N°157 - Association des Marches Folkloriques de l'Entre Sambre et ...

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«Ils ne mouraient pas tous,
mais tous étaient frap-
MICHEL RANWEZ
(1)
Apartir de 1346, des épidémies
de peste s’abattent sur l’Europe
; la plus meurtrière est la
fameuse peste noire.
Venue d’Asie, elle ravage l’Italie,
l’Espagne et la France ; un tiers de la
population périt.
Puis elle envahit l’Europe centrale,
l’Allemagne, la Flandre et les Iles
Britanniques avant de s’éloigner
vers les Pays Baltes et la Scandinavie.
Si cette première attaque du
fléau bubonique marque profondément
les esprits par sa brutalité
et un effondrement démographique,
le phénomène le plus grave est en
fait les retours périodiques de l’épidémie
jusqu’à la fin du XV e siècle. La
population vit dans une inquiétude
et dans une angoisse permanentes
qui affectent gravement la vie quotidienne.
Une telle menace ne peut
que se répercuter sur les croyances
et les réactions affectives.
Face à un mal devant lequel la
médecine est impuissante, le besoin
de sécurité et de protection devient
fondamental, il explique le succès
des saints antipesteux et de saint
Roch en particulier. En outre la mentalité
médiévale est très portée à ces
associations de saints dont on espère
une intercession doublement efficace,
une guérison physique et spirituelle.
Thomas-Jean Delforge écrit :
« les saints représentent l’idéal d’un
peuple, dont ils ont modelé l’âme,
comme ils en ont stimulé l'art, inspiré
la poésie, animé l’éloquence. C'est
dans l'Eglise et sous la croix que s'est
ASSOCIATION
DES
MARCHES FOLKLORIQUES
DE
L'ENTRE-SAMBRE
ET
MEUSE
maintenue, au cours des siècles, la
solidarité occidentale » (2) .
Saint Sébastien est le principal protecteur
des pestiférés, les coups frappés
par le mal évoquent le souvenir
des flèches dont il avait été jadis criblé
par ses bourreaux.
En France du Nord, de la Normandie
à la Picardie et en Champagne,
on invoque saint Adrien. Dans le
Midi, c’est saint Antoine de Viennois
qui aide les malades atteints du mal.
On a recours aussi à des saints
médecins tels Côme et Damien.
Mais à partir de la fin du XV e et surtout
au XVI e siècle, saint Roch
s’émancipe et relègue ses collègues
au second plan dans de nombreuses
régions, surtout après la reconnaissance
officielle de son culte par
l'Eglise.
Le recul et la disparition de la peste
en Occident, dès le XVII e siècle,
entraînent le déclin et ensuite une
évolution du culte de saint Roch. A
partir de 1830, on l’invoque contre le
choléra. Plus tard on le prie contre
les atteintes du typhus et de la grippe.
Dans les campagnes, la peste
désigne de plus en plus certaines
maladies du bétail : la peste bovine,
porcine, équine... Par glissement
saint Roch étend sa protection à la
vigne (la peste de la vigne). Ainsi de
nombreux saints dont le culte est né
et s’est développé dans les villes
(Venise-Rome-Montpellier-Reims-
Paris-Cologne-Tournai-Liège...)
deviennent la fierté des villages et
des bourgs, ces patrons bénévoles
qui «selon que vous serez puissant ou
misérable» contesteront toujours «les
jugements de cour qui vous rendront
blanc ou noir » (1) .