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05.07.2013 Views

JUDAÏSME Alexandre Safran : la foi et la sagesse Notre ami Carol Iancu est professeur d'histoire contemporaine à l'université Paul Valéry à Montpellier et directeur de l'Ecole des haites études du judaïsme. Il avait publié, en 2007, publié une biographie de celui qui fut le grand rabbin de Roumanie puis le grand rabbin de Genève. C'est également à cette grande figure de la pensée juive qu'il consacre un énorme volume qui a pour titre “Alexandre Safran ou la Shoah inachevée En dépit de la disparition déplorable de tout le fond d'archives de la correspondance d'Alexandre Safran dans sa fonction de grand rabbin de Roumanie, nous avons été en mesure de découvrir, et de réunir dans ce volume, un ensemble de documents exceptionnel par son ampleur, sa richesse, sa diversité et son originalité. Il eût, certes, été souhaitable de poursuivre encore les recherches entreprises, mais la somme d'informations déjà recueillies mérite d'être d'emblée portée à la connaissance d'un vaste public de lecteurs. Elle contribue à mieux éclairer la personnalité d'Alexandre Safran et, en même temps, à mieux faire connaître le destin des Juifs roumains pendant la shoah. De nombreux points essentiels ressortent de la documentation réunie ici. - La continuité des démarches (chtadlanout) menées par le grand rabbin, sans relâche et avec opiniâtreté, pour intercéder auprès des personnalités politiques roumaines. Les documents reproduits précisent les circonstancesmêmes du face-à-face entre Alexandre Safran et Ion Antonescu (que relatent des notes de la DGP), celles de ses rencontres avec la reine-mère et le roi Michel (dont témoignent Zoltan Hirsch, Israel Levanon, Jacques Vergotti, le dossier de la Securitate, et le roi Michel lui même). 24 INFORMATION JUIVE Septembre 2010 - La multiplicité des interventions d'Alexandre Safran auprès des dignitaires religieux : auprès du patriarche Nicodim, du métropolite Tit Simedrea, de l'évêque Cizar (que relatent les notes de la DGP et du SSI, ainsi que les témoignages d'Israël Levanon, par exemple). - La relation privilégiée d'Alexandre Safran avec le nonce apostolique Andrea Cassulo, et sa rencontre bouleversante avec le métropolite B_lan, dont les démarches auprès d'Antonescu furent déterminantes dans l'annulation, en automne 1942, des déportations prévues en Pologne (rapportées dans la correspondance du nonce avec le Saint Siège, dans les notes de la DGP et de la PCM, ainsi qu'au travers des témoignages d'Israël Levanon, Arnold Schwefelberg, notamment). - L'importance des activités d'Alexandre Safran au sein du Conseil juif clandestin (Sfatul evreiesc) qui se réunissait dans sa propre maison (dont témoignent Wilhelm Filderman, Arnold Schwefelberg, Itzhac Artzi, M.H. Bady). Carol Iancu PAR CAROL IANCU en Roumanie”. Ce livre publié par les éditions Hasefer de Bucarest contient un grand nombre d'archives, de documents, de correspondances, de témoignages et d'articles de presse qui éclairent la personnalité du grand rabbin Safran et la situation du judaïsme roumain à la veille de la deuxième guerre mondiale. Nous publions ici un bref extrait de la conclusion que tire Carol Iancu de son enquête. - L'engagement incessant et souvent pathétique d'Alexandre Safran en faveur des Juifs déportés en Transnistrie (qui ressort des textes exceptionnels de ses sermons et discours au Templul Coral, et qui s'est par ailleurs concrétisé dans ses démarches secrètes, évoquées dans les témoignages de Fred Saraga, Itzhac Artzi, Israel Levanon, Yehiel Benditer, Filip Paltiel-Segal, I. Kandel). - L'action exemplaire et courageuse d'Alexandre Safran dans la “résistance politique”, qui s'est concrétisée par son opposition aux projets législatifs discriminatoires au Sénat, sa dénonciation publique de la politique de l'Allemagne nazie, alliée de la Roumanie, et même ses discours publiques pour la victoire de l'Angleterre (rapportée par les articles de la presse étrangère et les notes de la DGP). - L'action déterminante d'Alexandre Safran dans la “résistance spirituelle” : le développement d'un ensemble d'institutions éducatives (installées dans des locaux communautaires et même des synagogues) pour accueillir les élèves, les étudiants et les enseignants juifs chassés des écoles et de l'université, l'organisation de l'enseignement du judaïsme et un renforcement de celui de la langue hébraïque, des cycles de conférences dans les synagogues, les écoles et diverses associations (que rapportent la presse juive en langue roumaine, les notes de la DGP et du SSI, les manuels d'hébreu, et dont témoignent Rahel Cohen (Lempel), Johanan Jakubov, B. Reicher, N. Zelewinski, Z.

Beri, _lomo Leibovici-Lai_, les docteurs I. Daniel et Joseph Fux, l'avocat I. Kandel et surtout le professeur Reuven Feuerstein). - Son fort engagement de solidarité avec les Juifs en péril dans les pays voisins : en témoignent ainsi les celle de l'Allemagne nazie), provoqué pogroms et massacres, il y avait dans la société roumaine, un courant qui s'opposa à la concrétisation d'une telle solution de la “question juive”, et qui a agi en sorte que la shoah dans le pays des Carpathes, reste inachevée. Alexandre Safran fut un homme de foi profonde qui a su insuffler à sa communauté le courage de résister et d'espérer. démarches entreprises auprès du nonce apostolique pour tenter de sauver les Juifs de la Transylvanie du nord sous occupation hongroise (dans une lettre du 30 juin 1944, il exprimait à Andrea Cassulo la plus grande inquiétude sur leur sort), et en faveur des Juifs de Hongrie, concrétisée par son appel adressé au président des Etats-Unis. De même, il est intervenu auprès du nonce apostolique pour les Juifs de Bulgarie également, afin d'éviter leur déportation. - Et enfin, la dimension éthique de la personnalité d'Alexandre Safran, qui a forcé le respect de ses interlocuteurs dans des circonstances où le poids de son autorité morale a pesé sur les décisions des autorités (comme le reflètent la presse, une note des services secrets de renseignement britanniques, ainsi que les témoignages de Fred Saraga, du Dr Itzhac Guttman Ben-Zvi, de M. H. Bady, d'Israel Levanon, de Theodor Lavi, ou du professeur Reuven Feuerstein notamment). L'ensemble des pièces de cet ouvrage permet aussi de mieux saisir les ressorts et les enjeux de ceux qui furent à la tête des collectivités en péril pendant la shoah. Il reflète les immenses souffrances de la communauté juive roumaine, persécutée, martyrisée, amputée, et sur le point d'être anéantie par une déportation massive en Pologne. Une communauté en danger permanent, et pourtant à moitié sauvée, grâce à ses dirigeants d'élite, grâce au fait qu'à l'opposé du mouvement antisémite destructeur, qui a produit la Garde de Fer, entraîné la prise de pouvoir du Conduc_tor (avec sa politique de “purification ethnique”, calquée sur Une communauté dont la chance fut d'avoir comme chef spirituel “le plus jeune grand rabbin du monde”, un jeune homme qui avait 29 ans en 1940 et à peine 34 en 1944. Ses origines familiales, la renommée de son père, sa formation exemplaire expliquent son élection précoce au détriment de candidats tout aussi érudits, mais plus âgés. Le jeune Alexandre Safran, homme de pensée, qui portait déjà en germe toute sa future oeuvre de cabbaliste et de philosophe religieux d'envergure, a dû faire face à des événements cataclysmiques, qui l'ont révélé en tant qu'homme d'action. Il n'est pas resté enfermé dans une tour d'ivoire. Il a eu conscience de ce que les circonstances dramatiques exigeaient de sa part un immense don de lui-même. L'histoire retiendra ses actions, ses engagements, JUDAÏSME sa détermination dans des situations de crises hors normes. Alexandre Safran s'est affirmé très vite non seulement au sein de sa communauté, mais aussi et surtout dans les milieux non juifs. Ils ont apprécié et admiré sa belle langue roumaine qu'il pratiquait comme nul autre, qu'il aimait tant et qu'il connaissait aussi bien que la langue hébraïque, la profondeur de ses discours, sa sagesse, sa personnalité hors pair qui savait apaiser et donner confiance. Alexandre Safran - et c'est là l'un des principaux enseignements qui ressortent de cet ouvrage -, fut un homme de foi profonde qui a su insuffler à sa communauté le courage de résister et d'espérer. Précisément dans le combat pour la survie, ce qui comptait c'était la spiritualité juive, au moment où pourtant “la principale préoccupation était d'avoir quelque chose à manger, de ne pas être agressé”, comme justement l'affirme le professeur Reuven Feuerstein dans son beau témoignage : “C'était la grande qualité du rabbin Safran: il avait la capacité de garder devant lui le but, tout cela au moment où les besoins élémentaires-mêmes n'étaient pas satisfaits. On percevait la main qui guidait ces actions, en ce temps où la Roumanie avait tant de soucis. Très significativement, c'est en silence que le grand rabbin Safran a mené son action en faveur de la communauté juive, pour sauver les êtres humains. Son rayonnement inspirait le respect. C'était un homme qui rayonnait. Ce n'était pas quelqu'un auquel vous pouviez dire n'importe quoi. Vous sentiez que vous étiez devant quelqu'un d'extraordinaire: ses connaissances, son style, sa modestie d'un côté, et sa fermeté de l'autre. Ce n'était pas un monsieur auquel vous pouviez résister, du fait de son charme, de sa personnalité. C'était un homme dont émanaient des valeurs… Une association fantastique de raisonnement logique, de pensée philosophique, soutenue par tout ce qu'il y a de beau dans la Hassidout et la Kabala. --- [Extrait de : Carol IANCU, Alexandre Safran et la Shoah inachevée en Roumanie. Recueil de documents (1940-1944), Bucarest, Hasefer, 2010, 607 p.] INFORMATION JUIVE Septembre 2010 25

JUDAÏSME<br />

Alexandre Safran :<br />

la foi et la sagesse<br />

Notre ami Carol Iancu est professeur d'histoire<br />

contemporaine à l'université Paul Valéry à Montpellier<br />

et directeur <strong>de</strong> l'Ecole <strong>de</strong>s haites étu<strong>de</strong>s du judaïsme. Il<br />

avait publié, en 2007, publié une biographie <strong>de</strong> celui<br />

qui fut le grand rabbin <strong>de</strong> Roumanie puis le grand<br />

rabbin <strong>de</strong> Genève. C'est également à cette gran<strong>de</strong> figure<br />

<strong>de</strong> la pensée juive qu'il consacre un énorme volume qui<br />

a pour titre “Alexandre Safran ou la Shoah inachevée<br />

En dépit <strong>de</strong> la disparition<br />

déplorable <strong>de</strong> tout le fond<br />

d'archives <strong>de</strong> la<br />

correspondance<br />

d'Alexandre Safran dans<br />

sa fonction <strong>de</strong> grand<br />

rabbin <strong>de</strong> Roumanie, nous avons été en<br />

mesure <strong>de</strong> découvrir, et <strong>de</strong> réunir dans<br />

ce volume, un ensemble <strong>de</strong> documents<br />

exceptionnel par son ampleur, sa<br />

richesse, sa diversité et son originalité.<br />

Il eût, certes, été souhaitable <strong>de</strong><br />

poursuivre encore les recherches<br />

entreprises, mais la somme<br />

d'informations déjà recueillies mérite<br />

d'être d'emblée portée à la connaissance<br />

d'un vaste public <strong>de</strong> lecteurs. Elle<br />

contribue à mieux éclairer la<br />

personnalité d'Alexandre Safran et, en<br />

même temps, à mieux faire connaître le<br />

<strong>de</strong>stin <strong>de</strong>s Juifs roumains pendant la<br />

shoah.<br />

De nombreux points essentiels<br />

ressortent <strong>de</strong> la documentation réunie<br />

ici.<br />

- La continuité <strong>de</strong>s démarches<br />

(chtadlanout) menées par le grand<br />

rabbin, sans relâche et avec opiniâtreté,<br />

pour intercé<strong>de</strong>r auprès <strong>de</strong>s personnalités<br />

politiques roumaines. Les documents<br />

reproduits précisent les circonstancesmêmes<br />

du face-à-face entre Alexandre<br />

Safran et Ion Antonescu (que relatent<br />

<strong>de</strong>s notes <strong>de</strong> la DGP), celles <strong>de</strong> ses<br />

rencontres avec la reine-mère et le roi<br />

Michel (dont témoignent Zoltan Hirsch,<br />

Israel Levanon, Jacques Vergotti, le<br />

dossier <strong>de</strong> la Securitate, et le roi Michel<br />

lui même).<br />

24 INFORMATION JUIVE Septembre 2010<br />

- La multiplicité <strong>de</strong>s interventions<br />

d'Alexandre Safran auprès <strong>de</strong>s dignitaires<br />

religieux : auprès du patriarche Nicodim,<br />

du métropolite Tit Simedrea, <strong>de</strong> l'évêque<br />

Cizar (que relatent les notes <strong>de</strong> la DGP<br />

et du SSI, ainsi que les témoignages<br />

d'Israël Levanon, par exemple).<br />

- La relation privilégiée d'Alexandre<br />

Safran avec le nonce apostolique Andrea<br />

Cassulo, et sa rencontre bouleversante<br />

avec le métropolite B_lan, dont les<br />

démarches auprès d'Antonescu furent<br />

déterminantes dans l'annulation, en<br />

automne 1942, <strong>de</strong>s déportations prévues<br />

en Pologne (rapportées dans la<br />

correspondance du nonce avec le Saint<br />

Siège, dans les notes <strong>de</strong> la DGP et <strong>de</strong> la<br />

PCM, ainsi qu'au travers <strong>de</strong>s<br />

témoignages d'Israël Levanon, Arnold<br />

Schwefelberg, notamment).<br />

- L'importance <strong>de</strong>s activités d'Alexandre<br />

Safran au sein du Conseil juif<br />

clan<strong>de</strong>stin (Sfatul evreiesc) qui se<br />

réunissait dans sa propre maison (dont<br />

témoignent Wilhelm Fil<strong>de</strong>rman, Arnold<br />

Schwefelberg, Itzhac Artzi, M.H. Bady).<br />

Carol Iancu<br />

PAR CAROL IANCU<br />

en Roumanie”. Ce livre publié par les éditions Hasefer<br />

<strong>de</strong> Bucarest contient un grand nombre d'archives, <strong>de</strong><br />

documents, <strong>de</strong> correspondances, <strong>de</strong> témoignages et<br />

d'articles <strong>de</strong> presse qui éclairent la personnalité du grand<br />

rabbin Safran et la situation du judaïsme roumain à la<br />

veille <strong>de</strong> la <strong>de</strong>uxième guerre mondiale.<br />

Nous publions ici un bref extrait <strong>de</strong> la conclusion que<br />

tire Carol Iancu <strong>de</strong> son enquête.<br />

- L'engagement incessant et souvent<br />

pathétique d'Alexandre Safran en faveur<br />

<strong>de</strong>s Juifs déportés en Transnistrie (qui<br />

ressort <strong>de</strong>s textes exceptionnels <strong>de</strong> ses<br />

sermons et discours au Templul Coral,<br />

et qui s'est par ailleurs concrétisé dans<br />

ses démarches secrètes, évoquées dans<br />

les témoignages <strong>de</strong> Fred Saraga, Itzhac<br />

Artzi, Israel Levanon, Yehiel Benditer,<br />

Filip Paltiel-Segal, I. Kan<strong>de</strong>l).<br />

- L'action exemplaire et courageuse<br />

d'Alexandre Safran dans la “résistance<br />

politique”, qui s'est concrétisée par son<br />

opposition aux projets législatifs<br />

discriminatoires au Sénat, sa<br />

dénonciation publique <strong>de</strong> la politique <strong>de</strong><br />

l'Allemagne nazie, alliée <strong>de</strong> la Roumanie,<br />

et même ses discours publiques pour la<br />

victoire <strong>de</strong> l'Angleterre (rapportée par les<br />

articles <strong>de</strong> la presse étrangère et les notes<br />

<strong>de</strong> la DGP).<br />

- L'action déterminante d'Alexandre<br />

Safran dans la “résistance spirituelle” :<br />

le développement d'un ensemble<br />

d'institutions éducatives (installées dans<br />

<strong>de</strong>s locaux communautaires et même <strong>de</strong>s<br />

synagogues) pour accueillir les élèves,<br />

les étudiants et les enseignants juifs<br />

chassés <strong>de</strong>s écoles et <strong>de</strong> l'université,<br />

l'organisation <strong>de</strong> l'enseignement du<br />

judaïsme et un renforcement <strong>de</strong> celui <strong>de</strong><br />

la langue hébraïque, <strong>de</strong>s cycles <strong>de</strong><br />

conférences dans les synagogues, les<br />

écoles et diverses associations (que<br />

rapportent la presse juive en langue<br />

roumaine, les notes <strong>de</strong> la DGP et du SSI,<br />

les manuels d'hébreu, et dont témoignent<br />

Rahel Cohen (Lempel), Johanan<br />

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