ISRAËL - Consistoire de Paris
ISRAËL - Consistoire de Paris ISRAËL - Consistoire de Paris
FIGURES Un entretien inattendu avec Elie Wiesel De passage à Paris pour la sortie de son dernier livre " Otage " (Ed. Grasset), Elie Wiesel a reçu Information juive. Il répond ci-dessous à une sorte de " questionnaire Proust ". Témoignages, romans, essais : Vous avez écrit plusieurs dizaines de livres. Avez-vous encore peur de la page blanche ? Elie Wiesel : Bien sûr, toujours. La page blanche me tétanise, c'est pour cela que j'écris toujours un livre avant d'envoyer le précédent manuscrit à mon éditeur. Ce n'est que quand j'ai commencé une nouvelle histoire que je peux livrer la précédente. I.J : Quand savez-vous qu'un ouvrage est terminé ? E.W : Sur un même livre, j'écris trois moutures différentes. La première version est toujours d'une grande liberté. Je laisse ma plume écrire, elle court sur le papier. Je ne me relis pas avant d'avoir fini l'histoire. Les deuxième et troisième moutures sont agrémentées et corrigées. Je relis beaucoup, je coupe, ew©Rudy Waks 20 INFORMATION JUIVE Septembre 2010 Elie Wiesel je resserre le récit. Je crois beaucoup à la condensation. Je pense que le secret de la justesse est dans la concision du récit. Il gagne en puissance. I.J : Il y a 52 ans, vous avez publié votre premier livre " La nuit ", témoignage sur votre expérience concentrationnaire. Pensez-vous pouvoir aujourd'hui encore restituer la même force d'écriture ? E.W : Je ne me pose pas cette question. Je crois à la sincérité de la fiction et à la force romanesque. Ensuite c'est l'affaire du lecteur. I.J : Si vous étiez un héros de la Bible, qui seriez-vous ? E.W : Sans doute Itzhak. Vous rendez-vous compte : être ligoté sur l'autel du sacrifice par son propre père. Il y a toujours eu dans la ligature d'Itzhak, quelque chose qui m'a toujours interpellé. Itzhak a été élevé par sa mère. La nuit, il rêvait de pouvoir être avec son père, de passer du temps avec lui et quand il passe C'est le calendrier juif qui me fascine, cette succession immuable et sans faille de célébrations. trois jours et trois nuits seul avec lui, il se rend compte que c'est pour être sacrifié. Il y a quelque chose de profondément poignant et tragique. De façon générale, il y a quelque chose de tragique dans le destin d'Itzhak. A la fin de sa vie, son fils Jacob a profité de sa cécité pour dérober à son frère le droit d'ainesse. I.J : Si vous étiez une lettre de l'alphabet hébraïque…. E.W : Je n'oserai pas répondre Jérusalem parce que c'est impossible mais comment ne pas la citer. C'est le centre d'Israël, le cœur du monde et de la Terre. Je n'oublierais jamais la première fois que j'ai visité Jérusalem. C'était en 1949. Je n'y avais jamais posé le pied et pourtant j'avais la sensation de la connaître déjà. C'était un moment particulier, je suis resté comme sans voix. I.J : Si vous étiez une fête juive ? E.W : Je répondrais toutes. Pessah, Rosh Hashana, Souccot, j'aime toutes les fêtes. Mais plus que tout cela c'est le calendrier juif qui me fascine, cette succession immuable et sans faille de célébrations. Dans les temps anciens, il y avait un tribunal qui décidait
quand les juifs devaient célébrer Rosh Hodesh ( la néoménie ) . Il devait y avoir deux témoins qui se rendaient au sommet d'une montage pour attester de la nouvelle lune, ils devaient allumer des flambeaux pour communiquer avec ceux restés en bas et les avertir. Tout cela était très sérieux mais aussi très complexe. Ils n'avaient pas le droit à l'erreur. S'ils commettaient une erreur c'est la suite du calendrier qui s'en trouver faussée. I.J : Et enfin si vous étiez une tradition juive… E.W : la Tsédaka. La Tsédaka c'est la charité, la compassion, la générosité. Aujourd'hui tous ces mots sont galvaudés mais ils sont nobles et beaux. Il faut toujours répondre à celui qui vous L'homme qui vous demande une pièce, qui sait si ce n'est pas le Prophète Elie ? ON NOUS ÉCRIT : Des critiques excessives Otage J'ai été particulièrement choqué par l'article de M. Millière paru dans le dernier numéro d'Information juive et je tiens à vous faire part de mon mécontentement. Cet article, en effet, n'est pas présenté comme une " opinion " et sa place au début de la publication peut laisser penser qu'il s'agit d'un éditorial reflétant le point de vue de la rédaction de votre journal. J'espère qu'il n'en est rien. Première remarque : le titre accrocheur ("Comme si se préparait une seconde Shoah") est sans aucun rapport avec la réalité et mérite, selon moi, d'être mis sur le même plan que les élucubrations de ceux dont parle M. Millière et qui évoquent "le génocide" des Palestiniens. Entre la critique de la politique du gouvernement FIGURES tend la main. Quand vous êtes au Mur à Jérusalem et que vous priez, l'homme qui vous demande une pièce, qui sait si ce n'est pas le Prophète Elie ? Propos recueillis par Sandra Bensimon 1975. New York. Shaltiel Feigenberg, juif américain et modeste conteur est enlevé en plein jour à Brooklyn. Cette première prise d'otage sur le sol américain fait la une des médias internationaux. Cloitré dans une cave, les yeux bandés, Shaltiel ne comprend toujours pas ce qui lui arrive. Sans notion du temps extérieur qui s'écoule, l'otage perd pied. Au fil du récit, le narrateur se réfugie dans son passé. Alors qu'ils s'enfoncent dans la solitude, les souvenirs remontent à la surface : La déportation du ghetto de Davarowsk, sa ville natale en Transylvanie, celles de son père et de son oncle, rescapés d'Auschwitz, sa propre survie enfant dans la cave d'un officier allemand, la libération de la ville par l'armée rouge, la fuite clandestine de son frère ainé en URSS pour servir la Révolution mais aussi l'arrivée aux Etats-Unis. " Otage" est un roman à clé qui plonge dans les affres de l'âme humaine. Comment l'homme confronté à lui-même réussit à résister ? En toile de fond de ce drame, le conflit israélo-palestinien. S.B de M. Netanyahou- même violente et exagérée - et la préparation d'une Shoah, aucun parallèle ne peut être établi. Deuxième remarque : la façon dont M. Millière parle du président Obama ("le président le plus dangereux que les Etats-Unis aient jamais eu" et "un ennemi d'Israël") est à mon avis inadmissible. Son seul tort - pour M. Millière et ses amis - est de n'être pas un inconditionnel de la politique de M. Netanyahou et de tenter de régler par le compromis le conflit israélo-palestinien, ce qui est la seule option juste et raisonnable, même s'il s'agit d'une entreprise bien difficile. Il y a certes beaucoup de vrai dans ce que M. Millière dit des mensonges et des manipulations destinés à diaboliser Israël. Faut-il pour autant, ainsi qu'il le conseille à Israël, ne rien céder et s'opposer à la création d'un Etat palestinien ? C'est là, en vérité, mépriser les droits des Palestiniens et aller contre les intérêts d'Israël à long terme (…). Edmond David 54.000 Nancy INFORMATION JUIVE Septembre 2010 21
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Un entretien inattendu<br />
avec Elie Wiesel<br />
De passage à <strong>Paris</strong> pour la sortie <strong>de</strong> son <strong>de</strong>rnier livre " Otage " (Ed. Grasset), Elie Wiesel a reçu Information juive.<br />
Il répond ci-<strong>de</strong>ssous à une sorte <strong>de</strong> " questionnaire Proust ".<br />
Témoignages, romans, essais :<br />
Vous avez écrit plusieurs dizaines <strong>de</strong><br />
livres. Avez-vous encore peur <strong>de</strong> la page<br />
blanche ?<br />
Elie Wiesel : Bien sûr, toujours. La<br />
page blanche me tétanise, c'est pour<br />
cela que j'écris toujours un livre avant<br />
d'envoyer le précé<strong>de</strong>nt manuscrit à<br />
mon éditeur. Ce n'est que quand j'ai<br />
commencé une nouvelle histoire que<br />
je peux livrer la précé<strong>de</strong>nte.<br />
I.J : Quand savez-vous qu'un ouvrage est<br />
terminé ?<br />
E.W : Sur un même livre, j'écris<br />
trois moutures différentes. La<br />
première version est toujours d'une<br />
gran<strong>de</strong> liberté. Je laisse ma plume<br />
écrire, elle court sur le papier. Je ne<br />
me relis pas avant d'avoir fini<br />
l'histoire. Les <strong>de</strong>uxième et troisième<br />
moutures sont agrémentées et<br />
corrigées. Je relis beaucoup, je coupe,<br />
ew©Rudy Waks<br />
20 INFORMATION JUIVE Septembre 2010<br />
Elie Wiesel<br />
je resserre le récit. Je crois beaucoup<br />
à la con<strong>de</strong>nsation. Je pense que le<br />
secret <strong>de</strong> la justesse est dans la<br />
concision du récit. Il gagne en<br />
puissance.<br />
I.J : Il y a 52 ans, vous avez publié votre<br />
premier livre " La nuit ", témoignage sur<br />
votre expérience concentrationnaire.<br />
Pensez-vous pouvoir aujourd'hui encore<br />
restituer la même force d'écriture ?<br />
E.W : Je ne me pose pas cette<br />
question. Je crois à la sincérité <strong>de</strong> la<br />
fiction et à la force romanesque.<br />
Ensuite c'est l'affaire du lecteur.<br />
I.J : Si vous étiez un héros <strong>de</strong> la Bible,<br />
qui seriez-vous ?<br />
E.W : Sans doute Itzhak. Vous<br />
ren<strong>de</strong>z-vous compte : être ligoté sur<br />
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père. Il y a toujours eu dans la<br />
ligature d'Itzhak, quelque chose qui<br />
m'a toujours interpellé. Itzhak a été<br />
élevé par sa mère. La nuit, il rêvait <strong>de</strong><br />
pouvoir être avec son père, <strong>de</strong> passer<br />
du temps avec lui et quand il passe<br />
C'est le calendrier juif qui me fascine, cette<br />
succession immuable et sans faille <strong>de</strong> célébrations.<br />
trois jours et trois nuits seul avec lui,<br />
il se rend compte que c'est pour être<br />
sacrifié. Il y a quelque chose <strong>de</strong><br />
profondément poignant et tragique.<br />
De façon générale, il y a quelque<br />
chose <strong>de</strong> tragique dans le <strong>de</strong>stin<br />
d'Itzhak. A la fin <strong>de</strong> sa vie, son fils<br />
Jacob a profité <strong>de</strong> sa cécité pour<br />
dérober à son frère le droit d'ainesse.<br />
I.J : Si vous étiez une lettre <strong>de</strong><br />
l'alphabet hébraïque….<br />
E.W : Je n'oserai pas répondre<br />
Jérusalem parce que c'est impossible<br />
mais comment ne pas la citer. C'est le<br />
centre d'Israël, le cœur du mon<strong>de</strong> et<br />
<strong>de</strong> la Terre. Je n'oublierais jamais la<br />
première fois que j'ai visité Jérusalem.<br />
C'était en 1949. Je n'y avais jamais<br />
posé le pied et pourtant j'avais la<br />
sensation <strong>de</strong> la connaître déjà. C'était<br />
un moment particulier, je suis resté<br />
comme sans voix.<br />
I.J : Si vous étiez une fête juive ?<br />
E.W : Je répondrais toutes. Pessah,<br />
Rosh Hashana, Souccot, j'aime toutes<br />
les fêtes. Mais plus que tout cela c'est<br />
le calendrier juif qui me fascine, cette<br />
succession immuable et sans faille <strong>de</strong><br />
célébrations. Dans les temps anciens,<br />
il y avait un tribunal qui décidait