

par les interprètes ainsi que par un<br />

scénario aux nombreuses ellipses,<br />

refusant avec sagesse tout pathos<br />

manichéen.<br />

Un bouleversant conte d'automne qui,<br />

loin d'être un fleuve tranquille, trouvera<br />

son aboutissement dans un beau<br />

travelling sur un cours d'eau, symbole<br />

d'une conclusion " ouverte " et <strong>de</strong><br />

l'acceptation nécessaire du flot<br />

inéluctable <strong>de</strong>s choses <strong>de</strong> la vie.

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