05.07.2013 Views

Logique molle et paradoxes - Gilles Josse

Logique molle et paradoxes - Gilles Josse

Logique molle et paradoxes - Gilles Josse

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>Gilles</strong> <strong>Josse</strong><br />

50 avenue Jean Jaurès, 89400 Migennes, France<br />

gilles.josse@orange.fr 03 86 80 93 40 // 06 45 09 72 71<br />

www.gillesjosse.fr 1/303


Présentation<br />

Qu'est-ce qui peut bien pousser un auteur de romans à<br />

écrire un ouvrage tel que celui-ci, si ce n'est l'amour des<br />

mathématiques <strong>et</strong> du langage : ainsi, si j'ai rêvé de devenir<br />

écrivain dès mon plus jeune âge, je n'aurais pas dédaigné non<br />

plus pouvoir gagner ma vie comme mathématicien<br />

professionnel.<br />

Faute de quoi j'ai dû me contenter de faire une école<br />

d'ingénieur, prestigieuse certes, mais qui porte le même nom<br />

qu'une prison, tout là-bas, chez les ch'tis, une profession que<br />

j'ai abandonnée pour devenir plus modestement professeur de<br />

mathématiques dans l'éducation nationale. Et jamais c<strong>et</strong>te<br />

passion conjointe pour les mathématiques <strong>et</strong> le langage ne<br />

m'a fait défaut, à tel point que j'ai fini par me lancer dans<br />

l'aventure, à écrire c<strong>et</strong> opuscule qui, je l'espère, contient<br />

quelques idées originales, présentées sous une forme que j'ai<br />

souhaitée plaisante, <strong>et</strong> même au besoin humoristique, à<br />

certains moments.<br />

www.gillesjosse.fr 2/303


Sommaire<br />

Introduction p. 5<br />

Le paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée p. 17<br />

Égalité, inégalité <strong>et</strong> logique I p. 30<br />

Disjonction, somme <strong>et</strong> produit logique p. 36<br />

Interprétation de la règle de distributivité p. 45<br />

Un peu de logique câblée p. 47<br />

Affirmation contraire <strong>et</strong> négation p. 51<br />

Machines à beurre élémentaires, universelles p. 63<br />

Les syllogismes <strong>et</strong> la logique I p. 75<br />

<strong>Logique</strong> I <strong>et</strong> relation de cause à eff<strong>et</strong> p. 83<br />

Relations de cause à eff<strong>et</strong> particulières p. 95<br />

Le paradoxe du menteur <strong>et</strong> la normalité p. 98<br />

Explicitation d'une relation logique p. 106<br />

Généralisation du paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée p. 118<br />

Le paradoxe du barbu <strong>et</strong> les états logiques flous p. 125<br />

Ensembles mous <strong>et</strong> distance p. 130<br />

Le modèle soustractif des couleurs p. 141<br />

Expression analytique de la disjonction p. 146<br />

Expression analytique de la somme <strong>et</strong> du produit p. 148<br />

Simplification d'une affirmation générique p. 157<br />

R<strong>et</strong>our à la normalité p. 159<br />

Le paradoxe des catalogues p. 179<br />

Le paradoxe de Grelling-Nelson p. 181<br />

Le dilemme du crocodile <strong>et</strong> l'indécision p. 190<br />

Il y aura une bataille navale demain p. 196<br />

<strong>Logique</strong> I <strong>et</strong> principe de non-contradiction p. 204<br />

Le mystère de la reformulation assertive p. 208<br />

www.gillesjosse.fr 3/303


Interprétation des valeurs de vérité de la logique I p. 215<br />

Les trois modèles de la logique I p. 225<br />

Affirmations dérivées d'une affirmation générique p. 229<br />

Les <strong>paradoxes</strong> de Moore <strong>et</strong> de Fitch p. 233<br />

Le connu, le méconnu, le déconnu... p. 246<br />

Le paradoxe de Berry <strong>et</strong> les méta-affirmations p. 256<br />

<strong>Logique</strong> I <strong>et</strong> implication p. 262<br />

R<strong>et</strong>our à la logique H p. 272<br />

La valeur logique de ce qui n'existe pas p. 277<br />

Le chat de Schrödinger p. 281<br />

Conclusion p. 283<br />

Glossaire p. 294<br />

www.gillesjosse.fr 4/303


Introduction<br />

« Ce n'est pas parce qu'en hiver on dit « Fermez la porte,<br />

il fait froid dehors », qu'il fait moins froid dehors quand la<br />

porte est fermée. »<br />

Pierre Dac<br />

A la base, je nourris une véritable passion pour tout ce qui<br />

est paradoxal, non-conforme, que l'on baptise aisément de<br />

mal-formé, <strong>et</strong> que l'on écarte partant de là du cadre habituel<br />

dans lequel on traite la « réalité logique », d'où l'idée<br />

concomitante de chercher à adapter ce cadre, de le déformer,<br />

de l'élargir, pour donner leur place à ces éléments<br />

dérangeants <strong>et</strong> un peu monstrueux que sont les <strong>paradoxes</strong>.<br />

Voilà pourquoi, depuis quelques années déjà, je me<br />

penche régulièrement sur les <strong>paradoxes</strong> logiques les plus<br />

courants, dont le paradoxe du menteur <strong>et</strong> celui de la carte<br />

r<strong>et</strong>ournée, <strong>et</strong> j'ai eu l'occasion de constater qu'ils étaient<br />

habituellement résolus d'une manière qui ne me convenait<br />

pas vraiment, <strong>et</strong> que je me suis lancé dans la rédaction de<br />

« logique <strong>et</strong> langage », pour y exposer mes propres idées sur<br />

www.gillesjosse.fr 5/303


la question, soit m<strong>et</strong>tre mon grain de sel sur un suj<strong>et</strong><br />

largement débattu.<br />

Mon approche a été la suivante : m'abstenir de tout a<br />

priori, de tout parti pris, pour pouvoir étudier sereinement les<br />

conséquences auxquelles nous entraînent ces <strong>paradoxes</strong> eux-<br />

mêmes, même si elles peuvent sembler déconcertantes au<br />

premier abord.<br />

Dans un premier temps, l'examen de la célèbre affirmation<br />

du menteur, disant A = « c<strong>et</strong>te phrase est fausse », ou bien de<br />

la situation de la « carte r<strong>et</strong>ournée », ce qui revient au même,<br />

nous amène naturellement à devoir considérer une réalité<br />

indéniable du langage, qui échappe à la dualité vrai-faux, <strong>et</strong><br />

donc à introduire une nouvelle valeur de vérité i, comme<br />

indéterminée. La confrontation avec la réalité des choses<br />

elles-mêmes nous force à reconnaître que la situation n'est<br />

pas si extraordinaire que cela : un saucisson n'est pas<br />

nécessairement entier ou coupé en tranche, il peut l'être à<br />

moitié. De même, quand il ne fait que pleuviner, on ne peut<br />

pas dire qu'il pleut, ni qu'il ne pleut pas.<br />

D'où l'idée de rendre compte par la même valeur de vérité<br />

www.gillesjosse.fr 6/303


i de ces situations intermédiaires de la vie courante. Voilà,<br />

l'idée est lancée : il s'agira de traiter dans un même cadre<br />

logique aussi bien les situations que nous dirons « triviales »<br />

ou soit une chose une vraie <strong>et</strong> son contraire faux, <strong>et</strong><br />

inversement, que les situations que nous dirons « <strong>molle</strong>s »,<br />

où il existe un état intermédiaire, <strong>et</strong> encore les situations<br />

paradoxales du type affirmation du menteur. Que je sache, on<br />

ne parle pas des langues différentes pour aborder ces<br />

différentes choses ! Il y a une unité qui demande à être<br />

respectée, qui dépasse la simple utilisation de procédures ad<br />

hoc, pour rendre compte d'un paradoxe tel celui de la carte<br />

r<strong>et</strong>ournée ou du menteur, qu'elle généralise.<br />

Partant de là, il vient alors naturellement à l'esprit de<br />

formaliser une logique à trois valeurs de vérité v, i <strong>et</strong> f, ce qui<br />

nous est dicté par nos constatations précédentes.<br />

Mais alors, il apparaît encore clairement que si les choses<br />

du monde <strong>et</strong> du langage peuvent prendre trois valeurs de<br />

vérités distinctes, ce que l'on peut affirmer à leur suj<strong>et</strong> se<br />

décline en 2 3 = 8 combinaisons, correspondant à notre état<br />

de connaissance à leur suj<strong>et</strong>, dans la situation S, à savoir :<br />

www.gillesjosse.fr 7/303


• Je sais que la chose X est à l'état extrême 1.<br />

• Je sais que la chose X est à l'état intermédiaire 2.<br />

• Je sais que la chose X est à l'état extrême 3.<br />

• Je sais que la chose X n'est pas à l'état extrême 1.<br />

• Je sais que la chose X n'est pas à l'état intermédiaire 2.<br />

• Je sais que la chose X n'est pas à l'état extrême 3.<br />

• Je sais que la chose X est dans l'un des états 1, 2 ou 3.<br />

• Je sais que la chose X n'est dans aucun des états 1, 2<br />

ou 3.<br />

Seule la dernière affirmation pose un problème<br />

d'interprétation, les autres étant parfaitement claires : elle<br />

revient à affirmer que l'état de X dans la situation S n'a pas<br />

de sens. Par exemple, affirmer « il pleut » quand on est sur la<br />

lune n'a pas de sens, puisque la lune ne possède pas<br />

d'atmosphère, <strong>et</strong> que le phénomène de la pluie lui est de ce<br />

fait étranger.<br />

C'est c<strong>et</strong>te déclinaison qui nous amène à compléter<br />

l'ensemble de nos trois valeurs de vérité par les cinq valeurs<br />

supplémentaires que nous dénotons – v , – i , – f , T <strong>et</strong> Φ,<br />

www.gillesjosse.fr 8/303


correspondant dans l'ordre à chacune des cinq dernières<br />

situations de la liste précédente. La chose est en eff<strong>et</strong> rendue<br />

nécessaire par un cas particulier de la carte r<strong>et</strong>ournée, où la<br />

valeur de vérité de chacune des affirmations qu'elle porte au<br />

recto <strong>et</strong> au verso peut aussi bien être vrai que faux, ce qui<br />

correspond à la valeur de vérité que nous notons – i.<br />

Alors, on peut se demander si notre logique, que nous<br />

appellerons logique I, est précisément trivaluée ou bien<br />

octovaluée. A c<strong>et</strong>te question, nous donnerons une réponse de<br />

normand, qui consiste à dire que dans les faits, notre logique<br />

est trivaluée, dans la mesure où nous possédons une<br />

connaissance certaine des choses auxquelles elle s'applique,<br />

<strong>et</strong> qu'elle est octovaluée, du point de vue des discours que<br />

nous pouvons mener à leur suj<strong>et</strong>, traduisant notre état de<br />

connaissance, qui n'est pas nécessairement certain, ou bien<br />

encore la possibilité d'un choix à réaliser.<br />

Autrement dit, la logique I avec ses huit valeurs de vérité<br />

est plus ou moins une logique modale épistémique construite<br />

sur un monde où les choses peuvent prendre trois états<br />

distincts.<br />

www.gillesjosse.fr 9/303


A part cela, je n'avais aucun préconçu présidant à la<br />

réalisation de c<strong>et</strong> ouvrage, <strong>et</strong> même si j'y développe certaines<br />

notions, c'est toujours en vue de résoudre l'une ou l'autre des<br />

questions que posent les <strong>paradoxes</strong> courants <strong>et</strong> le souci de<br />

rendre compte de la réalité du langage, envisagé d'un point<br />

de vue descriptif, <strong>et</strong> de son rapport à la vérité <strong>et</strong> à l'erreur.<br />

C'est donc une pensée « au fil de l'eau » qui s'exprime dans<br />

ces pages. A certains, c<strong>et</strong>te manière de baguenauder d'une<br />

idée à une autre plaira, quand elle insupportera les gens<br />

éminemment rationnels, toujours un peu angoissés, <strong>et</strong> qui<br />

aiment savoir par avance à quelle sauce ils vont être mangés.<br />

De fait, même si cela rend parfois la lecture un peu<br />

difficile, dans ce sens où à aucun moment le lecteur ne se<br />

sentira vraiment dirigé vers un but précis, c'est peut-être bien<br />

tout de même la bonne méthode pour traiter des <strong>paradoxes</strong> de<br />

manière ouverte <strong>et</strong> disponible, qui nous emmènent parfois<br />

sans qu'on le veuille sur des terrains aventureux.<br />

Le meilleur exemple que je puisse donner à ce propos est<br />

celui de la table de vérité de l'égalité entre deux valeurs<br />

logiques, où l'on trouve que V( « v = i » ) = i, où i signifie<br />

www.gillesjosse.fr 10/303


tantôt ni-vrai ni-faux ou mi-vrai mi-faux, là où l'on s'attend à<br />

trouver f ou – v = i ˅ f = i ou f . Cela en surprendra plus d'un,<br />

y compris également le fait que l'égalité <strong>et</strong> l'inégalité puissent<br />

avoir une table de vérité non triviale. Comme je l'ai dit, cela<br />

provient ni plus ni moins de l'étude généralisée du paradoxe<br />

de la carte r<strong>et</strong>ournée, qui en quelque sorte nous « impose la<br />

chose », plutôt que d'une quelconque volonté d'être original à<br />

tout prix.<br />

Mais l'étude des <strong>paradoxes</strong>, même si elle est intéressante<br />

en soi, ne suffit pas à elle seule à justifier l'emploi de c<strong>et</strong>te<br />

logique alternative I, que je souhaitais être une extension<br />

naturelle de la logique habituelle, ou logique H. Encore<br />

fallait-il donc utiliser c<strong>et</strong>te logique I pour rendre compte de<br />

situations concrètes rencontrées tous les jours.<br />

C'est d'ailleurs de l'examen d'une telle situation,<br />

nommément l'état du sol susceptible d'être sec ou plus ou<br />

moins mouillé par la pluie <strong>et</strong>/ou un arroseur automatique à<br />

trois états que j'ai tiré la table de vérité du « ou » logique, une<br />

opération que j'appelle « somme logique », réservant l'emploi<br />

du mot disjonction à une autre opération entre valeurs<br />

www.gillesjosse.fr 11/303


logiques.<br />

La table de vérité du « <strong>et</strong> » logique, appelé « produit<br />

logique », s'en déduit naturellement, par « symétrie », une<br />

notion intuitive fondamentale qui guide bien des<br />

raisonnements conduits dans c<strong>et</strong> ouvrage.<br />

Une idée en appelant une autre, il vient ensuite<br />

naturellement celle d'étudier en toute généralité une relation<br />

du type A × B => C, donnée par ce que j'appelle son tableau<br />

de valeurs principales, soit la valeur de vérité de la sortie<br />

V(C) en fonction du couple de valeurs d'entrées ( V(A) ,<br />

V(B) ), quand V(A) <strong>et</strong> V(B) sont des valeurs certaines. Nous<br />

arrivons à la conclusion qu'elle peut être matérialisée par une<br />

situation de type « machine à beurre », perm<strong>et</strong>tant de<br />

maintenir un morceau de beurre à l'état dur, mou ou<br />

intermédiaire, quelque soit le temps qu'il fait, celui-ci<br />

pouvant être chaud, froid, ou bien frais/doux.<br />

Évidemment, prenant conscience de ce que c<strong>et</strong>te situation<br />

n'a été étudiée que d'un point de vue pratique, il convenait<br />

d'en rendre compte d'un point de vue logique, en faisant<br />

intervenir les OLE, obj<strong>et</strong>s logiques élémentaires de la<br />

www.gillesjosse.fr 12/303


logique I, ce que nous réalisons dans le chapitre intitulé<br />

« explicitation d'une relation logique ».<br />

Dans l'entre-deux, nous nous sommes permis au passage<br />

de montrer brièvement en quoi les variables logiques de c<strong>et</strong>te<br />

logique I perm<strong>et</strong>taient de modéliser le raisonnement<br />

syllogistique, <strong>et</strong> de r<strong>et</strong>rouver les syllogismes concluants<br />

d'Aristote, via simplement quatre tables de vérité, faisant<br />

intervenir seulement quatre de nos huit valeurs de vérité.<br />

Bien que satisfaits par la tournure que prennent les choses,<br />

une question lancinante subsiste, qui consiste à se demander<br />

s'il n'est pas possible de faire surgir une situation paradoxale<br />

pour la logique I, au même titre que l'affirmation du menteur<br />

l'est pour la logique H, par le biais d'affirmations auto-<br />

référentes. Nous répondons par la négative à c<strong>et</strong>te question,<br />

en plusieurs temps, en présentant un modèle d’enchâssement<br />

des affirmations du langage, méta-affirmations, méta-méta-<br />

affirmations, <strong>et</strong>c. Nous démontrons ainsi ce que nous<br />

appelons notre « théorème de normalité ».<br />

Il nous aura ce-faisant fallu introduire ce que nous<br />

appelons les ensembles mous, qui ne sont bien sûr pas de<br />

www.gillesjosse.fr 13/303


notre invention, qui matérialisent le support d'une affirmation<br />

générique telle que « il a fait beau le jour X de l'année<br />

2011 », soit la réunion de l'ensemble des jours où il a fait<br />

chaud, <strong>et</strong> de celui où il a fait frais/doux : comme d'habitude,<br />

nous n'envisageons que deux états extrêmes <strong>et</strong> un état<br />

intermédiaire.<br />

Notre théorème de normalité s'énonce alors ainsi : toute<br />

méta-affirmation générique, … , se révèle soit normale, soit<br />

anormale, une méta-affirmation générique étant normale<br />

quand elle elle répond par vrai ou par faux sur son ensemble<br />

de définition, <strong>et</strong> anormale quand elle peut aussi prendre la<br />

valeur i. Autrement dit, nous affirmons qu'il n'est pas<br />

possible de faire resurgir le paradoxe auto-référent du<br />

menteur dans le cadre de la logique I, ce qui est assez<br />

gonflé !<br />

Par la suite, envisageant le cas des futurs contingents <strong>et</strong> le<br />

paradoxe de Fitch, via celui de Moore, il nous est nécessaire<br />

de nous pencher sur le principe de non-contradiction <strong>et</strong> celui<br />

du tiers exclus, <strong>et</strong> de reconnaître que ceux-ci ne sont pas<br />

respectés en l'état par notre logique I. Mais le premier l'est<br />

www.gillesjosse.fr 14/303


tout de même, moyennant ce que nous appelons procédure de<br />

reformulation assertive (en gros, s'il pleuvine, V(« il pleut »)<br />

= f <strong>et</strong> V(« il pleuvine ») = v), <strong>et</strong> le deuxième devient un<br />

principe du quart exclus, en utilisant c<strong>et</strong>te même procédure.<br />

Au passage, nous constatons aussi qu'il nous faut<br />

abandonner le principe de vérifonctionnalité dans certains<br />

cas particuliers ennuyeux, nommément ceux ou une<br />

affirmation est considérée de concert avec sa négation, soit<br />

par exemple celle des futurs contingents.<br />

Toujours au passage, nous résolvons sans difficulté le<br />

paradoxe de Grelling-Nelson <strong>et</strong> celui de Berry, qui<br />

s'entendent de façon très naturelle dans le cadre de la logique<br />

I. Nous assumons également le fait que celle-ci rend compte<br />

de manière bien moins satisfaisante du paradoxe sorite du<br />

barbu (ou du tas de sable). Là, nous touchons du doigt un<br />

point fondamental de notre propos, puisque c'est de c<strong>et</strong>te<br />

dialectique de la continuité <strong>et</strong> de la discontinuité que procède<br />

véritablement notre logique I, comme nous nous efforçons de<br />

l'expliquer par la suite, <strong>et</strong> comme nous vous invitons à le<br />

découvrir par vous-même.<br />

www.gillesjosse.fr 15/303


Accessoirement, on finira par découvrir que les valeurs<br />

principales des tables de vérité de la logique I ne sont autres<br />

que celles de la logique trivaluée K3 étudiée par Kleene en<br />

son temps, même si bien sûr notre interprétation sémantique<br />

de la valeur i n'est pas la même.<br />

Migennes, le 15 novembre 2012<br />

www.gillesjosse.fr 16/303


Le paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée<br />

Considérons une carte à deux faces A <strong>et</strong> B, sur lesquelles<br />

sont inscrites les affirmations correspondantes :<br />

A = « ce que dit B est vrai »<br />

B = « ce que dit A est faux »<br />

• Si A dit vrai, c'est que B est vrai, ce qui implique que<br />

A est faux, d'où contradiction.<br />

• Si A dit faux, c'est que B dit faux, donc que le<br />

contraire de ce qu'elle affirme est vrai, donc que A est<br />

vraie : nouvelle contradiction.<br />

• Si B dit vrai, c'est que le contraire de ce qu'affirme A<br />

est vrai, donc que B dit faux : contradiction.<br />

• Si B dit faux, c'est que A dit vrai, <strong>et</strong> donc que B dit<br />

vrai : contradiction.<br />

A ne peut donc être ni vraie ni fausse, sans contradiction<br />

logique, ce qui provient bien évidemment de ce que A <strong>et</strong> B<br />

font référence l'une à l'autre de manière contradictoire. C'est<br />

la même chose pour B.<br />

La logique habituelle dichotomique, que nous appellerons<br />

www.gillesjosse.fr 17/303


« logique H », est donc incapable d'affecter une valeur de<br />

vérité à A <strong>et</strong> à B parmi les deux seules qu'elle accepte, à<br />

savoir v ou f, pour vrai ou faux.<br />

Partant de là, la situation de la carte r<strong>et</strong>ournée peut être<br />

considérée comme anormale, illogique, puisque la logique H<br />

ne sait pas en rendre compte « normalement ».<br />

On peut décider d'adopter une autre démarche, qui<br />

consiste à considérer une troisième valeur de vérité<br />

logique, qui sera attribuée aux affirmations qui ne sont ni<br />

vraies, ni fausses pour la logique H, que l'on dira<br />

« indéterminées de première espèce », <strong>et</strong> que nous<br />

noterons i.<br />

Si la fonction V dénote la fonction valeur de vérité, on<br />

peut alors écrire : V(A) = V(B) = i. Mais on a d'autre part : A<br />

= « V(B) = v » <strong>et</strong> B = « V(A) = f ». Ayant posé V(A) = V(B)<br />

= i , il s'ensuit, par simple substitution dans les affirmations<br />

de départ :<br />

V(A) = V(« i = v ») = i<br />

V(B) = V(« i = f ») = i<br />

On r<strong>et</strong>iendra donc ces deux derniers résultats, qui<br />

www.gillesjosse.fr 18/303


proviennent directement de l'introduction d'une nouvelle<br />

valeur de vérité i. Évidemment, on s'étonne de ce que V( « i =<br />

v » ) ne vaille pas f, mais après tout, pourquoi pas ! C'est là<br />

l'exemple même de notre attitude attentiste, comme nous en<br />

avons parlé dans notre introduction, qui concerne en<br />

l’occurrence un point fondamental de tout notre<br />

développement, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir à<br />

plusieurs reprises. Nous verrons tout de même une<br />

justification « empirique » de ce résultat au chapitre suivant,<br />

qui nous perm<strong>et</strong>tra de nous en accommoder plus aisément, si<br />

besoin est.<br />

Considérons maintenant une autre carte, portant c<strong>et</strong>te fois-<br />

ci sur chacun de ses côtés :<br />

A = « ce que dit B est indéterminée de première espèce » =<br />

« V(B) = i »<br />

B = « ce que dit A est indéterminée de première espèce » =<br />

« V(A) = i »<br />

• Si l'on suppose A vraie <strong>et</strong> B vraie, alors on obtient<br />

V(« v = i ») = v, ce qui contredit le résultat précédent.<br />

• Si l'on suppose A vraie <strong>et</strong> B fausse, alors d'après A on<br />

www.gillesjosse.fr 19/303


obtient V(« f = i ») = v, alors qu'on a vu que V(« i =<br />

f ») = i : contradiction.<br />

• A <strong>et</strong> B jouant des rôles symétriques, Si l'on suppose A<br />

fausse <strong>et</strong> B vraie, on aboutit à une nouvelle<br />

contradiction.<br />

• Si enfin l'on suppose A fausse <strong>et</strong> B fausse, alors on<br />

obtient V(« f = i ») = f , ce qui contredit là encore le<br />

résultat précédent.<br />

C'est donc que V(A) = V(B) = i, d'où l'on tire comme<br />

conséquence que : V(« i = i ») = i. Évidemment, il semblerait<br />

que nous nous enfoncions dans le paradoxe, puisque notre<br />

relation d'identité semble prendre des valeurs logiques<br />

auxquelles on ne s'attend pas ! Peu importe, avançons voulez<br />

vous…<br />

Considérant nos trois valeurs de vérité v, i <strong>et</strong> f, on constate<br />

naturellement que l'on peut les combiner entre elles par un<br />

ou, que nous noterons ˅ ou « oû », une opération que nous<br />

appellerons « disjonction ». Ainsi :<br />

• v ˅ i désigne ce qui n'est pas faux, que l'on notera – f<br />

• i ˅ f désigne ce qui n'est pas vrai, que l'on notera – v<br />

www.gillesjosse.fr 20/303


• v ˅ f désigne ce qui est vrai ou faux, que l'on notera –<br />

i<br />

• v ˅ i ˅ f = f ˅ – f = v ˅ – v = i ˅ – i = T désigne<br />

une valeur logique quelconque.<br />

• Φ désigne l'absence de valeur logique possible<br />

On a aussi bien sûr : v ˅ v = v , f ˅ f = f , i ˅ i = i , – v ˅ –<br />

v = – v , <strong>et</strong>c. Illustrons cela par un exemple concr<strong>et</strong>, avec<br />

l'affirmation U = « il fait chaud » :<br />

• V(U) = v il fait chaud<br />

• V(U) = f il fait froid<br />

• V(U) = i il fait frais/doux<br />

• V(U) = – i => il fait chaud ou bien froid,<br />

mais pas les deux, bien sûr !<br />

• V(U) = – v => il ne fait pas chaud il<br />

fait froid ou frais/doux<br />

• V(U) = – f => il ne fait pas froid il fait<br />

chaud ou frais/doux<br />

• V(U) = T il fait un temps quelconque<br />

• V(U) = Φ le temps qu'il fait n'a aucun<br />

sens dans la situation considérée<br />

www.gillesjosse.fr 21/303


On appellera les valeurs de vérité – v , – i ou – f les<br />

« indéterminées de seconde espèce ». Une valeur – v sera<br />

dite « non vraie ». Une valeur – f sera dite « non fausse ».<br />

Revenons alors à la carte r<strong>et</strong>ournée, avec :<br />

A = « ce que dit B est vrai » = « V(B) = v »<br />

B = « ce que dit A est vrai » = « V(A) = v »<br />

• Si A <strong>et</strong> B sont supposées vraies, il n'y a pas de<br />

contradiction, pourvu que V(« v = v ») = v , ce qui ne<br />

nous choque pas.<br />

• Si A est supposée vraie <strong>et</strong> B fausse, alors V(« f = v »)<br />

= v <strong>et</strong> V(« v = v ») = f, ce qui heurte le sens commun,<br />

<strong>et</strong> idem si l'on suppose A fausse <strong>et</strong> B vraie.<br />

• Si A <strong>et</strong> B sont supposées fausses, on en déduit V(« f<br />

= v ») = f, ce qui nous semble plus adéquat.<br />

• Si A est supposée indéterminée de première espèce,<br />

alors V(B) = i <strong>et</strong> B l'est aussi, sans que cela pose de<br />

problème. On ne r<strong>et</strong>iendra pas c<strong>et</strong>te solution, pour la<br />

raisons qui suit.<br />

On pourrait en eff<strong>et</strong> penser que A <strong>et</strong> B peuvent être vraies<br />

toutes deux ou bien fausses ou bien indéterminées de<br />

www.gillesjosse.fr 22/303


première espèce, sans contradiction. On en déduirait donc<br />

que V(A) = V(B) = v ˅ f ˅ i = T. Mais dans c<strong>et</strong>te situation,<br />

cela soulève effectivement une contradiction, car attribuer à<br />

A ou B la valeur i suppose que celles-ci ne peuvent être ni<br />

vraies ni fausses, ce qui n'est pas le cas ici.<br />

On posera donc V(« v = v ») = v <strong>et</strong> V(« f = v ») = f , en<br />

vertu de quoi A <strong>et</strong> B peuvent être vraies toutes deux ou bien<br />

fausses toutes deux, sans contradiction. On en déduit donc<br />

que V(A) = V(B) = v ˅ f = – i, ce qui implique V(« – i = v »)<br />

= – i. Reprenons la carte r<strong>et</strong>ournée, avec :<br />

A = « ce que dit B est faux » = « V(B) = f »<br />

B = « ce que dit A est faux » = « V(A) = f »<br />

• Si A <strong>et</strong> B sont supposées vraies, on obtient V(« v =<br />

f ») = v : impossible.<br />

• Si A <strong>et</strong> B sont supposées fausses, on obtient V(« f =<br />

f ») = f : impossible.<br />

• Si A est supposée vraie <strong>et</strong> B fausse, ou A fausse <strong>et</strong> B<br />

vraie, alors pas de contradiction.<br />

• Si on suppose V(A) = i, alors V(B) = i, sans<br />

contradiction non plus. On ne r<strong>et</strong>iendra pas c<strong>et</strong>te<br />

www.gillesjosse.fr 23/303


solution, pour la même raison que précédemment.<br />

On en déduit donc que V(A) = V(B) = v ˅ f = – i , <strong>et</strong> que<br />

V(« – i = f ») = – i.<br />

Après quoi l'on pose :<br />

A = « ce que dit B est vrai» = « V(B) = v »<br />

B = « ce que dit A est indéterminé de type – i » = « V(A) = –<br />

i »<br />

• Si A <strong>et</strong> B sont supposées vraies, on obtient V(« v = –<br />

i ») = v : impossible.<br />

• Si A <strong>et</strong> B sont supposées fausses, on obtient V(« f = –<br />

i ») = f, alors qu'on attend la valeur – i.<br />

• Si A est supposée vraie <strong>et</strong> B fausse, on obtient V(« v<br />

= – i ») = f , alors qu'on attend la valeur – i.<br />

• Si A est supposée fausse <strong>et</strong> B vraie, on obtient V(« v<br />

= v ») = f : impossible.<br />

On en déduit donc que V(A) = V(B) = i, <strong>et</strong> donc que V(« i<br />

= – i ») = i. On pourrait continuer sans problème la résolution<br />

du « paradoxe » P de la carte r<strong>et</strong>ournée, qui n'en n'est plus un<br />

dans notre logique inhabituelle I, que l'on peut formuler de<br />

manière générale :<br />

www.gillesjosse.fr 24/303


A = « V(B) = a »<br />

B = « V(A) = b »<br />

Avec ( a , b ) pris dans K × K, où K = { Φ , f , – v , i , – i , –<br />

f , v , T }. Si S = ( V(A) , V(B), on peut dresser la table de<br />

vérité partielle de P ( a , b ) = S :<br />

S v – i i f<br />

v ( – i , – i ) ( i , i ) ( i , i ) ( i , i )<br />

– i ( i , i ) ( i , i ) ( i , i ) ( i , i )<br />

i ( i , i ) ( i , i ) ( i , i ) ( i , i )<br />

f ( i , i ) ( i , i ) ( i , i ) ( – i , – i )<br />

Nous avons eu trop souvent l'occasion de lire que<br />

l'adjonction d'une valeur de vérité telle que i ne fait que<br />

déplacer le problème, <strong>et</strong> que l'on se r<strong>et</strong>rouve confronté au<br />

paradoxe, pour a = v ˅ i = – f <strong>et</strong> b = f , par exemple. Qu'en<br />

est-il exactement ? La situation s'énonce ainsi :<br />

A affirme que B est vraie ou indéterminée<br />

B affirme que A est fausse<br />

Le raisonnement fallacieux est alors le suivant :<br />

• Si A est supposée fausse, B est donc vraie (par B).<br />

Mais alors B est bien vraie ou indéterminée, <strong>et</strong> A est<br />

www.gillesjosse.fr 25/303


donc vraie : contradiction.<br />

• Si A est supposée vraie, B est vraie ou indéterminée<br />

(par A). Mais si B est vraie, alors c'est que A est<br />

fausse (par B), d'où contradiction. C'est donc que B<br />

est indéterminée. Mais, si A est supposée vraie, B est<br />

également fausse (par B). On en conclurait donc que i<br />

= f, ce qui n'a pas de sens.<br />

• A ne pouvant être ni vraie ni fausse, on en déduit<br />

qu'elle est indéterminée.<br />

• Supposons alors que B est vraie : A serait donc fausse<br />

(par B). C'est impossible.<br />

• Supposons que B est fausse. Alors A serait fausse (par<br />

A). c'est également impossible.<br />

• B ne pouvant être ni vraie ni fausse, on en déduit<br />

qu'elle est indéterminée.<br />

Jusque là, le raisonnement semble se tenir, même s'il n'est<br />

pas formalisé. La suite du raisonnement consiste à dire que B<br />

étant démontrée indéterminée, on en déduit que A serait vraie<br />

(par A), ce qui n'est pas possible. Comme on va le constater,<br />

la formalisation des énoncés perm<strong>et</strong> de lever c<strong>et</strong> écueil :<br />

www.gillesjosse.fr 26/303


A = « V(B) = v ˅ i = – f »<br />

B = « V(A) = f »<br />

• Si A est supposée vraie, B ne peut être que fausse, par<br />

B, puisque V( « v = f » ) = f. On en déduit V(« f = –<br />

f ») = v : absurde.<br />

• Si A est supposée fausse, B ne peut être que vraie, par<br />

B, puisque V( « f = f » ) = v. On en déduit V(« v = –<br />

f ») = f : absurde également. On attend en eff<strong>et</strong> V(« v<br />

= – f ») = – f, pour la raison suivante : on souhaite<br />

que l’égalité soit distributive par rapport au ou.<br />

Alors, il vient en eff<strong>et</strong> V(« v = – f ») = V(« v = v ˅<br />

i ») = V(« v = v » ˅ (« v = i ») = v ˅ i = – f.<br />

• A ne pouvant être ni vraie ni fausse, on en déduit<br />

qu'elle est indéterminée : V(A) = i. Il vient alors V(B)<br />

= V(« i = f ») = i, c'est-à-dire que B est également<br />

indéterminée.<br />

On en déduit donc que V(A) = V(B) = i, une fois encore,<br />

sans que cela n'implique de contradiction, pour peu que l'on<br />

accepte en conséquence que V(« i = – f ») = i , qui respecte<br />

bien la distributivité demandée, puisque : V(« i = v ») ˅ V(« i<br />

www.gillesjosse.fr 27/303


= i ») = i ˅ i = i.<br />

Dans la résolution du paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée, on se<br />

doit de remarquer à ce point de notre énoncé une différence<br />

fondamentale entre logique H <strong>et</strong> logique I : pour la logique H,<br />

il nous suffit de montrer que l'affirmation A n'est pas vraie,<br />

pour décider qu'elle est fausse, <strong>et</strong> si un raisonnement parallèle<br />

supplémentaire nous l'affirme vraie, c'est soit qu'il y a une<br />

erreur dans nos raisonnements, soit que la situation est du<br />

type illogique, ce qui est sa conclusion avec la carte r<strong>et</strong>ournée<br />

dans de nombreux cas. Pour la logique I, il nous faut<br />

examiner les conséquences des deux hypothèses « A est<br />

vraie » <strong>et</strong> « A est fausse » : Si A peut être vraie sans<br />

contradiction mais non fausse, alors V(A) = v, si c'est<br />

l'inverse, V(A) = f, si les deux mènent à une contradiction,<br />

V(A) = i, <strong>et</strong> si aucune des deux ne mène à une contradiction,<br />

alors V(A) = – i.<br />

Dans la pratique, on n'a pas besoin d'examiner de cas<br />

supplémentaires, car si par exemple l'affirmation A était<br />

de type – v = i ˅ f , alors cela voudrait dire qu'elle peut<br />

être fausse, alors que d'un autre côté, elle ne peut être ni<br />

www.gillesjosse.fr 28/303


vraie ni fausse.<br />

Une autre façon de dire la chose est que la valeur<br />

indéterminée i est une valeur donnée par défaut d'adéquation<br />

des deux autres valeurs : de ce fait, elle ne possède donc pas<br />

exactement le même statut que le vrai <strong>et</strong> le faux. Quand on<br />

méconnaît cela, on en déduit de manière erronée que<br />

l'introduction de la valeur i n'empêche pas la réapparition du<br />

paradoxe, dans la situation de la carte r<strong>et</strong>ournée. Nous avons<br />

bien vu qu'en raisonnant correctement, ça n'est pas le cas, ce<br />

qui constitue déjà un apport important du présent ouvrage à la<br />

littérature sur le suj<strong>et</strong>. Bien sûr cela se paye au prix de<br />

l’introduction d'une relation d'égalité qui prend des valeurs<br />

non triviales, qui peuvent nous sembler un peu étranges, mais<br />

dont nous allons apprendre à nous accommoder.<br />

www.gillesjosse.fr 29/303


Égalité, inégalité <strong>et</strong> logique I :<br />

D'après les résultats acquis grâce à l'étude de la carte<br />

r<strong>et</strong>ournée (en gris), <strong>et</strong> compte tenu de la distributivité<br />

supposée de l'égalité par rapport au oû, on peut facilement<br />

établir la table de vérité de l'égalité entre valeurs logiques.<br />

Avec U = « A = B », on obtient :<br />

U T v – f – i i – v f Φ<br />

T T T T T i T T Φ<br />

v T v – f – i i – v f Φ<br />

– f T – f – f T i – v – v Φ<br />

– i T – i T – i i T – i Φ<br />

i i i i i i i i Φ<br />

– v T – v – v T i – f – f Φ<br />

f T f – v – i i – f v Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

Insistons bien sur le fait que c<strong>et</strong>te distributivité n'est pas<br />

une nécessité en soi, mais un choix délibéré, visant à faciliter<br />

les calculs, d'une part, <strong>et</strong> à assurer la cohérence de c<strong>et</strong>te table<br />

www.gillesjosse.fr 30/303


de vérité, d'autre part. C'est une sorte de principe d'économie<br />

qui aura pour conséquence de nous faciliter les calculs, <strong>et</strong> de<br />

ne faire dépendre l'ensemble des valeurs de sortie d'une<br />

relation que d'un nombre plus limité de valeurs. On a alors,<br />

par exemple :<br />

V( « v = – v » ) = V( « v = i ˅ f » )<br />

= V( « v = i » ˅ « v = f » )<br />

= V( « v = i » ) ˅ V( « v = f » )<br />

= i ˅ f = – v<br />

Concrètement, on peut se demander comment on peut<br />

interpréter une valeur de vérité telle que V(« v = i ») = i ou<br />

V(« i = i ») = i. Reprenons alors notre affirmation U = « il fait<br />

chaud », <strong>et</strong> modélisons la situation.<br />

Supposons que la température en deux endroits A <strong>et</strong> B ne<br />

peut varier qu'entre – 6 °C <strong>et</strong> 26 °C, <strong>et</strong> convenons qu'il fait<br />

« froid » quand la température θa ou θb est comprise entre –<br />

6 °C <strong>et</strong> 0 °C, qu'il fait chaud quand la température est<br />

comprise entre 20 °C <strong>et</strong> 26 °C, <strong>et</strong> qu'il fait frais/doux entre<br />

ces deux limites.<br />

• Si θa = 1 °C, alors l'écart entre c<strong>et</strong>te température <strong>et</strong> le<br />

www.gillesjosse.fr 31/303


froid vaut 1 °C, alors qu'avec le chaud, il vaut 19 °C.<br />

• Si θb = 19 °C, alors l'écart entre c<strong>et</strong>te température <strong>et</strong><br />

le froid vaut 19 °C , alors qu'avec le chaud, il vaut 1<br />

°C.<br />

• L'écart entre θa <strong>et</strong> θb vaut lui 18 °C.<br />

Si Ua = « il fait chaud en A » <strong>et</strong> Ub = « il fait chaud en<br />

B », on constate alors que dans les deux cas V(Ua) = V(Ub) =<br />

i , alors que Ua est presque fausse <strong>et</strong> Ub presque vraie, ce qui<br />

légitime « par l'exemple » V(« i = i ») = i , V(« v = i ») = i <strong>et</strong><br />

V(« f = i ») = i. Plus précisément :<br />

• L'écart moyen entre le chaud <strong>et</strong> le froid vaut 26 °C.<br />

• L'écart moyen entre le chaud <strong>et</strong> le frais/doux égale<br />

celui entre le froid <strong>et</strong> le frais/doux <strong>et</strong> vaut 13 °C. Ces<br />

deux situations correspondent à V(« Ua = Ub ») =<br />

V(« v = i ») = i ou V(« f = i ») = i.<br />

• L'écart moyen entre deux températures comprises<br />

dans le frais/doux vaut 10 °C, qui n'est pas très<br />

éloigné du nombre précédent. C<strong>et</strong>te situation<br />

correspond à V(« i = i ») = i.<br />

• L'écart moyen entre deux températures comprises<br />

www.gillesjosse.fr 32/303


dans le froid égale celui entre deux températures<br />

comprises dans le chaud <strong>et</strong> vaut 3 °C, qui se<br />

rapproche de 0 comparé aux deux autres nombres.<br />

Plus la plage de valeur réservée à la valeur indéterminée<br />

est grande, <strong>et</strong> plus nos valeurs de vérité un peu étranges a<br />

priori s'en trouvent empiriquement « justifiées ».<br />

On r<strong>et</strong>iendra pour finir ce qu'on appellera « tableau<br />

racine » de la relation d'égalité, à partir duquel toutes les<br />

autres valeurs se déduisent, du fait de la distributivité entre<br />

l'égalité <strong>et</strong> le ou : V(( a ˅ b ) = c ) = V( a = c ) ˅ V( b = c )<br />

A = B v i f<br />

v v i f<br />

i i i i<br />

f f i v<br />

Étudions maintenant la relation d'inégalité grâce à une<br />

version généralisée du paradoxe du menteur, qui dit M =<br />

« V(M) = f », en notant M1 = « V(M1) ≠ v ».<br />

• Si V(M1) = v, on obtient V(« v ≠ v ») = v, ce qui n'est<br />

guère raisonnable. Si, comme cela paraît<br />

indispensable, V(« v ≠ v ») = f, on obtient c<strong>et</strong>te fois<br />

www.gillesjosse.fr 33/303


une contradiction.<br />

• Si V(M1) = f, on obtient V(« f ≠ v ») = f, ce qui ne<br />

convient pas. Si on pose plus raisonnablement V(« f<br />

≠ v ») = v, on obtient une contradiction.<br />

En conclusion, M1 est indéterminée de première espèce, <strong>et</strong><br />

V(M1) = i = V(« i ≠ v »). Notons maintenant M2 = « V(M2)<br />

≠ f » : par une discussion analogue, on obtient V(M2) = i =<br />

V(« i ≠ f »). Enfin, on prend M3 = « V(M3) ≠ i » : on obtient<br />

alors V(M3) = i = V(« i ≠ i ». Voici donc le tableau racine de<br />

l'inégalité :<br />

A ≠ B v i f<br />

v f i v<br />

i i i i<br />

f v i f<br />

On donne maintenant le tableau compl<strong>et</strong> de l'égalité. Pour<br />

obtenir ce tableau compl<strong>et</strong>, on a là encore utilisé la<br />

distributivité du oû, par rapport à l'inégalité, c<strong>et</strong>te fois. Par<br />

exemple :<br />

V( « v ≠ – f » ) = V( « v ≠ v » ˅ « v ≠ i » ) = f ˅ i = – v<br />

www.gillesjosse.fr 34/303


≠ T v – f – i i – v f Φ<br />

T T T T T i T T Φ<br />

v T f – v – i i – f v Φ<br />

– f T – v – v T – f – f – f Φ<br />

– i T – i T – i i T – i Φ<br />

i i i i i i i i Φ<br />

– v T – f – f T i – v – v Φ<br />

f T v – f – i i – v f Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

Dans le chapitre suivant, où l'on définit la somme <strong>et</strong> le<br />

produit logique de deux variables, on utilisera encore ce que<br />

nous pouvons donc appeler notre « règle de distributivité ».<br />

www.gillesjosse.fr 35/303


Disjonction, somme <strong>et</strong> produit logiques<br />

Considérons une relation logique R, du type A × CD => B,<br />

ce qu'on lira « A implique B sous condition CD », où V(A),<br />

V(CD) <strong>et</strong> V(B) sont pris dans K = { Φ , f , – v , i , – i , – f , v ,<br />

T }, S = V(B) = z dépendant du couple d'entrée E = ( V(A),<br />

V(CD) ) = ( x , y ).<br />

Partons de la situation concrète d'un morceau de terrain en<br />

plein air, où un arroseur est installé qui peut fonctionner ou<br />

pas, indépendamment du fait qu'il pleuve ou pas ou même<br />

pleuvine, avec :<br />

A = « il pleut »<br />

CD = « l'arroseur fonctionne »<br />

B= « le sol est mouillé »<br />

x = v « il pleut »<br />

x = i « il pleuvine »<br />

x = f « il ne pleut pas »<br />

y = v « l'arroseur fonctionne à plein régime »<br />

y = i « l'arroseur fonctionne doucement »<br />

www.gillesjosse.fr 36/303


y = f « l'arroseur ne fonctionne pas »<br />

z = v « le sol est bien mouillé »<br />

z = i « le sol est légèrement mouillé »<br />

z = f « le sol est sec »<br />

Évidemment, on a encore les valeurs logiques dérivées,<br />

indéterminées du second type. Par exemple, quand il pleuvine<br />

<strong>et</strong> que l'arroseur fonctionne doucement, on peut poser que le<br />

sol est seulement légèrement mouillé, soit z = i. Dès que x =<br />

v ou y = v , on a z = v. Quand x = f , z = y <strong>et</strong> quand y = f , z =<br />

x. Etc.<br />

On peut alors établir le tableau de vérité de la relation R,<br />

qui est celle de la somme entre deux valeurs logiques de<br />

même nature, puisque l'arroseur <strong>et</strong> la pluie ont le même<br />

fonctionnement. Nous conviendrons que ce tableau est celui<br />

de la « somme logique », notée « + ». Les valeurs grisées<br />

sont les valeurs « principales », dont tous les autres<br />

découlent, par l'application de notre règle de distributivité.<br />

Nous la faisons suivre de la table de vérité du « produit<br />

logique », noté « & » :<br />

www.gillesjosse.fr 37/303


+ T v – f – i i – v f Φ<br />

T T v – f T – f T T T<br />

v v v v v v v v Φ<br />

– f – f v – f – f – f – f – f Φ<br />

– i T v – f – i – f T – i Φ<br />

i – f v – f – f i i i Φ<br />

– v T v – f T i – v – v Φ<br />

f T v – f – i i – v f Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

& T v – f – i i – v f Φ<br />

T T T T T – v – v f Φ<br />

v T v – f – i i – v f Φ<br />

– f T – f – f T i – v f Φ<br />

– i T – i T – i – v – v f Φ<br />

i – v i i – v i – v f Φ<br />

– v – v – v – v – v – v – v f Φ<br />

f f f f f f f f Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

www.gillesjosse.fr 38/303


Les valeurs grisées sont les valeurs « principales », dont<br />

toutes les autres découlent. Par exemple : v & – f = v & ( i oû<br />

v ) = ( v & i ) oû ( v & v ) = i oû v = – f.<br />

En examinant les tables de vérité du « <strong>et</strong> » <strong>et</strong> du « ou », on<br />

peut alors remarquer que si l'on pose v ≥ – f ≥ i ≥ – v ≥ f , on<br />

a les formules :<br />

V( U + W ) = Max ( V(U) , V(W) )<br />

V( U & W ) = Min ( V(U) , V(W) )<br />

Ces formules ne sont valables que pour V(U) <strong>et</strong> V(W)<br />

prises dans K' = { v , – f , i , – v , f }. On a alors les sous-<br />

tableaux suivants :<br />

U + W v – f i – v f<br />

v v v v v v<br />

– f v – f – f – f – f<br />

i v – f i i i<br />

– v v – f i – v – v<br />

f v – f i – v f<br />

www.gillesjosse.fr 39/303


U & W v – f i – v f<br />

v v – f i – v f<br />

– f – f – f i – v f<br />

i i i i – v f<br />

– v – v – v – v – v f<br />

f f f f f f<br />

Revenons à notre relation R = « A × CD => B ». Dans la<br />

pratique, seules les valeurs prises par la sortie S = z quand<br />

l'entrée E = ( x , y ) est prise dans K0 × K0, avec K0 = { v , i ,<br />

f }, sont « importantes » : les autres s'en déduisent par<br />

combinaison de valeurs, par l'application de la règle de<br />

distributivité. Autrement dit, le comportement du système est<br />

complètement déterminé par la donnée d'un tableau 3 × 3.<br />

Voyons cela sur un exemple :<br />

R v i f<br />

v v i i<br />

i v f i<br />

f i f i<br />

www.gillesjosse.fr 40/303


Pour calculer S ( – v , – i ) = S ( i ˅ f , v ˅ f ) , on n'a qu'a<br />

appliquer le oû logique entre les 4 cases du tableau qu'on a<br />

grisé : c'est v ˅ i = – f.<br />

Ce tableau sera appelé « tableau racine » <strong>et</strong> K0 = { v ,<br />

i , f } sera appelé le « cœur » de l'ensemble des valeurs<br />

logiques K. Les valeurs de sortie du tableau racine seront<br />

dites « valeurs principales » de la relation R.<br />

La relation R = « A × CD => B » sera dite<br />

« déterministe » ou « certaine » si son tableau racine ne<br />

comporte que des valeurs appartenant au cœur, ou<br />

valeurs logiques « certaines ».<br />

Évidemment, il n'échappera à personne que i est une<br />

valeur « certaine », qu'on a pourtant appelée indéterminée de<br />

première espèce : elle n'est en fait indéterminée que pour la<br />

logique H. Reprenons alors le tableau racine de l'égalité entre<br />

V(A) <strong>et</strong> V(CD) :<br />

V(A) = V(CD) v i f<br />

v v i f<br />

i i i i<br />

f f i v<br />

www.gillesjosse.fr 41/303


La relation d'égalité est donc une relation déterministe, ce<br />

qui signifie que l'on peut la modéliser par un système<br />

physique dont l'état de sortie est complètement déterminé par<br />

l'état des deux entrées, pourvu qu'elles correspondent à des<br />

valeurs logiques de cœur.<br />

On peut en eff<strong>et</strong> programmer un circuit électrique à deux<br />

entrées A <strong>et</strong> CD, dont la tension peut prendre la valeur 0 V,<br />

2,5 V ou 5 V, tel que la sortie prenne l'une de ces valeurs, en<br />

respectant la table de vérité ci-dessus.<br />

Pour ceux qui ne seraient pas convaincus de c<strong>et</strong>te<br />

« vérité », nous allons développer dans un prochain chapitre<br />

le concept de machine à beurre universelle, qui réalisera une<br />

implémentation de c<strong>et</strong>te relation, comme de toute autre<br />

relation déterministe ou pas.<br />

Mais avant de terminer ce chapitre-ci, nous donnons le<br />

tableau racine, puis le tableau compl<strong>et</strong> de ce que nous avons<br />

appelé « disjonction », notée « ˅ »ou « oû », qui nous sera<br />

utile par la suite. On remarquera que la relation z = x ˅ y n'est<br />

pas déterministe : elle indique ni plus ni moins la manière<br />

dont les valeurs logiques de cœur se combinent entre elles<br />

www.gillesjosse.fr 42/303


pour donner naissance aux autres valeurs logiques – f , – i , –<br />

v <strong>et</strong> T.<br />

z = x ˅ y v i f<br />

v v – f – i<br />

i – f i – v<br />

f – i – v f<br />

˅ T v – f – i i – v f Φ<br />

T T T T T T T T Φ<br />

v T v – f – i – f T – i Φ<br />

– f T – f – f T – f T T Φ<br />

– i T – i T – i T T – i Φ<br />

i T – f – f T i – v – v Φ<br />

– v T T T T – v – v – v Φ<br />

f T – i T – i – v – v f Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

On notera bien que x ˅ Φ = Φ, tout comme x + Φ = Φ <strong>et</strong> x<br />

& Φ = Φ. Cela revient à considérer qu'un système logique à<br />

deux entrées ne prendra aucun état logique connu quand l'une<br />

d'entre elle ne prend aucune valeur logique reconnue.<br />

www.gillesjosse.fr 43/303


La valeur i ˅ i = i nous indique bien que c<strong>et</strong>te opération n'a<br />

de sens concr<strong>et</strong> que pour la valeur de sortie d'une relation, ou<br />

bien deux valeurs d'entrée de même nature. Ainsi, si A = « il<br />

pleut » <strong>et</strong> B = « Jean est de bonne humeur », on voit que<br />

V(A) = i veut dire qu'il pleuvine, que V(B) = i veut dire que<br />

Jean est d'humeur neutre, mais que i ˅ i = i n'a aucun sens<br />

ici.<br />

www.gillesjosse.fr 44/303


Interprétation de la règle de distributivité<br />

Nous avons introduit notre « règle de distributivité »<br />

quand nous avons posé le tableau compl<strong>et</strong> des relations<br />

binaires d'égalité <strong>et</strong> d'inégalité. Nous avons indiqué qu'à ce<br />

moment, cela nous apparaissait un moyen commode d'assurer<br />

la cohérence de ce tableau. Nous l'avons de fait utilisée de<br />

nouveau pour construire les tableaux compl<strong>et</strong>s de la somme<br />

<strong>et</strong> du produit logique, <strong>et</strong> de ce que nous avons appelé<br />

« disjonction ». Ainsi, si u1 <strong>et</strong> u2 désignent deux valeurs<br />

logiques non nulles de K*, éventuellement égales, on peut<br />

poser :<br />

u1 = x1 ˅ y1 ˅ z1<br />

u2 = x2 ˅ y2 ˅ z2<br />

Avec x1, x2 , y1, y2, z1 <strong>et</strong> z2 éventuellement égales, prises<br />

dans K0 = { v , i , f }. Si × désigne l'une des relations binaires<br />

= , ≠ , + , & ou ˅, on a donc :<br />

u1 × u2 = ( x1 ˅ y1 ˅ z1 ) × ( x2 ˅ y2 ˅ z2 ) = ( x1 × x2 ) ˅ (<br />

x1 × y2 ) ˅ ( x1 × z2 ) ˅ ( y1 × x1 ) ˅ ( y1 × y2 ) ˅ ( y1 × z2 )<br />

www.gillesjosse.fr 45/303


C<strong>et</strong>te décomposition n'est véritablement utile que lorsque<br />

u1 ou u2 sont des valeurs « composées », nommément – v , –<br />

i , – f ou T, qui correspondent à une « superposition d'états ».<br />

Considérant la relation logique × comme système<br />

logique à deux entrées <strong>et</strong> une sortie, notre règle de<br />

distributivité s'interprète simplement en affirmant que la<br />

valeur de sortie possible du système est la disjonction des<br />

au plus neuf états de sortie effectivement réalisables.<br />

Dans ce sens, elle perd tout son mystère <strong>et</strong> tout son<br />

caractère arbitraire, pour devenir une « évidence », ce qui<br />

n'était pas forcément le cas, quand on l'a introduite avec la<br />

relation d'égalité.<br />

www.gillesjosse.fr 46/303


Un peu de logique câblée :<br />

Voyons comment réaliser la disjonction entre deux valeurs<br />

logiques. On injecte les valeurs suivantes aux deux bornes<br />

d'un sommateur de tension :<br />

U = 0 V correspond à la valeur de vérité Φ<br />

U = 5 V correspond à la valeur de vérité f<br />

U = 7 V correspond à la valeur de vérité i<br />

U = 11 V correspond à la valeur de vérité v<br />

cas :<br />

Alors, on récupère les valeurs suivantes en sortie, selon les<br />

U = 0 V correspond à la valeur de vérité Φ<br />

U = 5 ou 10 V correspond à la valeur de vérité f<br />

U = 7 ou 14 V correspond à la valeur de vérité i<br />

U = 11 ou 22 V correspond à la valeur de vérité v<br />

U = 12 V correspond à la valeur de vérité – v<br />

U = 16 V correspond à la valeur de vérité – i<br />

U = 18 V correspond à la valeur de vérité – f<br />

Si U = 10, 14 ou 22 V, on divise la tension par deux, <strong>et</strong><br />

dans les autres cas, on n'y touche pas. Si on a deux dispositifs<br />

www.gillesjosse.fr 47/303


de ce genre, on génère ainsi deux entrées x <strong>et</strong> y, prenant leur<br />

valeur dans K/{T}, correspondant à l'une des tensions parmi<br />

les valeurs 0, 5 , 7 , 11 , 12, 16, 18. U = 23 V correspondra à<br />

la valeur de vérité T. On combine alors ces deux entrées dans<br />

un nouveau sommateur de tension, à peu près identique au<br />

précédent, <strong>et</strong> on obtient c<strong>et</strong>te fois un signal de sortie valant :<br />

U = 0 V correspondant à Φ<br />

U = 5 ou 10 V correspondant à f<br />

U = 7 ou 14 V correspondant à i<br />

U = 11 ou 22 V correspondant à v<br />

U = 17, 19, 12 ou 24 V correspondant à – v<br />

U = 21, 27, 16 ou 32 V correspondant à – i<br />

U = 25 , 29, 18 ou 36 V correspondant à – f<br />

U = 28, 30, 34, 23 ou 46 V correspondant à T<br />

On ramène c<strong>et</strong>te valeur de sortie S à l'une parmi 0, 5, 7,<br />

11, 12, 16, 18 ou 23 V, correspondant à l'une des valeurs de<br />

vérité de K. On constate qu'on a bien réalisé l'opération S = x<br />

˅ y.<br />

Partant de là, on considère maintenant un multiplicateur<br />

de tension à deux entrées prenant leur valeur parmi 1, 5, 7,<br />

www.gillesjosse.fr 48/303


11, 12, 16, 18 ou 23 V, correspondant à l'une des valeurs de<br />

vérité de K, la valeur 1 étant maintenant affectée à Φ. On a le<br />

tableau suivant :<br />

× T v – f – i i – v f Φ<br />

T 529 253 414 368 161 276 115 23<br />

v 121 198 176 77 132 55 11<br />

– f 324 288 126 216 90 18<br />

– i 256 112 192 80 16<br />

i 77 49 84 35 7<br />

– v 144 60 12<br />

f 55 35 25 5<br />

Φ 1<br />

Par construction, ce tableau respecte la règle de<br />

distributivité, <strong>et</strong> il est symétrique par rapport à sa première<br />

diagonale, signalant la commutativité de la relation. On peut<br />

alors choisir de traduire chacune des six valeurs principales<br />

distinctes 121, 77, 55, 49, 35, 25 V en l'une des tensions<br />

parmi 1, 5, 7, 11, 12, 16, 18 ou 23 V, <strong>et</strong> on réalise ainsi par<br />

exemple la somme « + » ou le produit logique »& », l'égalité<br />

ou l'inégalité.<br />

www.gillesjosse.fr 49/303


Du fait que toutes les cases portent des nombres différents,<br />

hormis la symétrie déjà mentionnée, on peut même modéliser<br />

de c<strong>et</strong>te manière une relation arbitraire qui ne respecterait pas<br />

le principe de distributivité, soit la superposition d'états, à<br />

condition qu'elle soit commutative.<br />

Pour modéliser une relation non commutative, on pourrait<br />

diviser les tensions, au lieu de les multiplier, ou en tout cas<br />

utiliser une opération non commutative entre valeurs de<br />

tension : par exemple S = x × ( y + 1000 ) ou x × ( y + 30 ),<br />

avec x pris entre 1 <strong>et</strong> 8, correspondant à chacune des valeurs<br />

logiques.<br />

www.gillesjosse.fr 50/303


Affirmation contraire <strong>et</strong> négation<br />

Nous intercalons ce chapitre pour introduire la différence<br />

entre deux notions que nous appellerons le contraire <strong>et</strong> la<br />

négation d'une affirmation. Si nous reprenons l'exemple de la<br />

pluie qui tombe <strong>et</strong> que nous posons A = « il pleut », le<br />

contraire ou affirmation contraire de A, c'est ce que nous<br />

noterons « –* A », qui dit « il pleut n'est pas vrai » = « il pleut<br />

est faux », alors que la négation de A, notée « – A », affirme,<br />

elle, « il pleuvine ou ne pleut pas du tout ».<br />

La relation contraire est involutive, mais pas la négation :<br />

le contraire du contraire de A donne A. Cela fait du contraire<br />

une « négation », au sens habituel que les logiciens lui<br />

donnent, alors que notre négation n'en n'est pas une. On a<br />

donc, suivant nos définitions :<br />

• V(–* A) = V( « V(A) ≠ v » ) = V( « V(A) = f » ) <strong>et</strong> on<br />

peut se reporter à la table de vérité de l'égalité ou de<br />

l'inégalité, page 30 <strong>et</strong> suivantes.<br />

• V(– A) = V( « V(A) = i ˅ V(A) = f » )<br />

D'où les deux tables de vérité en parallèle :<br />

www.gillesjosse.fr 51/303


A T v – f – i i – v f Φ<br />

–* A T f – v – i i – f v Φ<br />

– A T – v – v T i – f – f Φ<br />

La relation « contraire » nous sera utile pour rendre<br />

compte des relations de symétrie par rapport à la ligne ou la<br />

colonne médiane d'une table de vérité : par exemple, si R<br />

( A , B ) à la même table de vérité que R ( A , –* B ), alors<br />

celle -ci est symétrique par rapport à la colonne médiane, <strong>et</strong><br />

réciproquement. Les lois de De Morgan sont vérifiées avec<br />

les deux relations, comme on peut aisément le vérifier à la<br />

main :<br />

–* ( A & B ) = ( –* A + ( –* B ) )<br />

–* ( A + B ) = ( –* A & ( –* B ) )<br />

– ( A & B ) = ( – A + ( – B ) )<br />

– ( A + B ) = ( – A & ( – B ) )<br />

On s'aperçoit alors qu'il y a une dissymétrie entre les<br />

affirmations que l'on peut faire au suj<strong>et</strong> de la situation<br />

concrète du temps qu'il fait, par exemple. En eff<strong>et</strong>, affirmer<br />

« il pleut » « équivaut » à affirmer son contraire, « il ne pleut<br />

www.gillesjosse.fr 52/303


pas », dans le sens où ces deux affirmations peuvent prendre<br />

trois valeurs de vérités distinctes, contraires deux à deux,<br />

puisque le contraire de v est f, <strong>et</strong> inversement, <strong>et</strong> que le<br />

contraire de i est i : on dira que « il pleut » <strong>et</strong> « il ne pleut<br />

pas », son contraire, sont deux affirmations « <strong>molle</strong>s »<br />

« extrêmes ».<br />

Quand « il pleut » vaut i, « il ne pleut pas » vaut aussi i, <strong>et</strong><br />

c'est alors qu'il pleuvine. S'il ne pleuvine pas, l'une vaut f<br />

quand l'autre vaut v, <strong>et</strong> inversement. On dira que « il<br />

pleuvine » est une affirmation « <strong>molle</strong> » « intermédiaire »,<br />

puisque le fait qu'il pleuvine correspond à une situation<br />

intermédiaire entre la pluie <strong>et</strong> l'absence de pluie.<br />

En revanche, quand j'affirme « il pleuvine »,<br />

correspondant justement à c<strong>et</strong> état intermédiaire, l'affirmation<br />

contraire « il pleuvine n'est pas vrai » = « il pleuvine est<br />

faux » = « il ne pleuvine pas » peut prendre différentes<br />

valeurs de vérité quand il pleut ou ne pleut pas du tout, selon<br />

un choix que l'on peut effectuer <strong>et</strong> que nous allons expliciter.<br />

On a en eff<strong>et</strong> un premier choix, qui consiste à poser<br />

simplement une alternative : il pleuvine effectivement ou<br />

www.gillesjosse.fr 53/303


ien il ne pleuvine pas. Autrement dit, « il pleuvine » est c<strong>et</strong>te<br />

fois une affirmation que nous qualifierons de « triviale ».<br />

Tableau 1 V ( « il pleut » )<br />

v i f<br />

Il pleut v i f<br />

Il pleuvine f v f<br />

Il ne pleut pas f i v<br />

L'inconvénient de ce premier choix, c'est que V(« il<br />

pleut ») = i quand il pleuvine, alors que V(« il pleuvine ») = f<br />

quand il pleut, par exemple : il y a là une dissymétrie qui<br />

choque la raison. Nous ne r<strong>et</strong>iendrons donc pas c<strong>et</strong>te solution.<br />

Mais, en poursuivant c<strong>et</strong> exemple, si A = « il pleut », on<br />

pourrait poser que sa négation – A = « il pleuvine ou ne pleut<br />

pas du tout » vaut v quand il pleuvine ou ne pleut pas du tout,<br />

<strong>et</strong> f quand il pleut, <strong>et</strong> de même pour l'affirmation contraire –*<br />

A. C<strong>et</strong>te façon de faire revient à effectuer ce que nous<br />

appellerons la « reformulation assertive » de A. On aurait<br />

alors :<br />

www.gillesjosse.fr 54/303


Tableau 2 V ( « il pleut » )<br />

v i f<br />

Il pleut v f f<br />

Il pleuvine f v f<br />

Il ne pleut pas f f v<br />

Alors, la dissymétrie dont nous parlions disparaît en eff<strong>et</strong>,<br />

mais on perd en contrepartie le bénéfice qu'il y a à rendre<br />

compte de manière graduée de l'affirmation A ou son<br />

contraire.<br />

Aussi, pour des raisons de cohérence <strong>et</strong> de simplicité,<br />

comme nous allons le voir un peu plus loin, nous devons<br />

nous résoudre à adopter le tableau suivant :<br />

Tableau 3 V ( « il pleut » )<br />

v i f<br />

Il pleut v i f<br />

Il pleuvine i i i<br />

Il ne pleut pas f i v<br />

www.gillesjosse.fr 55/303


Nous r<strong>et</strong>iendrons donc le tableau 3, même s'il nous sera<br />

parfois par la suite nécessaire d'envisager la manière du<br />

tableau 2 de présenter les choses, de façon à « coller » au<br />

mieux à la situation étudiée. Ainsi, comme nous le verrons<br />

plus loin, c'est bien celle-ci qui perm<strong>et</strong> seule d'énoncer que<br />

V( « il pleut » <strong>et</strong> « il pleuvine » <strong>et</strong> « il ne pleut pas du tout » )<br />

= f, quelque soit le temps qu'il fait, soit de traduire le principe<br />

de non-contradiction de la logique H dans la logique I par une<br />

antilogie.<br />

Alors, avec c<strong>et</strong>te façon de voir, s'il pleuvine effectivement,<br />

on n'a pas tout à fait tort d'affirmer qu'il pleut, ni tout à fait<br />

tort d'affirmer qu'il ne pleut pas, <strong>et</strong> évidemment aussi pas tout<br />

à fait raison d'affirmer qu'il pleuvine, ce qui représente<br />

l'aspect paradoxal de c<strong>et</strong>te approche.<br />

Poursuivons alors notre discussion en détaillant les<br />

affirmations énoncées par le contraire <strong>et</strong> la négation des<br />

affirmations A = « il pleut », B = « il pleuvine » <strong>et</strong> C = « il ne<br />

pleut pas » :<br />

Commençons par le contraire :<br />

www.gillesjosse.fr 56/303


De manière générale, le contraire –*P d'une<br />

affirmation P affirme que P n'est pas vraie ou bien encore<br />

que P est fausse : V( –*P ) = V( V( P ) = f )<br />

Le contraire de A, –*A , affirme « il pleut n'est pas vrai »,<br />

soit « V(A) ≠ v » ou encore « V(A) = f ». Alors, avec les<br />

conventions du tableau 2 vu ci-dessus :<br />

• S'il pleut, V(A) = v <strong>et</strong> V(–*A) = f<br />

• S'il pleuvine, V(A) = f <strong>et</strong> V(–*A) = f<br />

• S'il ne pleut pas, V(A) = f <strong>et</strong> V(–*A) = v<br />

Si l'on adopte plutôt les conventions du tableau 3 :<br />

• S'il pleut, V(A) = v <strong>et</strong> V(–*A) = f<br />

• S'il pleuvine, V(A) = i <strong>et</strong> V(–*A) = i<br />

• S'il ne pleut pas, V(A) = f <strong>et</strong> V(–*A) = v<br />

Le contraire de B, –*B , affirme « il pleuvine n'est pas vrai »,<br />

soit « V(B) ≠ v » ou encore « V(B) = f ».<br />

Alors, avec les conventions du tableau 2 :<br />

• S'il pleut, V(B) = f <strong>et</strong> V(–*B) = v<br />

• S'il pleuvine, V(B) = v <strong>et</strong> V(–*B) = f<br />

www.gillesjosse.fr 57/303


• S'il ne pleut pas, V(B) = f <strong>et</strong> V(–*B) = v<br />

Avec les conventions du tableau 3 :<br />

• S'il pleut, V(B) = i <strong>et</strong> V(–*B) = i<br />

• S'il pleuvine, V(B) = i <strong>et</strong> V(–*B) = i<br />

• S'il ne pleut pas, V(B) = i <strong>et</strong> V(–*B) = i<br />

Le cas de l'affirmation C = « il ne pleut pas » est<br />

symétrique de celui de l'affirmation A <strong>et</strong> ne pose pas de<br />

difficultés : que l'on adopte le tableau 2 ou le tableau 3, on<br />

s'aperçoit que la table de vérité du contraire est bien<br />

respectée.<br />

Voyons maintenant la négation :<br />

La négation de – P d'une affirmation P affirme quant à<br />

elle que P est fausse ou indéterminée, soit, compte tenu de<br />

la distributivité de l'égalité par rapport à la disjonction :<br />

V( – P ) = V( V( P ) = – v ) = V( V( P ) = i ˅ f ) = V( V( P ) =<br />

i ) ˅ V( V(P) = f )<br />

La négation –A de A affirme donc qu'il pleut est fausse ou<br />

bien qu'il pleut est indéterminée.<br />

www.gillesjosse.fr 58/303


Alors, avec les conventions du tableau 2 :<br />

• S'il pleut, V(A) = v <strong>et</strong> V(–A) = V( « v = i ˅ v = f » ) =<br />

i ˅ f = – v<br />

• S'il pleuvine, V(A) = f <strong>et</strong> V(–A) = V( « f = i ˅ f = f » )<br />

= i ˅ v = – f<br />

• S'il ne pleut pas, V(A) = f <strong>et</strong> V(–A) = – f<br />

Avec les conventions du tableau 3 :<br />

• S'il pleut, V(A) = v <strong>et</strong> V(–A) = – v<br />

• S'il pleuvine, V(A) = i <strong>et</strong> V(–A) = V( « i = i ˅ i = f » )<br />

= i ˅ i = i<br />

• S'il ne pleut pas, V(A) = f <strong>et</strong> V(–A) = – f<br />

La négation –B de B affirme qu'il pleuvine est fausse ou bien<br />

qu'il pleuvine est indéterminée.<br />

Alors, avec les conventions du tableau 2 :<br />

• S'il pleut, V(B) = f <strong>et</strong> V(– B) = V( « f = i ˅ f = f » ) = i<br />

˅ v = – f<br />

• S'il pleuvine, V(B) = v <strong>et</strong> V(– B) = V( « v = i ˅ v = f »<br />

) = i ˅ f = – v<br />

• S'il ne pleut pas, V(B) = f <strong>et</strong> V(–B) = – f<br />

www.gillesjosse.fr 59/303


Avec les conventions du tableau 3 :<br />

• S'il pleut, V(B) = i <strong>et</strong> V(–A) = i<br />

• S'il pleuvine, V(B) = i <strong>et</strong> V(–B) = i<br />

• S'il ne pleut pas, V(B) = i <strong>et</strong> V(– B) = i<br />

Le cas de l'affirmation C = « il ne pleut pas » est symétrique<br />

de celui de l'affirmation A <strong>et</strong> ne pose pas de difficultés :<br />

Que l'on adopte le tableau 2 ou le tableau 3, on<br />

s'aperçoit que la table de vérité de la négation est là<br />

encore respectée.<br />

On remarquera bien que nos deux relations « contraire » <strong>et</strong><br />

« négation » coïncident avec la négation habituelle de la<br />

logique H quand l'affirmation à laquelle elle s'applique ne<br />

peut prendre que les valeurs de vérité v ou f.<br />

C'est clair pour le contraire, mais cela demande une p<strong>et</strong>ite<br />

explication pour la négation. Cela vient de ce que la valeur –<br />

v = i ˅ f est en pratique égale à f, <strong>et</strong> – f = v ˅ i à v quand la<br />

valeur i disparaît.<br />

Notons aussi au passage le fait important suivant :<br />

notre contraire <strong>et</strong> notre négation respectent la règle de<br />

www.gillesjosse.fr 60/303


distributivité.<br />

Le contraire d'une affirmation telle que A = « il pleut »<br />

peut être énoncé de manière univoque par l'affirmation « il ne<br />

pleut pas est vrai », qui a donc un sens « simple » dans le<br />

langage courant, qui n'est pas le même de celui que nous<br />

avons donné à « il ne pleut pas » = « il pleuvine ou ne pleut<br />

pas du tout ». On constate donc au passage la difficulté qui se<br />

présente d'interpréter sans ambiguïté les énoncés du langage<br />

courant, tant nous sommes habitués à raisonner de manière<br />

dichotomique, sans pour autant nous interdire de considérer<br />

les énoncés intermédiaires.<br />

C'est ce qui fait la principale difficulté de lire un ouvrage<br />

tel que celui-ci, qui se propose de formaliser ce « rapport à<br />

l'intermédiaire » de manière assez empirique, pour ne pas<br />

perdre l'honnête homme qui s'intéresse à la logique sans en<br />

être spécialiste par des notations <strong>et</strong> des considérations trop<br />

abstraites : une position que nous pouvons qualifier elle-<br />

même d'intermédiaire, plutôt que de « paradoxale », puisque,<br />

rappelons-le, notre propos consiste à nous accommoder de ce<br />

qui est de prime abord souvent rej<strong>et</strong>é comme mal-formé, car<br />

www.gillesjosse.fr 61/303


mal compris.<br />

C'est notre position, qui consiste à affirmer <strong>et</strong> à<br />

conceptualiser le fait que l'anormal possède pour ainsi dire un<br />

statut équivalent à celui du normal, qu'il participe à délimiter<br />

pour former une totalité close, en premier examen.<br />

On rappellera pour terminer l'application de la relation<br />

« contraire » qui perm<strong>et</strong> de passer de la somme au produit, <strong>et</strong><br />

inversement, par les lois de De Morgan :<br />

A + B = –* (( –* A ) & ( –* B ))<br />

A & B = –* (( –* A ) + ( –* B ))<br />

C'est cela même qui nous perm<strong>et</strong> de justifier a posteriori la<br />

table de vérité du produit &. On a encore les relations<br />

suivantes :<br />

( A ≠ B ) = –* ( ( –* A ) = ( –* B ) )<br />

( A = B ) = –* ( ( –* A ) ≠ ( –* B ) )<br />

Ainsi, ce que nous avons appelé le « contraire » d'une<br />

affirmation perm<strong>et</strong> de symétriser les relation + <strong>et</strong> & d'une<br />

part, = <strong>et</strong> ≠ d'autre part.<br />

www.gillesjosse.fr 62/303


Machines à beurre élémentaires, universelles<br />

Partons du problème pratique suivant : on veut garder une<br />

provision de beurre toujours bien dure, qu'il fasse chaud,<br />

doux ou froid, <strong>et</strong> la dur<strong>et</strong>é du beurre ne dépend que de la<br />

température à laquelle il est maintenu. Le beurre est de ce fait<br />

soit dur soit tendre soit carrément mou. On se demande quelle<br />

« machine » utiliser pour cela, la machine en question<br />

n'agissant que sur la température du beurre. La machine, dans<br />

un premier temps, ne fonctionnera qu'en réfrigérateur, selon<br />

trois modes au plus parmi ceux-ci : arrêtée, à moyen ou à<br />

plein régime.<br />

On voit bien qu'il existe une première machine, pas très<br />

maligne, répondant au problème : c'est celle qui ne connaît<br />

que le mode de fonctionnement à plein régime, qu'on<br />

appellera MBi. Le beurre est alors toujours bien dur, quelque<br />

soit le temps qu'il fait.<br />

Une machine plus intelligente solutionnant le problème est<br />

celle qui fonctionne à plein régime quand il fait chaud,<br />

doucement quand il fait doux <strong>et</strong> pas du tout quand il fait<br />

www.gillesjosse.fr 63/303


froid : on l’appellera MBo. Une variante de c<strong>et</strong>te machine<br />

MBo peut fonctionner de la même manière quand il fait<br />

chaud ou froid <strong>et</strong> à plein régime aussi quand il fait doux : on<br />

l'appellera Mbx. On se rend compte que toutes les machines<br />

ne perm<strong>et</strong>tent pas de résoudre le problème. Celle qui est<br />

toujours arrêtée, appelée MBI est de celles-ci.<br />

En fait, le problème étant relativement simple, on peut<br />

dresser le p<strong>et</strong>it tableau suivant, indiquant les modes de<br />

fonctionnement possibles pour la machine, en fonction du<br />

temps qu'il fait :<br />

Chaud Doux Froid<br />

Max Max Max<br />

Moyen Moyen<br />

Min<br />

On compte 3 × 3 × 3 = 27 machines possibles distinctes,<br />

dont 6 seulement résolvent le problème. Parmi ces 6, Mo le<br />

résout de manière optimale, en minimisant l'énergie<br />

dépensée, <strong>et</strong> MBi le résout de la manière la plus coûteuse. S'il<br />

fait chaud, froid ou doux à proportions égales, on s'aperçoit<br />

que la dépense énergétique n'induit pas une relation d'ordre<br />

www.gillesjosse.fr 64/303


totale entre les solutions, puisque les machines ( Max ,<br />

Moyen , Max ) <strong>et</strong> ( Max , Max , Moyen ) sont égales de ce<br />

point de vue. L'ordre induit n'est donc pas une relation de bon<br />

ordre, ce qui ne garantit pas l'unicité de la machine ayant le<br />

minimum de consommation en énergie, ni de celle qui a le<br />

maximum, même si c'est le cas dans c<strong>et</strong>te situation.<br />

Mais l'optimisation de la dépense énergétique n'est pas<br />

notre principal souci.<br />

• Posons B = « le beurre est dur », avec V(B) = v s'il est<br />

dur, i s'il est tendre, <strong>et</strong> f s'il est carrément mou.<br />

• Posons T = « il fait chaud », avec V(T) = v s'il fait<br />

chaud, i s'il fait doux <strong>et</strong> f s'il fait froid.<br />

• Posons enfin MBU = « la machine fonctionne », avec<br />

V(MBU) = v si elle fonctionne à fond, i si elle est à<br />

régime moyen, <strong>et</strong> f si elle ne fonctionne pas.<br />

La machine dont il s'agit ici est la « machine à beurre<br />

universelle » qui peut avoir sont état à v , i ou f, quel que soit<br />

le temps qu'il fait. Une machine particulière telle que MBx ou<br />

MBo est une instance particulière de la MBU, équivalente à<br />

la donnée d'un tripl<strong>et</strong> donnant ses trois états de<br />

www.gillesjosse.fr 65/303


fonctionnement, quand il fait chaud, doux ou froid. D'où le<br />

tableau présentant V(B) en fonction de V(M) <strong>et</strong> V(T) :<br />

V(B) V(T) = v V(T) = i V(T) = f<br />

V(MBU) = v v v v<br />

V(MBU) = i i v v<br />

V(MBU) = f f i v<br />

Ce tableau perm<strong>et</strong> de r<strong>et</strong>rouver les résultats déjà acquis<br />

d'une part, mais d'autre part, il nous perm<strong>et</strong> de répondre à un<br />

autre problème, que l'on pourrait appeler dual. On constate<br />

par exemple que notre machine est incapable de maintenir le<br />

beurre à l'état mou quelque soit la température, puisque la<br />

valeur f n’apparaît que dans la colonne correspondant à V(T)<br />

= v, soit « il fait chaud ».<br />

Cela étant, passons maintenant à la « machine à soupe<br />

universelle » MSU, qui maintient la soupe à température,<br />

quand V(MSU) = f, la tiédit, quand V(MSU ) = i, <strong>et</strong> la rend<br />

chaude, quand V(MSU) = v. Posons S = « la soupe est<br />

chaude », <strong>et</strong> donnons le tableau de fonctionnement de la<br />

MSU :<br />

www.gillesjosse.fr 66/303


V(S) V(T) = v V(T) = i V(T) = f<br />

V(MSU) = v v v v<br />

V(MSU) = i v v i<br />

V(MSU) = f v i f<br />

Que se passe-t-il quand on soum<strong>et</strong> du beurre à la MSU ?<br />

Voyons le tableau :<br />

V(B) V(T) = v V(T) = i V(T) = f<br />

V(MSU) = v f f f<br />

V(MSU) = i f f i<br />

V(MSU) = f f i v<br />

On imagine alors une machine composite MC, composée<br />

d'une MBU <strong>et</strong> d'une MSU <strong>et</strong> d'un commutateur. Le<br />

commutateur possède trois positions : sur la première, la<br />

MBU fonctionne alors que la MSU est éteinte, <strong>et</strong> c'est<br />

l'inverse pour la deuxième : on parlera par la suite de mode<br />

MB ou MS. Sur la troisième, les deux machines sont éteintes.<br />

Si l'on programme le commutateur C de manière adéquate,<br />

en fonction du temps qu'il fait <strong>et</strong> de l'état du beurre souhaité,<br />

on obtient 2 machines à beurre universelles MBU1, MBU2<br />

www.gillesjosse.fr 67/303


possédant les 27 tripl<strong>et</strong>s de sortie distincts possibles, telles<br />

que :<br />

• MBU1 <strong>et</strong> MBU2 fonctionnent en mode MB quand le<br />

temps est chaud.<br />

• MBU1 <strong>et</strong> MBU2 fonctionnent en mode MS quand le<br />

temps est froid.<br />

Quand le temps est doux, MBU1 fonctionne en mode MB<br />

max, pour obtenir un beurre dur, ou MS max pour obtenir un<br />

beurre mou, ou bien est éteinte pour obtenir un beurre<br />

légèrement ramolli. Toujours quand le temps est doux, MBU2<br />

quant à elle fonctionne en mode MB moyen pour obtenir un<br />

beurre dur <strong>et</strong> MS moyen pour obtenir un beurre mou <strong>et</strong><br />

éteinte pour obtenir un beurre légèrement ramolli. C'est le<br />

programmateur P qui perm<strong>et</strong> de fixer le mode de<br />

fonctionnement de la machine composite MC en MBU1 ou<br />

MBU2, c'est-à-dire de commander le commutateur C.<br />

On constate donc sur notre exemple que notre machine<br />

composite perm<strong>et</strong> d'implémenter une machine universelle<br />

pour le beurre, c'est-à-dire de prendre l'un quelconque des 27<br />

tripl<strong>et</strong>s de sortie possibles, donnant l'état du beurre selon la<br />

www.gillesjosse.fr 68/303


température.<br />

C<strong>et</strong>te implémentation n'étant pas unique, on réalise encore<br />

qu'il existe différentes manières d'obtenir un fonctionnement<br />

de machine universelle, à partir d'un réfrigérateur, d'un<br />

réchauffeur, d'un commutateur <strong>et</strong> d'un programmateur, par<br />

exemple.<br />

Cela étant, notre machine universelle MU ayant été<br />

implémentée de manière particulière à partir de ces quatre<br />

éléments, quand la programmation de P a été réalisée, le<br />

beurre est dans l'état désiré, quelle que soit la température, ce<br />

qui équivaut à la donnée du tripl<strong>et</strong> t = ( a, b , c ), où a, b <strong>et</strong> c<br />

prennent l'une des trois valeurs v, i ou f. Par exemple ( v , f, v<br />

) équivaut à dire que MU a été programmée de manière à ce<br />

que le beurre soit dur quand il fait chaud ou froid, <strong>et</strong> mou<br />

quand il fait doux.<br />

Imaginons alors la machine MU² composée de trois<br />

machines à beurre universelles MU1, MU2 <strong>et</strong> MU3 <strong>et</strong> un<br />

commutateur C² à trois positions, tel que pour chacune de ces<br />

positions une seules des trois machines composant MU²<br />

fonctionne. Alors, la sortie S(T) vaut :<br />

www.gillesjosse.fr 69/303


• Quand C² est en position 1, S(T) = t1<br />

• Quand C² est en position 2, S(T) = t2<br />

• Quand C² est en position 3, S(T) = t3<br />

Nous assimilons alors l'état d'entrée C²1 à v, C²2 à i <strong>et</strong> C²3<br />

à f. Notre machine MU² matérialise donc tout problème<br />

logique abstrait du type A × CD => B, où A, CD <strong>et</strong> B<br />

peuvent prendre les valeurs logiques de cœur v, f ou i,<br />

c'est-à-dire toute relation déterministe ou certaine.<br />

Si la relation n'est pas déterministe, nous décidons alors de<br />

coupler MU² avec deux autres machines universelles du<br />

même type, MU²' <strong>et</strong> MU²'', avec deux « ou », pour obtenir<br />

une machine MUU, que nous appellerons « universellement<br />

universelle ».<br />

Voici plus précisément comment MUU fonctionne : les<br />

trois commutateurs C² des machines MU², MU²' <strong>et</strong> MU²'' sont<br />

reliés entre eux de telle manière qu'ils soient tous trois dans le<br />

même état au même moment. Un quatrième commutateur CC<br />

décide quelle est laquelle des trois machines en<br />

fonctionnement, ce qui fait que pour un couple d'entrée E =<br />

( x , y ) , la sortie S vaut S1 ou S2 ou S3, où Si correspond à<br />

www.gillesjosse.fr 70/303


l'état de sortie de la machine MU²i pour la même entrée.<br />

Les valeurs de sortie S = V(B) = z représentant l'état du<br />

beurre ne se limitent alors pas aux valeurs logiques de cœur<br />

v, f ou i, mais peuvent aussi valoir :<br />

• v oû i oû f = « le beurre est dans un état indéterminé<br />

quelconque » = T<br />

• v oû i = « le beurre est au moins légèrement ferme » =<br />

– f<br />

• f oû i = « le beurre est tout au plus légèrement<br />

ferme » = – v<br />

• v oû f = « le beurre n'est pas légèrement ferme » = – i<br />

On constate alors que tout problème logique abstrait<br />

correspondant à une relation du type A × CD => B , même<br />

incertaine, peut être concrétisé ou matérialisé par le biais<br />

de la machine MUU, <strong>et</strong> pas seulement les relations<br />

déterministes ou certaines.<br />

Si le tableau de vérité d'une relation R de type A × CD =><br />

B contient la valeur T, alors la machine MUU correspondante<br />

nécessite le couplage de trois machines de type MU². S'il ne<br />

contient que les valeurs de cœur v, f <strong>et</strong> i, MUU est une simple<br />

www.gillesjosse.fr 71/303


machine de type MU². En dehors de ces deux cas, MUU<br />

demande le couplage de seulement deux machines MU². On<br />

notera bien que la machine MUU, quand elle ne se réduit pas<br />

à une simple machine MU², peut être bien souvent<br />

implémentée de différentes manières, c'est-à-dire que la<br />

décomposition en machines MU² n'est pas unique. Exemple :<br />

V(B) V(CD) = v V(CD) = i V(CD) = f<br />

V(A) = v v ou f v f<br />

V(A) = i f v ou i f<br />

V(A) = f i i i<br />

R peut être décomposée en :<br />

V(B) V(CD) = v V(CD) = i V(CD) = f<br />

V(A1) = v v v f<br />

V(A1) = i f v f<br />

V(A1) = f i i i<br />

V(B) V(CD) = v V(CD) = i V(CD) = f<br />

V(A2) = v f v f<br />

V(A2) = i f i f<br />

V(A2) = f i i i<br />

www.gillesjosse.fr 72/303


Concrètement, cela veut dire que Si B est à v, <strong>et</strong> si le<br />

commutateur de la machine MU est sur v, celui de la machine<br />

MU' l'est aussi, <strong>et</strong> alors, selon l'état du commutateur CC, la<br />

sortie vaut v oû f. On aurait pu décomposer R en :<br />

V(B) V(CD) = v V(CD) = i V(CD) = f<br />

V(A'1) = v f v f<br />

V(A'1) = i f v f<br />

V(A'1) = f i i i<br />

V(B) V(CD) = v V(CD) = i V(CD) = f<br />

V(A'2) = v v v f<br />

V(A'2) = i f i f<br />

V(A'2 )= f i i i<br />

Pour être précis, dans ce cas, on a 4 manières de<br />

décomposer R. On peut alors écrire : {V(« A1 × CD => B »)<br />

ou V(« A2 × CD => B ») ou V(« A3 × CD => B »)} = V(« A<br />

× CD => B ») , pourvu que V(A1) = V(A2) = V(A3) quel que<br />

soit l'état de CD, ce qui est bien le cas puisque l'état des trois<br />

machines MU² est le même, les commutateurs C² étant<br />

couplés.<br />

www.gillesjosse.fr 73/303


En conclusion de quoi, répétons nous, tout problème<br />

logique abstrait dont une sortie dépend de deux entrées peut<br />

être matérialisé par un peu de ferraille, un peu d'électronique,<br />

un morceau de beurre <strong>et</strong> le temps qu'il fait.<br />

Nous pouvons donc nous perm<strong>et</strong>tre d'affirmer de<br />

manière un peu abusive que la logique I est superposable<br />

à la logique concrète du beurre ramolli. Il en va ainsi de la<br />

question des syllogismes d'Aristote, que nous allons<br />

maintenant examiner.<br />

www.gillesjosse.fr 74/303


Les syllogismes <strong>et</strong> la logique I<br />

Voilà ce que nous apprend Wikipédia : en logique<br />

aristotélicienne, le syllogisme est un raisonnement logique<br />

à deux propositions (également appelées prémisses)<br />

conduisant à une conclusion, ce qu'Aristote a été le<br />

premier à formaliser. Par exemple, « Tous les hommes sont<br />

mortels, or Socrate est un homme, donc Socrate est mortel »<br />

est un syllogisme ; les deux prémisses (dites « majeure » <strong>et</strong> «<br />

mineure ») sont des propositions données <strong>et</strong> supposées vraies,<br />

le syllogisme perm<strong>et</strong>tant de valider la véracité formelle de la<br />

conclusion. La science des syllogismes est la syllogistique, à<br />

laquelle, entre autres, se sont intéressés les penseurs de la<br />

scolastique médiévale, mais aussi Antoine Arnauld, Gottfried<br />

Leibniz <strong>et</strong> Emmanuel Kant. Elle est l'ancêtre de la logique<br />

mathématique moderne <strong>et</strong> a été enseignée jusqu'à la fin du<br />

XIXe siècle.<br />

Le syllogisme qui est peut-être le plus célèbre est celui<br />

qu'on appelle BARBARA, qui affirme que « tous les<br />

philosophes sont des hommes » <strong>et</strong> que « tous les hommes<br />

www.gillesjosse.fr 75/303


sont mortels », ce qui implique que « tous les philosophes<br />

sont mortels ».<br />

Un syllogisme présente donc la conjonction entre deux<br />

rapports « d'inclusion », le premier m<strong>et</strong>tant en jeu deux<br />

ensembles X <strong>et</strong> A, <strong>et</strong> le deuxième deux ensembles A <strong>et</strong> B, la<br />

conclusion portant alors sur le rapport de X à B. Précisons ce<br />

que nous appelons rapport ou relation d'inclusion : soit X est<br />

inclus dans A, soit X est disjoint de A, soit quelque x de X est<br />

dans A, soit quelque x de X n'est pas dans A, ce qui donne 4<br />

types de rapport ou de relation.<br />

X r A & A r B peut donc prendre 4 × 4 = 16 couples de<br />

valeurs distinctes, suivant la valeur de la relation r, qui est<br />

d'un des 4 types vus précédemment.<br />

X <strong>et</strong> A pouvant être interchangés d'une part, mais aussi A<br />

<strong>et</strong> B, cela donne 4 × 16 = 64 quadrupl<strong>et</strong>s distincts en valeur<br />

d'entrée de l'implication.<br />

La conclusion présente toujours le rapport de X à B, sous<br />

condition du rapport entre X <strong>et</strong> A <strong>et</strong> du rapport entre X <strong>et</strong> B :<br />

elle peut donc prendre simplement 4 valeurs parmi celles<br />

permises.<br />

www.gillesjosse.fr 76/303


On en déduit donc l'existence formelle de 256 syllogismes<br />

distincts, <strong>et</strong> l'on peut constater, Aristote l'a fait le premier, que<br />

parmi ceux-ci, seuls 24 sont concluants, c'est-à-dire que<br />

l'implication correspondante est vraie d'une part, <strong>et</strong> que c<strong>et</strong>te<br />

conclusion n'est pas un truisme, d'autre part. Revenons au<br />

syllogisme BARBARA. Il peut se formaliser en :<br />

« Tous les M sont P » & « Tous les S sont M » => « Tous les<br />

S sont P », que nous préférons écrire sous la forme « A & CD<br />

=> B », avec M = A, P = B, S = X :<br />

A = « tous les x de X sont dans A »<br />

CD = « tous les a de A sont dans B »<br />

B = « tous les x de X sont dans B »<br />

Si V'(A ) = v <strong>et</strong> V'(CD) = v , alors V'(B) = v, ce qui<br />

implique que le syllogisme est concluant. Mais A, CD <strong>et</strong> par<br />

conséquent B peuvent prendre d'autres valeurs de vérité.<br />

• V'(A) = v se dit « tous les x sont dans A »<br />

• V'(A) = f se dit « aucun x n'est dans A »<br />

• V'A) = i se dit « quelques x sont dans A mais pas<br />

tous »<br />

www.gillesjosse.fr 77/303


• V'(A) = – i se dit « aucun x n'est dans A ou bien tous<br />

le sont »<br />

Idem pour B <strong>et</strong> CD. Alors :<br />

• V'(A) = v X < A( X inclus dans A )<br />

• V'(A) = f X ∩ A = Φ<br />

• V'(A) = i X ∩ A ≠ Φ <strong>et</strong> X – < A ( X non<br />

inclus dans A )<br />

• V'(A) = – i X ∩ A = Φ ou X < A ( ou est le ou<br />

exclusif )<br />

La valeur de vérité – i ne nous servira à rien pour le<br />

moment, mais on peut remarquer que les affirmations<br />

constituant les syllogismes correspondent aux valeurs de<br />

vérité suivantes :<br />

• « Tout x est A » V'(A) = v<br />

• « Quelque x est A » V'A ) = v ˅ i = – f<br />

• « Quelque x n'est pas A » V'A) = f ˅ i = – v<br />

• « Aucun x n'est A » V'(A) = f<br />

En posant X r A le rapport de X à A, <strong>et</strong>c. <strong>et</strong> R = {« X r A »<br />

www.gillesjosse.fr 78/303


& « A r B » => « X r B »}, on peut alors établir le tableau de<br />

vérité suivant :<br />

R v ˅ i v i f f ˅ i<br />

v ˅ i T v ˅ i T f ˅ i T<br />

v T v T f T<br />

i T v ˅ i T f ˅ i T<br />

f T T T T T<br />

f ˅ i T T T T T<br />

On trouve ainsi 4syllogismes concluants, c'est-à-dire dont<br />

la valeur de sortie n'est pas la tautologie T. Le tripl<strong>et</strong> ( v , v , v<br />

) correspond au syllogisme de la forme BARBARA, ( v , f ,<br />

f ) = CELARENT, ( v ou i , v , v ˅ i ) = DARII, ( v ˅ i , f , f ˅<br />

i ) = FERIO.<br />

Ce sont les 4 modes concluants de ce qu'Aristote<br />

appelle la première figure, dits modes parfaits.<br />

On intervertit maintenant B <strong>et</strong> A par rapport au premier<br />

tableau, de sorte que maintenant R = {« A r X » & « B r A »<br />

=> « X r B »} :<br />

R v ˅ i v i f f ˅ i<br />

www.gillesjosse.fr 79/303


v ˅ i T T T f ˅ i T<br />

v T T T f T<br />

i T f ˅ i T f ˅ i T<br />

f T f T T T<br />

f ˅ i T f ˅ i T T T<br />

On trouve alors 4 nouveaux syllogismes concluants :<br />

dans ce cas, ( f , v , f ) = CAMESTRES, ( f ˅ i , v , f ˅ i ) =<br />

BAROCO , ( v , f , f ) = CESARE , ( v ˅ i , f , f ˅ i ) =<br />

FESTINO.<br />

Ce sont les 4 modes concluants de ce qu'Aristote<br />

appelle la deuxième figure.<br />

On peut alors intervertir A <strong>et</strong> X par rapport au premier<br />

tableau, de sorte que maintenant R = {« A r X » & « A r B »<br />

=> « X r B »} :<br />

R v ˅ i v i f f ˅ i<br />

v ˅ i T v ˅ i T f ˅ i T<br />

v v ˅ i v ˅ i i f ˅ i f ˅ i<br />

i T v ˅ i T f ˅ i T<br />

f T T T T T<br />

www.gillesjosse.fr 80/303


f ˅ i T T T T T<br />

On trouve 6 autres syllogismes concluants. Dans ce cas, (<br />

v ˅ i , v , v ˅ i ) = DATISI, ( v ˅ i , f , f ˅ i ) = FERISON,<br />

( v , v ˅ i , v ˅ i ) = DISAMIS, ( v , v , v ˅ i ) = DARAPTI,<br />

( v , f , f ˅ i ) = FELAPTON, ( v , f ˅ i , f ˅ i ) = BOCARDO.<br />

Ce sont les 6 modes de ce qu'Aristote appelle la<br />

troisième figure. On inverse finalement A <strong>et</strong> X par rapport à<br />

notre précédent tableau, de sorte que maintenant R = {« A r<br />

X » & « B r A » => « X r B »} :<br />

R v ˅ i v i f f ˅ i<br />

v ˅ i T T T f ˅ i T<br />

v i i i f ˅ i f ˅ i<br />

i T T T f ˅ i T<br />

f T f T T T<br />

f ˅ i T T T T T<br />

Dans ce cas, ( v , f ˅ i , f ˅ i ) = BOCARDO ( déjà vu ), ( v , f<br />

, f ˅ i ) = FELAPTON (déjà vu), ( v ˅ i , f , f ˅ i ) FERISON<br />

(déjà vu), ( f , v , f ) = CAMENES, ( v , v , i ) = BAMALIP ,<br />

( v , v ˅ i , i ) = DIMATIS , ( v , i , i ) = FESAPO, ( i , f , f ˅<br />

www.gillesjosse.fr 81/303


i ) = FRESISON<br />

Ce sont les 5 modes de ce qu'Aristote appelle la<br />

quatrième figure, dite galénique. Les 7 cases qui n'ont pas<br />

été prises en compte, en jaune, bien qu'elle ne soient pas<br />

égales à T donnent d'autres syllogismes, qui sont des<br />

« dérivés » des 19 autres.<br />

En conclusion, la logique I rend bien compte du<br />

raisonnement syllogistique, même si elle ne lui est pas<br />

forcément équivalente. Ce que nous entendons par là,<br />

c'est qu'avec simplement 4 des valeurs logiques de I, on<br />

peut traduire n'importe quel syllogisme particulier dans<br />

celle-ci.<br />

www.gillesjosse.fr 82/303


<strong>Logique</strong> I <strong>et</strong> relation de cause à eff<strong>et</strong><br />

Considérons de nouveau une relation logique R, du type A<br />

× CD => B, ce qu'on lira « A implique B sous condition CD<br />

par la relation R », où V(A), V(CD) <strong>et</strong> V(B) sont pris dans<br />

K = { Φ , f , – v , i , – i , – f , v , T }, S = V(B) = z dépendant<br />

du couple d'entrée E = ( V(A), V(CD) ) = ( x , y ).<br />

Reprenons alors notre exemple précédent de machine à<br />

beurre, dans le cas où elle n'est qu'un simple réfrigérateur,<br />

avec :<br />

• A = « le réfrigérateur R fonctionne »<br />

• CD = « il fait chaud »<br />

• B = « le beurre B est dur »<br />

Son tableau racine <strong>et</strong> son tableau de fonctionnement<br />

compl<strong>et</strong> sont les suivants :<br />

R v i f<br />

v v v v<br />

i i v v<br />

f f i v<br />

www.gillesjosse.fr 83/303


R T v – f – i i – v f Φ<br />

T T T T T – f – f v Φ<br />

v v v v v v v v Φ<br />

– f T – f – f – f v v v Φ<br />

– i T – i T – i – f – f v Φ<br />

i – v i – f – f v v v Φ<br />

– v – v – v T T – f – f v Φ<br />

f f f – v – i i – f v Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

Pour la logique habituelle H, le temps n'aurait que deux<br />

états, V pour chaud <strong>et</strong> F pour froid, le beurre <strong>et</strong> le<br />

réfrigérateur idem, <strong>et</strong> on aurait un tableau bien plus simple :<br />

R v f<br />

v v v<br />

f f v<br />

Dans ce cas, la relation R est déterminée par la donnée des<br />

quatre tripl<strong>et</strong>s ( x , y , z ) indiquant son état de sortie z en<br />

fonction de son état d'entrée ( x , y ). Mais, du fait qu'il n'y a<br />

que deux états de sortie possibles, on a mieux. Ici R est<br />

www.gillesjosse.fr 84/303


équivalente à la donnée de ( f , v , f ) , les autres états s'en<br />

déduisant : R « le beurre est mou » uniquement quand il<br />

fait chaud <strong>et</strong> que le réfrigérateur ne fonctionne pas. Cela est<br />

simplement liée à l'équivalence générale entre une<br />

implication <strong>et</strong> sa contraposée, qui nous vient de la logique H :<br />

« il fait chaud <strong>et</strong> le réfrigérateur ne fonctionne pas. => le<br />

beurre est mou » équivaut à « le beurre est dur => il fait froid<br />

ou le réfrigérateur fonctionne ».<br />

Imaginons maintenant que lorsqu'il fait chaud, soit y = v,<br />

l'alimentation du réfrigérateur a des ratées, de façon à ce que<br />

lorsqu'il est allumé, soit x = v, il peut fonctionner ou pas : le<br />

beurre est alors dans un état « quelconque » T.<br />

R v f<br />

v T v<br />

f f v<br />

Pour rendre compte de la relation R, une seule équivalence<br />

ne suffit plus : il nous en faut deux, la troisième s'en<br />

déduisant, en tenant compte de ce qu'il y a trois maintenant 3<br />

états de sortie possibles.<br />

Revenons à notre réfrigérateur, <strong>et</strong> considérons que la<br />

www.gillesjosse.fr 85/303


valeur de sortie ne peut pas prendre la valeur nulle Φ. La<br />

relation R correspondante est alors égale à au plus 6<br />

équivalences, <strong>et</strong> ici simplement 2, compte tenu de ce que les<br />

états de sortie du tableau racine ne prennent que des valeurs<br />

logiques de cœur.<br />

R = { [« z = f ( x , y ) = ( f , v ) »] <strong>et</strong> [« z = i ( x , y )<br />

= ( i , v ) ou ( f , i )] } , avec z appartenant à K0.<br />

En pratique, on traduira la relation R en au plus 6<br />

implications correspondant à chacune des configurations du<br />

tableau racine ne prenant pas la valeur T en sortie. Ainsi, si le<br />

tableau de R est le suivant :<br />

R v i f<br />

v – i v – f<br />

i f – v v<br />

f f i T<br />

La relation R équivaut à la conjonction des 6 implications<br />

suivantes :<br />

• E = ( v , v ) => S = – i<br />

• E = ( v , i ) ou E = ( i , f ) => S = v<br />

www.gillesjosse.fr 86/303


• E = ( v , f ) => S = – f<br />

• E = ( i , f ) => S= – v<br />

• E = ( f , v ) ou E = ( i , v ) => S = f<br />

• E = ( f , i ) => S = i<br />

Évidemment, partant de ce que nous appellerons les<br />

« composantes radiculaires » de la relation R, on peut en<br />

déduire d'autres implications non triviales, qu'on appellera<br />

« dérivées », impliquant au moins l'une des valeurs logiques<br />

d'entrée prise en dehors des valeurs du cœur K0, comme ici :<br />

E = ( – v , – f ) => S = – v. Il suffit ici de combiner par la<br />

disjonction ˅ les 4 états de sortie grisés dans le tableau.<br />

On peut alors contraposer chacune des composantes<br />

radiculaires de R, comme par exemple la deuxième, qui<br />

devient : S ≠ v => E ≠ ( v , i ) <strong>et</strong> E ≠ ( i , f ). Avec ( x , y ) pris<br />

dans K* × K*, où K* = { f , – v , i , – i , – f , v , T } , on a 49<br />

tripl<strong>et</strong>s ( x , y , z = S( x , y ) ) correspondant à toutes les<br />

affirmations que l'on peut formuler sur le système, dont la<br />

disjonction est équivalentes à la relation R, qu'on appellera<br />

implications « élémentaires » ou « basiques ».<br />

Avec ( x , y ) pris dans K0 × K0, on obtient 9 tripl<strong>et</strong>s<br />

www.gillesjosse.fr 87/303


asiques qui se résument en au plus 6 composantes<br />

« radiculaires ». La septième, correspondant à la valeur de<br />

sortie T se déduit des 6 autres. Les 40 implications basiques<br />

restantes, dites « dérivées », se résument elles aussi en au<br />

plus 6 composantes dérivées, la septième s'en déduisant, elle<br />

aussi. Sur notre exemple du réfrigérateur, la plus simple de<br />

ces composantes dérivée est :CD ( f ) = « E = ( f , T ) => S =<br />

f ». C'est une simple implication basique.<br />

Une autre composante dérivée de R est : CD ( – i ) = « {E<br />

= ( – i , v ) oû E = ( – i , – i ) oû E = ( f , – i )} => S = – i ».<br />

Elle est égale à la disjonction des 3 implications basiques<br />

suivantes :<br />

• E = ( – i , v ) => S = – i<br />

• E = ( – i , – i ) => S = – i<br />

• E = ( f , – i ) => S = – i<br />

La plus simple des composantes radiculaires est : CR ( f )<br />

= « E = ( f , v ) => S = f ».<br />

Une composante radiculaire <strong>et</strong> une composante dérivée<br />

correspondant à la même valeur logique de sortie z seront<br />

dites « complémentaires », <strong>et</strong> leur somme logique sera<br />

www.gillesjosse.fr 88/303


nommée « composante en z » de la relation R, notée C( z ).<br />

Ainsi, la composante en f de la relation R est égale à la<br />

disjonction des deux composantes dérivée <strong>et</strong> radiculaire en f :<br />

• E = ( f , T ) => S = f<br />

• E = ( f , v ) => S = f<br />

Ce que l'on pourra écrire plus simplement :<br />

C ( f ) = CD ( f ) ˅ CR ( f )<br />

{C ( f ) = CD ( f ) ˅ CR ( f ) = « E = ( f , T ) ˅ E = ( f , v )}<br />

=> S = f »<br />

Considérons alors la relation z = x ˅ y :<br />

x ˅ y T v – f – i i – v f<br />

T T T T T T T T<br />

v T v – f – i – f T – i<br />

– f T – f – f T – f T T<br />

– i T – i T – i T T – i<br />

i T – f – f T i – v – v<br />

– v T T T T – v – v – v<br />

f T – i T – i – v – v f<br />

On constate alors que y0 <strong>et</strong> z0 étant fixés, pris dans K*,<br />

www.gillesjosse.fr 89/303


l'équation z0 = x ˅ y0 peut adm<strong>et</strong>tre plusieurs solutions, ce<br />

qui implique que la relation R, bien qu'équivalente à la<br />

donnée de ses composantes radiculaires, n'est pas équivalente<br />

à la donnée de ses composantes dérivées, ou, autrement dit<br />

que la donnée des composantes dérivées ne perm<strong>et</strong> pas de<br />

reconstituer de manière univoque les composantes<br />

radiculaires. Voyons cela sur un exemple :<br />

R1 v i f<br />

v – f – f – f<br />

i – f v – f<br />

f – f – f – f<br />

R2 v i f<br />

v – f – f – f<br />

i – f i – f<br />

f – f – f – f<br />

On peut constater avec les relations R1 <strong>et</strong> R2 que leurs<br />

composantes dérivées, calculées à partir du tableau racine<br />

sont les mêmes, alors que R1 <strong>et</strong> R2 sont distinctes.<br />

Si l'on se limite à des relations déterministes, c'est-à-<br />

www.gillesjosse.fr 90/303


dire celles dont l'état de sortie est l'une des valeurs<br />

logiques de cœur v , i ou f, alors on a bien c<strong>et</strong>te fois-ci<br />

l'équivalence entre composantes radiculaires <strong>et</strong><br />

composantes dérivées :<br />

z = x ˅ y v i f<br />

v v – f – i<br />

i – f i – v<br />

f – i – v f<br />

En eff<strong>et</strong>, c<strong>et</strong>te fois-ci, y0 <strong>et</strong> z0 étant donnés, pris dans K0<br />

<strong>et</strong> K', l'équation z0 = x ˅ y0 adm<strong>et</strong> une solution unique.<br />

Tâchons maintenant pour finir de dénombrer les relations<br />

R possibles, quand ( x , y ) est dans K0 <strong>et</strong> z dans K. Pour<br />

cela, notons :<br />

• ( | ) = le nombre de relations dont la table de vérité est<br />

symétrique par rapport à la colonne du milieu.<br />

• ( | )* = le nombre de celles parmi les ( | ) qui n'ont pas<br />

d'autres symétries.<br />

• ( – ) <strong>et</strong> ( – )* = idem pour la ligne du milieu.<br />

• ( \ ) <strong>et</strong> ( \ )* = idem pour la première diagonale.<br />

www.gillesjosse.fr 91/303


• ( / ) <strong>et</strong> ( / )* = idem pour la seconde diagonale.<br />

• (× ) <strong>et</strong> ( × ) * = idem pour les deux diagonales.<br />

• ( + ) <strong>et</strong> ( + )* = idem pour la ligne <strong>et</strong> la colonne du<br />

milieu.<br />

• ( * ) = le nombre de relations dont la table de vérité<br />

est symétrique par rapport aux deux diagonales, la<br />

ligne <strong>et</strong> la colonne du milieu.<br />

• Q = le nombre de relations dont la table ne comporte<br />

aucune symétrie.<br />

• N = le nombre de relations R distinctes, une fois<br />

enlevés les doublons symétriques.<br />

• T = 8 9 = le nombre total de relations,<br />

indépendamment des symétries.<br />

On a alors :<br />

( + )* = ( + ) – ( * )<br />

( × )* = ( × ) – ( * )<br />

( – )* = ( – ) – ( + )<br />

( | )* = ( | ) – ( + )<br />

( / )* = ( / ) – ( × )<br />

( \ )* = ( \ ) – ( × )<br />

www.gillesjosse.fr 92/303


( – ) = ( | ) = ( / ) = ( \ ) = 8 6<br />

( + ) = ( × ) = 8 4<br />

( * ) = 8 3<br />

D'où l'on tire :<br />

( + )* = ( × )* = 8 4 – 8 3<br />

( – )* = ( | )* = ( / )* = ( \ )* = 8 6 – 8 4<br />

On a encore :<br />

T = Q + ( * ) + ( + )* + ( × )* + ( – )* + ( | )* + ( / )* + ( \ )*<br />

N = Q + ( * ) + [ ( + )* + ( × )* ] / 2 + ( – )* + [ ( | )* + ( / )*<br />

+ ( \ )* ] / 4<br />

La divisions par 2 s'explique de c<strong>et</strong>te manière : si R est<br />

une relation symétrique par rapport à la ligne <strong>et</strong> à la colonne<br />

médiane, alors en opérant une symétrie par rapport à l'une ou<br />

l'autre des deux diagonales, on lui fait correspondre une<br />

relation R' qui est équivalente à R, dans ce sens que R' ( x ,<br />

y ) = R ( y , x ). Si R est symétrique par rapport aux<br />

diagonales, de la même façon, en opérant une symétrie par<br />

rapport à la ligne ou la colonne médiane, on obtient R',<br />

www.gillesjosse.fr 93/303


équivalente à R, dans ce sens que si x = V(« il fait chaud »)<br />

par exemple, on peut prendre x' = V(« il ne fait pas chaud »)<br />

= – x , <strong>et</strong> alors R' ( x' , y ) = R ( x , y ). Etc. D'où l'on déduit<br />

finalement que : N / T ≈ 1.<br />

N vaut donc environs 134 millions : avec notre logique I,<br />

nous pouvons donc modéliser un peu plus de 134 millions de<br />

situations logiques distinctes ! Si l'on ne considère que des<br />

valeurs de sortie non nulles, ce nombre tombe à 7 9 , soit<br />

encore près de 40 millions de situations. Si l'on interdit à la<br />

valeur de sortie de valoir T, on a encore 6 9 ≈ 10 millions de<br />

situations. Si enfin on se limite aux relations déterministes,<br />

on a plus que 3 9 ≈ 19 000 situations possibles. Cela peut<br />

paraître peu, mais c'est beaucoup plus que ne perm<strong>et</strong> la<br />

logique H, qui n'envisage au maximum que 2 4 = 16 relations<br />

déterministes de type A × CD => B.<br />

www.gillesjosse.fr 94/303


Relations de cause à eff<strong>et</strong> particulières<br />

Nous avons vu que nous lisions R = « A × CD => B », « A<br />

implique B sous la condition CD par la relation R ». Cela<br />

prête à confusion avec l'acceptation habituelle de<br />

l'implication en logique, <strong>et</strong> nous devrions ici plutôt parler de<br />

« relation de cause à eff<strong>et</strong> ». Nonobstant, nous allons dans<br />

ce qui suit examiner certaines de ces relations de cause à<br />

eff<strong>et</strong>.<br />

Nous avons tout d'abord les relations « constantes », où<br />

finalement les valeurs d'entrée n'ont aucune influence sur la<br />

valeur de sortie. Par exemple, Avec A = « Jean est un<br />

homme », CD = « il pleut » <strong>et</strong> B = « la terre tourne autour du<br />

soleil, on a le tableau principal suivant :<br />

R v i f<br />

v v v v<br />

i v v v<br />

f v v v<br />

Ensuite, nous avons les relations dont le tableau principal<br />

est symétrique par rapport à la première diagonale. Dans ce<br />

www.gillesjosse.fr 95/303


cas, nous pouvons dire que A <strong>et</strong> CD jouent des rôles<br />

« équivalents » vis-à-vis de B : on parlera de relations<br />

« commutatives » ou « symétriques ». La somme <strong>et</strong> le<br />

produit logique donnent deux exemples de relations<br />

commutatives. La somme logique peut être matérialisée par<br />

la situation concrète d'un arroseur à trois états de<br />

fonctionnement <strong>et</strong> de la pluie, la sortie étant l'état d'humidité<br />

ou de sécheresse relative du sol.<br />

Après quoi nous avons les relations symétriques par<br />

rapport à la deuxième diagonale. A commute alors avec le<br />

contraire de CD, de même que CD commute avec le contraire<br />

de A. On parlera de relations « anti-commutatives ou<br />

antisymétriques ».<br />

Nous avons encore les relations dont les trois colonnes du<br />

tableau principal sont égales : L'état de la sortie B ne dépend<br />

alors que de l’état d'entrée A, <strong>et</strong> pas de celui de la condition<br />

CD. C'est idem quand les trois lignes sont égales : la relation<br />

R sera alors appelée relation « fonctionnelle » en A ou CD,<br />

selon le cas.<br />

Nous avons aussi les relations dont le tableau principal est<br />

www.gillesjosse.fr 96/303


symétrique par rapport à le colonne du milieu, ou par rapport<br />

à la ligne du milieu : nous les appellerons relations « semi-<br />

triviales en i » par rapport à CD ou A, selon le cas. On aura<br />

de la même façon les relation semi-triviales en v ou en f, par<br />

rapport à CD ou A.<br />

Les relation commutatives <strong>et</strong> anti-commutatives, ou bien<br />

semi-triviales en i par rapport à A <strong>et</strong> CD ont une tableau<br />

principal également symétriques par rapport à sa case<br />

centrale : on parlera de relations « totalement<br />

symétriques ». L'égalité <strong>et</strong> l'inégalité sont deux relations<br />

totalement symétriques.<br />

Il existe évidemment des relations « centrales » qui ne<br />

sont pas totalement symétriques, comme par exemple :<br />

R v i f<br />

v v i f<br />

i f v f<br />

f f i v<br />

www.gillesjosse.fr 97/303


Le paradoxe du menteur <strong>et</strong> la normalité<br />

Examinons tout d’abord le paradoxe du menteur sous sa<br />

forme originale : M = « c<strong>et</strong>te phrase est fausse », soit M =<br />

« V(M) = f ».<br />

M ne peut être ni vraie ni fausse sans contradiction, ce qui<br />

implique qu'elle est indéterminée du premier type ni vrai ni<br />

faux. On a alors V(M) = V( « i = f » ) = i, résultat lui-même<br />

un peu paradoxal, que nous avons déjà vu comme<br />

conséquence du paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée.<br />

On peut alors imaginer ce qu'on peut appeler une forme<br />

vicieuse de ce paradoxe : M' = « c<strong>et</strong>te phrase est fausse ou<br />

n'est ni vraie ni fausse », soit M' = « V(M') = f ou V(M') =<br />

i ».<br />

M' ne peut être ni vraie ni fausse sans contradiction non<br />

plus, ce qui implique qu'elle est indéterminée du premier type<br />

ni vrai ni faux. Mais alors, elle semble vraie ! Elle le semble<br />

tant qu'on ne connaît pas la table de vérité entre valeurs<br />

logiques de I, car alors : V(M') = V( « i = f ou i = i ». ) = i ,<br />

ne donne lieu à aucune contradiction avec notre logique I.<br />

www.gillesjosse.fr 98/303


Ceci fait, on peut étudier le paradoxe du menteur dans<br />

toute sa généralité, en posant M ( x , y ) = « V(M) = x ˅ y »,<br />

ce qui se traduit par le tableau racine suivant :<br />

M ( x , y ) v i f<br />

v – i i i<br />

i i i i<br />

f i i i<br />

On a M ( v , v ) = – i <strong>et</strong> non pas T, comme vu page 22, où<br />

la situation était la même avec le paradoxe de la carte<br />

r<strong>et</strong>ournée.<br />

Une affirmation M(A) sera appelée « méta-affirmation<br />

générique » quand son obj<strong>et</strong> A est elle-même une<br />

affirmation du langage qui peut être quelconque ou prise<br />

dans un sous-ensemble non réduit à un seul élément.<br />

Comme exemples de méta-affirmations génériques on peut<br />

donner M(A) = « l'affirmation A est vraie » ou bien M'(A) =<br />

« l'affirmation A s'écrit en huit mots ». Une affirmation sera<br />

dite « basique » si ça n'est pas une méta-affirmation,<br />

comme par exemple A = « il pleut » ou A' = « tous les<br />

humains vivent sur terre ».<br />

www.gillesjosse.fr 99/303


Dès lors que l'on précise l'obj<strong>et</strong> A d'une méta-affirmation<br />

générique en A0, celle-ci devient une « méta-affirmation<br />

particulière » M(A0). Si l'on applique M(A) à elle-même, on<br />

obtient alors une méta-affirmation particulière qui est de plus<br />

« auto-référente » : c'est M(M(A)). On conviendra<br />

d'appeler « tranquille » une méta-affirmation particulière<br />

qui n'est pas auto-référente, mais aussi une méta-<br />

affirmation générique qui est tranquille sur l'ensemble où<br />

elle est définie.<br />

Nous avons donc d'une part les affirmations basiques <strong>et</strong> les<br />

méta-affirmations, <strong>et</strong> parmi les méta-affirmations, aussi bien<br />

génériques que particulières, celles qui sont tranquilles <strong>et</strong><br />

celles qui sont autoréférentes. M ( x , y ), vu ci-dessus, est par<br />

exemple une méta-affirmation particulière autoréférente.<br />

Mais on peut aussi avoir des méta-affirmations<br />

génériques partout autoréférentes, comme M'( A , x , y ) =<br />

« V(A) = x <strong>et</strong> V(M') = y », dont on peut dresser la table de<br />

vérité en fonction de x <strong>et</strong> y :<br />

www.gillesjosse.fr 100/303


M' ( A , x , y ) v i f<br />

v<br />

– i pour V(A) = v<br />

– v pour V(A) = i<br />

f pour V(A) = f<br />

i pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

f pour V(A) = f<br />

i pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

f pour V(A) = f<br />

i – v pour tout A i pour tout A i pour tout A<br />

f<br />

f pour V(A) = v<br />

– v pour V(A) = i<br />

– i pour V(A) = f<br />

f pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

i pour V(A) = f<br />

f pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

i pour V(A) = f<br />

Le « <strong>et</strong> » dont il est question est l'opération de produit<br />

logique que nous avons notée « & ». On a aussi M'' ( A , x ,<br />

y ) = « V(A) = x ou V(M'') = y ». Le « ou » dont il est<br />

question ici est l'opération de somme logique que nous avons<br />

notée « + » :<br />

M' ( A , x , y ) v i f<br />

v v pour V(A) = v<br />

– f pour V(A) = i<br />

– i pour V(A) = f<br />

v pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

i pour V(A) = f<br />

v pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

i pour V(A) = f<br />

i i pour tout A i pour tout A i pour tout A<br />

f – i pour V(A) = v<br />

– f pour V(A) = i<br />

v pour V(A) = f<br />

i pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

v pour V(A) = f<br />

i pour V(A) = v<br />

i pour V(A) = i<br />

v pour V(A) = f<br />

Bien sûr, on n'a pas examiné les cas où V(A), x <strong>et</strong> y<br />

www.gillesjosse.fr 101/303


prennent les autres valeurs de vérité non nulles de K*, à<br />

savoir – v , – i , – f <strong>et</strong> T, qui se déduisent par combinaison des<br />

valeurs principales des deux relations.<br />

Cela étant, soit G(A) une méta-affirmation, ou<br />

affirmation générale sur les affirmations basiques, on<br />

peut convenir que G est « normale » quand pour toute<br />

affirmation A de son domaine de définition, G(A) est soit<br />

vraie soit fausse, <strong>et</strong> dire qu'elle est « anormale », s'il existe<br />

une ou des affirmations particulières pour lesquelles G(A)<br />

se révèle indéterminée de première ou seconde espèce, ou<br />

égale à T.<br />

Ainsi, G6(A) = « l'affirmation A comporte six mots » est<br />

une affirmation normale : une affirmation particulière étant<br />

donnée, soit elle comporte six mots, soit ça n'est pas le cas !<br />

Appliquer G5 à elle même n'est pas un problème : on a<br />

G6(G6) = v.<br />

M' (A , v , v ) <strong>et</strong> M'' ( A , f , f ) sont anormales. Si A est<br />

vraie, M' (A , v , v ) = – i , <strong>et</strong> si A est fausse, M'' ( A , f , f ) =<br />

i.<br />

Formulons alors G², qui dit « toute méta-affirmation G est<br />

www.gillesjosse.fr 102/303


soit normale, soit anormale ». G² est-elle vraie, est-elle<br />

normale ?<br />

Examinons dans un premier temps une pseudo<br />

démonstration de ce que G² est vraie <strong>et</strong> normale. G² est elle-<br />

même une méta-méta-affirmation qui ne pose « aucun souci »<br />

tant qu'on ne l'applique pas à elle-même : elle est vraie.<br />

Notons U = G² ( G² ) , c'est-à-dire l'affirmation basique<br />

obtenue quand on applique G² à elle-même : U = « G² est<br />

normale ou anormale » = « V( N ) = v ou V( N ) = f » , avec<br />

N = « G² est normale ».<br />

Notons tout d'abord que si U se révèle vraie ou bien<br />

fausse, on en déduit que G² est normale, puisqu'on a supposé<br />

celle-ci vraie partout quand on ne l'applique pas à elle-<br />

même : c'est la définition même de la normalité que nous<br />

venons de poser.<br />

Alors :<br />

• Supposons que G² soit normale, alors V( N ) = v <strong>et</strong> U<br />

est vraie, donc G² est vraie.<br />

• Supposons que G² soit anormale, alors V ( N ) = f <strong>et</strong><br />

U est encore vraie, <strong>et</strong> G² aussi.<br />

www.gillesjosse.fr 103/303


• Supposons que G² ne soit ni normale, ni anormale,<br />

alors V(N) = i, d'où V(U) = V(« i = v » ˅ « i = f ») = i<br />

<strong>et</strong> U est anormale, d'où l'on déduit que G² est encore<br />

vraie.<br />

On peut donc affirmer dans un premier temps que G² est<br />

vraie. Si G² est vraie, soit elle est normale, soit elle est<br />

anormale. Si on la suppose normale, alors U est vraie <strong>et</strong> tout<br />

va bien, il n'y a pas de contradiction. Si on la suppose<br />

anormale, U est toujours vraie, ce qui implique que G² serait<br />

aussi normale, d'où contradiction.<br />

Finalement, G² est donc vraie <strong>et</strong> elle-même normale, du<br />

type toujours vraie : toute méta-affirmation G est soit<br />

normale, soit anormale.<br />

Évidemment, le point faible de la « démonstration »<br />

précédente, c'est de considérer G² vraie pour toute méta-<br />

affirmation, hors elle-même, de telle façon que le principe<br />

G² est en fait équivalent à affirmer qu'on ne peut soulever<br />

de paradoxe type paradoxe du menteur dans la logique I.<br />

Comment pouvons-nous le démontrer ?A ce point précis,<br />

nous pouvons au moins démontrer que certaines<br />

www.gillesjosse.fr 104/303


généralisations du paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée, dont le<br />

paradoxe du menteur est un cas particulier, ne peuvent donner<br />

lieu à un paradoxe du même type pour la logique I. C'est<br />

l'obj<strong>et</strong> d'un chapitre prochain.<br />

Cela mis à part, la manière dont nous affectons une valeur<br />

de vérité à une affirmation particulière G(A) nous donne une<br />

indication sur ce suj<strong>et</strong>. Si G(A) peut être vraie sans pouvoir<br />

être également fausse ou bien fausse sans pouvoir être<br />

également vraie, on s'arrête là : si c'est le cas pour toute<br />

valeur de A, y compris quand elle se réfère à G elle-même, G<br />

est donc normale. S'il existe une valeur particulière A0 de A<br />

pour laquelle G(A0) peut aussi bien être déclarée vraie que<br />

fausse sans contradiction, alors V(G(A0)) = – i, <strong>et</strong> si pour ce<br />

A0 G(A0) ne peut être déclaré ni vrai ni faux sans<br />

contradiction, alors V(G(A0)) = i : alors, G est anormale. On<br />

constate qu'aucun cas de figure ne peut échapper à notre<br />

analyse, par construction, <strong>et</strong> cela constitue une première<br />

démonstration de notre théorème de normalité TN.<br />

www.gillesjosse.fr 105/303


Explicitation d'une relation logique<br />

On pose R = A × B = z = S ( E ) , avec E = ( x , y ) , x =<br />

V(A) = <strong>et</strong> y = V(B) pris dans K0, qui ne prend jamais la<br />

valeur Φ. Nous allons examiner différents cas de figure<br />

simples, de manière à montrer que l'on peut toujours<br />

exprimer R à partir des variables x <strong>et</strong> y, d'une relation $<br />

de permutation que nous allons définir, des connecteurs<br />

logiques ˅ , + <strong>et</strong> &, = <strong>et</strong> des valeurs de vérité de K0 : nous<br />

dirons alors que nous avons procédé à « l'explicitation »<br />

de R à l'aide des OLE, obj<strong>et</strong>s logiques élémentaires de la<br />

logique I.<br />

Le but du jeu est d'arriver à expliciter toutes les tables de<br />

vérité qui ne comportent que des f <strong>et</strong> une dernière valeur de<br />

K* : de c<strong>et</strong>te manière, on pourra décomposer n'importe quelle<br />

table de vérité par simple sommation de telles tables, qu'on<br />

dira « élémentaires », de même que les relations<br />

correspondantes. Commençons par les relations triviales<br />

constantes, quant à leur table de vérité, puisque leur valeur de<br />

sortie z est effectivement constante, <strong>et</strong> ne dépend donc dans<br />

www.gillesjosse.fr 106/303


ce cas ni de A, ni de B :<br />

K(v) v i f<br />

v v v v<br />

i v v v<br />

f v v v<br />

K(v) s'écrit donc K(v) = « v ». On a K(i) = « i », K(f) = « f »,<br />

<strong>et</strong>c. Mais voici maintenant la définition de la relation de<br />

permutation $ :<br />

$( v ) = i $( – v ) = – i $( T ) = T<br />

$( i ) = f $( – i ) = – f $( Φ ) = Φ<br />

$( f ) = v $( – f ) = – v<br />

Par construction, $ ainsi que $$ respectent la règle de<br />

distributivité par rapport à la disjonction, ou règle de<br />

superposition des états. Alors, on pose R1, donnée par :<br />

R1 v i f<br />

v i i i<br />

i i i i<br />

f f f f<br />

www.gillesjosse.fr 107/303


R1 = « {V(A) = v} & [ {V(A) = f} + {V(B) = i} ] » =<br />

« {V(A) = v} & K(i) »<br />

On pose R2 = « {V(B) = v} & K(i) »<br />

R2 v i f<br />

v i i f<br />

i i i f<br />

f i i f<br />

Avec R3 = R1 + R2 = « [{V(A) = v} + {V(B) = v}] & K(i) »<br />

R3 v i f<br />

v i i i<br />

i i i i<br />

f i i f<br />

Alors, $(R3) a pour tableau :<br />

$(R3) v i f<br />

v f f f<br />

i f f f<br />

f f f v<br />

www.gillesjosse.fr 108/303


C'est bien l'une des relations élémentaires de coin. On<br />

pose R4 = « {V(A) = v} + K(i) » <strong>et</strong> R5 = « {V(B) = v} +<br />

K(i) », R6 = « {V(A) = f} + K(i) » <strong>et</strong> R7 = « {V(B) = f} +<br />

K(i) ». La relation R8 = R5 & R6 & R7 & R8 a pour tableau :<br />

R8 v i f<br />

v v v v<br />

i v i v<br />

f v v v<br />

Alors, $$(R8) a pour tableau :<br />

$$(R8) v i f<br />

v f f f<br />

i f v f<br />

f f f f<br />

C'est la relation élémentaire centrale en v, Ecentrale(v).<br />

R13 & $$(R13) = Ecentrale(i), Ecentrale(f) = K(f), <strong>et</strong><br />

Ecentrale( – i ), Ecentrale( – f ), Ecentrale( – v ) <strong>et</strong><br />

Ecentrale( T ) s'ensuivent, par disjonction.<br />

On obtient encore l'une des relations élémentaires de bord,<br />

avec par exemple : R9 = « {V(A) = v} + {V(A) = f} + {V(B)<br />

www.gillesjosse.fr 109/303


= v} + $$(R8) + K(i) » :<br />

R9 v i f<br />

v v v v<br />

i v v i<br />

f v v v<br />

Alors, $$(R10) = Ebord(v) a pour tableau :<br />

$$(R10) v i f<br />

v f f f<br />

i f f v<br />

f f f f<br />

R10 & $$(R10) = Ebord( i ), <strong>et</strong>c. Le reste est à l'avenant<br />

…Les symétries nous perm<strong>et</strong>tent alors d'expliciter n'importe<br />

laquelle des 9 × 7 = 63 relations élémentaires.<br />

Partant de là, nous savons expliciter le tableau racine de<br />

n'importe quelle relation du type R( A , B ) ne prenant pas la<br />

valeur nulle, à partir des valeurs logiques de K0 <strong>et</strong> des<br />

opérations logiques élémentaires OLE ( égalité, disjonction,<br />

somme <strong>et</strong> produit, opposé <strong>et</strong> contraire), donc la relation<br />

www.gillesjosse.fr 110/303


complète. Autrement dit, nous pouvons écrire formellement :<br />

Si R( A , B ) ne s'annule pas pour V(A) <strong>et</strong> V(B) ne<br />

s'annulant pas, alors il existe une fonction logique F bâtie<br />

à partir des OLE <strong>et</strong> des valeurs de K*, telle que R( A , B )<br />

= F( V(A) , V(B) ).<br />

Mais si l'on examine notre démonstration, on s'aperçoit<br />

que l'on a obtenu deux résultats supplémentaires<br />

particulièrement importants :<br />

1 – Seules les valeurs de cœur v , i <strong>et</strong> f interviennent dans la<br />

construction de F.<br />

2 – V(A) = x <strong>et</strong> V(B) = y n'interviennent que dans des<br />

opérations de comparaison à ces valeurs de cœur.<br />

On peut donc écrire : F( A , B ) = F( x = v , x = i , x = f , y<br />

= v , y = i , y = f ). Sachant que V(« x= i ») = i = V(« y = i »)<br />

pour tout x <strong>et</strong> tout y, il reste : F ( A , B ) = F( x = v , x = f , y<br />

= v , y = f ). F ( A , B ) = F( « A est vraie », « A est fausse »,<br />

« B est vraie » , B est fausse » ).<br />

www.gillesjosse.fr 111/303


Considérons maintenant une affirmation auto-référente R :<br />

• Si elle ne parle que d'elle-même, alors R = R ( R ) =<br />

F( « R est vraie » , R est fausse » ). On suppose alors<br />

que R est vraie, ce qui implique V(« R est vraie ») = v<br />

<strong>et</strong> V(« R est fausse ») = f, <strong>et</strong> on calcule F( v , f ). Si<br />

l'on trouve une valeur distincte de v, c'est que R ne<br />

peut être vraie. Si l'on trouve v, on réserve le<br />

pronostic pour la fin. On renouvelle en eff<strong>et</strong> le<br />

processus en calculant c<strong>et</strong>te fois F ( f , v ), <strong>et</strong> si l'on<br />

trouve une valeur distincte de f, c'est que R ne peut<br />

être fausse. Alors, si elle pouvait être vraie, c'est<br />

qu'elle est effectivement vraie, <strong>et</strong> si elle ne pouvait<br />

pas être vraie non plus, on en déduit que sa valeur de<br />

vérité est i. Si l'on trouve la valeur f <strong>et</strong> que R ne<br />

pouvait être vraie, c'est que R est fausse, <strong>et</strong> sinon ,<br />

c'est que V(R) = – i. C'est de là que découle notre<br />

première démonstration de TN, théorème de<br />

normalité.<br />

D'où le tableau indiquant les seules valeurs de sortie<br />

possibles pour le système :<br />

www.gillesjosse.fr 112/303


R est vraie \ R est<br />

fausse<br />

v i f<br />

v – i Φ v<br />

i Φ i Φ<br />

f f Φ Φ<br />

• Si R affirme A en même temps que de parler d'elle-<br />

même, alors R = R ( A , R ) = F( « A est vraie », « A<br />

est fausse », « R est vraie » , R est fausse » ). Le<br />

tableau de la relation est alors le suivant :<br />

A est vraie \ R est<br />

vraie<br />

v i f<br />

v v ou Φ i ou Φ f ou Φ<br />

i v ou Φ i ou Φ f ou Φ<br />

f v ou Φ i ou Φ f ou Φ<br />

Pour ce faire, on a supposé que A ne dépendait pas de<br />

la valeur de vérité de R : A parle d'autre chose que de R<br />

dans sa totalité, <strong>et</strong> pourquoi pas d'elle-même.<br />

L'indication de valeur v ou Φ signifie que c'est un état<br />

possible de sortie pour la relation, égal à v, ou qu'au contraire,<br />

www.gillesjosse.fr 113/303


ça n'est pas un état possible, d'où la valeur nulle.<br />

Prenons par exemple R, telle qu'on ait :<br />

A est vraie \ R est<br />

vraie<br />

v i f<br />

v Φ i Φ<br />

i Φ Φ f<br />

f v i Φ<br />

On peut alors par exemple décomposer R en R = R1 +<br />

R2 , avec :<br />

R1(A est vraie , R<br />

est vraie)<br />

v i f<br />

v v i f<br />

i v i f<br />

f v i f<br />

R2(A est vraie , R<br />

est vraie)<br />

v i f<br />

v Φ f Φ<br />

i Φ Φ f<br />

f f f Φ<br />

On n'a donné que la « forme » de R2 : celle-ci comporte la<br />

www.gillesjosse.fr 114/303


valeur f pour tous les états du système qui sont autorisés, <strong>et</strong> la<br />

valeur nulle sinon. On remarque alors que R1 = « V(R) = v ».<br />

Les états non nuls du système ou de la relation sont dans ce<br />

cas : ( v , i ) ( i , f ) ( f , v ) ( f , i ) qui se résument en 3 : ( v<br />

, i ) ( i , f ) ( f , – f ).<br />

• R est à l'état i quand A est vraie.<br />

• R est à l'état faux quand A est à l'état i.<br />

• R est à l'état non-vrai quand A est fausse.<br />

Nous n'avons pas introduit le terme de « système » pour<br />

rien : en eff<strong>et</strong>, s'il ne nous est pas possible d'exhiber une<br />

relation auto-référente non triviale qui ne possède aucun état<br />

de sortie non nul, soit une relation « paradoxale », il est<br />

possible d'imaginer un système physique équivalent à une<br />

telle relation, qui soit quasi-paradoxal.<br />

Imaginons en eff<strong>et</strong> une machine à sous avec trois rouleaux<br />

semblables comportant chacune six figures distinctes , de<br />

manière à ce que le système considère que vous avez gagné si<br />

vous avez tiré 100 fois de suite les trois bananes, perdu si<br />

vous avez tiré 100 fois de suite les trois pommes. Un joueur à<br />

donc 1 chance sur 36 100 de gagner, <strong>et</strong> la même chose de<br />

www.gillesjosse.fr 115/303


perdre, c'est-à-dire quasiment 0.<br />

Chaque partie revient donc à actionner 100 fois de suite la<br />

man<strong>et</strong>te. Si vous avez perdu, la machine vous envoie une<br />

décharge électrique de tension T égale à 120 V, à 0,1 V près.<br />

Si vous avez gagné, la machine ne vous envoie pas de<br />

décharge électrique, <strong>et</strong> si vous n'avez ni gagné ni perdu, la<br />

machine vous envoie une décharge dont la tension est<br />

comprise entre 0,1 <strong>et</strong> 119,9 V.<br />

On peut alors considérer que l'état de sortie de la machine<br />

est représenté par la valeur de la tension de la décharge<br />

envoyée : pour une décharge de 0 V, le système est à l'état f,<br />

pour une décharge de 120 V à l'état v, <strong>et</strong> pour une décharge<br />

de 60 V, à 0,1 V près, à l'état i. Toutes les autres valeurs de la<br />

tension peuvent ainsi être associée à la valeur nulle, puisque<br />

elles ne correspondent à aucun état logique prédéfini.<br />

Compte-tenu de la probabilité quasi-nulle qu'il y a à ce<br />

que la décharge soit d'une tension correspondant à l'une des<br />

trois valeurs logiques prédéfinies, <strong>et</strong> bien qu'en théorie le<br />

système soit capable de posséder chacun de ces trois états<br />

logiques bien définis, il est en pratique en permanence dans<br />

www.gillesjosse.fr 116/303


un état correspondant à la valeur nulle, <strong>et</strong> non la valeur T, qui<br />

signifierait ici que la tension prenne l'un des trois niveaux 0,<br />

60 ou 120 V, à 0,1 V près.<br />

Notre système modélise donc bien une situation quasi-<br />

paradoxale, où les états logiques d'entrée <strong>et</strong> de sortie sont<br />

clairement déterminés <strong>et</strong> non tous nuls, mais où la sortie est<br />

toujours à l'état nul en pratique. Voici le tableau de vérité<br />

correspondant :<br />

Succès T = F(succès)<br />

v 0 V = f<br />

i T quelconque = Φ<br />

f 120 V = v<br />

www.gillesjosse.fr 117/303


Généralisation du paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée<br />

Considérons n cartes numérotées A1 , A2 , … , An ,<br />

portant chacun une affirmation qu'on désignera de même, <strong>et</strong><br />

qui est construite de la manière suivante : Ai = Ai ( V(A1) ,<br />

V(A2) , … , V(An) ).<br />

Ai est donc une affirmation portant sur les valeurs de<br />

vérité aj que l'on peut éventuellement affecter aux<br />

affirmations Aj , j variant de 1 à n, élaborées à partir des<br />

obj<strong>et</strong>s logiques élémentaires OLE <strong>et</strong> des valeurs de K0.<br />

Donnons un exemple à quatre cartes, pour fixer les idées :<br />

A1 = « {V(A1) = u11 & V(A3) = u13} + V(A2) = u12 +<br />

V(A4) = u14} »<br />

A2 = « $ ( V(A1) = u22 & V(A2) = u22 & V(A3) = u23) ˅<br />

V(A4) = u24 » avec les uij pris dans K*. Etc.<br />

Autrement dit, chaque Ai est une relation dont on peut<br />

effectuer l'explicitation . Alors, si le système constitué par<br />

l'ensemble Σ des Ai est paradoxal, c'est qu'il répond par la<br />

valeur nulle pour toutes les valeurs du n-upl<strong>et</strong> d'entrée E =<br />

( V(A1) , V(A2) , … , V(An) ). Il suffit donc de fixer la<br />

www.gillesjosse.fr 118/303


valeur de V(A3), … , V(An) pour obtenir n relations A'i qui<br />

ne dépendent plus maintenant que des valeurs de V(A1) <strong>et</strong><br />

V(A2) <strong>et</strong> dont l'explicitation dérive de celle des Ai.<br />

Avec l'exemple précédent, fixant V(A3) à x3 <strong>et</strong> v(A4) à<br />

x4, l' explicitation de A'1 s'écrit : A1 = « {V(A1) = u11 & x3<br />

= u13} + V(A2) = u12 + x4 = u14} ».<br />

Alors, pour tout couple d'entrée E' = ( V(A1) , V(A2) ) le<br />

système dérivé Σ' des A'i , le système répond par la valeur<br />

nulle, ce qui implique qu'il y a toujours au moins l'une des<br />

relations A'i qui répond par la valeur nulle.<br />

Cela implique donc que la relation composée R = A'1 &<br />

A'2 & … & A'n est elle-même paradoxale, c'est-à-dire répond<br />

par la valeur nulle à tout couple d'entrée E'. Mais l'<br />

explicitation de R est immédiate, donnée par sa définition<br />

même <strong>et</strong> l'explicitation de chacune des relations A'i.<br />

On remarque encore que R ne dépend que des paramètres<br />

V(A1) <strong>et</strong> V(A2). Autrement dit, si l'on était capable<br />

d'exhiber une généralisation à n cartes de la situation de<br />

la carte r<strong>et</strong>ournée qui soit paradoxale pour la logique I,<br />

cela nous perm<strong>et</strong>trait d'exhiber une situation à deux<br />

www.gillesjosse.fr 119/303


cartes qui soit elle-même paradoxale.<br />

Évidemment, ce résultat repose sur la possibilité ou pas<br />

d'expliciter une relation logique quelconque. Hors, on a vu<br />

qu'il était possible d'expliciter toute relation logique définie<br />

par son tableau racine, <strong>et</strong> nous avons posé qu'une relation<br />

logique valide était justement équivalente à la donnée de<br />

celui-ci.<br />

Nous avons montré ce résultats pour une relation à deux<br />

variables logiques, mais elle se généralise aisément à toute<br />

relation à n variables par une récurrence dont nous indiquons<br />

les grandes lignes de la démonstration.<br />

Supposons que pour toute relation à n variables, avec n ≥<br />

2, on sache obtenir une explicitation par décomposition en<br />

relations élémentaires, comme on l'a fait pour n = 2 : c'est<br />

l'hypothèse de récurrence.<br />

Considérons alors R = R( V(A1) , … , V(An+1) ) , relation<br />

à n+1 variables, avec n ≥ 2, <strong>et</strong> montrons qu'on peut<br />

l'expliciter.<br />

A chacun des 3 n+1 n+1 upl<strong>et</strong>s d'entrée Ej = ( a1, a2 , … ,<br />

an+1 ), que l'on a numéroté de 1 à 3 n+1 , correspond une sortie<br />

www.gillesjosse.fr 120/303


R(Ej) prenant valeur dans K* (ou dans K ).<br />

Fixons les variables an à v <strong>et</strong> an+1 à v : alors on obtient<br />

une « coupe » de la relation R que l'on notera Rvv <strong>et</strong> qui ne<br />

dépend plus que des n –1 variables a1 , a2 , … , an–1. Rvv est<br />

donc explicitable par décomposition en somme de 3 n–1<br />

relations élémentaires Rvv(k), par application de l'hypothèse<br />

de récurrence, qui correspondent chacune à l'un des n –1<br />

upl<strong>et</strong>s Ek =( a1 , a2 , … , an–1 ) que l'on a numéroté de 1 à<br />

3 n–1 : on a donc Rvv = Rvv(1) + Rvv(2) + … + Rvv( 3 n–1 ) qui<br />

est une explicitation de Rvv. On value de même Rvi, Rvf,<br />

Riv, Rii, Rif, Rfv, Rfi <strong>et</strong> Rff.<br />

R( Ek , v , v ) = Rvv(k) est une relation élémentaire. De<br />

même pour R( Ek , v , i ) , R ( Ek , v , f ) , <strong>et</strong>c. On obtient<br />

ainsi 9 × 3 n–1 = 3 n+1 relations élémentaires correspondant<br />

chacune à l'un des n+1 upl<strong>et</strong>s d'entrée ( a1 , a2 , … , an ) <strong>et</strong><br />

qui forment donc une décomposition de R en relations<br />

élémentaires. Une explicitation de R est donc :<br />

R = R'1 + R'2 + … + R'n–1 avec R'k = Rvv(k) +<br />

Rvi(k) + Riv(k) + … + Rff'(k)<br />

www.gillesjosse.fr 121/303


En résumé, toute relation logique s'exprimant par une table<br />

de vérité à n dimensions <strong>et</strong> qui est partout non nulle est<br />

explicitable, c'est-à-dire exprimable à partir des valeurs de<br />

vérité des affirmations qui la composent prises comme<br />

variables, des OLE <strong>et</strong> des valeurs logiques de cœur. Si elle est<br />

paradoxale, alors c'est que tout ses états de sortie possibles<br />

sont nuls, donc qu'elle est équivalente à la relation triviale<br />

nulle K(Φ), que nous appellerons « relation<br />

d’imprévisibilité totale », ce qui veut dire qu'elle ne prend<br />

aucun des états logiques prédéfinis pour toute valeur de son<br />

n-upl<strong>et</strong> d'entrée. Si c<strong>et</strong>te relation est modélisée par un<br />

système physique, cela revient encore à dire que celui-ci est<br />

complètement imprévisible : pour la logique I, la<br />

paradoxalité est donc remplacée par la notion<br />

d'imprésivibilité totale.<br />

D'autre part, toujours pour la logique I, tout système fini<br />

de relations logiques dont le nombre des variables est fini est<br />

explicitable pourvu qu'il ne s'annule jamais, même s'il est en<br />

tout ou partie auto-référent, <strong>et</strong> se révèle donc prévisible.<br />

Évidemment, nous avons vu qu'un tel système peut ne pas<br />

www.gillesjosse.fr 122/303


être déterministe, ce qui veut dire qu'ayant fixé l'état de toutes<br />

ses variables d'entrées à v, i ou f, de manière indépendante,<br />

son état de sortie n'est pas toujours l'un des états certains v, i<br />

ou f. Le système peut donc être en même temps<br />

complètement prévisible, tout en étant en tout ou partie<br />

incertain. Pour notre logique I, les notions<br />

d'imprévisibilité <strong>et</strong> d'incertitude sont distinctes , alors<br />

qu'elles sont confondues pour la logique habituelle H.<br />

Notons encore que si une relation logique « u »<br />

partiellement prévisible, c'est-à-dire répondant par la valeur<br />

logique nulle à certains n-upl<strong>et</strong>s d'entrée mais pas tous,<br />

pouvait être explicitée de la manière que nous avons vue,<br />

alors, on serait capable d'expliciter K(Φ) d'une manière non<br />

triviale, c'est-à-dire d'exhiber une relation non triviale<br />

imprévisible, donc « paradoxale » pour la logique I. Par<br />

exemple, si on a la table suivante :<br />

A u B v i f<br />

v v v Φ<br />

i v v Φ<br />

f v v Φ<br />

www.gillesjosse.fr 123/303


On peut alors écrire K(Φ) = A u B + A u $B + A u $$B.<br />

C'est juste un peit peu plus compliqué lorsque l'on a qu'une<br />

seule case nulle dans le tableau <strong>et</strong> que celui-ci est à n<br />

dimensions, mais le principe reste le même. On peut donc<br />

énoncer :<br />

S'il existe des relations logiques explicitables qui ne<br />

sont que partiellement prévisibles, alors il existe des<br />

relations logiques totalement imprévisibles que l'on peut<br />

expliciter de manière non triviale, <strong>et</strong> l'on peut donc ainsi<br />

exhiber des <strong>paradoxes</strong> logiques pour la logique I qu'elle<br />

ne sait pas solutionner avec les 7 valeurs de vérité non<br />

nulles de K*.<br />

www.gillesjosse.fr 124/303


Le paradoxe du barbu <strong>et</strong> les états logiques flous<br />

Le paradoxe sorite du barbu se présente de la manière<br />

suivante : « Si j'enlève un poil de barbe a un barbu X, il reste<br />

barbu, si j'en enlève un deuxième, c'est idem, mais si je finis<br />

par lui enlever le dernier poil, il est glabre ».<br />

Le premier des <strong>paradoxes</strong> sorites est le paradoxe du tas<br />

(sorite est un adjectif dérivé de sõros qui en grec ancien<br />

signifie « tas »). Il fut formulé au IVe siècle av. J.-C. par<br />

Eubulide, qui fut dirigeant de l'École mégarique. Il tend à<br />

démontrer l'impossibilité qu'il y a à constituer un tas par<br />

l'accumulation de grains. C'est « l'inverse » du paradoxe du<br />

barbu. On part d'un grain de sable, qui n'est assurément pas<br />

un « tas » de sable, <strong>et</strong> on lui ajoute un grain de sable, sans<br />

pour autant obtenir un tas, <strong>et</strong> ainsi de suite, <strong>et</strong> pourtant, en<br />

renouvelant l'opération, on finit néanmoins par obtenir ce<br />

qu'on peut effectivement appeler un tas de sable. Mais<br />

revenons à notre barbu :<br />

Soit dmax la densité de poil maximale de l'individu X, <strong>et</strong> d<br />

sa densité effective : on forme alors le rapport r = d / dmax,<br />

www.gillesjosse.fr 125/303


qui est compris entre 0 <strong>et</strong> 1. On appellera r l'indice de<br />

barbosité de X. On comprend bien que lorsque r est proche de<br />

1, l'individu peut être considéré comme barbu, <strong>et</strong> quand r est<br />

proche de 0, qu'il est glabre. Quand r est proche de 1 / 2 on<br />

dira que l'individu est « glabu ». On peut donc poser B = « X<br />

est barbu » <strong>et</strong> :<br />

• r ≥ 1 – a V(B) = v X est barbu<br />

• a < r < 1 – a V(B) = i X est glabu<br />

• r ≤ a V(B) = f X est glabre<br />

Il s'ensuit :<br />

• V(B) = – f r > a X est non-glabre<br />

• V(B) = – i r > 1 – a ou r < a<br />

X est non-glabu<br />

• V(B) = – v r < 1 – a<br />

X est non-barbu<br />

• V(B) = T 0 ≤ r ≤ 1<br />

quelconque<br />

X est de barbosité<br />

• V(B) = Φ X est un oiseau ou bien…<br />

On constate alors que la logique I ne rend guère mieux<br />

www.gillesjosse.fr 126/303


compte de ce paradoxe que la logique H, puisqu'il existe c<strong>et</strong>te<br />

fois encore deux discontinuités d'état, entre barbu <strong>et</strong> glabu <strong>et</strong><br />

entre glabu <strong>et</strong> glabre. On voit aussi que multiplier les états<br />

logiques en leur associant de nouveaux noms comme<br />

glaglabu = mi-glabre mi-glabu <strong>et</strong> glabubu = mi-glabu mi-<br />

barbu ne peut aboutir qu'à la confusion, puisque notre<br />

pouvoir de discrimination entre ces différents états n'est<br />

sûrement pas suffisant.<br />

Le paradoxe provient de ce qu'il y a discontinuité de l'état<br />

logique rendant compte de la situation, pour r proche de a ou<br />

1 – a , alors que l'indice de barbosité est lui continu : la<br />

logique I, tout comme la logique H, est une logique discrète.<br />

On dira aussi que la barbosité est un « état mou » , <strong>et</strong> que la<br />

logique I ne rend pas compte de manière complètement<br />

satisfaisante des états mous, même si elle le fait mieux que la<br />

logique H.<br />

Une solution existe alors, qui consiste à prendre l'indice r<br />

lui-même pour valeur de vérité de l'affirmation A. C'est<br />

l'obj<strong>et</strong> de ce qu'on appelle « logique floue », où les variables<br />

logiques sont c<strong>et</strong>te fois des variables continues <strong>et</strong> non plus<br />

www.gillesjosse.fr 127/303


discrètes. La solution que nous avons envisagée avec la<br />

logique I est une modélisation de la réalité en états logiques<br />

discr<strong>et</strong>s. Elle a ses limites, comme nous venons de le voir<br />

avec le cas du barbu, mais elle s'avérait néanmoins pertinente<br />

avec la situation du terrain mouillé par un arroseur <strong>et</strong>/ou la<br />

pluie, ou bien encore le cas de la soupe, du morceau de<br />

beurre <strong>et</strong> du temps qu'il fait.<br />

On peut encore remarquer que nous sommes renvoyés à la<br />

discussion de la page 30 <strong>et</strong> suivantes, au suj<strong>et</strong> de la valeur de<br />

vérité à affecter à A = « il pleut », lorsqu'il pleuvine, qui avait<br />

donnée lieu à trois tableaux distincts. Ici, c'est la même<br />

chose, on peut se demander ce que vaut V(B) avec B = « X<br />

est barbu », quand X est glabu.<br />

Comme précédemment, deux positions sont tenables, la<br />

première consistant à affirmer que si l'on sait que X est glabu,<br />

on sait alors qu'il n'est pas barbu <strong>et</strong> on pose V(B) = f, la<br />

deuxième consistant à affirmer qu'on ne sait jamais vraiment<br />

quand X n'est que glabu <strong>et</strong> pas barbu, <strong>et</strong> on pose c<strong>et</strong>te fois<br />

V(B) = i.<br />

En revenant au temps qu'il fait, la deuxième manière est<br />

www.gillesjosse.fr 128/303


un peu paradoxale, puisque cela revient à affirmer que<br />

lorsqu'il fait franchement chaud, on sait dire qu'il fait chaud<br />

de manière sure, qu'il ne fait pas froid de manière sûre <strong>et</strong> qu'il<br />

fait doux de manière seulement indéterminée, alors que s'il<br />

fait doux, les trois affirmations « il fait chaud », « il fait<br />

doux » <strong>et</strong> « il fait froid » restent indéterminées.<br />

C<strong>et</strong>te manière, résumée dans le troisième tableau que nous<br />

avions vu, découle en fait de la relation d'égalité entre valeurs<br />

logiques =. Et les valeurs de c<strong>et</strong>te relation d'égalité nous ont<br />

été dictées par l'étude généralisée du paradoxe de la carte<br />

r<strong>et</strong>ournée : on a chassé le paradoxe d'un côté, <strong>et</strong> il semble<br />

réapparaître d'un autre !<br />

On aurait beau jeu de minimiser le problème en le noyant<br />

dans de grandes phrases : en fait, on peut constater que le<br />

paradoxe de la carte r<strong>et</strong>ournée est lié à celui du barbu, via la<br />

relation d'égalité. Ce qui est frappant dans ce phénomène,<br />

c'est que dans le cas du paradoxe du barbu, on est dans des<br />

états flous continus, où la discontinuité introduite par les<br />

mots du langage pose problème, alors qu'avec la carte<br />

r<strong>et</strong>ournée, la situation est atomique <strong>et</strong> discontinue par nature,<br />

www.gillesjosse.fr 129/303


mais que le même formalisme perm<strong>et</strong> de les envisager toutes<br />

deux.<br />

Cela rappelle vaguement la double nature corpusculaire <strong>et</strong><br />

ondulatoire de la lumière, où le paradoxe sorite proviendrait<br />

de l'aspect « corpusculaire » discontinu de la réalité, <strong>et</strong> celui<br />

de la carte, de sa nature « ondulatoire » continue. L’auto-<br />

référence des deux faces de la carte dit leur proximité <strong>et</strong> fait<br />

ainsi penser à l'expérience des fentes de Young, <strong>et</strong> à<br />

l'interférence des faisceaux lumineux : les deux côtés de la<br />

carte interfèrent, car ils sont auto-référents !<br />

www.gillesjosse.fr 130/303


Ensembles mous <strong>et</strong> distance<br />

Du flou au mou, il n'y a qu'un pas. Considérons un<br />

ensemble U*, comme « univers », qu'on appellera aussi<br />

« population » si les éléments X de U* sont des humains ou<br />

des animaux, <strong>et</strong> deux affirmations « génériques » A(X) <strong>et</strong><br />

B(X) concernant les éléments X pris individuellement,<br />

comme par exemple A(X) = « X est attirant » <strong>et</strong> B(X) = « X<br />

est barbu ». Quand on instancie X en X0, on obtient une<br />

affirmation « particulière ». On dira que les affirmations<br />

générales correspondantes A* = « tous les X sont attirants »<br />

<strong>et</strong> B* = « tous les X sont barbus » sont des affirmations<br />

« universelles ».<br />

On suppose de plus que A comme B correspondent à des<br />

états flous, dans le sens que l'on a défini dans le chapitre<br />

précédent, mais que l'on sait fixer la valeur de vérité de A <strong>et</strong><br />

B pour tout X particulier, <strong>et</strong> qu'elle vaut toujours v, i ou f,<br />

c'est-à-dire que les relations A <strong>et</strong> B sont certaines.<br />

L'affirmation A crée donc une partition de la population<br />

U* en trois ensembles Av, Ai <strong>et</strong> Af, rassemblant<br />

www.gillesjosse.fr 131/303


espectivement les individus qui sont attirants, moyennement<br />

attirants <strong>et</strong> repoussants. Idem pour B.<br />

Pour la logique H, une relation telle que A ne définit que<br />

deux ensembles complémentaires Av <strong>et</strong> Af, par<br />

compréhension, de telle manière que A peut être assimilée à<br />

l'ensemble Av <strong>et</strong> Af à la relation –* A, contraire de A.<br />

Ici, ce que nous avons appelé la négation logique de A<br />

s'énonce « X est non-attirant » = « X est moyennement<br />

attirant ou encore repoussant » n'est pas assimilable à Af,<br />

puisque « l'ensemble » correspondant inclut aussi Ai. C'est le<br />

contraire de A, –* A, qui est assimilable à Af.<br />

On pose alors A' = « X est non-attirant », de sorte que la<br />

relation A' correspond à la réunion de Ai <strong>et</strong> Af, relativement à<br />

A : Ai U Af = { X e U* / V(A(X)) = i ou V(A(X)) = f } = { X<br />

e U* / V(A'(X)) = v } <strong>et</strong> Av = { X e U* / V(A'(X)) = f }.<br />

Alors : A'v = Ai U Af <strong>et</strong> A'f = Av.<br />

En posant A'' = « X est non-repoussant » <strong>et</strong> A''' = « X est<br />

attirant ou repoussant », on obtient : A''v = Ai U Av A''f = Af,<br />

A'''v = Av U Af <strong>et</strong> A'''f = Ai.<br />

On remarque alors que la relation A engendre les relations<br />

www.gillesjosse.fr 132/303


A', A'' <strong>et</strong> A''', qu'on appellera les relations « dérivées<br />

secondes » de A, <strong>et</strong> leur négation, <strong>et</strong> que chacune de ces six<br />

relations prise seule est équivalente à A <strong>et</strong> aux cinq autres.<br />

C'est exactement équivalent à ce que l'on a appelé<br />

reformulation assertive de A ! Les « dérivées premières »<br />

de A seront quant à elles obtenues en restreignant A à Ai , Av<br />

ou Af. Nous reviendrons sur c<strong>et</strong>te notion de dérivées dans un<br />

chapitre ultérieur.<br />

On dira que A', A'' <strong>et</strong> A''' <strong>et</strong> leur négation sont des relations<br />

« triviales » vis-à-vis de la logique I, dans le sens où elles ne<br />

prennent que les valeurs v ou f partout où elles s'appliquent,<br />

<strong>et</strong> la relation A sera dite « non-triviale », ou encore<br />

« <strong>molle</strong> », par ce qu'elle peut prendre la valeur i.<br />

Étant donné une relation non triviale A, celles ci engendre<br />

trois ensembles non vides Av, Ai <strong>et</strong> Af qui donnent naissance<br />

à trois autres ensembles non vides que l'on peut noter A (– v)<br />

, A (– i) <strong>et</strong> A (– f), obtenus par réunion des autres deux à<br />

deux, ainsi qu'à l'ensemble Def (A), réunion des trois. On<br />

définit alors la « dur<strong>et</strong>é » d d'un de ces sept ensembles<br />

comme le rapport entre le nombre de ses éléments X tels que<br />

www.gillesjosse.fr 133/303


V(A(X)) ≠ i sur le nombre total de ses éléments. Si Card(Av)<br />

= V , Card(Ai) = I , Card(Af) = F <strong>et</strong> Card( Def (A) ) = V +<br />

I + F = N , on a alors :<br />

• d ( Av ) = d ( Af ) = d ( A( – i )) = 1<br />

• d ( Ai ) = 0<br />

• d ( A (– v ) ) = F / ( F + I )<br />

• d ( A (– f ) ) = V / ( V + I )<br />

• d ( Def (A) ) = ( V + F ) / ( V + I + F ) = ( V + F ) / N<br />

La dur<strong>et</strong>é d'un de ces sept ensembles est donc comprise<br />

entre 0 <strong>et</strong> 1. Quand elle vaut 1, l'ensemble correspondant sera<br />

dit « dur », « tout mou » quand elle vaut 0, <strong>et</strong> « mou »<br />

quand elle est strictement comprise entre ces deux valeurs.<br />

Av <strong>et</strong> Af <strong>et</strong> A( – i ) sont donc durs <strong>et</strong> Ai tout mou, alors que<br />

Def (A), A (– v ) <strong>et</strong> A( – f ) sont mous.<br />

On appellera encore « noyau » d'un ensemble sa partie qui<br />

est dure <strong>et</strong> « gap » sa partie toute <strong>molle</strong>, de sorte qu'un<br />

ensemble dur est réduit à son noyau <strong>et</strong> qu'un ensemble tout<br />

mou est réduit à son gap. Le gap de l'ensemble A, ou encore<br />

de la relation A, c'est Ai, l'ensemble des X de U* tels que<br />

V(A(X)) = i, c'est-à-dire l'ensemble des X pour lesquels A est<br />

www.gillesjosse.fr 134/303


indéterminée. Quand on réduit l'application de la relation A à<br />

son noyau, elle y est triviale <strong>et</strong> donc toujours vraie ou fausse.<br />

La réunion du noyau <strong>et</strong> du gap sera appelé le « support » de<br />

la relation R, que l'on a noté Def(A).<br />

Par extension, une relation triviale est dépourvue de gap.<br />

Une relation A non-triviale pourra encore être dite « <strong>molle</strong> »,<br />

comme l'ensemble A des X de U* à laquelle elle s'applique. A<br />

la limite, une relation triviale pourrait être dite dure. Enfin,<br />

l'ensemble vide sera considéré comme dur.<br />

On notera bien que les notions de dur<strong>et</strong>é, de gap <strong>et</strong> de<br />

noyau n'ont de sens qu'au travers d'une relation qui leur<br />

donne naissance, même si l'on peut effectivement à l'inverse<br />

définir de manière artificielle une relation A en choisissant<br />

arbitrairement trois sous-ensembles non vides disjoints de<br />

U*, que l'on identifie à Av, Ai <strong>et</strong> Af.<br />

Toutes ces notions ayant été précisées, on va maintenant<br />

définir une distance D entre relations. Étant données deux<br />

relations particulière non triviales A(X) <strong>et</strong> B(X) de la forme<br />

vue précédemment, on va donc tâcher de mesurer l'écart qui<br />

existe entre les ensembles A( – f ) <strong>et</strong> B( – f ).<br />

www.gillesjosse.fr 135/303


Pour que D soit bien une distance, au sens mathématique<br />

du terme, elle doit vérifier trois axiomes, qui sont celui de<br />

symétrie, celui de séparation, <strong>et</strong> l'inégalité triangulaire.<br />

• On devra donc définir D de manière à ce que D ( A , B<br />

) = D ( B , A ) : symétrie.<br />

• Si pour tout X de U* on a V(A(X)) = V(B(X)), c'est<br />

que les relations A <strong>et</strong> B sont équivalentes, <strong>et</strong> on devra<br />

donc avoir D ( A, B ) = D ( B , A) = 0. A l'inverse, si<br />

D ( A , B ) = 0 , les relations A <strong>et</strong> B devront être<br />

équivalentes, ce qui sous-entend qu'on ait Ai = Bi <strong>et</strong><br />

Av = Bv. L'équivalence « D ( A, B) = 0 A = B »<br />

constitue l'axiome de séparation.<br />

• L'inégalité triangulaire (IT) s'écrit quand à elle : D ( A<br />

, B ) ≤ D ( A , R ) + D ( R , B ) , pour trois relations<br />

quelconques A, B <strong>et</strong> R.<br />

C<strong>et</strong>te distance D entre relations non triviales pourra bien<br />

sûr s'appliquer par prolongement aux relations triviales, pour<br />

lesquelles le gap est vide. C'est ce qui va nous m<strong>et</strong>tre sur la<br />

voie d'une formule convenant pour définir D.<br />

Partons donc de deux relations A <strong>et</strong> B triviales, telles que<br />

www.gillesjosse.fr 136/303


A( – f ) = Av , de cardinal Va <strong>et</strong> B( – f ) = Bv , de cardinal<br />

Vb. Notons Vab le cardinal de l'intersection entre Av <strong>et</strong> Bv.<br />

On pose alors : D ( A , B ) = 1 – Vab / ( Va + Vb – Vab ). D<br />

est alors clairement symétrique.<br />

Si A = B, on a bien alors D = 0 <strong>et</strong> réciproquement.<br />

L'axiome de séparation est vérifié. Si A C B (inclus), on a D<br />

= 1 – Va / Vb. Si A <strong>et</strong> B sont disjoints, D = 1.<br />

Sur le cas particulier précédent, on remarque que D est<br />

définie comme rapport du nombre d'éléments de U* tels que<br />

A est fausse <strong>et</strong> B vraie ou A vraie <strong>et</strong> B fausse, sur le nombre<br />

d’éléments tels que A ou B est non fausse, ce qui nous donne<br />

l'idée de généraliser la formule de la manière qui suit. On<br />

note C = A & B , de sorte que Cv est l'ensemble des éléments<br />

de U* tels que A <strong>et</strong> B sont vraies, de cardinal Vc = Vab, <strong>et</strong> Ci<br />

est l'ensemble des éléments de U* tels que A est vraie <strong>et</strong> B<br />

indéterminée, ou A <strong>et</strong> B indéterminées, ou encore A<br />

indéterminée <strong>et</strong> B vraie, de cardinal Ic = Iab. On pose alors :<br />

D ( A , B ) = 1 – ( Vab + Iab / 2 ) / ( Va + Ia / 2 + Vb + Ib /<br />

2 – ( Vab + Iab / 2 ) )<br />

www.gillesjosse.fr 137/303


L'inégalité triangulaire correspondante est bien connue des<br />

mathématiciens <strong>et</strong> on n'en reproduit pas ici la démonstration :<br />

(IT) est bien vérifiée, <strong>et</strong> notre application D est bien une<br />

distance sur l'ensemble des affirmations génériques,<br />

qu'elles soient triviales ou non-triviales.<br />

La distance D n'est bien sûr pas la seule dont on puisse<br />

munir c<strong>et</strong> ensemble. On aurait pu choisir : D' ( A , B ) = Va +<br />

Ia/2 + Vb + Ib/2 – 2 × ( Vab + Iab/2 ).<br />

D' varie entre 0 <strong>et</strong> + ∞ <strong>et</strong> D varie entre 0 <strong>et</strong> 1, ce qui fait<br />

que D ( A , B ) peut être interprétée en terme de valeur de<br />

vérité floue, telle qu'on l'a vue au chapitre précédent avec le<br />

paradoxe du barbu. Formons l'affirmation C qui dit « pour<br />

tout X de U*, V(A(X)) = V(B(X)) » : alors on peut poser<br />

V'(C) = 1 – D ( A , B ).<br />

Soit W une partie de U* <strong>et</strong> la relation générique le<br />

définissant G(W) = « X est élément de W », qui est donc<br />

triviale, puisqu'elle prend la valeur de vérité v quand X est<br />

dans W <strong>et</strong> f quand il est dans son complémentaire C(W). Soit<br />

encore une relation générique A quelconque. Alors, on peut<br />

poser V'( A / W ) = 1 – D ( A ∩ W , W ) , qui sera la valeur de<br />

www.gillesjosse.fr 138/303


vérité de l'affirmation A, relativement à l'ensemble W. Si A<br />

est triviale, elle représente simplement la proportion des X de<br />

W pour lesquels la valeur de vérité V(A(X)) est vraie. Pour<br />

W = U*, on définit V'( A ) =V' ( A / U* ).<br />

La valeur de vérité ainsi obtenue pour les relations<br />

génériques est une valeur de vérité floue, répétons-le, c'est-à-<br />

dire que c'est un nombre variant entre 0 <strong>et</strong> 1, qui n'est jamais<br />

égal à i où l'une ou l'autre des valeurs indéterminées de<br />

seconde espèce de la logique I.<br />

Dans un premier temps, on pourrait penser qu'on peut<br />

assimiler la valeur V' = 1 / 2 à i, justement, mais cela n'a pas<br />

de sens. Prenons en eff<strong>et</strong> une sous-population W comportant<br />

moitié hommes moitié femmes <strong>et</strong> moitié de barbu, ce qui<br />

implique évidemment que tous les hommes de W portent la<br />

barbe. Posons A = « X est une femme » <strong>et</strong> B = « X est<br />

barbu ». On aurait alors V'(A ) = V'(B) = i , ce qui donnerait<br />

V'(A & B ) = i , avec les règles de calcul habituelles de la<br />

logique I. Or on constate aisément que V'( A & B ) = 0 : la<br />

proportion de femmes barbues est nulle dans l'ensemble W.<br />

Mais on a aussi la possibilité de considérer que<br />

www.gillesjosse.fr 139/303


l'affirmation universelle A sur U, correspondant à une qualité<br />

q, à savoir « tout X de U à la qualité q » possède une valeur<br />

de vérité que nous appellerons « complexe » , valant le tripl<strong>et</strong><br />

( x ; y ; z ) , où x représente la proportions d'éléments X de U<br />

pour lesquels A est vraie, y celle où elle est fausse <strong>et</strong> z, la<br />

proportion de ceux pour laquelle elle est indéterminée. Nous<br />

y reviendrons dans le prochain chapitre.<br />

Pour finir, voyons maintenant une relation générique utile,<br />

qui est la relation d'identité à un élément x0 de U*, définie<br />

par Ix0 ( X ) = « X = x0 ». Si un ensemble W est constitué<br />

des éléments x1, x2, … , xn , on a alors G(W) = Ix1 + Ix2 +<br />

… + Ixn.<br />

Soit A(X) une affirmation générique : l'affirmation<br />

particulière A(X0) s'écrit donc A(X0) = A(X) & Ix0(X).<br />

Autrement dit, une affirmation particulière A(X0) quelconque<br />

peut être vue comme une affirmation générique triviale dont<br />

le support est réduit à l'élément X0 si A(X0) est vraie ou<br />

indéterminée, ou est vide si elle est fausse. En conséquence<br />

de quoi notre distance D (ou D') peut aussi être appliquée aux<br />

affirmations particulières. Exemple : Si A = « Jean est un<br />

www.gillesjosse.fr 140/303


homme » <strong>et</strong> B = « Jean est beau », on a D ( A , B ) = 0 si V(A<br />

& B) =v, D ( A , B ) = 1 / 2 si V(A & B) = i,<strong>et</strong> D ( A , B ) = 1<br />

sinon.<br />

www.gillesjosse.fr 141/303


Le modèle soustractif des couleurs<br />

Imaginons une population P de « pigments » rouges,<br />

jaunes <strong>et</strong> bleus, en proportions égales. On en choisit 3n au<br />

hasard pour former une sous-population P'. Compte tenu de<br />

ce que l'on sait sur le mélange des couleurs, on peut associer<br />

la couleur X de la sous-population P' à une variable logique à<br />

trois états, telle par exemple que le rouge soit égal à v, la<br />

jaune à i <strong>et</strong> le bleu à f. On a alors :<br />

• Orange = – f<br />

• Viol<strong>et</strong> = – i<br />

• Vert = – v<br />

• Noir = T<br />

• Blanc = Φ<br />

La variable X peut varier de manière continue sur c<strong>et</strong>te<br />

roue des couleurs. Soit M le point correspondant sur la roue,<br />

<strong>et</strong> O le centre de celle-ci. Les coordonnées polaires de M<br />

peuvent être prises égales à ( 1 , a ). On pose alors :<br />

x = r / 3n y = j / 3n z = b / 3n<br />

On a : x + y + z = 1<br />

www.gillesjosse.fr 142/303


Le point M' ( u' , w' ), tel que M' est le barycentre du<br />

système { ( R , x ) ; ( J , y ) ; ( B , z ) } est situé dans le<br />

triangle RJB = VIF, <strong>et</strong> possède la même phase que M.<br />

u' = √(3)<br />

2<br />

Alors, on obtient a :<br />

1<br />

×( x−z) w ' = ×(−x+2y− z)<br />

2<br />

Si x ≥ z a=atan( √(3)<br />

3<br />

Si x ≤ z a=atan( √(3)<br />

3<br />

2−3 ×(x+z)<br />

× )<br />

x−z<br />

2−3×(x+ z)<br />

× )−π<br />

x− z<br />

On peut définir une distance entre deux points M1( u1 ,<br />

w1 ) <strong>et</strong> M2( u2 , w2 ) par :<br />

M1M2 = 1 / 6 × ( |Δ w| + √3 |Δ u| ) = 1 / 2 × ( | (x2 – x1) +<br />

(z2 – z1) | + | (x2 – x1) – (z2 – z1) | ) = Max ( (x2 – x1) ; (z2<br />

– z1) )<br />

Les points RJB = VIF sont alors à la distance 1 les uns des<br />

autres <strong>et</strong> le point N = T est à la distance 2 /3 des point VIF – I<br />

– V – F, de même que des autres points intermédiaires<br />

www.gillesjosse.fr 143/303


correspondant aux couleurs jaune orangé, bleu clair, bleu<br />

viol<strong>et</strong>, <strong>et</strong>c.<br />

Dans ce cas de figure, seule la disjonction a un sens<br />

concr<strong>et</strong>, physiquement réalisable, qui est celui du mélange<br />

des couleurs, mais pas la somme ni le produit de deux<br />

variables telles que X, même si on peut l'obtenir sur<br />

ordinateur. Ainsi, on peut définir la couleur d'une sous<br />

population P' obtenue comme mélange de deux sous-<br />

www.gillesjosse.fr 144/303


populations P1 <strong>et</strong> P2, en disant que M' est barycentre du<br />

système { ( R , x' ) ; ( J , y' ) ; ( B , z' ) } , avec la formule :<br />

• x' = ( r1 + r2 ) / ( n1 + n2) (= (x1 + x2) / 2 si n1 = n2)<br />

• y' = ( j1 + j2 ) / ( n1 + n2) (= (y1 + y2) / 2 si n1 =n2)<br />

• z' = ( b1 + b2 ) / ( n1 + n2) (= (z1 + z2) / 2 si n1 = n2)<br />

On peut encore utiliser ce codage de couleur pour<br />

visualiser les tables de vérité de la logique I.<br />

www.gillesjosse.fr 145/303


Expression analytique de la disjonction<br />

On peut trouver une première expression analytique de la<br />

disjonction respectant la table de vérité complète donnée<br />

page 43 par plusieurs constructions différentes. En voici une<br />

qui a le mérite de s'exprimer de manière uniforme sur notre<br />

triangle espace des phases, avec P1 = ( x1 ; y1 ; z1 ), P2 =<br />

( x2 ; y2 ; z2 ) <strong>et</strong> P0 = ( x0 ; y0 ; z0 ) = P1 ˅ P2 :<br />

x0=<br />

y0=<br />

z0=<br />

Max( xi<br />

Mi )<br />

Max( xi yi zi<br />

)+Max( )+Max(<br />

Mi Mi Mi )<br />

Max( yi<br />

Mi )<br />

Max( xi yi zi<br />

)+Max( )+Max(<br />

Mi Mi Mi )<br />

Max( zi<br />

Mi )<br />

Max( xi yi zi<br />

)+Max( )+Max(<br />

Mi Mi Mi )<br />

M1 = Max( x1;y1;z1 ) <strong>et</strong> M2 = Max ( x2;y2;z2 )<br />

www.gillesjosse.fr 146/303


Nous appellerons ces formules les « formules grossières de<br />

la disjonction ».<br />

www.gillesjosse.fr 147/303


Expression analytique de la somme <strong>et</strong> du produit<br />

En examinant la manière dont sont construites les tables,<br />

on s'aperçoit que les choses sont un peu plus compliquées<br />

qu'elles en ont l'air, avec les valeurs de vérité que nous avons<br />

appelé « complexes ». Considérons par exemple l'opération u<br />

= – v + – v = ( i ˅ f ) + ( i ˅ f ) = ( i+ i ) ˅ ( i + f ) ˅ ( f + i ) ˅<br />

( f + f ) = i ˅ i ˅ i ˅ f .<br />

Formellement, quand on reprend l'exemple de la pluie <strong>et</strong><br />

de l'arroseur déterminant l'état d'humidité du sol, on en déduit<br />

que quand il est faux qu'il pleuve vraiment <strong>et</strong> faux également<br />

que l'arroseur fonctionne à plein régime, le sol est sec ou<br />

simplement humide, soit u = – v. Mais cela se fait sans tenir<br />

compte des proportions relatives de durée des différentes<br />

situations.<br />

Partant de – v = ( 0 ; 1/2 ; 1/2 ), supposons qu'on étudie la<br />

situation sur deux jours, alors, par exemple, le jour 1 il ne<br />

pleut pas <strong>et</strong> le jour 2 il pleuvine. Mais alors, si l'arroseur<br />

fonctionne doucement, le sol est humide le jour 1 <strong>et</strong> idem le<br />

jour 2, alors que si l'arroseur est arrêté, le sol est sec le jour 1<br />

www.gillesjosse.fr 148/303


<strong>et</strong> humide le jour 2. Au total, le sol est simplement humide les<br />

trois quarts du temps, <strong>et</strong> sec l'autre quart, ce qui donne : u =<br />

( 0 ; 1/4 ; 3/4 ). Autrement dit, le tableau de la somme logique<br />

est à modifier comme suit :<br />

+ T<br />

T<br />

(1/3;1/3;1/<br />

3)<br />

v<br />

(1;0;0)<br />

– f<br />

(1/2;0;1/2)<br />

– i<br />

(1/2;1/2;0)<br />

i<br />

(0;0;1)<br />

– v<br />

(0;1/2;1/2)<br />

f<br />

(0;1;0)<br />

(1/3;1/3;1/<br />

3)<br />

(5/9;1/9;1/<br />

3)<br />

v<br />

(1;0;0)<br />

– f<br />

(1/2;0;1/2)<br />

– i<br />

(1/2;1/2;0)<br />

v (2/3;0;1/3) (2/3;1/6;1/<br />

6)<br />

i<br />

(0;0;1)<br />

– v<br />

(0;1/2;1/2)<br />

(1/3;0;2/3) (1/3;1/6;1/<br />

2)<br />

f<br />

(0;1;0)<br />

v v v v v v v<br />

(2/3;0;1/3) v (3/4;0;1/4) (3/4;0;1/4) – f – f – f<br />

(2/3;1/6;1/<br />

6)<br />

v (3/4;0;1/4) (3/4;1/4;0) – f (1/2;1/4;1/<br />

(1/3;0;2/3) v – f – f i i i<br />

(1/3;1/6;1/<br />

2)<br />

v – f (1/2;1/4;1/<br />

4)<br />

4)<br />

T<br />

– i<br />

i (0;1/4;3/4) – v<br />

T v – f – i i – v f<br />

Si M0 = M1 + M2, on trouve alors de manière immédiate<br />

les formules suivantes, que nous appellerons « formules<br />

fines de la somme » :<br />

www.gillesjosse.fr 149/303


x0 = x1 + x2 – x1×x2<br />

y0 = y1×y2<br />

z0 = 1 + x1×x2 – ( x1 + x2 ) – y1×y2<br />

Avant de voir l'expression analytique du produit, il nous<br />

faut faire un détour du côté de la relations « contraire » :<br />

A T v – f – i i – v f Φ<br />

–* A T f – v – i i – f v Φ<br />

Si A = ( x ; y ; z ) , alors son contraire –* A vaut par<br />

exemple : –* A = ( y ; x ; z )<br />

La loi de De Morgan –* ( A & B ) = ( –* A + ( –* B ) ) ,<br />

perm<strong>et</strong> alors de trouver une expression de M0 = M1 & M2 :<br />

x0 = x1×x2<br />

y0 = y1 + y2 – y1×y2<br />

z0 = 1 + y1×y2 – ( y1 + y2 ) – x1×x2<br />

Mais alors, il convient également de modifier le tableau de<br />

valeurs de la disjonction :<br />

www.gillesjosse.fr 150/303


˅ T<br />

T<br />

(1/3;1/3;1/<br />

3)<br />

v<br />

(1;0;0)<br />

– f<br />

(1/2;0;1/2)<br />

– i<br />

(1/2;1/2;0)<br />

i<br />

(0;0;1)<br />

– v<br />

(0;1/2;1/2)<br />

f<br />

(0;1;0)<br />

(1/3;1/3;1/<br />

3)<br />

v<br />

(1;0;0)<br />

T (2/3;1/6;1/<br />

(2/3;1/6;1/<br />

6)<br />

(2/5;1/5;2/<br />

5)<br />

(2/5;2/5;1/<br />

5)<br />

(1/6;1/6;2/<br />

3)<br />

(1/5;2/5;2/<br />

5)<br />

(1/6;2/3;1/<br />

6)<br />

6)<br />

– f<br />

(1/2;0;1/2)<br />

(2/5;1/5;2/<br />

5)<br />

– i<br />

(1/2;1/2;0)<br />

(2/5;2/5;1/<br />

5)<br />

i<br />

(0;0;1)<br />

(1/6;1/6;2/<br />

3)<br />

– v<br />

(0;1/2;1/2)<br />

(1/5;2/5;2/<br />

5)<br />

f<br />

(0;1;0)<br />

(1/6;2/3;1/<br />

v (2/3;0;1/3) (2/3;1/3;0) – f T – i<br />

(2/3;0;1/3) – f (1/2;1/4;1/<br />

(2/3;1/3;0) (1/2;1/4;1/<br />

4)<br />

4)<br />

(1/3;0;2/3) (1/4;1/4;1/<br />

2)<br />

– i T (1/4;1/2;1/<br />

4)<br />

6)<br />

T<br />

(1/3;2/3;0)<br />

– f (1/3;0;2/3) T i (0;1/3;2/3) – v<br />

T (1/4;1/4;1/<br />

2)<br />

(1/4;1/2;1/<br />

4)<br />

(0;1/3;2/3) – v (0;2/3;1/3)<br />

– i T (1/3;2/3;0) – v (0;2/3;1/3) f<br />

Si M0 = M1 ˅ M2 ˅ … ˅ Mn, où les Mi sont des valeurs de<br />

K* on a c<strong>et</strong>te fois-ci les formules :<br />

x0 = ( x1 + x2 + … + xn ) / n<br />

y0 = ( y1 + y2 + … + yn ) / n<br />

z0 = (z1 + z2 + … + zn ) / n<br />

Avec ces nouvelles formules, que nous appellerons « les<br />

formules fines de la disjonction », on vérifie bien que l'on a<br />

www.gillesjosse.fr 151/303


ce que nous avons appelé notre loi de distributivité, ou encore<br />

de superposition d'états :<br />

( M1 ˅ M2 ) + M3 = ( M1 + M3 ) ˅ ( M2 + M3 )<br />

( M1 ˅ M2 ) & M3 = ( M1 & M3 ) ˅ ( M2 & M3 )<br />

En revanche <strong>et</strong> par exemple, M'0 = M1 ˅ M2 ˅ M3 n'est<br />

pas égal à ( M1 ˅ M2 ) ˅ M3 ni à M1 ˅ ( M2 ˅ M3 ) , mais<br />

il est donné par :<br />

x'0 = ( x1 + x2 + x3 ) / 3<br />

y'0 = ( y1 + y2 + y3 ) / 3<br />

z'0 = (z1 + z2 + z3 ) / 3<br />

Cela vient précisément de ce que les coordonnées x, y <strong>et</strong> z<br />

d'un point M correspondent en fait à des fréquences calculées<br />

dans une population. Par exemple, pour trois mois de 30<br />

jours, x1 va représenter la fréquence des jours où il pleut le<br />

mois 1, x2 le mois 2, <strong>et</strong> x3 le mois 3, <strong>et</strong> la fréquence pour<br />

l'ensemble des trois mois est bien la moyenne des fréquences,<br />

mais ne peut pas se calculer de manière associative.<br />

On remarque tout de même que les formules que nous<br />

avons données pour le produit <strong>et</strong> la somme sont bien<br />

www.gillesjosse.fr 152/303


associatives, elles :<br />

M''0 = M1 + M2 + M3 = ( M1 + M2 ) + M3 = M1 + ( M2<br />

+ M3 )<br />

x''0 = x1 + x2 + x3 – ( x1×x2 + x1×x3 + x2×x3 ) +<br />

x1×x2×x3<br />

y''0 = y1×y2×y3<br />

z''0 = 1 – x''0 – y''0<br />

Enfin, notons qu'avec ces différentes formules, notre<br />

logique I devient une logique à variables continues, sans<br />

pourtant être une logique floue, puisque les valeurs de vérité<br />

sont complexes, <strong>et</strong> non égales à un seul scalaire. On peut<br />

donc utiliser celles-ci pour trouver la valeur de vérité<br />

« complexe » de la somme <strong>et</strong> du produit de deux affirmations<br />

universelles <strong>molle</strong>s ayant même ensemble de définition.<br />

En reprenant notre exemple de la page 128, si l'on prend<br />

un ensemble U d'individus masculins, dont b sont barbus, <strong>et</strong> g<br />

sont glabres, a sont attirants <strong>et</strong> r sont repoussants, les<br />

affirmations universelles B* = « tous les X de U sont<br />

barbus » <strong>et</strong> A* = « tous les X de U sont attirants » ont pour<br />

www.gillesjosse.fr 153/303


valeur de vérité complexe :<br />

V'(A*) = ( a / u ; r / u ; 1 – (a+r) / u )<br />

V'(B*) = ( b / u ; g / u ; 1 – (b+g) / u )<br />

On a donc :<br />

V'(A* + B*) = ( (a+b) / u – ab / u² ; rg / u² ; 1 – (a+b) / u +<br />

(ab – rg) / u² )<br />

V'(A* & B* ) = ( ab / u² ; (r+g) / u – rg / u² ; 1 – (r+g) / u +<br />

(rg – ab) / u² )<br />

Notons que ces formules ne donnent pas les valeurs<br />

exactes, mais les valeurs les plus probables !<br />

Partant des formules fines de la somme <strong>et</strong> du produit de<br />

deux valeurs de vérité complexes, on a aussi le moyen de<br />

trouver l'expression de A + B <strong>et</strong> A & B quand V(A) <strong>et</strong> V(B)<br />

appartiennent à K*, c'est-à-dire comme dans les tableaux<br />

primitivement donnés page 38. Pour cela, on calcule V'(A +<br />

B) ou V'(A & B), <strong>et</strong> on modifie les valeurs trouvées de la<br />

façon suivante :<br />

• Si le résultat est dans K*, on ne change rien.<br />

• Sinon, si aucune des composantes du résultat n'est<br />

www.gillesjosse.fr 154/303


nulle, on lui substitue T.<br />

• Sinon, si x0 est nul, on substitue – v au résultat. Si y0<br />

est nul, on lui substitue – f, <strong>et</strong> si c'est z0 qui est nul,<br />

on lui substitue – i.<br />

On peut alors finalement exprimer analytiquement + <strong>et</strong> &<br />

de la façon suivante. si (x ; y ; z ) = V'(A + B) ou V'(A & B) ,<br />

la valeur correspondante V(A + B) ou V(A & B) est (x0 ; y0 ;<br />

z0 ) = ( f(x) ; f(y) ; f(z) ) – 4×f(x)f(y)f(z)×T , avec :<br />

f (u)=<br />

sign(u− 1<br />

)× Pint(∣2u−1∣)+1<br />

2<br />

2<br />

fonction partie entière <strong>et</strong> sign la fonction signe.<br />

, où Pint désigne la<br />

Quand u = 0 , f est nulle. Quand u =1, f vaut 1, <strong>et</strong> entre les<br />

deux, elle vaut 1 / 2.<br />

De ce fait, quand ni x ni y ni z ne sont nuls, f(x) , f(y) <strong>et</strong><br />

f(z) valent chacun 1 /2 <strong>et</strong> (x0 ; y0 ; z0 ) = T. Si x vaut 1, par<br />

exemple, alors f(x) vaut 1 <strong>et</strong> y <strong>et</strong> z sont nuls, mais aussi f(y)<br />

<strong>et</strong> f(z) : (x0 ; y0 ; z0 ) = v. Si x est nul <strong>et</strong> ni y ni z, alors f(y) <strong>et</strong><br />

f(z) valent 1 / 2 , quand f(x) vaut 0 : (x0 ; y0 ; z0 ) = – v. Etc.<br />

On a donc bien le comportement attendu. Ce sont là « les<br />

formules grossières de la somme <strong>et</strong> du produit », qui ne<br />

www.gillesjosse.fr 155/303


sont pas plus exactes que les formules fines, mais donnent<br />

encore les valeurs les plus probables.<br />

On veillera bien à ne pas confondre ces différentes<br />

expressions analytiques, même si les unes <strong>et</strong> les autres sont<br />

aussi bien valables pour les valeurs de vérité complexes,<br />

correspondant à des affirmations génériques <strong>molle</strong>s sur tout<br />

un ensemble, soit des universelles <strong>molle</strong>s, que pour les<br />

valeurs de vérité de K* correspondant à des affirmations<br />

particulières. Ce qui fait vraiment la différence, c'est que<br />

les deuxièmes formules de la somme <strong>et</strong> du produit que<br />

nous avons obtenues présentent un canevas plus grossier<br />

que les premières, comme leur nom l'indique. Pour celles-<br />

ci, i ˅ i ˅ v vaut i ˅ v , soit – f , alors que pour les autres, le<br />

résultat est ( 1 / 3 ; 0 ; 2 / 3 ), par exemple.<br />

On se souviendra également que les formules fines de la<br />

somme <strong>et</strong> du produit fonctionnent de paire avec les formules<br />

fines de la disjonction, <strong>et</strong> idem pour les « grossières ».<br />

www.gillesjosse.fr 156/303


Simplification d'une affirmation générique complexe<br />

Nous allons définir dans ce chapitre ce que nous<br />

entendons par affirmations génériques « simples » <strong>et</strong><br />

« complexes ». Partons de l'étude d'un exemple : A(X) =<br />

A1(X) ˅ A2(X) = « le jour X de l'année N1 était un jour de<br />

pluie, avec X e E1 » ˅ « le jour X de l'année N2 était un jour<br />

de pluie, avec X e E2 ».<br />

E1 = { jours de l'année N1 ou il n'a pas plu du tout ou<br />

seulement pleuviné }<br />

E2 = { jours de l'année N2 ou il a plu ou seulement<br />

pleuviné }<br />

A(X) est bien une affirmation générique <strong>et</strong> elle est définie<br />

sur E1 U E2 , avec V(A(X)) = V(A1(X)) = – v quand X e E1,<br />

<strong>et</strong> V(A(X)) = V(A2(X)) = – f quand X e E2.<br />

Il semblerait donc à première vue que l'affirmation<br />

générique A ne soit ni triviale, ni <strong>molle</strong>, puisqu'elle ne prend<br />

pas ses valeurs dans le cœur K0 : on dira qu'une telle<br />

affirmation générique est « complexe », alors que les<br />

affirmations génériques triviales ou <strong>molle</strong>s seront dites<br />

www.gillesjosse.fr 157/303


« simples ».<br />

Examinons les choses de plus près. V(A(X)) = – v quand<br />

X e E1 signifie que chaque jour du sous-ensemble E1 des<br />

jours de l'année N1, il n'a pas plu du tout ou bien il a<br />

seulement pleuviné. En revanche il n'a pas pu à la fois<br />

pleuviner <strong>et</strong> ne pas pleuvoir du tout. Autrement dit, on peut<br />

écrire E1 = E1(i) U E1(f) , où E1(i) désigne le sous-ensemble<br />

des jours de E1 ou il a seulement pleuviné, <strong>et</strong> E1(f)<br />

l'ensemble des jours où il n'a pas plu du tout, l'intersection<br />

des deux sous-ensembles étant vide.<br />

De la même façon, E2 = E2(i) U E2(v), <strong>et</strong> on peut affirmer<br />

que A(X) est vraie sur E1(v), fausse sur E2(v) <strong>et</strong> indéterminée<br />

sur E1(i) U E2(i). On obtient donc une affirmation générique<br />

S(A(X)) <strong>molle</strong>, donc simple, qui est équivalente à<br />

l'affirmation générique A(X) de départ, puisqu'elle a le même<br />

ensemble de définition <strong>et</strong> que la donnée des valeurs de vérité<br />

de S(A(X)) pour tout X perm<strong>et</strong> d'obtenir celles de A(X) <strong>et</strong><br />

inversement. On se convaincra aisément de ce que c<strong>et</strong>te<br />

« procédure de simplification » est applicable à toute<br />

affirmation générique complexe.<br />

www.gillesjosse.fr 158/303


R<strong>et</strong>our à la normalité<br />

Dans un chapitre précédent, on a considéré des<br />

affirmations particulières <strong>et</strong> des affirmations génériques, dont<br />

on a constaté qu'elles étaient « équivalentes » : une<br />

affirmation particulière peut être obtenue comme produit<br />

logique de deux affirmations génériques, dont la relation<br />

d'identité, <strong>et</strong> une affirmation générique peut être vue comme<br />

une somme d'affirmations particulières. Autrement dit, les<br />

affirmations particulières sont des cas particuliers<br />

d'affirmations génériques.<br />

Le domaine de définition de ces relations était une<br />

population P0, qu'on a encore appelé univers U*, <strong>et</strong> toutes<br />

celles-ci s'avéraient à la fois basiques <strong>et</strong> tranquilles, dans le<br />

sens que l'on a donné à ces mots dans notre chapitre<br />

introduisant la notion de normalité. Elles sont basiques parce<br />

que ça ne sont pas des méta-affirmations, <strong>et</strong> tranquilles, parce<br />

qu'elle ne sont pas auto-référentes, pour peu que l'univers U*<br />

soit constitué d'éléments concr<strong>et</strong>s, comme les hommes, les<br />

barbus, les hiboux, <strong>et</strong>c.<br />

www.gillesjosse.fr 159/303


Dans ce qui va suivre, on considérera que P0 est une partie<br />

finie de l'ensemble N des entiers naturels comportant p0<br />

éléments. On appellera PAff( P0 ) l'ensemble des affirmations<br />

particulières que l'on peut former sur tout ou partie des<br />

éléments de P0 <strong>et</strong> Aff(P0) l'ensemble des affirmations<br />

génériques. Une affirmation particulière étant un cas<br />

particulier d'affirmation générique, on a PAff(P0) C Aff(P0).<br />

Une affirmation A de Aff(P0) simple équivaut alors à la<br />

donnée de trois sous-ensembles Af, Ai <strong>et</strong> Av de P0, où elle est<br />

respectivement fausse, indéterminée <strong>et</strong> vraie, qui sont des<br />

parties de P0. Si X appartient à P0, mais à aucun de ces<br />

ensembles, alors V(A(X)) = Φ. Si l'affirmation A est<br />

complexe, elle peut être simplifiée en S(A), à laquelle ce que<br />

nous venons juste d'énoncer s'applique encore.<br />

Pas besoin d'être grand sorcier pour constater que Aff(P0)<br />

est alors elle même finie, de telle sorte que l'on peut<br />

numéroter ses éléments : Aff(P0)1, … , Aff(P0)n(P0) , avec<br />

n(P0) le nombre d'éléments de Aff(P0).<br />

On va maintenant considérer un univers U*(P0) = Aff(P0),<br />

<strong>et</strong> l'ensemble Aff(U*(P0)) = Aff²(P0) des affirmations que<br />

www.gillesjosse.fr 160/303


l'on peut faire au suj<strong>et</strong> de ses éléments, qui sont les<br />

affirmations génériques de P0 : ce sont donc des méta-<br />

affirmations que nous noterons avec un carré, comme A², B² ,<br />

ce carré indiquant qu'on est bien en présence d'une méta-<br />

affirmation.<br />

On a vu qu'on considérait une méta-affirmation comme<br />

normale si elle répond toujours par v ou par f, quelque soit<br />

son argument A pris dans son domaine dé définition, <strong>et</strong><br />

anormale sinon. On remarquera que c<strong>et</strong>te notion se confond<br />

avec celle de trivialité, à une simplification près : une méta-<br />

affirmation normale de Aff²(P0) est bien triviale, relativement<br />

à Aff(P0), <strong>et</strong> quand elle est anormale, elle est <strong>molle</strong> quand<br />

elle est simple, ou quand elle est complexe, reformulable en<br />

une méta-affirmation <strong>molle</strong> ou triviale.<br />

Donnons des exemples de méta-affirmations de Aff²(P0) :<br />

A² = « une affirmation G de Aff(P0) demande au moins trois<br />

signes alphanumériques pour être écrite ». A² est définie sur<br />

la totalité de Aff(P0) <strong>et</strong> toujours vraie, puisque les plus p<strong>et</strong>ites<br />

affirmations de Aff(P0) s'écrivent avec trois signes, comme<br />

« X = a » , « X > a », <strong>et</strong>c. , avec a élément de P0 ( a e P0). A²<br />

www.gillesjosse.fr 161/303


est donc une méta-affirmation normale de Aff²(P0) (qu'on<br />

abrégera en Aff², s'il n'y a pas de confusion possible, de<br />

même que Aff désignera Aff(P0)).<br />

Autres exemples :<br />

• B² = « une affirmation générique G de Aff est<br />

triviale »<br />

• C² = « une affirmation générique G non-triviale de Aff<br />

est vraie pour tout X de son support »<br />

• D² , telle que V(D²(G)) = i si G est <strong>molle</strong> <strong>et</strong> v si G est<br />

triviale.<br />

B² est bien aussi définie sur la totalité de Aff² mais peut se<br />

révéler vraie ou fausse : elle est donc normale, par<br />

conséquent. C² est toujours fausse, donc normale elle aussi.<br />

D² vaut v ou i, donc est anormale.<br />

Comme une affirmation générique, une méta-affirmation<br />

A² de Aff² est équivalente, après une éventuelle<br />

simplification, à la donnée de son domaine de définition<br />

Def(A²), hors duquel elle prend la valeur nulle, <strong>et</strong> des sous-<br />

ensembles de Def(A²), notés A²(v) , A²(f) , A²(i), où elle<br />

prend la valeur de vérité correspondante. Si A²(i) est vide,<br />

www.gillesjosse.fr 162/303


elle est normale, <strong>et</strong> si A²(i) est non vide, elle est anormale.<br />

Avec c<strong>et</strong>te manière particulière de définir les éléments de<br />

Aff² comme affirmations sur les affirmations d'un ensemble<br />

primitif P, on élimine par construction la possibilité de<br />

produire des affirmations auto-référentes, comme celles du<br />

menteur.<br />

On peut alors produire des méta-affirmations du deuxième<br />

degré, comme affirmations sur les affirmations de Aff², soit<br />

définir un ensemble Aff 3 , <strong>et</strong>c.<br />

On a vu que l'on pouvait numéroter les affirmations de P1<br />

= Aff de 1 à n(P0) = p1. Une affirmations A² de P2 = Aff²<br />

peuvent donc être définies à leur tour comme partition de ces<br />

p1 entiers en 4 sous-ensembles : un sur lequel elle est vraie,<br />

un autre sur lequel elle est indéterminée, un autre encore sur<br />

lequel elle est fausse, <strong>et</strong> le complément, sur lequel elle ne<br />

s'applique pas. Il y en a donc un nombre fini n(P1) = p2. On a<br />

p0 < p1 < p2 … <strong>et</strong> on a ainsi une succession d'ensembles<br />

emboîtés par inclusion P0 C P1 C P2 …<br />

En eff<strong>et</strong>, de même qu'un élément de P0 peut être assimilé<br />

à une affirmation générique de P1, par le biais de la relation<br />

www.gillesjosse.fr 163/303


d'identité, une affirmation de P1 peut être assimilée à une<br />

méta-affirmation de P2, par le même procédé. Ainsi, un<br />

élément de Pi peut toujours être vu comme élément de Pi+1.<br />

Afin d'avoir une numérotation cohérente, on peut<br />

numéroter les éléments de P1 en commençant la liste par<br />

celle qu'on a établie des éléments de P0, puis on numérote le<br />

reste des affirmations de P1 qui ne sont pas superposables<br />

aux éléments de P0 de p0 + 1 à p1. Pour numéroter les<br />

affirmations de P2, on garde alors la numérotation<br />

précédente, puis on complète de p1 + 1 à p2. Etc.<br />

Venons-en à la réalité sensible, telle que la perçoit l'être<br />

humain, <strong>et</strong> dont il rend compte par le langage, c'est-à-dire les<br />

mots qui désignent les choses du monde concr<strong>et</strong>, ceux qui<br />

désignent leurs qualités, <strong>et</strong> enfin ceux qui traitent des<br />

relations qu'on ces choses entre elles.<br />

Pour nous, ces choses du monde concr<strong>et</strong> sont<br />

superposables aux mots ou combinaison de mots qui les<br />

désignent <strong>et</strong> sont donc de fait en nombre fini,<br />

indépendamment du fait qu'elles le soient « réellement ». Par<br />

exemple, « la porte de la maison de Jean », « les chiens de<br />

www.gillesjosse.fr 164/303


traîneaux », « les tigres blancs », font partie de l'ensemble de<br />

ces choses concrètes, qu'on notera CHC.<br />

Les qualités qui s'appliquent à tout ou partie de ces choses<br />

concrètes sont plus ou moins subjectives, elles créent ainsi<br />

des discriminations entre elles, ou ce qui revient au même,<br />

des choses subjectives CHS, comme « les chiens méchants »,<br />

« la plus belle chemise de Jean ». Les mots ou combinaisons<br />

de mots désignant ces qualités étant en nombre fini,<br />

l'ensemble CHS est lui aussi fini.<br />

Le langage traite encore de choses abstraites CHA, qui<br />

n'existent pas dans la nature, comme les nombres, les l<strong>et</strong>tres,<br />

mais aussi les mots eux-mêmes qui le constituent.<br />

Au total, si l'on exclut le domaine des mathématiques, où<br />

l'on considère des ensembles de nombre infinis, l'ensemble<br />

des choses CH dont traite le langage en première instance est<br />

fini, avec CH = CHC + CHS + CHA.<br />

On peut alors reprendre notre développement précédent en<br />

prenant P0 = CH, <strong>et</strong> affirmer que l'ensemble AFL des<br />

affirmations du langage, comme limite de Pn pour n tendant<br />

vers +∞ , est certes infini, mais dénombrable.<br />

www.gillesjosse.fr 165/303


Évidemment, on peut encore argumenter que CHA n'est<br />

pas véritablement fini, mais plutôt potentiellement infini,<br />

puisque rien ne semble limiter la capacité d'invention de<br />

l'homme, vu comme espèce intelligente. Toutefois, le nombre<br />

d'abstractions qu'un individu donné est capable de manipuler<br />

est limité, tout comme l'est son vocabulaire. Aussi, même en<br />

sommant les capacités de l'ensemble des êtres humains sur un<br />

ensemble de générations successives, on aboutit<br />

nécessairement à un ensemble de choses abstraites CHA<br />

concrètement fini à un instant t.<br />

Ayant inclus les mots eux-mêmes dans la population P0 de<br />

départ, <strong>et</strong> n'ayant pas écarté la possibilité d'en créer de<br />

nouveaux ou de leur attribuer un ou des sens nouveaux,<br />

l'auto-référence, qui se trouvait écartée de notre construction<br />

précédente, refait ici son apparition. On peut en eff<strong>et</strong> créer<br />

autant de mots nouveaux qu'on veut, s'appliquant à tout ou<br />

partie des autres mots, y compris eux-mêmes. C'est ce que<br />

nous entendions en disant que CHA était potentiellement<br />

infini.<br />

Par exemple, on peut former le mot « décal<strong>et</strong>tré », qui<br />

www.gillesjosse.fr 166/303


signifierait qu'un mot s'écrit en dix l<strong>et</strong>tres en langue française<br />

<strong>et</strong> convenir qu'un mot de plus de huit l<strong>et</strong>tres est « gros » :<br />

ainsi, « gros » n'est ni décal<strong>et</strong>tré ni gros, mais « décal<strong>et</strong>tré »<br />

est gros <strong>et</strong> même décal<strong>et</strong>tré. C'est de ce mécanisme que<br />

découle le paradoxe de Grelling-Nelson, ou paradoxe du mot<br />

hétérologique, qui n'est paradoxal que pour la logique H,<br />

mais pas pour la logique I. Nous en reparlerons dans un<br />

prochain chapitre.<br />

Essayons alors de définir plus précisément ce qu'est l'auto-<br />

référence, en regardant comment sont construites les<br />

affirmations de P1 = Aff(P0) = Aff.<br />

Ce que nous avons appelé « affirmation générique » est<br />

de la forme : A(q) = « Xi possède la qualité q » , avec Xi e P0<br />

= CH = CHC + CHS + CHA, soit Xi est une chose concrète,<br />

subjective ou abstraite.<br />

q est équivalent à un adjectif qualificatif, auquel,<br />

formellement <strong>et</strong> dans le cas général, on peut associer la<br />

relation Q <strong>et</strong> l'ensemble mou correspondant Q = Qv U Qi, de<br />

domaine de définition Def(Q) = Qv U Qi U Qf.<br />

Une qualité q perm<strong>et</strong> donc généralement de définir un<br />

www.gillesjosse.fr 167/303


ensemble mou Q par compréhension.<br />

Quand on instancie une telle relation générique avec un<br />

élément X0 particulier de P0, nous obtenons ce que nous<br />

avons appelé « affirmation particulière », de la forme : A0 (<br />

X0 , q ) = « X0 possède la qualité q » = « X0 est q » = « X0 e<br />

Q ». De c<strong>et</strong>te façon, on a :<br />

• V( A0 ( X0 , q ) ) = v X0 e Qv<br />

• V( A0 ( X0 , q ) ) = i X0 e Qi<br />

• V( A0 ( X0 , q ) ) = f X0 e Qf<br />

• V( A0 ( X0 , q ) ) = Φ X0 e C(Def(Q))<br />

( l'ensemble complémentaire de Def(Q) )<br />

Finalement l'affirmation A(q) peut être identifiée à<br />

l'ensemble mou Q, <strong>et</strong> à la relation d'appartenance à c<strong>et</strong><br />

ensemble.<br />

On peut alors restreindre A(q) à un autre ensemble mou Q'<br />

quelconque de P0, qui peut être défini en extension ou en<br />

compréhension : A ( Q' , q ) = « Yi de Q' possède la qualité<br />

q »= « Yi e Q' ∩ Q » = « Yi e Q' » & « Yi e Q ».<br />

Quand l'ensemble mou Q' est défini en compréhension, il<br />

correspond à une qualité q' similaire à q, <strong>et</strong> correspond à une<br />

www.gillesjosse.fr 168/303


affirmation générique A(q'), de sorte que la restriction de<br />

A(q) à l'ensemble Q' est égal à la restriction de A(q') à<br />

l'ensemble mou Q. On peut alors écrire : A ( q & q' ) = A (q)<br />

& A (q') , correspondant à l'ensemble mou intersection de Q<br />

<strong>et</strong> Q'.<br />

On parlera alors du « produit de deux relations<br />

génériques », <strong>et</strong> on dira donc que ce produit est encore une<br />

affirmation générique. En eff<strong>et</strong>, il est toujours possible de<br />

créer un mot correspondant à la conjonction des qualités q <strong>et</strong><br />

q', soit une qualité q''. C'est la même chose pour la somme.<br />

Par exemple, « être un félin » équivaut à « être un chat »<br />

ou « être un tigre » ou « être un lion » ou … « être un<br />

enfant » équivaut à « être un humain » <strong>et</strong> « être âgé de moins<br />

de 18 ans ».<br />

Ce que nous avons appelé « affirmation universelle »<br />

s'obtient à partir du produit de deux relations génériques,<br />

comme produit d'affirmations particulières en découlant : A*<br />

( q' , q ) = « l'ensemble des Yi de Q' possède la qualité q » =<br />

« Q' C Q ». Si Q = { X1 , … , Xn } <strong>et</strong> Q' = { Y1 , … , Yn' },<br />

on a :<br />

www.gillesjosse.fr 169/303


A* ( q' , q ) = A1 ( Y1 , q ) & A2 ( Y2 , q ) & … & An ( Yn' , q )<br />

A* ( q , q' ) = A'1 ( X1 , q' ) & A'2 ( X2 , q' ) & … & A'n ( Xn , q )<br />

Attention, étant donné que les ensembles mis en jeu sont<br />

des ensembles mous, Q' C Q <strong>et</strong> Q C Q' n'implique pas que Q<br />

= Q', mais simplement qu'ils ont le même support : Q'v U Q'i<br />

= Qv U Qi.<br />

On peut aussi former ce que nous appellerons<br />

« affirmation existentielle », obtenue comme somme<br />

d'affirmations particulières découlant du produit de deux<br />

affirmations génériques :<br />

A° ( q' , q ) = « il existe au moins un Yi de Q' possédant la<br />

qualité q » = « Q' ∩ Q ≠ Φ »<br />

A°( q' , q ) = A1 ( Y1 , q ) + A2 ( Y2 , q ) + … + An ( Yn' , q )<br />

On notera bien qu'une affirmation générique ne possède<br />

pas de valeur de vérité pour la logique I, <strong>et</strong> que la valeur de<br />

vérité d'une affirmation particulière, universelle ou<br />

existentielle est effectivement v, i ou f.<br />

Notons bien qu'une affirmation particulière prend toujours<br />

effectivement l'une des valeurs v, i ou f, même si elle peut<br />

potentiellement prendre une valeur indéterminée de seconde<br />

espèce.<br />

www.gillesjosse.fr 170/303


Avec ces définitions, <strong>et</strong> compte-tenu de la possibilité de<br />

créer de nouveaux mots ou de donner un nouveau sens à des<br />

mots existants, on constate que le paradoxe du menteur est<br />

bien potentiellement inclus dans la liste des affirmations de<br />

AFL.<br />

En eff<strong>et</strong>, décidons d'appeler « menteuse » une affirmation<br />

A particulière de P1 lorsqu'elle répond par faux, Elle sera dite<br />

« véridique » si elle répond en revanche par vrai.<br />

Ces deux qualités que nous venons de définir s'appliquent<br />

aux éléments de P1, de sorte qu'il lui correspond deux<br />

affirmations génériques de P2 relatives aux éléments de P1.<br />

Notons M² = « l'affirmation A de P1 est menteuse » <strong>et</strong> V²<br />

= « l'affirmation A de P1 est véridique ».<br />

D'autre part, on a vu que l'ensemble P1 des affirmations<br />

sur P0 est fini, donc a fortiori celui des affirmations<br />

particulières, ce qui fait qu'on peut numéroter celles-ci, d'une<br />

part, mais aussi créer un mot désignant chacune d'entre elle :<br />

on obtient ainsi l'ensemble Mo des mots correspondant aux<br />

affirmations particulières , lui-même fini.<br />

Si Mo = { Mo1 , Mo2 , … , MoN }, on peut poser : Mo1 =<br />

www.gillesjosse.fr 171/303


« mot-un » , Mo2 = « mot-deux » , <strong>et</strong>c. Chacun des mots de<br />

Mo est donc bien un mot nouveau, inexistant jusque-là dans<br />

le langage.<br />

On dira alors que l'un des mots de M0 est « menmenteur »<br />

s'il correspond à une affirmation particulière de P1 elle-même<br />

menteuse, <strong>et</strong> « vévéridique » s'il correspond à une affirmation<br />

particulière de P1 elle-même véridique ».On note P'0 = P0 U<br />

Mo U {« menmenteur », « vévéridique »}, qui est notre<br />

nouvelle population initiale.<br />

Ces deux qualités que nous venons de définir s'appliquent<br />

aux éléments de Mo C P'0 , de sorte qu'il lui correspond deux<br />

affirmations génériques de P1 relatives aux éléments de P'0,<br />

soit AM = « la chose X de P'0 est menmenteuse » <strong>et</strong> AV =<br />

« la chose X de P'0 est vévéridique ». En eff<strong>et</strong>, rien n'interdit<br />

d'étendre l'application de AM <strong>et</strong> AV aux choses de P'0 qui ne<br />

sont pas des mots de Mo.<br />

Ainsi, si l'on considère la chose qu'est la lune en elle-<br />

même, sans parler du mot qui la désigne, on considérera<br />

qu'elle est ni menmenteuse, ni vévéridiquee, puisqu'elle ne<br />

correspond à aucune des affirmations particulières de Mo.<br />

www.gillesjosse.fr 172/303


Partant de là, on peut se demander ce qui se passe quand on<br />

applique de la même manière AM au mot « menmenteur »<br />

lui-même <strong>et</strong> AV au mot « vévéridique ».<br />

Le mot « menmenteur » est-il menmenteur ? Le mot<br />

« vévéridique » est-il vévéridique ? Les affirmations<br />

correspondantes sont des affirmations particulières de P1,<br />

obtenues en instanciant AM avec le mot menmenteur <strong>et</strong> AV<br />

avec le mot vévéridique, soit AM(« menmenteur ») <strong>et</strong><br />

AV(« vévéridique ») : on peut donc leur affecter à chacune un<br />

mot nouveau à ajouter aux mots de Mo, ou pourquoi pas les<br />

mots « menmenteur » <strong>et</strong> « vévéridique » eux-mêmes.<br />

Supposons alors que « menmenteur » est menmenteur,<br />

alors l'affirmation particulière AM(« menmenteur ») est vraie,<br />

<strong>et</strong> elle est donc « véridique ». Mais alors, puisque<br />

« menmenteur » correspond à une affirmation particulière de<br />

P1 « véridique », c'est qu'il est « vévéridique ». Il y a<br />

contradiction.<br />

Supposons maintenant que « menmenteur » n'est pas<br />

menmenteur, alors l'affirmation particulière qu'il désigne<br />

AM(« menmenteur ») est fausse, <strong>et</strong> elle est donc<br />

www.gillesjosse.fr 173/303


« menteuse ». Mais alors, puisque « menmenteur »<br />

correspond à une affirmation particulière de P1 « menteuse »,<br />

c'est qu'il est bien « menmenteur ». Là aussi, il y a<br />

contradiction.<br />

Venons-en maintenant au mot « vévéridique ». S'il est<br />

supposé vévéridique lui-même, c'est que AV(« vévéridique »)<br />

est vraie, <strong>et</strong>c., <strong>et</strong> il n'y a pas de contradiction. S'il est supposé<br />

non-vévéridique, c'est qu'il est menmenteur, <strong>et</strong> il n'y a pas de<br />

contradiction non plus.<br />

En conclusion, on peut donc recréer la situation auto-<br />

référente du menteur de toute pièce, même s'il n'est pas<br />

possible de l'exprimer directement. On peut donc dire que<br />

c<strong>et</strong>te situation, paradoxale pour la logique H, est contenue<br />

en germe dans notre modélisation de AFL, les<br />

affirmations du langage, même si elle n'est pas<br />

nécessairement une fatalité. Car, comme on l'a vu, il faut<br />

déployer pas mal d'efforts pour la faire apparaître. Comme on<br />

le savait déjà, elle est accidentelle.<br />

Que la valeur de vérité de AM(« menmenteur ») = « le<br />

mot « menmenteur » est menmenteur » vaille i ne nous pose<br />

www.gillesjosse.fr 174/303


aucun problème. En revanche, que la valeur de vérité de<br />

AV(« vévéridique ») = « le mot « vévéridique » est<br />

vévéridique » vaille – i en pose un, puisque c'est une<br />

affirmation particulière de Aff(P'0) = Aff sur les choses du<br />

monde CH' = P'0, <strong>et</strong> qu'on a modélisé Aff en supposant que<br />

toute affirmation particulière prenait ses valeurs dans le cœur<br />

K0 = { v, i , f }.<br />

Cela indique simplement que l'on est tenu de faire ici un<br />

choix : soit AV(« vévéridique ») sera pris à la valeur v, soit à<br />

la valeur f.<br />

Nous appellerons « incongrue » toute affirmation<br />

particulière de Aff qui prend ses valeurs dans IK = { – f , – i ,<br />

– v }, c'est-à-dire qui est indéterminée de seconde espèce, <strong>et</strong><br />

nous appellerons les valeurs logiques de IK « valeurs<br />

logiques incongrues ».<br />

Nous clorons enfin ce chapitre en signalant que notre<br />

modélisation de AFL implique notre théorème sur la<br />

normalité <strong>et</strong> l'anormalité des méta-affirmations, dont nous<br />

rappelons l'énoncé : toute méta-affirmation G est soit<br />

normale, soit anormale. Ce théorème, que nous étions<br />

www.gillesjosse.fr 175/303


primitivement parvenus à démontrer en toute généralité, est<br />

ici vrai « par construction », ce qui revient à dire qu'il est une<br />

conséquence de notre modélisation de AFL.<br />

En eff<strong>et</strong>, nous avons vu que tous les éléments de Aff(P0) =<br />

P1 prenaient leurs valeurs dans K0 ; autrement dit toutes les<br />

affirmations sur les choses du monde comme « Pierre a une<br />

cravate » ou « il fait beau » sont triviales ou <strong>molle</strong>s.<br />

Considérons alors A² une méta-affirmation de Aff²(P0) <strong>et</strong><br />

envisageons les différents cas de figure qui peuvent se<br />

présenter.<br />

• A² est une méta-affirmation particulière <strong>et</strong> s'applique<br />

à des éléments de P1, ensemble des choses du monde <strong>et</strong> des<br />

affirmations basiques sur ces choses. En cela, elle est donc<br />

« semblable » à une simple affirmation de P1 sur les choses<br />

de P0 <strong>et</strong> répond par la valeur v, i ou f.<br />

• A² est en fait une méta-affirmation générique A²(X)<br />

s'appliquant aux éléments de P1, qui devient une méta-<br />

affirmation particulière simple dès lors qu'on l'instancie avec<br />

un élément X pris dans c<strong>et</strong> ensemble ; on est donc ramené au<br />

cas précédent. A² correspond à une qualité QA qui la définit<br />

www.gillesjosse.fr 176/303


<strong>et</strong> si on instancie maintenant celle-ci avec une autre méta-<br />

affirmation générique de P2, notée B² <strong>et</strong> correspondant à une<br />

qualité QB, plutôt qu'avec un élément de P1, toute la question<br />

revient à savoir si B² possède la qualité QA ou pas. Si c<strong>et</strong>te<br />

qualité QA fait référence à la propriété QB définissant B²<br />

elle-même, on est dans une situation d'auto-référence<br />

puisqu'alors on a : A²(B²) = « B² possède la qualité QA » =<br />

« B² possède une qualité qui dépend de la qualité QB qui la<br />

définit elle-même ». Si QB fait référence à QA, on est donc<br />

dans la situation de la carte r<strong>et</strong>ournée, dont on a vu qu'on<br />

savait lui attribuer la valeur de vérité v, i ou f. Si QB ne fait<br />

pas référence à QA, on est dans une situation du type<br />

menteur, que l'on sait là encore valuer à v, i ou f.<br />

• Si A² s'applique à un n-upl<strong>et</strong> d'obj<strong>et</strong>s de P1, <strong>et</strong> qu'on<br />

l'instancie avec un n-upl<strong>et</strong> comportant des éléments de P2<br />

pouvant eux aussi se référer les uns aux autres, on est c<strong>et</strong>te<br />

fois dans une situation de généralisation de la carte r<strong>et</strong>ournée<br />

à n faces, que l'on sait encore valuer à v, i ou f.<br />

La dernière chose dont il reste à se convaincre, c'est que<br />

lorsqu'on instancie une méta-affirmation de P2 en tout ou<br />

www.gillesjosse.fr 177/303


partie avec un ou des éléments de P2, on construit ainsi en<br />

fait un élément de P3. P2 étant fini, P3 l'est aussi, <strong>et</strong> notre<br />

démonstration prouve que les valeurs v, i <strong>et</strong> f suffisent à<br />

donner une valeur de vérité à tous ses éléments. Et ainsi de<br />

suite, de proche en proche, avec les éléments de tous les<br />

ensembles Pn emboîtés. C'est notre deuxième démonstration<br />

de TN, notre théorème de normalité des affirmations <strong>et</strong> méta-<br />

affirmations.<br />

www.gillesjosse.fr 178/303


Le paradoxe des catalogues<br />

C'est une version imagée du paradoxe de Russell, qui<br />

perm<strong>et</strong> de conclure qu'il n'existe pas d'ensemble de tous les<br />

ensembles. Il se présente comme suit : dans une bibliothèque,<br />

en général, on trouve des catalogues recensant des<br />

publications sur un suj<strong>et</strong>, ou d'un même auteur, où d'une<br />

même maison d'édition. Il arrive que certains de ces<br />

catalogues se mentionnent eux-même, <strong>et</strong> d'autres non. Dans<br />

une telle bibliothèque, un documentaliste un peu allumé<br />

décide de dresser le catalogue exhaustif <strong>et</strong> exact des<br />

catalogues qui ne se mentionnent pas eux-mêmes.<br />

Quelle drôle d'idée, puisqu'alors, il peut commencer par<br />

recenser tous les catalogues de la bibliothèque qui ne se<br />

mentionnent pas eux-mêmes, mais quant à décider si ce<br />

nouveau catalogue devra ou pas se mentionner lui-même, afin<br />

d'être exhaustif, un cruel dilemme survient : s'il ne se<br />

mentionne pas, il devrait se mentionner pour être exhaustif, <strong>et</strong><br />

s'il se mentionne, il devient inexact.<br />

La conclusion est qu'un tel catalogue n'existe pas, bien sûr.<br />

www.gillesjosse.fr 179/303


Le documentaliste a le choix de produire un catalogue<br />

exhaustif mais inexact, ou bien exact, mais non-exhaustif.<br />

Pour la logique H, en appelant C un catalogue des<br />

catalogues qui ne se mentionnent pas eux-mêmes, alors :<br />

V(« C est exact » & « C est exhaustif ») = f.<br />

Pour la logique I : V(« C est exact » & « C est exhaustif »)<br />

= f ou i = – v.<br />

Ainsi, la logique I rend compte du fait que C peut se<br />

« rapprocher » d'un catalogue à la fois exact <strong>et</strong> exhaustif, sans<br />

jamais posséder les deux qualités à la fois, quand la logique<br />

H renseigne simplement sur le fait que ces deux qualités sont<br />

incompatibles. C'est en eff<strong>et</strong> là qu'est le sens de la valeur i qui<br />

s'ajoute comme alternative à la valeur f. Ainsi, la logique I dit<br />

un peu plus que la logique H sur la situation.<br />

www.gillesjosse.fr 180/303


Le paradoxe de Grelling-Nelson <strong>et</strong> la notion de contexte<br />

Dans ce chapitre, nous allons m<strong>et</strong>tre en évidence la notion<br />

de contexte, relativement auquel les qualités correspondant<br />

aux affirmations génériques s'appliquent ou pas aux éléments<br />

d'une population.<br />

Il est des adjectifs qui peuvent s'appliquer à eux-mêmes,<br />

comme « court », qui s'écrit effectivement avec peu de<br />

l<strong>et</strong>tres : on les qualifiera d'autologiques. En utilisant<br />

différents procédés d'écriture, on peut placer sur une page<br />

différents adjectifs qui se décrivent eux-mêmes, dans le<br />

contexte donné, comme « gras » si on a utilisé le corps gras<br />

d'une police pour l'écrire, « bleu » si on a utilisé de l'encre<br />

bleue, « manuscrit », si on a écrit ce mot à la main. Si<br />

l'adjectif, tel qu'il est écrit sur la page ne s'applique pas à lui<br />

même, on dira qu'il est hétérologique, comme l’adjectif<br />

« monosyllabique », par exemple.<br />

La question qui se pose est de savoir si l'adjectif<br />

hétérologique est lui-même autologique ou hétérologique.<br />

En eff<strong>et</strong>, si on déclare que l'adjectif hétérologique est<br />

www.gillesjosse.fr 181/303


hétérologique, il s'applique alors bien à lui-même, <strong>et</strong> partant<br />

de là, il est aussi autologique, ce qui représente une<br />

contradiction.<br />

En revanche, si on le déclare autologique, il peut donc<br />

s'appliquer à lui-même, de par la définition même<br />

d'autologique, <strong>et</strong> dans ce cas, il serait donc également<br />

hétérologique, d'où une nouvelle contradiction.<br />

Au bout du compte, l'adjectif hétérologique n'est ni<br />

hétérologique, ni autologique : c'est cela même qu'on<br />

appelle paradoxe de Grelling-Nelson, un paradoxe<br />

sémantique formulé en 1908 par Kurt Grelling <strong>et</strong><br />

Leonard Nelson.<br />

Revenons à notre feuille de papier, sur laquelle nous<br />

aurions inscrit :<br />

• « manuscrit », à la main, en vert.<br />

• « bleu », à l'encre bleue, à la machine.<br />

• « noir », à l'encre verte, à la machine.<br />

• « hétérologique » <strong>et</strong> « méchant », à l'encre noire, à la<br />

machine.<br />

Alors, « manuscrit » est bien manuscrit, alors que les<br />

www.gillesjosse.fr 182/303


quatre autres adjectifs sont « dactylographiés ». De même,<br />

« bleu » est bleu, contrairement aux autres, qui sont « non-<br />

bleus ». « noir » est « non-noir », de même que « manuscrit »<br />

<strong>et</strong> « bleu », les autres étant effectivement noirs. Enfin, aucun<br />

des adjectifs n'est « méchant ». Partant de là, dans CE<br />

contexte, « manuscrit » <strong>et</strong> « bleu » sont autologiques, quand<br />

« noir » <strong>et</strong> « méchant » sont hétérologiques, <strong>et</strong><br />

« hétérologique » de statut indéterminé vis-à-vis de la notion<br />

que nous appellerons hétérologicité.<br />

Parmi c<strong>et</strong> ensemble E de cinq adjectifs, il y en a donc<br />

quatre qui séparent E en deux ensembles dont l'intersection<br />

est vide <strong>et</strong> dont la réunion vaut E, dont l'un est<br />

éventuellement vide. Ce sont « manuscrit », « bleu », « noir »<br />

<strong>et</strong> « méchant » : par analogie avec la notion du même nom<br />

applicable aux affirmations, on les qualifiera de<br />

« normaux », alors que « hétérologique sera qualifié<br />

« d'anormal ».<br />

Ajoutons maintenant à l'encre noire <strong>et</strong> à la machine<br />

l'adjectif « anormal » sur notre feuille de papier, ce qui donne<br />

maintenant un ensemble E' de six adjectifs. Alors,<br />

www.gillesjosse.fr 183/303


« manuscrit » reste « normal », de même que « bleu »,<br />

« noir » <strong>et</strong> « méchant ».<br />

Dans ce contexte, l'adjectif « anormal » est-il lui même<br />

normal ou anormal ? Hétérologique ou autologique, ou ni l'un<br />

ni l'autre ?<br />

S'il est anormal, il est donc autologique, <strong>et</strong><br />

« hétérologique » reste bien anormal, ce qui implique que<br />

« anormal » est bien lui-même normal, puisque chacun des<br />

cinq autres adjectifs est soit normal, soit anormal : d'où<br />

contradiction. « anormal » ne peut donc être anormal.<br />

Si « anormal » est normal, alors il est hétérologique, <strong>et</strong><br />

« hétérologique » reste anormal, en ce qu'il ne peut toujours<br />

pas se classifier lui-même. Il n'y a pas de contradiction.<br />

« Anormal » est donc « hétérologique » <strong>et</strong> « normal ».<br />

Examinons maintenant « normal », que nous ajoutons à la<br />

feuille, dactylographié en noir. S'il est anormal,<br />

« hétérologique » reste bien anormal, ce qui implique une<br />

contradiction, puisqu'alors « normal » serait aussi normal.<br />

Si « normal » est normal, il est donc autologique <strong>et</strong><br />

normal, sans contradiction.<br />

www.gillesjosse.fr 184/303


En conclusion provisoire, « anormal » est normal <strong>et</strong><br />

hétérologique, <strong>et</strong> « normal » est normal <strong>et</strong> autologique,<br />

tandis que « hétérologique » est anormal.<br />

Formons maintenant les adjectifs « délusif » <strong>et</strong><br />

« antidélusif », qui signifient respectivement « anormal <strong>et</strong><br />

hétérologique » <strong>et</strong> « normal ou autologique », <strong>et</strong> inscrivons-<br />

les tous deux sur une nouvelle feuille de papier, en noir,<br />

dactylographié. Ajoutons-y l'adjectif « hétérologique ».<br />

Si « délusif » est normal, cela sous entend que tout ce qui<br />

n'est pas délusif est antidélusif, <strong>et</strong> inversement. On peut donc<br />

écrire l'équivalence (E) : « délusif est normal antidélusif<br />

est normal ». Donc, si l'un des deux est anormal, l'autre l'est<br />

aussi.<br />

C'est bien le cas, puisque « hétérologique » n'est pas<br />

normal, ni hétérologique, ni autologique, donc non délusif <strong>et</strong><br />

non antidélusif. Dans ce contexte, « délusif » <strong>et</strong> antidélusif »<br />

sont tous deux anormaux.<br />

Alors, « délusif » ne peut être hétérologique, sans quoi,<br />

étant aussi anormal, il serait délusif, donc autologique, d'où<br />

contradiction. S'il était autologique, il serait donc délusif,<br />

www.gillesjosse.fr 185/303


donc hétérologique : impossible. L'hétérologicité <strong>et</strong> la<br />

délusivité de « délusif » sont donc indéterminées de première<br />

espèce.<br />

Si « antidélusif » est hétérologique, étant aussi anormal, il<br />

est non antidélusif, ce qui ne soulève pas de contradiction.<br />

S'il est autologique, il est antidélusif, ce qui ne soulève pas de<br />

contradiction non plus. L'hétérologicité <strong>et</strong> l'antidélusivité,<br />

équivalente à la délusivité dans ce cas précis, de<br />

« antidélusif » sont donc indéterminées, elles aussi, mais de<br />

deuxième espèce.<br />

On notera bien que ces indéterminations ne sont pas<br />

intrinsèques, mais dépendent du contexte. Si on r<strong>et</strong>ire<br />

l'adjectif « hétérologique » de la feuille, <strong>et</strong> qu'on ajoute les<br />

adjectifs « normal » <strong>et</strong> « anormal », l'anormalité de<br />

« délusif » <strong>et</strong> « antidélusif » n'est plus une obligation logique,<br />

<strong>et</strong> on a alors deux solutions valides :<br />

1 - « délusif » comme « antidélusif » sont normaux, donc<br />

« antidélusif » est normal ou autologique, donc antidélusif,<br />

donc autologique, donc antidélusif. « délusif » est donc<br />

antidélusif lui aussi <strong>et</strong> hétérologique.<br />

www.gillesjosse.fr 186/303


2 - « délusif » comme « antidélusif » sont anormaux. Si<br />

« délusif » est anormal <strong>et</strong> s'il est hétérologique, alors il est<br />

délusif, donc autologique, d'où contradiction. Si « délusif »<br />

est autologique, cela signifie qu'il est délusif, donc anormal <strong>et</strong><br />

hétérologique, donc hétérologique, d'où contradiction :<br />

l'hétérologicité de « délusif » est indéterminée, de première<br />

espèce. Inversement, si « délusif » est délusif, alors il est à la<br />

fois hétérologique <strong>et</strong> autologique, d'où contradiction. Si<br />

« délusif » n'est pas délusif, alors, étant anormal, il ne peut<br />

pas être hétérologique , alors qu'il l'est : la délusivité de<br />

« délusif » est elle aussi indéterminée, de première espèce.<br />

D'autre part, « délusif » étant anormal <strong>et</strong> son autologicité<br />

indéterminée, sa nondélusivité est elle même indéterminée. Si<br />

« antidélusif » est anormal, <strong>et</strong> qu'il est autologique, alors il est<br />

antidélusif <strong>et</strong> non délusif, ce qui n'engendre pas de<br />

contradiction. Si « antidélusif » est anormal, <strong>et</strong> qu'il est<br />

hétérologique, il est délusif <strong>et</strong> non antidélusif, ce qui<br />

n'engendre pas de contradiction. L'hétérologicité de<br />

« antidélusif est indéterminée, de seconde espèce. Au total,<br />

avec c<strong>et</strong>te deuxième solution, « délusif » <strong>et</strong> « antidélusif »<br />

www.gillesjosse.fr 187/303


sont anormaux, de délusivité <strong>et</strong> de nondélusivité<br />

indéterminée, d'hétérologicité indéterminée.<br />

On aboutit donc à un nouveau « paradoxe », puisque,<br />

dans ce contexte, « délusif », par exemple, peut aussi bien<br />

être normal qu'anormal, sans que cela pose de<br />

contradiction logique : dans CE nouveau contexte,<br />

« normal » est donc maintenant anormal, donc<br />

hétérologique, donc délusif. « anormal » ayant été défini<br />

comme négation de « normal » est donc alors anormal lui-<br />

même, donc autologique, donc antidélusif.<br />

On en déduit donc que la normalité est délusive <strong>et</strong><br />

l'anormalité, au contraire, antidélusive, ce qui ne manque pas<br />

de sel, quand on pense que le « délusif », c'est justement ce<br />

qui est anormal <strong>et</strong> ne se décrit pas lui-même, alors que tout le<br />

principe de la norme, c'est justement de s'autodécrire, pour<br />

affirmer ce qui est juste <strong>et</strong> bien !<br />

Cherchez l'erreur !<br />

Le paradoxe repose en fait sur ce que, dans un premier<br />

temps, nous avons supposé que « anormal » était écrit avant<br />

« normal » sur la première feuille, <strong>et</strong> les conclusions<br />

www.gillesjosse.fr 188/303


s'ensuivent, qui sont rigoureuses, alors que dans le deuxième<br />

cas, on a supposé les quatre mots, dont « normal » <strong>et</strong><br />

« anormal » écrits ensemble au préalable, avec des<br />

conclusions toutes aussi rigoureuses.<br />

Plus généralement, ce paradoxe n'en est pas un : il m<strong>et</strong><br />

en évidence la notion de « contexte », soit le fait que la<br />

valeur de vérité d'une affirmation particulière peut<br />

dépendre de l'ensemble auquel on applique la relation<br />

générique correspondante pour l'instancier.<br />

Formellement, on a : V( A ( X0 , E , q ) = V ( « X0 de E<br />

possède la qualité q » ) = fq ( X0 , E )<br />

www.gillesjosse.fr 189/303


Le dilemme du crocodile <strong>et</strong> l'indécision<br />

Un crocodile s'empare d'un bébé <strong>et</strong> propose à la mère CD<br />

= « si tu devines ce que je vais faire, je te rends le bébé, sinon<br />

je le dévore ». Pour le sauver, la mère répond « tu vas le<br />

dévorer ». Notons A = « la mère affirme que le crocodile va<br />

dévorer le bébé » <strong>et</strong> B le résultat, à savoir B = « le crocodile<br />

dévore le bébé » :<br />

• V(A) = v la mère affirme que le crocodile<br />

va dévorer le bébé<br />

• V(A) = f la mère affirme que le crocodile<br />

va libérer le bébé<br />

• V(A) = i La mère affirme qu'elle ne sait<br />

pas ce que va faire le crocodile<br />

• V(B) = v le crocodile dévore le bébé<br />

• V(B) = f le crocodile libère le bébé<br />

• V(B) = i le crocodile ne dévore pas le bébé<br />

mais ne le libère pas non plus<br />

V(CD) en revanche ne peut prendre que les valeurs v ou f.<br />

En eff<strong>et</strong>, il ne peut attendre indéfiniment sans finir par<br />

www.gillesjosse.fr 190/303


mourir, ce qui reviendrait à libérer le « bébé » devenu grand.<br />

La mort certaine du crocodile fixe la validation ou pas de la<br />

promesse donnée.<br />

La situation la plus simple, c'est quand la promesse CD du<br />

crocodile est fausse : il fait alors ce qu'il veut <strong>et</strong> V(B) = T.<br />

Supposons maintenant que la promesse du crocodile est<br />

vraie :<br />

Toujours aussi simple, c'est quand V(A) = i, car alors, la<br />

mère n'a pas été capable de prévoir ce qu'allait faire le<br />

crocodile, <strong>et</strong> celui-ci dévore le bébé.<br />

Maintenant, si V(A) = f , le crocodile a alors trois choix<br />

possibles :<br />

• Il ne dévore pas le bébé <strong>et</strong> le rend donc à la mère.<br />

Celle-ci avait deviné juste <strong>et</strong> le crocodile ne se<br />

contredit pas en lui rendant le bébé.<br />

• Il dévore le bébé. La mère n'a donc pas deviné ce qu'il<br />

allait faire, <strong>et</strong> le crocodile ne se contredit pas non plus<br />

en dévorant le bébé.<br />

• Il ne dévore pas le bébé mais ne le libère pas non<br />

plus : tant qu'il ne prend pas de décision, le crocodile<br />

www.gillesjosse.fr 191/303


il ?<br />

ne contredit pas sa promesse.<br />

On a donc V(B) = T. Si enfin V(A) = v , que se passe-t-<br />

• Si le crocodile choisit de dévorer le bébé, la mère<br />

avait donc bien prévu ce qu'il allait faire, <strong>et</strong> il n'a donc<br />

pas tenu sa promesse : impossible.<br />

• Si le crocodile choisit de ne pas dévorer le bébé <strong>et</strong> de<br />

le libérer, alors la mère s'est trompée, <strong>et</strong> il aurait donc<br />

du dévorer le bébé pour tenir sa promesse :<br />

impossible.<br />

• S'il ne dévore pas le bébé, mais ne libère pas non plus,<br />

alors la mère s'est trompée, tant qu'il ne dévore pas le<br />

bébé, mais il ne peut pas non plus le dévorer sans<br />

manquer à sa promesse : la situation est en statu quo<br />

<strong>et</strong> il respecte bien sa promesse, tant qu'il ne dévore<br />

pas le bébé.<br />

En conclusion, V(B) = i : c'est donc de c<strong>et</strong>te manière que<br />

la mère sauve son bébé. Résumons le fonctionnement de ce<br />

système par une table de vérité de la relation R = A & CD =><br />

B :<br />

www.gillesjosse.fr 192/303


A & CD => B v f<br />

v i T<br />

i v T<br />

f T T<br />

Si l'on remplace le crocodile par une nation, dont le<br />

gouvernement U affirmerait au gouvernement W d'une autre<br />

nation « nous vous rendrons le territoire que nous avons<br />

envahi avec notre armée si vous devinez ce que nous allons<br />

décider de faire, sans quoi nous l'annexerons<br />

définitivement », le dilemme du crocodile devient plus<br />

amusant encore, parce que tant que U n'a rien décidé <strong>et</strong> quelle<br />

que soit la réponse de W, l'indétermination se prolonge dans<br />

le temps, <strong>et</strong> pourquoi pas au fil des générations. Pour ne pas<br />

se contredire, le pays U se doit donc de ne prendre aucune<br />

décision, si la réponse de W a été « vous allez annexer<br />

définitivement notre territoire ».<br />

Si U ne prend pas de décision, dans les faits, cela revient à<br />

annexer le territoire de manière « provisoirement définitive »,<br />

sans le décider vraiment, c'est-à-dire sans entériner c<strong>et</strong>te<br />

décision par un décr<strong>et</strong> officiel.<br />

www.gillesjosse.fr 193/303


Savoureux, non ?<br />

Dans ce cas, en revanche, l'analyse du problème est<br />

différente, <strong>et</strong> l'on doit considérer que CD peut prendre un<br />

troisième état i, qui est celui lié à l'attente <strong>et</strong> à l'absence de<br />

décision, d'où le nouveau tableau de fonctionnement :<br />

R v i f<br />

v Φ i T<br />

i v i T<br />

f – i i T<br />

Si la nation W répond astucieusement, <strong>et</strong> que U choisit de<br />

tenir sa promesse, celle-ci est forcée de surseoir à sa décision,<br />

ce qui correspond à V(CD) = i, auquel cas le territoire<br />

litigieux n'est pas formellement annexé, ce qui correspond à<br />

la situation « bébé non dévoré », dont on se rend compte<br />

qu'elle n'est pas équivalente à « bébé libéré » : c'est l'état du<br />

système qui correspond à la case grisée.<br />

On constate sur c<strong>et</strong> exemple concr<strong>et</strong> que notre valeur<br />

de vérité i est capable de rendre compte des situations<br />

d'attente <strong>et</strong> d'indécision, comme elle est capable de rendre<br />

www.gillesjosse.fr 194/303


compte partiellement des états flous, mais aussi des états<br />

d'indétermination du type situation du menteur.<br />

www.gillesjosse.fr 195/303


Il y aura une bataille navale demain<br />

Soit A l'affirmation « Il y aura une bataille navale<br />

demain ». On peut envisager de prendre différentes positions<br />

distinctes par rapport à c<strong>et</strong>te affirmation.<br />

Considérons tout d'abord que A est une affirmation<br />

triviale, ne pouvant prendre « effectivement » que les valeurs<br />

de vérité v ou f. Alors, V(A) = v ˅ f = – i. Autrement dit, soit<br />

il y aura effectivement une bataille navale demain, soit il n'y<br />

en aura pas. Le contraire de A, s'exprime en – *A = « il n'y<br />

aura pas de bataille navale demain ». A <strong>et</strong> –* A étant<br />

formellement équivalentes, on a évidemment V(A) = V(–* A)<br />

= v ˅ f = – i. Si l'on suit alors les règles de calcul de la<br />

logique I, on obtient : V( A + (–* A) ) = – i + (– i) = – i.<br />

Évidemment, c<strong>et</strong>te conclusion ne nous satisfait pas,<br />

puisque la réponse attendue est v, car, selon les hypothèses<br />

posées au départ, il est évident que soit « il y aura une bataille<br />

navale demain », soit « il n'y aura pas de bataille navale<br />

demain » : il n'y a pas d'alternative.<br />

C<strong>et</strong>te première position est erronée bien sûr, car elle<br />

www.gillesjosse.fr 196/303


amène à rem<strong>et</strong>tre en question le principe du tiers exclus, si<br />

utile dans les raisonnements, sans lequel on ne peut utiliser la<br />

disjonction des cas. Sa conclusion est donc que notre logique<br />

I ne respecterait pas ce principe, dans le cas de ce qu'on<br />

appelle les futurs contingents, correspondant à notre situation<br />

de départ avec c<strong>et</strong>te question de bataille navale; cela la<br />

discréditerait grandement.<br />

En mathématiques, le principe du tiers exclu affirme en<br />

eff<strong>et</strong> que la proposition « A ou – A », où – A est la négation<br />

de A, est vraie, pour toute proposition A. Cela signifie que<br />

pour toute proposition , on doit accepter soit A, soit sa<br />

négation – A.<br />

Le principe du tiers exclu a été introduit par Aristote<br />

comme conséquence du principe de non-contradiction, alors<br />

que ces deux principes sont différents. Le principe de non-<br />

contradiction stipule que pour toute proposition on ne peut<br />

pas avoir A <strong>et</strong> – A vrais en même temps.<br />

Pour la logique classique H, le principe du tiers exclu se<br />

déduit du principe de non contradiction par le biais de<br />

l'élimination de la double négation ( – (– A) ) = A ) <strong>et</strong> des<br />

www.gillesjosse.fr 197/303


lois de Morgan :<br />

non-contradiction : V(A & – A) = f<br />

V(A & – A) = f V( – (A & – A) ) = v<br />

V( – (A & – A) ) = v V( – A + – (– A) ) = v V ( –<br />

A + A) = v : tiers exclus<br />

V ( – A + A) = v : tiers exclus<br />

Si l'on s'en tient à des variables triviales, la négation de la<br />

logique I correspond à son homologue de la logique H, <strong>et</strong> la<br />

démonstration précédente garde sa validité. On peut d'ailleurs<br />

aussi prendre ce que nous avons appelé le contraire, qui<br />

coïncide également avec la négation de la logique H dans ce<br />

cas précis.<br />

Mais revenons à c<strong>et</strong>te égalité qui pose question : V( A + (–<br />

* A) ) = – i + (– i) = – i. On ne peut pourtant pas rem<strong>et</strong>tre en<br />

cause le fait que V(A) = V(–* A) = v ˅ f = – i. Mais, comme<br />

nous le verrons plus en détail dans un chapitre prochain, la<br />

valeur de vérité – i représente une alternative, ce qui perm<strong>et</strong> 4<br />

combinaisons possibles pour la somme de deux variables<br />

logiques U <strong>et</strong> W ayant c<strong>et</strong>te valeur : U est fausse <strong>et</strong> W fausse,<br />

www.gillesjosse.fr 198/303


U est fausse <strong>et</strong> W vraie, U est vraie <strong>et</strong> W vraie, <strong>et</strong> enfin U est<br />

vraie <strong>et</strong> W fausse. Le problème provient de ce que, dans ce<br />

cas précis, U = A <strong>et</strong> B = –* A ne sont pas indépendantes, ce<br />

qui interdit les combinaisons vrai-vrai <strong>et</strong> faux-faux.<br />

Dans ce cas particulier, on doit donc conclure que V ( –* A<br />

+ A) = V ( – A + A) = v <strong>et</strong> non – i.<br />

On voit alors que le principe de vérifonctionnalité n'est<br />

pas respecté, qui veut que la valeur de vérité d’un énoncé<br />

complexe dépende exclusivement de la valeur de vérité des<br />

énoncés qui le composent <strong>et</strong> de la façon dont ses énoncés sont<br />

composés, <strong>et</strong> de rien d'autre.<br />

Si l'on considère maintenant que A est une affirmation<br />

<strong>molle</strong> extrême, pouvant prendre les valeurs de vérité v, i ou f.<br />

On envisage alors le contraire de A, –* A, <strong>et</strong> on a V(A) = T,<br />

V (–* A) = T <strong>et</strong> : V( A + (–* A) ) = T + T = T. Là encore,<br />

nous n'obtenons pas le résultat escompté v.<br />

Nous en venons donc à poser l’affirmation B telle que :<br />

• V(B) = v « Il y a effectivement une vraie<br />

bataille navale le lendemain » = B<br />

• V(B) = f « Il n'y a rien qui ressemble de<br />

www.gillesjosse.fr 199/303


près ou de loin à une bataille navale le lendemain » =<br />

–* B , –* B désignant l'affirmation contraire de B,<br />

telle qu'on l'a vue page 30.<br />

• V(B) = i « il y a quelques échauffourées le<br />

lendemain qui peuvent faire penser à une bataille<br />

navale, sans attendre l'ampleur d'un tel phénomène »,<br />

affirmation intermédiaire que l'on notera iB.<br />

En conjuguant B au futur, on obtient :<br />

• A = « Il y aura effectivement une vraie bataille navale<br />

le lendemain ».<br />

• –* A = « Il n'y aura rien qui ressemble de près ou de<br />

loin à une bataille navale le lendemain ».<br />

• iA = « il y aura quelques échauffourées le lendemain<br />

qui pourront faire penser à une bataille navale, sans<br />

atteindre l'ampleur d'un tel phénomène »<br />

Si V(B) = v, alors, c'est que A « était » vraie, donc que –*<br />

A était fausse, <strong>et</strong> alors V( A + (–* A) ) valait v + f = v.<br />

Si V(B) = f, alors, c'est que –* A « était » vraie, donc que –<br />

* (–* A ) était fausse, <strong>et</strong> alors V( –* A + (–* (–* A)) ) = V( (–<br />

* A) + A ) valait v + f = v.<br />

www.gillesjosse.fr 200/303


Si V(B) = i <strong>et</strong> si l'on a effectué la reformulation assertive<br />

RA de iA, alors c'est que iA était vraie, donc que –* iA était<br />

fausse, <strong>et</strong> si l'on n'a pas pratiqué RA, V(iA) = V(–* iA) = i.<br />

On a donc V(i A + (–* iA) ) = v + f = v , ou bien i + i , selon<br />

le cas.<br />

Au total, si l'on a effectué RA, on a toujours V ( –* U +<br />

U ) = V ( –* U ) + V( U ) = v , que U vaille A, –*A ou iA,<br />

selon la valeur de vérité de B, autrement dit, quelque soit ce<br />

qui se passe effectivement dans le futur., soit le lendemain ici.<br />

On peut donc remarquer que l'affirmation initiale A<br />

peut-être reformulée « de manière assertive » en son<br />

contraire –*A ou son « intermédiaire » iA, de manière à<br />

ce que l'égalité du tiers exclus soit respectée, <strong>et</strong> on pourra<br />

énoncer que toutes les affirmations particulières de<br />

PAff(P0) sur les choses du monde CH = P0 qui ne sont pas<br />

incongrues respectent le principe du tiers exclus, à une<br />

reformulation assertive près.<br />

Qu'en est-il des affirmations incongrues, du type C =<br />

AV(« vévéridique ») ? On a vu précédemment que V(C) = – i,<br />

en première instance, ce qui signifie que l'on le choix à poser<br />

www.gillesjosse.fr 201/303


que V(C) = f ou à poser que V(C) = v, <strong>et</strong> pas que C prenne les<br />

deux valeurs de vérité simultanément. Là encore, la<br />

reformulation assertive de C en son contraire –* C, au besoin,<br />

<strong>et</strong> le contraire de son contraire –* (–* C) respectent le<br />

principe du tiers exclus. C'est la même chose pour les autres<br />

valeurs de vérité incongrues – v <strong>et</strong> – f. On peut donc aller<br />

plus loin, pour énoncer que : toute affirmation particulière<br />

de PAff sur les choses du monde respecte le principe du<br />

tiers exclus, à une reformulation assertive près.<br />

Qu'est-ce que cela signifie, dans le fond ? Que le principe<br />

du tiers exclus s'énonce pour la logique I de la façon<br />

suivante : pour tout affirmation <strong>molle</strong> A extrême, soit A est<br />

vraie, soit son intermédiaire iA, soit son contraire –* A :<br />

V( A + iA + –* A ) = v. Le principe du tiers exclus devient<br />

donc le « principe du quart exclus » pour la logique I !<br />

Pour une affirmation <strong>molle</strong> intermédiaire, on a c<strong>et</strong>te fois :<br />

V( iA + –* iA ) = v ou bien i selon qu'on effectue RA ou<br />

non.<br />

Cela implique que, dans nos raisonnements, quand nous<br />

procédons par disjonction des cas, nous devons envisager<br />

www.gillesjosse.fr 202/303


trois possibilités.<br />

Toutefois, pour la logique H comme pour la logique I, une<br />

affirmation telle que « il y aura une bataille navale demain »,<br />

traitant des futurs contingents, ne peut se voir affecter de<br />

valeur de vérité certaine, <strong>et</strong> non incongrue, autrement qu'en<br />

faisant une hypothèse sur le futur.<br />

L'analyse des situations de futurs contingents ne rem<strong>et</strong><br />

donc pas en cause le fait que la logique I respecte tout comme<br />

la logique H le principe « d'exclusion des cas » que l'on a<br />

d'ailleurs en pratique largement utilisé dans toutes ces pages,<br />

moyennant la procédure de reformulation assertive.<br />

Accessoirement, on a obtenu le résultat intéressant<br />

suivant : une affirmation portant sur le futur ne peut se voir<br />

affecter une valeur de vérité que sous la condition d'une<br />

hypothèse sur ce futur qui la détermine de manière univoque,<br />

sans quoi le principe du tiers exclus que nous comptons<br />

conserver s'en trouve remis en cause.<br />

www.gillesjosse.fr 203/303


<strong>Logique</strong> I <strong>et</strong> principe de non-contradiction<br />

On a vu au chapitre précédent que le principe du tiers<br />

exclus demandait à être reformulé en « principe du quart<br />

exclus » pour s'adapter à la logique I. Qu'en est-il du principe<br />

de non contradiction ?<br />

Si A est une affirmation <strong>molle</strong> extrême vraie, son contraire<br />

–* A est faux, <strong>et</strong> si A vaut i, –* A vaut i aussi :<br />

A v i f<br />

–* A f i v<br />

A & (–* A) f i f<br />

Là encore, il nous faut utiliser notre procédure de<br />

reformulation assertive, pour affirmer que le principe de non-<br />

contradiction prend la forme suivante pour la logique I : une<br />

affirmation <strong>molle</strong> A extrême ne peut être simultanément<br />

vraie avec son contraire <strong>et</strong> on a V( A & (–* A) ) = f. Une<br />

intermédiaire non plus <strong>et</strong> on a V( iA & (–* iA) ) = f ou<br />

bien i, selon qu'on a effectué ou pas la reformulation<br />

assertive RA, c<strong>et</strong>te fois.<br />

On peut encore dire qu'en conséquence, le produit logique<br />

www.gillesjosse.fr 204/303


d'une affirmation, de son contraire <strong>et</strong> de son intermédiaire, si<br />

elle existe, ne peut être vrai (ce qui ne signifie pas qu'il est<br />

faux!) : au mieux, il est indéterminé, si l'on n'a pas effectué la<br />

reformulation assertive.<br />

Nous pouvons le vérifier avec les tableaux 1 <strong>et</strong> 2, où la<br />

valeur entre parenthèses correspond à la reformulation<br />

assertive RA :<br />

Tableau 1 Si V(A) = V( « il pleut » ) vaut<br />

v i f<br />

V(A) = V( « il pleut » ) v i ( f ) f<br />

V(iA) = V( « il pleuvine » i ( f ) i ( v ) i ( f )<br />

V(–* A) = V( « il ne pleut pas » f i ( f ) v<br />

V( A & iA & –* A ) f i ( f ) f<br />

L'affirmation « il ne pleut pas », contraire de « il pleut »,<br />

présente un tableau symétrique du tableau 1. Nous présentons<br />

également le tableau 2, donnant V( iA' & –* iA' ), avec iA' =<br />

« il pleuvine. Alors, V( –* iA' ) = V( « il ne pleuvine pas » ) =<br />

V( « il pleuvine » ≠ v ) = V( « il pleuvine » = f )<br />

www.gillesjosse.fr 205/303


Tableau 2 Si V(iA') = V( « il pleuvine » )<br />

vaut<br />

Avec RA Sans RA<br />

v i<br />

V(iA') = V( « il pleuvine » ) v i<br />

V(–* iA') = V( « il ne pleuvine<br />

pas »<br />

f i<br />

L'intermédiaire de iA n'existe pas X X<br />

V( iA' & –* iA' ) f i<br />

On constate ici que iA' ne possède pas d'intermédiaire,<br />

sans pour autant être triviale, mais que le principe de non-<br />

contradiction, tel que nous l'avons énoncé, est bien vrai.<br />

Dans la pratique, malgré la complication de l'énoncé du<br />

principe de non-contradiction dans notre logique I, on peut<br />

raisonner de la même manière que dans la logique H, en<br />

distinguant trois cas au lieu de deux, au besoin. Exemple :<br />

Si l'on prend A' = « il pleuvine » <strong>et</strong> B = « Jean ne va<br />

vraiment au escargots que lorsqu'il pleut », où l'on considère<br />

que :<br />

• V(B) = v , quand Jean va effectivement se promener<br />

ET ramasse des escargots.<br />

www.gillesjosse.fr 206/303


• V(B) = i , quand Jean va se promener mais ne ramasse<br />

pas d'escargots.<br />

• V(B) = f , quand Jean reste chez lui.<br />

Alors, si V(A') = i , c'est qu'il pleut ou ne pleut pas du tout,<br />

on en déduit que soit Jean va franchement aux escargots, soit<br />

il reste chez lui, soit V(B) = – i.<br />

Ça n'est pas plus compliqué que ça !<br />

www.gillesjosse.fr 207/303


Le mystère de la reformulation assertive<br />

Il est peut-être bon d'insister sur ce en quoi celle-ci<br />

consiste, <strong>et</strong> quel est son intérêt.<br />

Lorsqu'il fait chaud, que je le sais <strong>et</strong> que le crois, si un<br />

interlocuteur X m'affirme A = « il fait chaud », je peux me<br />

perm<strong>et</strong>tre sans complexe d'affirmer qu'il dit la vérité, soit<br />

d'attribuer la valeur de vérité v à A.<br />

De même, si un autre interlocuteur Y m'affirme C = – *A<br />

= « il fait froid », j'attribuerai la valeur de vérité f à C.<br />

Si maintenant Z, un troisième interlocuteur, m'affirme B =<br />

iA = « il fait doux », je suis confronté à un choix. Sachant que<br />

l'affirmation de Z est intermédiaire entre A <strong>et</strong> son contraire,<br />

l'une étant vraie <strong>et</strong> l'autre étant fausse, je peux considérer que<br />

V(B) = i, soit la valeur intermédiaire entre le vrai <strong>et</strong> le faux.<br />

Cela revient à considérer qu'il a moitié tort <strong>et</strong> moitié raison.<br />

Mais j'ai un autre choix qui consiste tout bonnement à<br />

considérer que Z se trompe, <strong>et</strong> à poser V(B) = f.<br />

Lorsqu'il fait froid, la situation est symétrique.<br />

Quand il fait doux, en revanche, que je le sais <strong>et</strong> que je le<br />

www.gillesjosse.fr 208/303


crois, si j'ai déclaré l'autre jour V(B) = i, c'est-à-dire qu'on a<br />

moitié tort <strong>et</strong> moitié raison de dire qu'il fait doux quand il fait<br />

chaud, il me faudra bien alors poser V(A) = i, c'est-à-dire de<br />

considérer qu'on a à moitié tort <strong>et</strong> à moitié raison de dire qu'il<br />

fait chaud quand il fait doux : c'est une question de logique<br />

concrète indiscutable, semble-t-il.<br />

Alors, de la même façon, si j'avais choisi de poser plutôt<br />

V(B) = f, il me faudra là aussi considérer que V(A) vaut f.<br />

Dans ce deuxième cas de figure, je n'ai pas d'autre choix<br />

que de dire que B est vraie.<br />

En revanche, si j'ai posé V(A) = i, il s'ensuit bien sûr V(C)<br />

= i aussi, mais j'ai encore un choix possible au suj<strong>et</strong> de V(B).<br />

V(B) ne peut bien sûr pas être égal à f, mais il peut être pris<br />

égal à v ou bien i, ou bien encore à v ˅ i = – f. La dernière<br />

solution, – f , est à éliminer, puisqu'elle correspond à une<br />

indétermination de seconde espèce, qui représente une<br />

alternative. Or, ici, il n'y a pas d'alternative, puisque nous<br />

savons <strong>et</strong> croyons qu'il fait doux : il nous appartient donc de<br />

trancher entre la solution V(B) = i <strong>et</strong> V(B) = v.<br />

Il nous faut alors nous rappeler de ce résultat<br />

www.gillesjosse.fr 209/303


« paradoxal » auquel nous avait conduit l'étude de la carte<br />

r<strong>et</strong>ournée, qui voulait que V(« i = i ») = i.<br />

Alors, si je choisis V(B) = i , après avoir choisi la même<br />

valeur quand il faisait chaud <strong>et</strong> quand il faisait froid, toute la<br />

situation est résumée d'une manière simple par la relation<br />

d'égalité à l'un des deux états extrêmes :<br />

• V(A) = V( V(« il fait chaud ») = v ) = V( V(« il fait<br />

froid ») = f )<br />

• V(B) = V( V(« il fait chaud ») = i ) = V( V(« il fait<br />

froid ») = i )<br />

• V(C) = V( V(« il fait chaud ») = f ) = V( V(« il fait<br />

froid ») = v )<br />

Rappelons au passage son tableau racine :<br />

U = W v i f<br />

v v i f<br />

i i i i<br />

f f i v<br />

Avec c<strong>et</strong>te façon de faire, on traite dans un même<br />

formalisme la situation de la carte r<strong>et</strong>ournée <strong>et</strong> tout ce qui<br />

www.gillesjosse.fr 210/303


tourne autour des affirmations <strong>molle</strong>s.<br />

Ce que nous avons appelé reformulation assertive<br />

revient à faire l'autre choix, <strong>et</strong> à poser une relation<br />

d'égalité distincte, qui n'est autre que l'égalité<br />

« habituelle » <strong>et</strong> que nous noterons =^ , dont voici le<br />

tableau racine :<br />

U =^ W v i f<br />

v v f f<br />

i f v f<br />

f f f v<br />

Dans ce cas, s'il fait chaud <strong>et</strong> qu'on me dit qu'il fait doux,<br />

ou qu'il fait doux, <strong>et</strong> qu'on me dit qu'il fait chaud, je réponds<br />

que c'est faux.<br />

Si l'on considère des affirmations <strong>molle</strong>s universelles sur<br />

un ensemble, en lieu <strong>et</strong> place d'affirmations <strong>molle</strong>s<br />

particulières, on manipule alors des valeurs de vérité<br />

complexes, <strong>et</strong> l'on peut encore se perm<strong>et</strong>tre d'utiliser l'une ou<br />

l'autre de ces relations d'égalité, mais aussi pourquoi pas<br />

celle-ci, notée « =^= » :<br />

www.gillesjosse.fr 211/303


U =^= W v i f<br />

v v – v f<br />

i – v – f – v<br />

f f – v v<br />

Si M1 = ( x1 ; y1 ; z1 ) <strong>et</strong> M2 = ( x2 ; y2 ; z2 ) sont deux<br />

valeurs de vérité complexes, avec M0 = V( M1 =^ M2 ), on<br />

peut donner c<strong>et</strong>te expression analytique :<br />

x0 = 1 – Max ( |x2 – x1| + |y2 – y1| )<br />

y0 = Max ( |x2 – x1| + |y2 – y1| )<br />

z0 = 0<br />

On r<strong>et</strong>rouve l'expression de la distance entre points de la<br />

roue des couleurs, vue page 140 :<br />

x0 = 1 – M1M2<br />

y0 = M1M2<br />

z0 = 0<br />

Une dernière, mais importante réflexion, avant de clore ce<br />

chapitre : la capacité à reformuler une proposition de<br />

manière assertive provient exactement de celle qui nous<br />

perm<strong>et</strong> de faire la distinction entre les deux états extrêmes<br />

www.gillesjosse.fr 212/303


d'une situation <strong>et</strong> l'état intermédiaire, qui équivaut à fixer<br />

des seuils perm<strong>et</strong>tant d'effectuer des coupures entre ces<br />

états. Bien sûr, tout ça se fait de manière cachée, non<br />

formalisée <strong>et</strong> arbitraire.<br />

Dans la réalité, quand on considère des situations<br />

<strong>molle</strong>s, le choix du qualificatif en rendant compte est<br />

toujours plus ou moins suj<strong>et</strong> à caution, ce qui est bien<br />

traduit par les valeurs paradoxales de l'égalité « = ».<br />

Concrètement, quand on affirme qu'il pleuvine, plutôt que<br />

de dire qu'il pleut, <strong>et</strong> inversement, il y a toujours une marge<br />

d'erreur qui se traduit très bien par le fait qu'un tiers jugeant<br />

de la même situation pourrait très bien faire le choix<br />

alternatif.<br />

On se convaincra enfin que procéder à la reformulation<br />

assertive des propositions revient plus ou moins à effectuer<br />

un plongement de la logique I dans la logique H, alors qu'à la<br />

base, nous avons fait l'inverse, en construisant celle-ci<br />

comme extension de celle-là.<br />

Cela ne revient pas à renier l'indétermination de première<br />

espèce, qui correspond à l'état intermédiaire dans les<br />

www.gillesjosse.fr 213/303


situations <strong>molle</strong>s, mais à mener des raisonnements <strong>et</strong> bâtir<br />

des résultats « certains » sur sa base, au besoin. Cela, nous<br />

pouvons le faire grâce au principe de non-contradiction <strong>et</strong> du<br />

quart exclus, qui demandent effectivement c<strong>et</strong>te<br />

reformulation assertive pour être valides, ou en tout cas<br />

s'exprimer de manière franche, car tranchée, c'est-à-dire avec<br />

une valeur de vérité triviale v ou f.<br />

C'est exactement c<strong>et</strong>te manière de raisonner que nous<br />

adoptons dans la vie courante, où nous bâtissons des<br />

raisonnements « durs » sur des situations souvent « <strong>molle</strong>s ».<br />

Nous y reviendrons dans un prochain chapitre, où nous<br />

traitons de l'implication logique.<br />

www.gillesjosse.fr 214/303


Interprétation des valeurs de vérité de la logique I<br />

Nous en venons maintenant à un suj<strong>et</strong> qu'il n'était pas<br />

évident de traiter auparavant, qui est celui de l'interprétation<br />

des valeurs logiques de la logique I.<br />

Une affirmation particulière de PAff sur les choses du<br />

monde sera dite « triviale » si elle répond par v ou f, c'est-à-<br />

dire si sa valeur de vérité « effective » est v ou bien f.<br />

Ainsi, « il pleut aujourd'hui » est une affirmation<br />

particulière triviale si <strong>et</strong> seulement si il pleut effectivement ce<br />

jour donné, ou bien s'il ne pleut pas du tout. Car s'il pleuvine,<br />

« il pleut aujourd'hui » a pour valeur de vérité i , <strong>et</strong> n'est donc<br />

pas triviale.<br />

Les valeurs logiques v <strong>et</strong> f, que nous dirons elles aussi<br />

« triviales », ne posent pas de problème d'interprétation<br />

particulier, puisqu'elles sont superposables à celles de la<br />

logique H du même nom.<br />

Le contraire d'une affirmation triviale est une affirmation<br />

triviale, mais pas sa négation. Venons-en donc maintenant<br />

aux affirmations non triviales, c'est-à-dire celles qui ont une<br />

www.gillesjosse.fr 215/303


valeur de vérité effective égale à i ou incongrue. La valeur de<br />

vérité i peut correspondre à deux choses distinctes :<br />

• L'affirmation particulière dont il est question<br />

correspond à une affirmation générique non-triviale,<br />

donc <strong>molle</strong>, connaissant un état possible intermédiaire<br />

entre v <strong>et</strong> f, nommément i, <strong>et</strong> prend effectivement<br />

c<strong>et</strong>te valeur. Ainsi A0 = « il pleut aujourd'hui 11 avril<br />

2012 à 12 h 20 à Migennes, France » correspond à<br />

l'affirmation générique <strong>molle</strong> A = « il pleut ». Comme<br />

il pleuvine effectivement à ce moment même à c<strong>et</strong><br />

endroit d'où j'écris ces lignes, V(A0) = i. V(A0) n'est<br />

effectivement égal ni à v, ni à f, mais aurait pu l'être.<br />

On peut alors m<strong>et</strong>tre A0 au passé <strong>et</strong> affirmer PA0 =<br />

« il pleuvinait le 11 avril 2012 à 12 h 20 à Migennes,<br />

France ». La valeur de PA0 reste i, mais elle aurait pu<br />

être égale à v ou f.<br />

• L'affirmation particulière correspond à une<br />

affirmation générique qui ne peut effectivement pas<br />

prendre la valeur v ni f quand on l'instancie de c<strong>et</strong>te<br />

manière. Ainsi AM(« menmenteur ») = AM(X0)<br />

www.gillesjosse.fr 216/303


correspond à l'affirmation générique AM(« le mot X<br />

est menmenteur ») = AM(X), instanciée avec X = X0<br />

= le mot « menmenteur ». Si l'on m<strong>et</strong> AM(X0) au<br />

passé pour obtenir PAM(X0) = « le mot<br />

« menmenteur » était menmenteur », la valeur de<br />

PAM(X0) reste i, mais n'aurait en aucun cas pu être<br />

égale à v ou f.<br />

Dans la première situation, l'indétermination valuée à i<br />

dont il est question est « circonstancielle » <strong>et</strong> correspond à<br />

la possibilité d'un état intermédiaire ou « mixte » entre<br />

deux « états extrêmes » contraires, alors que dans la<br />

deuxième, elle est « intrinsèque », <strong>et</strong> correspond à<br />

l'impossibilité de prendre l'un des deux états extrêmes<br />

contraires.<br />

Quand il pleuvine aujourd'hui, on peut dire que<br />

l'affirmation générique correspondante « il pleut » est mi-<br />

vraie, mi-fausse, alors que « le mot « menmenteur » est<br />

menmenteur » correspond à une affirmation générique qui ne<br />

peut être ni vraie ni fausse dans ce cas particulier.<br />

On peut alors se demander ce qui se passe quand on fait la<br />

www.gillesjosse.fr 217/303


somme ou le produit logique entre deux affirmations<br />

particulières indéterminées, l'une l'étant de manière<br />

circonstancielle <strong>et</strong> l'autre de manière intrinsèque.<br />

Par exemple, posons A= PAM(X0) <strong>et</strong> B = « Jean est<br />

obèse », où Jean est de corpulence moyenne, soit V(B) = i.<br />

L'affirmation C = A & B est bien une affirmation particulière<br />

s'appliquant au couple ( « menmenteur » , Jean ) = ( X0 , J ),<br />

<strong>et</strong> les règles de calcul de la logique I nous indiquent que V(C)<br />

= i. Mais de quel i s'agit-il ? Est-ce que C est mi-vraie, mi-<br />

fausse ou bien ni vraie ni fausse ?<br />

Si Jean avait été très mince, on aurait obtenu V(C) = f, <strong>et</strong><br />

si Jean avait été effectivement obèse, on aurait eu de nouveau<br />

V(C ) = i. On constate donc que l'indétermination de C est<br />

circonstancielle, puisque C aurait pu prendre une autre valeur<br />

logique triviale, ici f. C'est la même chose si l'on forme C' =<br />

A + B, qui peut valoir i ou v.<br />

Il reste la disjonction i ˅ i = i , dont on a déjà affirmé page<br />

25 qu'elle ne pouvait avoir un sens que pour des valeurs<br />

logiques de même nature, ce qui n'est pas le cas ici. Mais<br />

même si l'on choisit pour affirmation B une affirmation au<br />

www.gillesjosse.fr 218/303


suj<strong>et</strong> du mot « menmenteur » correspondant à une affirmation<br />

générique disant par exemple qu'un mot est « obèse » s'il fait<br />

strictement plus de dix l<strong>et</strong>tres, « maigre » s'il fait moins de<br />

cinq l<strong>et</strong>tres, on constate alors que l'indétermination résultante<br />

de la disjonction est circonstancielle, car le mot<br />

« menmenteur » aurait pu être « obèse », si par exemple on<br />

l'avait orthographié « menmmenteur », en doublant le m.<br />

Cela étant, c<strong>et</strong>te discussion sur la composée de deux<br />

indéterminées de première espèce n'a été menée qu'à seule fin<br />

d'être rigoureux dans notre raisonnement, <strong>et</strong> n'est pas d'une<br />

importance primordiale. Ce qu'il faut r<strong>et</strong>enir, ce sont les deux<br />

situations basiques distinctes où l'indétermination de<br />

première espèce apparaît : les situations de type « mi-mi » <strong>et</strong><br />

les situations de type « ni-ni ».<br />

Venons-en maintenant aux valeurs logiques incongrues <strong>et</strong><br />

aux affirmations particulières qui leurs correspondent.<br />

Les valeurs logiques incongrues, soit indéterminées de<br />

seconde espèce – v , – i <strong>et</strong> – f , rendent en fait compte de<br />

deux choses distinctes, quand elles apparaissent dans un<br />

système logique :<br />

www.gillesjosse.fr 219/303


• Quand elle apparaissent en sortie, elles indiquent une<br />

alternative possible dans la réponse du système à une<br />

valeur d'entrée donnée.<br />

• Quand elles apparaissent en entrée, elles rendent<br />

compte d'une hypothèse sur l'entrée ou l'une de ses<br />

composantes, traduisant une alternative dans le choix<br />

de la valeur correspondante.<br />

Ces valeurs traduisent une éventuelle méconnaissance, en<br />

aucun cas une impossibilité, mais au contraire toujours une<br />

alternative. Quand l'une des valeurs principales du tableau<br />

racine d'une relation de type R = A × CD => B est égale à<br />

l'une de ces indéterminées, c'est que le système n'est pas<br />

déterministe, c'est-à-dire que l'une des composantes de son<br />

état de sortie au moins n'est pas déterminée de manière<br />

univoque par son état d'entrée, même si celui-ci est déterminé<br />

de manière univoque, soit quand toutes les composantes de<br />

celle-ci sont des valeurs de cœur de K0.<br />

Si l'on reprend l'exemple de l'affirmation particulière<br />

AV(« vévéridique ») = AV(Y0), qu'on a valuée à – i, cela ne<br />

signifie pas que le mot « vévéridique » = Y0 est à la fois<br />

www.gillesjosse.fr 220/303


« vévéridique » <strong>et</strong> « menmenteur », mais qu'il pourrait être<br />

aussi bien vévéridique que menmenteur, sans que cela ne<br />

rem<strong>et</strong>te en cause la consistance de la logique I.<br />

Si l'on reprend maintenant l'exemple de l'affirmation « il<br />

pleut aujourd'hui » <strong>et</strong> qu'on sait par exemple seulement qu'il<br />

ne pleut pas à verse, il peut alors pleuviner comme ne pas<br />

pleuvoir du tout <strong>et</strong> V(« il pleut aujourd'hui ») = i ˅ f = – v. Là<br />

encore, cela ne signifie pas qu'il ne pleut pas du tout <strong>et</strong> qu'il<br />

pleuvine en même temps, mais que les deux sont possibles.<br />

La manière dont sont formées les valeurs logiques<br />

incongrues avec la disjonction nous indique d'ailleurs<br />

clairement ce choix entre deux possibilités. i ˅ v = – f <strong>et</strong> i ˅ f<br />

= – v , soit, mais la question qui se pose alors est de savoir si<br />

le i en question dans ses disjonctions est du type mi-mi ou ni-<br />

ni. La réponse est « mi-mi », soit un état intermédiaire. En<br />

eff<strong>et</strong>, une affirmation particulière A ne peut être par exemple<br />

à la fois ni vraie ni fausse ou éventuellement vraie, car alors,<br />

c'est que V(A) = v mène à une absurdité logique, ce qui<br />

interdit la possibilité que V(A) vaille v.<br />

www.gillesjosse.fr 221/303


En résumé, les valeurs logiques non-triviales sont telles que :<br />

• i est du type mi-mi ou ni-ni entre les deux valeurs<br />

logiques triviales v <strong>et</strong> f.<br />

• – i , est un ou-ou entre les deux valeurs logiques<br />

triviales v <strong>et</strong> f.<br />

• – v <strong>et</strong> – f, est un ou-ou entre une valeur i du type mi-<br />

mi <strong>et</strong> l'une des deux valeurs logiques triviales.<br />

Il ressort de c<strong>et</strong>te analyse qu'une variable logique prenant<br />

éventuellement la valeur de vérité i, de type ni-ni, ne peut pas<br />

prendre les valeurs logiques incongrues – v <strong>et</strong> – f, même si<br />

elle peut prendre les valeurs v ou f, mais peut tout de même<br />

prendre la valeur – i ou T.<br />

Exemple : A(X) = « le mot »X » possède la qualité X ». La<br />

variable logique correspondante V(A(X)) peut être vraie,<br />

pour X = « plurisyllabique » par exemple, fausse, pour X =<br />

« monosyllabique », indéterminée de type ni-ni, pour X =<br />

« hétérologique » ou « menmenteur », incongrue de valeur –<br />

i, pour X = « vévéridique ».<br />

Bien sûr, on pense alors à former B(X) =<br />

A(« menmenteur ») ˅ A(X) , avec V(B(X)) qui vaudrait – f<br />

www.gillesjosse.fr 222/303


quand X = « plurisyllabique » <strong>et</strong> – v quand X =<br />

« monosyllabique ». Le problème est que B(X) n'a en<br />

pratique aucun sens hors du cas où X = « menmenteur ».<br />

La relation B(X) peut en revanche effectivement être<br />

associée à un système logique du type machine à beurre qui<br />

le modélise, mais alors, la valeur i de type ni-ni qui était celle<br />

de V(A(« menmenteur ») est de fait convertie en une valeur<br />

logique i de type mi-mi pour que le système puisse répondre<br />

à l'entrée V(A(X). De la même façon, V(A(X)) est elle-même<br />

de fait convertie en ce que nous appellerons variable logique<br />

<strong>molle</strong>, valant v quand V(A(X)) = v, f quand V(A(X)) = f, <strong>et</strong> i<br />

du type mi-mi, soit une valeur intermédiaire entre v <strong>et</strong> f,<br />

quand V(A(X)) = i, de type ni-ni.<br />

D'où les définitions suivantes :<br />

• On appellera « variable logique triviale » une<br />

variable qui ne peut prendre que les valeurs logiques<br />

triviales v ou f .<br />

• On appellera « variable logique <strong>molle</strong> » une variable<br />

qui peut prendre la valeur logique i, du type mi-mi.<br />

• On appellera enfin « variable logique paradoxale »<br />

www.gillesjosse.fr 223/303


une variable qui peut prendre la valeur logique i, du<br />

type ni-ni.<br />

Une affirmation générique <strong>molle</strong>, soit non-triviale est donc<br />

toujours associée à une variable logique <strong>molle</strong> ou paradoxale.<br />

Une affirmation générique triviale est quant-à-elle associée à<br />

une variable logique triviale.<br />

www.gillesjosse.fr 224/303


Les trois modèles de la logique I<br />

Avec le paradoxe sorite du barbu, page 123 <strong>et</strong> suivantes,<br />

on avait vu qu'on pouvait rendre compte de la valeur de vérité<br />

d'une affirmation <strong>molle</strong> par une variable continue entre 0 <strong>et</strong> 1,<br />

0 étant pris pour faux <strong>et</strong> 1 pour vrai. Alors, l'état<br />

intermédiaire i équivaut c<strong>et</strong>te fois à la valeur 1 / 2. On peut se<br />

fixer alors deux marges d'erreur e1 <strong>et</strong> e2, ou bien encore de<br />

tolérance, de manière à poser que :<br />

• Si l'on sait que V(A) ≤ e1 alors A est fausse.<br />

• Si l'on sait que V(A) ≥ 1 – e1 alors A est vraie.<br />

• Si l'on sait que 1 / 2 – e2 ≤ V(A) ≤ 1 / 2 + e2 alors A est<br />

indéterminée de type i mi-mi.<br />

• Si l'on sait simplement que e1 < V(A) < 1 – e1 alors A<br />

est indéterminée de type i ni ni.<br />

• Si l'on sait simplement que V(A) < 1 – e1 alors A est<br />

indéterminée de type – v.<br />

• Si l'on sait simplement que e1 < V(A) alors A est<br />

indéterminée de type – f.<br />

• Si l'on sait simplement que V(A) existe entre 0 <strong>et</strong> 1, A est<br />

www.gillesjosse.fr 225/303


indéterminée de type T.<br />

Avec ces définitions, si l'on veut conserver le fait que – v<br />

= i ou f, avec i du type mi mi, il ne faut pas qu'il y ait de vide<br />

entre la plage dévolue à i mi mi <strong>et</strong> f, ce qui impose : e1 = 1 /<br />

2 – e2 . En conséquence la plage de valeur réservée à i mi mi<br />

coïncide exactement avec celle dévolue à i ni ni : autrement<br />

dit, les deux valeurs sont indiscernables, tout comme elles le<br />

sont pour notre logique I habituelle atomique.<br />

On peut encore vouloir affecter un point correspondant à –<br />

f <strong>et</strong> – v, que l'on situera entre v <strong>et</strong> i d'une part, <strong>et</strong> entre i <strong>et</strong> f<br />

d'autre part. Le premier doit donc se situer exactement à la<br />

frontière entre v <strong>et</strong> i, <strong>et</strong> il faut alors qu'on ait : e1 = ( e1 × e1 /<br />

2 + ( 1 – 2e1 )× 1 / 2 ) / ( 1 – e1 ). Cela implique e1 = 1 / 3 <strong>et</strong><br />

e2 = 1 / 6, donc que le segment [ 0 ; 1 ] soit partagé en trois<br />

parties égales. La valeur de vérité – f, par exemple,<br />

correspond donc à la fois à un point du segment, situé à 2 / 3,<br />

<strong>et</strong> à une étendue qui va de 1 / 3 à 1. Cela revient ni plus ni<br />

moins à interpréter l'opération de disjonction comme une<br />

moyenne arithmétique entre valeurs de vérité.<br />

Assimilées chacune à une étendue, les valeurs – f <strong>et</strong> – v<br />

www.gillesjosse.fr 226/303


entrent dans le cadre de la logique floue, alors qu'assimilées<br />

aux points 1/3 <strong>et</strong> 2/3, elles entrent dans celui de la logique I<br />

atomique. Partant de là, on peut se demander comment traiter<br />

un cas comme celui du paradoxe du menteur avec la logique<br />

floue. On passe donc par l'intermédiaire de la logique I pour<br />

attribuer à M = « V(M) = f » la valeur i située au point 1 / 2<br />

de notre segment, après quoi l'on peut affirmer que V(M) =<br />

1 / 2 pour la logique floue.<br />

Mais, on le sait fort bien, les affirmations de type<br />

paradoxales forment une singularité dans l'ensemble des<br />

affirmations du langage. Pourquoi alors ne pas rendre compte<br />

de la situation par la figure suivante :<br />

www.gillesjosse.fr 227/303


V, F, I, <strong>et</strong>c, y sont des droites parallèles, dans un plan vu en<br />

perspective. i de type mi mi, aussi bien que i du type ni ni que<br />

T y sont rendus par la droite I. On r<strong>et</strong>rouve nos inégalités<br />

entre valeurs de vérité, vues au chapitre sur somme <strong>et</strong> produit<br />

logique, quand on se déplace de gauche à droite,<br />

perpendiculairement à ces droites : v ≥ – f ≥ i ≥ – v ≥ f.<br />

Dans c<strong>et</strong>te perspective, le i ni ni paradoxal n'est effectivement<br />

qu'une vue de l'esprit, un artefact engendré par notre point de<br />

vue particulier. Il est le point de la droite I à l'horizon. Il<br />

existe donc sans vraiment exister, ce qui peut légitimer une<br />

nouvelle fois V( « i = i » ) = i, qui revient à affirmer que son<br />

existence elle-même est incertaine, indéterminée, d'un type<br />

différent de l'existence des autres points du plan.<br />

Partant de notre graphique, on peut encore envisager le<br />

troisième point de vue des valeurs de vérité complexes. C<strong>et</strong>te<br />

fois, une droite parallèle aux droites V <strong>et</strong> F <strong>et</strong> située entre<br />

elles matérialise une valeur de vérité floue par la mesure de<br />

son écart à F, rapporté à l'écart entre V <strong>et</strong> F. Un point M =<br />

( x;y;z ) du triangle possède donc une valeur de vérité floue<br />

égale à VF(M) = x / ( x+y ). Quand x <strong>et</strong> y se rapprochent tous<br />

www.gillesjosse.fr 228/303


deux de zéro, c'est-à-dire quand M se rapproche du point I ni<br />

ni à l'horizon, c<strong>et</strong>te valeur VF n'existe plus. Ce point à l'infini<br />

est bien une singularité. Sinon, trois des valeurs de vérité de<br />

la logique I correspondent à la valeur floue 1 / 2 : ce sont i, –<br />

i <strong>et</strong> T. On peut donc aisément passer des valeurs complexes<br />

aux valeurs floues, mais l'inverse ne peut se faire de manière<br />

univoque.<br />

Finalement, la logique I propose trois modèles pour rendre<br />

compte de l'erreur <strong>et</strong> de la vérité. Le premier est le modèle<br />

atomique à 7 valeurs de vérité, plus Φ. Compte tenu de la<br />

manière dont elles se combinent par disjonction, il vient l'idée<br />

de placer V, I <strong>et</strong> F au somm<strong>et</strong> d'un triangle, T au centre <strong>et</strong> les<br />

trois derniers points au milieu des côtés. De c<strong>et</strong>te manière, on<br />

obtient un deuxième modèle, qui lui est continu, que l'on peut<br />

doter de deux jeux de formules analytiques au moins, que<br />

nous avons appelées formules fines <strong>et</strong> grossières, <strong>et</strong> qui<br />

perm<strong>et</strong>tent d'exprimer disjonction, somme <strong>et</strong> produit de deux<br />

valeurs de vérité complexes. On a donc à ce point le modèle<br />

atomique MAI <strong>et</strong> le modèle complexe MCI. Grâce aux<br />

formules grossières, les calculs de MCI coïncident avec ceux<br />

www.gillesjosse.fr 229/303


de MAI pour les 7 valeurs de K*. Le troisième modèle est lui<br />

aussi continu, mais se propose de son côté de rendre compte<br />

des valeurs de vérité de I par la logique floue : on l'appellera<br />

Modèle flou de la logique I, MFI. C'est celui que nous venons<br />

de voir. En revanche, quand les valeurs de vérité complexes<br />

dépendent de deux paramètres, les valeurs floues ne<br />

dépendent plus que d'un seul.<br />

Pour ce dernier modèle, voilà comment on peut définir la<br />

valeur de vérité de la somme de M1( x1;y1 ) <strong>et</strong> M2( x2;y2 ),<br />

compte tenu de ce que y1 = 1 – x1 <strong>et</strong> y2 = 1 – x2, grâce aux<br />

formules analytiques fines :<br />

V( M1 + M2 ) = ( x1 + x2 – x1x2 ) / ( y1y2 + x1 + x2 –<br />

x1x2 ) = x1 + x2 – x1x2<br />

Avec les formules analytiques grossières, on trouve que la<br />

valeur de vérité de c<strong>et</strong>te somme ne peut valoir que 1, si M1<br />

ou M2 sont à 1, 0 s'ils sont tous deux à 0, <strong>et</strong> 1 / 2 dans tous<br />

les autres cas, soit le tableau racine de la somme,<br />

évidemment.<br />

www.gillesjosse.fr 230/303


Affirmations dérivées d'une affirmation générique<br />

On commencera par rappeler un résultat précédemment<br />

acquis : toute affirmation générique de Aff est une affirmation<br />

générique triviale ou <strong>molle</strong>, à une simplification près.<br />

On considère alors une affirmation générique <strong>molle</strong> A,<br />

associée à une valeur logique elle-même <strong>molle</strong>, définie sur<br />

Def(A) = Av U Ai U Af, les trois sous-ensembles où elle<br />

prend la valeur logique de cœur correspondante.<br />

Les « dérivées premières » de l'affirmation générique A<br />

sont obtenues en restreignant A à Ai , Av ou Af. d'(Ai)<br />

désignera par exemple l'affirmation A restreinte à l'ensemble<br />

Ai : elle y vaut alors i <strong>et</strong> est nulle en dehors de c<strong>et</strong> ensemble.<br />

On appellera les « incongrues » de A, respectivement<br />

définies sur ( Ai U Af ) , ( Av U Af ) <strong>et</strong> ( Ai U Av), les<br />

relations valant – v , – i , – f, soit l'une des trois valeurs<br />

logiques incongrues, sur chacun de ces ensembles. Les<br />

incongrues, tout comme les dérivées premières, ont un<br />

domaine de définition qui est un sous-ensemble de Def(A), <strong>et</strong><br />

sont nulles en dehors.<br />

www.gillesjosse.fr 231/303


Les « dérivées secondes » de A sont obtenues en<br />

appliquant A aux partitions ( Av, Ai U Af ) , ( Ai , Av U Af ) ,<br />

( Af , Ai U Av ). d''(Av) désignera donc l'affirmation qui<br />

prend la valeur v sur Av <strong>et</strong> f sur Ai U Af. Le contraire –*<br />

d'(Av) de d'(Av), égal à sa négation puisque d'(Av) est<br />

triviale, prend alors la valeur f sur Av <strong>et</strong> v sur Ai U Af : on ne<br />

dira pas que c'est une dérivée seconde de A. Chacune des<br />

trois dérivées secondes de A à le même ensemble de<br />

définition que celle-ci. Énoncer les dérivées secondes d'une<br />

affirmation, c'est exactement procéder à sa reformulation<br />

assertive RA.<br />

Enfin, l'affirmation qui vaut T sur Def(A) sera appelée<br />

« l'évidence » de A : on la notera t(A).<br />

En général, ni les dérivées premières, ni les incongrues de<br />

A ne perm<strong>et</strong>tent individuellement de reconstituer A : c'est<br />

seulement possible avec chacune des dérivées secondes ou<br />

l'évidence. Toutes ces relations seront néanmoins appelées<br />

« affirmations dérivées » de A.<br />

Si l'affirmation de départ est triviale, elle n'adm<strong>et</strong> que deux<br />

dérivées premières, <strong>et</strong> une seule dérivée seconde, qui est aussi<br />

www.gillesjosse.fr 232/303


son évidence, <strong>et</strong> bien sûr l'incongrue en – i.<br />

Si l'affirmation de départ est <strong>molle</strong>, mais qu'elle est c<strong>et</strong>te<br />

fois-ci associée à une variable logique paradoxale, elle<br />

possède encore trois dérivées premières, mais une seule<br />

dérivée seconde, une seule incongrue, <strong>et</strong> son évidence. On<br />

peut récapituler les résultats dans le tableau suivant :<br />

X e Av X e Ai X e Af<br />

d'(Av) v Φ Φ<br />

d'(Ai) Φ i Φ<br />

d'(Af) Φ Φ f<br />

d'(A– v) Φ – v – v<br />

d'(A– i) – i Φ – i<br />

d'(A– f) – f – f Φ<br />

d''(Av) v f f<br />

d''(Ai) f v f<br />

d''(Af) f f v<br />

t(A) T T T<br />

Ces notions nous donnent un moyen d'exprimer de<br />

manière unifiée le principe de non-contradiction <strong>et</strong> le principe<br />

du quart exclus, en utilisant les dérivées secondes de A,<br />

www.gillesjosse.fr 233/303


d''(Av), d''(Ai) <strong>et</strong> d''(Af :<br />

Non-contradiction : V ( d''(Av) & d''(Ai) & d''(Af) ) = f<br />

Quart exclus : V ( d''(Av) + d''(Ai) + d''(Af) ) = v<br />

www.gillesjosse.fr 234/303


La méconnaissance <strong>et</strong> les <strong>paradoxes</strong> de Moore <strong>et</strong> de Fitch<br />

Pour la logique H, savoir <strong>et</strong> ne pas savoir sont des<br />

antinomies, correspondant à la normalité supposée de<br />

l'adjectif « connu », telle que nous l'avons définie page 62.<br />

Ainsi, Moore a fait remarquer qu’il est contradictoire<br />

d’affirmer simultanément : « il pleut, mais je ne crois pas<br />

qu’il pleut ».<br />

La contradiction provient du fait qu’en affirmant « il<br />

pleut », un locuteur sincère sous-entend qu’il croit ce qu’il<br />

dit ; mais en affirmant « je ne crois pas qu’il pleut », le<br />

locuteur contredit ce à quoi il s’engage implicitement en<br />

affirmant « il pleut ».<br />

De la même façon, si l’on considère un énoncé comme « il<br />

pleut <strong>et</strong> je ne sais pas qu’il pleut », on a typiquement affaire à<br />

un énoncé qu’il semble impossible de connaître sans<br />

contradiction. Supposons en eff<strong>et</strong> qu’il pleuve, <strong>et</strong> que j’en<br />

sois ignorant. Puis-je savoir « qu’il pleut <strong>et</strong> que je ne sais pas<br />

qu’il pleut » ? Cela implique manifestement que je sache<br />

qu’il pleuve, <strong>et</strong> aussi que je sache que je ne sais pas qu’il<br />

www.gillesjosse.fr 235/303


pleut. Mais pour savoir que je ne sais pas qu’il pleut, il faut<br />

qu’il soit vrai que je ne sache pas qu’il pleut. Si donc il pleut<br />

<strong>et</strong> que je ne sais pas qu’il pleut, il m’est impossible de savoir<br />

ce fait complexe sans contradiction.<br />

Le fait semble imparable, <strong>et</strong> pourtant, il n'est vrai que pour<br />

la logique H <strong>et</strong> c<strong>et</strong>te interprétation particulière de la situation.<br />

Revenons à la question : puis-je savoir qu’il pleut <strong>et</strong> que je ne<br />

sais pas qu’il pleut ? Ce la revient à savoir qu'il pleut <strong>et</strong><br />

savoir qu'on ne sait pas qu'il pleut.<br />

Pour la logique I <strong>et</strong> avec une autre interprétation de la<br />

situation, on obtient un résultat différent. En eff<strong>et</strong>, que veut<br />

dire A(L) = « moi, locuteur L, je sais qu'il pleut » = « il est<br />

connu de L qu'il pleut » ? Appelons P l'affirmation « il<br />

pleut », dont la valeur de vérité ne dépend que du temps qu'il<br />

fait, <strong>et</strong> pas du locuteur L. Intéressons-nous à la valeur de<br />

vérité de A(L) = A. On peut écrire que : V(A) = V( « V(P) =<br />

v » ).<br />

Ainsi, il y a maintenant trois possibilités, <strong>et</strong> non<br />

simplement deux, <strong>et</strong>, conformément à la table de vérité de<br />

l'égalité donnée page 16, on a :<br />

www.gillesjosse.fr 236/303


• V(A) = v quand V(P) = v , c'est-à-dire quand il pleut.<br />

J'ai raison d'affirmer qu'il pleut.<br />

• V(A) = f quand V(P) = f , c'est-à-dire quand il ne<br />

pleut pas. J'ai raison d'affirmer qu'il ne pleut pas.<br />

• V(A) = i quand V(P) = i , c'est-à-dire quand il<br />

pleuvine. Dans ce cas, je ne peux pas dire que je sais<br />

qu'il pleut, ni dire que je ne le sais pas.<br />

Considérons l'affirmation A' = « je ne sais pas qu'il pleut »<br />

= « je sais qu'il pleuvine ou qu'il ne pleut pas du tout ». On<br />

peut écrire que : V(A) = V( « V(P) = i » ˅ « V(P) = f » ). Il y<br />

a de nouveau trois possibilités :<br />

• V(A') = i ˅ f = – v quand V(P) = v , c'est-à-dire<br />

quand il pleut. J'ai presque tort d'affirmer qu'il<br />

pleuvine ou qu'il ne pleut pas du tout.<br />

• V(A) = i ˅ v = – f quand V(P) = f , c'est-à-dire quand<br />

il ne pleut pas. J'ai presque raison d'affirmer qu'il<br />

pleuvine ou qu'il ne pleut pas du tout.<br />

• V(A) = i quand V(P) = i , c'est-à-dire quand il<br />

pleuvine. J'ai mi-tort, mi raison, ou ni tort ni raison<br />

d'affirmer qu'il pleuvine ou qu'il ne pleut pas du tout<br />

www.gillesjosse.fr 237/303


Intéressons-nous maintenant à A'' = « il est connu de L<br />

qu'il ne sait pas qu'il pleut » = « il est connu de L que V( A' )<br />

= v ». On peut écrire : V( A'' ) = V( « V( A' ) = v » ). On a<br />

encore trois possibilités :<br />

• V( A'' ) = – v quand V(P) = v , c'est-à-dire quand il<br />

pleut.<br />

• V( A'' ) = – f quand V(P) = f , c'est-à-dire quand il ne<br />

pleut pas.<br />

• V( A'' ) = i quand V(P) = i , c'est-à-dire quand il<br />

pleuvine.<br />

A'' a bien la même valeur de vérité que A' dans tous les<br />

cas. Autrement dit, ne pas savoir qu'il pleut équivaut bien à<br />

savoir qu'on ne sait pas qu'il pleut.<br />

Si savoir B, « qu’il pleut <strong>et</strong> que je ne sais pas qu’il pleut »,<br />

implique que A = « je sais qu'il pleut », d'une part, <strong>et</strong> que A''<br />

= « je sais que je ne sais pas qu'il pleut » d'autre part, alors :<br />

• V( A & A'' ) = v & – v = – v quand V(P) = v<br />

• V( A & A'' ) = f & – f = f quand V(P) = f<br />

• V( A & A'' ) = i & i = i quand V(P) = i<br />

www.gillesjosse.fr 238/303


On réalise alors qu'il n'y a pas forcément de contradiction<br />

à savoir B, puisque V( A & A'') vaut – v, quand il pleut<br />

effectivement, <strong>et</strong> que V( A & A'') vaut i quand il pleuvine, <strong>et</strong><br />

non f.<br />

Bien sûr, ce faisant, on a tiré parti de ce que le principe de<br />

non-contradiction n'est vérifié pour la logique I que<br />

moyennant une reformulation assertive des affirmations, que<br />

nous n'avons pas effectuée ici : ça n'est pas très honnête.<br />

Pourtant, d'un autre côté, rien n'empêche de considérer que<br />

l'on peut « savoir » une chose, parce qu'on nous l'a dit, par<br />

exemple, <strong>et</strong> croire autre chose.<br />

On en conclut donc qu'un un énoncé comme « je sais qu'il<br />

pleut <strong>et</strong> je ne sais pas qu’il pleut » n'est faux que lorsqu'il ne<br />

pleut pas : quand on se trompe dans ce qu'on sait, peu<br />

importe alors ce qu'on croit ou pas. Quand il pleut ou qu'il<br />

pleuvine, ça n'est plus le cas.<br />

Quand il pleut, « je sais qu'il pleut » est vrai, mais « je ne<br />

sais pas qu'il pleut », équivalent à « je pense ou je crois qu'il<br />

ne pleut pas ou pleuvine » n'est pas faux, mais simplement<br />

non-vrai, car il n'est en eff<strong>et</strong> pas tout à fait faux de croire qu'il<br />

www.gillesjosse.fr 239/303


pleuvine quand il pleut.<br />

De même, quand il pleuvine, on ne se trompe qu'à demi à<br />

savoir qu'il pleut <strong>et</strong> on a mi-tort mi-raison de croire qu'il ne<br />

pleuvine pas.<br />

Dans c<strong>et</strong>te interprétation de la situation <strong>et</strong> pour la<br />

logique I, « savoir » <strong>et</strong> « ne pas savoir » une chose ne sont<br />

donc pas contradictoires, <strong>et</strong> le « paradoxe » de Moore<br />

n'en est pas un. Cela provient de ce qu'en définitive, ne<br />

pas savoir une chose, c'est croire en sa négation, <strong>et</strong> n'est<br />

pas le contraire mais la négation de savoir, <strong>et</strong> que pour<br />

notre logique I, cela laisse une alternative, quand c<strong>et</strong>te<br />

chose correspond à un état flou.<br />

On peut bien sûr reprendre l'analyse du problème d'une<br />

manière bien plus radicale : si je sais qu'il pleut, alors c'est<br />

qu'il pleut effectivement, <strong>et</strong> si je sais que je ne sais pas qu'il<br />

pleut, alors c'est que « je ne sais pas qu'il pleut » est vrai, <strong>et</strong><br />

donc c'est qu'il fait pour moi un temps quelconque, dont je<br />

n'ai pas la moindre idée. De ce point de vue, il est alors bien<br />

absurde de prétendre à la fois « qu'il pleut » <strong>et</strong> « qu'on ne sait<br />

pas qu'il pleut » , donc absurde de prétendre qu'on sait « qu'il<br />

www.gillesjosse.fr 240/303


pleut <strong>et</strong> qu'on ne sait pas qu'il pleut »!<br />

Dans c<strong>et</strong>te manière de voir les choses, « ne pas savoir A »,<br />

c'est « n'avoir aucune idée de la valeur de V(A) », <strong>et</strong> « savoir<br />

A », c'est « savoir que V(A) = v ». Le problème, un peu<br />

anecdotique il est vrai, c'est qu'alors, « ne pas savoir » n'est<br />

pas la négation de « savoir ».<br />

La façon dont nous avons procédé respecte la négation,<br />

elle, <strong>et</strong> si la chose dont il est question ne correspond pas à un<br />

état flou, alors « savoir » <strong>et</strong> « ne pas savoir » sont bien<br />

antinomiques.<br />

Quand j'affirme que je sais que « Jean est mort <strong>et</strong> je ne sais<br />

pas si Jean est mort », c'est que je sais que « Jean est mort »<br />

<strong>et</strong> que je sais que « je ne sais pas que Jean est mort », donc<br />

que « je ne sais pas que Jean est mort » est vrai. J'affirme<br />

donc que « je sais <strong>et</strong> que je ne sais pas que Jean est mort », ce<br />

qui revient à savoir que Jean est mort, tout en croyant qu'il est<br />

vivant. C'est évidemment absurde au premier abord : nous<br />

appellerons c<strong>et</strong>te optique l’optique « radicale » ! En seconde<br />

approche, approche que nous dirons « mitigée », si l'on<br />

considère la possibilité de « savoir » une chose sur la base<br />

www.gillesjosse.fr 241/303


d'informations fausses, ça n'est plus absurde, mais, de deux<br />

choses l'une :<br />

• Je « sais » que Jean est mort <strong>et</strong> je crois le contraire, <strong>et</strong><br />

il est bien mort : alors je me trompais en en le croyant<br />

vivant.<br />

• Je « sais » que Jean est mort <strong>et</strong> je crois le contraire, <strong>et</strong><br />

il n'est pas mort : alors, je me trompais en le sachant<br />

vivant.<br />

Dans les deux cas, je ne peux donc pas savoir que « Jean<br />

est mort <strong>et</strong> que je ne le sais pas » : c'est toujours faux. C'est<br />

de là que l'on déduit le paradoxe de Fitch, qui affirme que<br />

« si toute vérité est connaissable, alors elle est connue ».<br />

Pour voir comment l'on procède, si A représente une<br />

affirmation du type « Jean est mort », ne pouvant prendre que<br />

les valeurs de vérité v ou f, <strong>et</strong> supposée ici vraie, posons KA<br />

= « l'énoncé A est connu », <strong>et</strong> *KA = « l'énoncé A est<br />

connaissable » : « * » représente donc « la possibilité de ». –<br />

KA exprime que A n'est pas connu. Le principe selon lequel<br />

« toute vérité est connaissable » peut se noter G <strong>et</strong> s’ écrire :<br />

G : A => *KA.<br />

www.gillesjosse.fr 242/303


A correspondant à une affirmation générique triviale, si on<br />

la suppose fausse, alors sa négation est vraie, <strong>et</strong> quand on<br />

applique le principe G à celle-ci, on en déduit que l'on peut<br />

savoir qu'elle est vraie, ce qui revient à pouvoir savoir que A<br />

est fausse. G est donc applicable aussi bien aux affirmations<br />

vraies que fausses.<br />

Supposons alors que G soit vrai sans restriction. On peut<br />

alors l'appliquer à l'énoncé A & – KA : c'est possible, puisque<br />

l'on sait que c<strong>et</strong> énoncé est ou bien vrai ou bien faux, <strong>et</strong> que<br />

G s'applique aux énoncés des deux types.<br />

A & – KA => *K( A & – KA ) , ce qui veut dire que « si<br />

Jean est mort <strong>et</strong> je ne le sais pas », alors, je peux savoir que<br />

« Jean est mort <strong>et</strong> je ne le sais pas ».<br />

Mais, comme on l'a vu ci-dessus, dans l'optique<br />

particulière que nous avons dite radicale, où « savoir que<br />

U » implique que U est vraie, K( A & – KA ) implique alors<br />

une absurdité, que l'on notera Φ : il est absurde de prétendre<br />

savoir que « Jean est mort <strong>et</strong> je ne le sais pas » : K( A & – KA<br />

) => Φ.<br />

On suppose alors que l'opérateur de possibilité « * »<br />

www.gillesjosse.fr 243/303


vérifie : si U = > W , alors *U => *W. Autrement dit si U<br />

implique W <strong>et</strong> que U est possible, alors W est possible.<br />

Partant de là, puisque K( A & – KA ) => Φ , on en déduit<br />

que *K( A & – KA ) => *Φ , c'est-à dire que s'il est possible<br />

de savoir que « Jean est mort <strong>et</strong> je ne le sais pas », alors<br />

l'absurde lui-même est possible.<br />

Si l'absurde est impossible, alors on en déduit que la<br />

possibilité de savoir si « Jean est mort <strong>et</strong> je ne le sais pas » est<br />

elle-même absurde : *K( A & – KA ) => Φ.<br />

Mais on a vu par ailleurs que, d'après le principe G, A & –<br />

KA => *K( A & – KA ). On en déduit donc que A & – KA<br />

=> Φ : il est absurde ou contradictoire que Jean soit mort <strong>et</strong><br />

que je ne le sache pas. Comme on a supposé que Jean était<br />

bien mort, on en déduit donc qu'on le sait forcément, ce qui<br />

constitue la conséquence paradoxale du principe G.<br />

On remarquera tout de suite que si « savoir que U »<br />

n'implique plus que U est vraie, mais au contraire possède<br />

une valeur de vérité dépendant de celle de U, c'est-à-dire<br />

quand on se situe dans l'optique mitigée, où l'on peut croire<br />

la chose opposée de ce que que l'on sait, le paradoxe de Fitch<br />

www.gillesjosse.fr 244/303


s'évanouit, car l'absurdité intervenant dans notre<br />

développement disparaît.<br />

Que devient le problème quand on le traite par la logique<br />

I ? L'approche mitigée ne donne lieu à aucun paradoxe : il<br />

nous faut donc discuter la situation depuis la position<br />

radicale. Mais alors, en prenant A = « il pleut », KA = « je<br />

sais qu'il pleut », – KA = « je ne sais pas qu'il pleut » = « je<br />

crois qu'il pleuvine ou ne pleut pas », K( A & – KA ) =><br />

(K(A) & K( – KA )) = (KA) & (– KA ). Or, V((KA) & (–<br />

KA )) = v & – v = – v n'est pas complètement faux.<br />

Mais, pour pouvoir engager la discussion qui mène au<br />

paradoxe, encore faudrait-il que A & – KA soit un énoncé<br />

vrai ou faux, puisque le principe G ne s'applique qu'à ceux-<br />

ci ! Or, s'il pleut, on a constaté que A & – KA est simplement<br />

non-vrai, <strong>et</strong> pas faux, ni absurde. A étant vrai, il faudrait donc<br />

pour cela que – KA soit faux, <strong>et</strong> pas simplement non-vrai.<br />

Cela revient donc à poser la normalité de l'adjectif<br />

« connu », comme nous l'avions dit au départ :<br />

• « A est connu » = v « A n'est pas connu » = f<br />

• « A est connu » = f « A n'est pas connu » = v<br />

www.gillesjosse.fr 245/303


On voit alors une manière plus « simple » de présenter le<br />

paradoxe de Fitch. Avec A = « il pleut », supposons qu'il<br />

pleuve <strong>et</strong> qu'on ne le sache pas : alors « A n'est pas connu »<br />

= « je ne sais pas qu'il pleut » est une vérité particulière. Si le<br />

principe G est une vérité universelle, alors il s'applique à<br />

c<strong>et</strong>te vérité particulière, <strong>et</strong> l'on obtient : « il est possible de<br />

savoir que l'on ne sait pas qu'il pleut ». C<strong>et</strong>te affirmation là<br />

n'est pas bien méchante, qui consiste simplement à affirmer<br />

qu'on est conscient de ne pas savoir s'il pleut ou pas.<br />

La chose se complique effectivement quand on prend pour<br />

argument de départ l'affirmation A' = « il pleut <strong>et</strong> je ne le sais<br />

pas ». S'il pleut effectivement <strong>et</strong> que je ne le sais pas, A' est<br />

bien une vérité à laquelle on peut appliquer le principe G, ce<br />

qui donne : « il m'est possible de savoir qu'il pleut <strong>et</strong> que je<br />

ne le sais pas ».<br />

On voit bien l'absurdité qu'il y a à prétendre une telle<br />

chose, relativement simple, <strong>et</strong> on ne s'étonne alors pas trop de<br />

ce qu'on puisse pousser le principe G dans ses<br />

r<strong>et</strong>ranchements, jusqu'à obtenir le paradoxe de Fitch.<br />

www.gillesjosse.fr 246/303


On en déduit donc de manière toute pragmatique que<br />

le principe G n'est pas applicable à toute vérité, si l'on se<br />

situe dans l'optique « radicale » voulant que « je sais A »<br />

implique que V(A) = v.<br />

Dans l’optique « mitigée », la valeur de vérité de « je sais<br />

A » dépend de V(A) elle-même, ce qui implique que ce qu'on<br />

sait peut se révéler non-vrai, <strong>et</strong> qu'à partir de là, on est<br />

autorisé à croire autre chose. Dans ce sens, si A est vraie <strong>et</strong><br />

que « je sais A », alors « je sais A » est bien vrai, mais « je ne<br />

sais pas A » équivaut à « je crois que A n'est pas vraie », qui<br />

est alors simplement non-vrai <strong>et</strong> pas faux, si V(A) est une<br />

variable logique <strong>molle</strong>. Alors, « savoir A <strong>et</strong> ne pas savoir A »<br />

équivaut à « savoir A <strong>et</strong> croire le contraire », qui n'est pas<br />

obligatoirement une absurdité, interdisant la levée du<br />

paradoxe de Fitch.<br />

Avec c<strong>et</strong>te seconde approche, qui s'appuie sur la<br />

logique I <strong>et</strong> ses variables <strong>molle</strong>s, le principe G, selon<br />

lequel toute vérité est connaissable, peut être maintenu :<br />

le paradoxe de Fitch n'existe plus.<br />

www.gillesjosse.fr 247/303


Le connu, le méconnu, le déconnu...<br />

Le « cru », c'est ce que l'on croit au suj<strong>et</strong> de U,<br />

indépendamment de ce que l'on en connaît. On peut savoir<br />

que la terre tourne autour du soleil, <strong>et</strong> croire l'inverse. La<br />

table de vérité de « U est crue x » = « V(U) = x » est donc la<br />

même que celle de l'égalité :<br />

V(U)<br />

= x<br />

T v – f – i i – v f Φ<br />

T T T T T i T T Φ<br />

v T v – f – i i – v f Φ<br />

– f T – f – f T i – v – v Φ<br />

– i T – i T – i i T – i Φ<br />

i i i i i i i i Φ<br />

– v T – v – v T i – f – f Φ<br />

f T f – v – i i – f v Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

Ainsi, V( « V(U) = – f » ) = – f , quand V(U) = – f ,<br />

s'exprime par le fait que l'on a presque raison de croire que U<br />

est presque vraie, quand elle est effectivement presque vraie.<br />

www.gillesjosse.fr 248/303


V( « V(U) = f » ) = – f , quand V(U) = – v , s'exprime par<br />

le fait que l'on a presque raison de croire que U est fausse<br />

quand elle est presque fausse.<br />

V( « V(U) = – i » ) = – i , quand V(U) = v , s'exprime par<br />

le fait que l'on a que l'on a aussi bien tort que raison à croire<br />

que U est ou vraie ou fausse, quand elle est vraie. Etc.<br />

Le « connu », c'est ce que l'on sait être vrai, parce qu'on<br />

l'a appris d'un tiers, ce qui n'empêche nullement de croire à<br />

autre chose. C'est savoir <strong>et</strong> affirmer que la valeur de vérité<br />

d'une affirmation U est vraie : « U est connue » = « V(U) =<br />

v ». Voici les valeurs principales :<br />

• V(« U est connue ») = v si V(U) = v : on a raison de<br />

connaître U comme vraie, quand celle-ci est vraie.<br />

• V(« U est connue ») = i si V(U) = i : on a mi-tort, mi-<br />

raison de connaître U comme vraie quand elle est mi-<br />

vraie, mi-fausse.<br />

• V(« U est connue ») = f si V(U) = f : on a tort de<br />

connaître U comme vraie, quand celle-ci est fausse.<br />

Le « déconnu » : c'est ce que l'on sait être non-vrai.<br />

Déconnaître une affirmation U, c'est savoir <strong>et</strong> affirmer que sa<br />

www.gillesjosse.fr 249/303


valeur de vérité est non-vraie, quand celle-ci peut être vraie,<br />

fausse ou indéterminée : « U est déconnu » = « V(U) = i ˅ f »<br />

= « V(U) = i ˅ V(U) = f ». Déconnaître, c'est la négation de<br />

connaître : c'est connaître comme non-vrai.<br />

• V(« U est déconnue ») = – v si V(U) = v : on a<br />

presque tort de déconnaître U, quand celle-ci est<br />

vraie.<br />

• V(« U est déconnue ») = i si V(U) = i : on a mi-tort,<br />

mi-raison de déconnaître U quand elle est mi-vraie,<br />

mi-fausse.<br />

• V(« U est déconnue ») = – f si V(U) = f : on a presque<br />

raison de déconnaître U, quand celle-ci est fausse.<br />

Déconnaître le contraire de U, c'est affirmer que U est<br />

vraie ou indéterminée, ce qui en fait une forme affaiblie<br />

de connaître U.<br />

Connaître le contraire de U, c'est affirmer que U est<br />

fausse, ce qui en fait une forme renforcée de déconnaître<br />

U.<br />

Le « désavoué » : désavouer U, c'est croire U déconnu<br />

quand on le connaît, ou bien le croire connu, quand on le<br />

www.gillesjosse.fr 250/303


déconnaît : dans le premier cas, V(« U est désavouée ») =<br />

V(« U est déconnue »), <strong>et</strong> dans le second, V(« U est<br />

désavouée ») = V(« U est connue »).<br />

On remarquera qu'on est plus proche de la vérité à<br />

désavouer une chose quand on la déconnaît, que quand on la<br />

connaît.<br />

Le « non-connu » : non-connaître une affirmation U, c'est<br />

croire que sa valeur de vérité est quelconque, soit que V(U) =<br />

T :<br />

• V(« U est non-connue ») = T si V(U) = v<br />

• V(« U est non-connue ») = i si V(U) = i<br />

• V(« U est non-connue ») = T si V(U) = f<br />

Partant de là, on peut, à l'occasion :<br />

• Connaître <strong>et</strong> désavouer : c'est ce qui nous a permis de<br />

lever le paradoxe de Fitch au chapitre précédent.<br />

• Connaître <strong>et</strong> non-connaître<br />

• Déconnaître <strong>et</strong> désavouer<br />

• Déconnaître <strong>et</strong> non-connaître<br />

• Simplement croire, <strong>et</strong> connaître ou déconnaître à côté<br />

www.gillesjosse.fr 251/303


En revanche on ne peut pas connaître <strong>et</strong> déconnaître U tout<br />

à la fois, puisque cela reviendrait à affirmer que l'on sait sur<br />

U des choses contradictoires : encore faut-il respecter la<br />

logique. Il est également absurde de supposer qu'une chose<br />

est à la fois désavouée <strong>et</strong> non-connue d'un individu, car<br />

désavouer <strong>et</strong> non-connaître sont deux façons de croire<br />

contradictoires.<br />

On ne peut donc que connaître ou déconnaître une<br />

chose. Ce sont deux modalités du « savoir », <strong>et</strong> nous<br />

appellerons le « su » tout ce qui est connu ou déconnu<br />

d'une chose ou de son contraire de la part du locuteur.<br />

Ce que « pense » le locuteur d'une chose, c'est ce qu'il<br />

« sait » <strong>et</strong> ce qu'il « croit » sur la chose » : une chose<br />

« pensée » peut donc être aussi bien sue que crue, voire les<br />

deux.<br />

On dira que le locuteur est « loyal » quand il croit la<br />

même chose que ce qu'il « sait » On dira alors que ce qu'il<br />

pense est « transparent ». S'il désavoue ce qu'il sait, c'est-à-<br />

dire s'il croit exactement en la négation de ce qu'il sait, on<br />

dira qu'il est « déloyal », <strong>et</strong> entre ses deux cas extrêmes, il<br />

www.gillesjosse.fr 252/303


sera dit « critique ». S'il est déloyal, on dira que ce qu'il<br />

pense au suj<strong>et</strong> de U est « antinomique », <strong>et</strong> s'il est<br />

simplement critique, que ce qu'il pense est « complexe ». On<br />

a donc les équivalences suivantes :<br />

• pensée transparente locuteur loyal<br />

cru = su<br />

• pensée antinomique locuteur déloyal cru =<br />

négation de su<br />

• pensée complexe locuteur critique<br />

cru ≠ su & cru ≠ négation de su<br />

On dira qu'un locuteur agit de façon « rationnelle » s'il<br />

agit en fonction de ce qu'il sait ou de ce qu'il croit : dans le<br />

premier cas, on dira qu'il agit de façon « rationnelle-sue », <strong>et</strong><br />

dans l'autre, de manière « rationnelle-crue ». S'il est<br />

transparent, on dira simplement qu'il agit de manière<br />

rationnelle. S'il agit selon une troisième option, on dira qu'il<br />

agit de manière « irrationnelle ». Exemples :<br />

• L peut savoir qu'il ne pleut pas, croire qu'il ne fait que<br />

pleuviner, <strong>et</strong> décider de prendre son parapluie comme<br />

s'il pleuvait : irrationnel.<br />

www.gillesjosse.fr 253/303


• L sait ou croit qu'il pleut <strong>et</strong> prend son parapluie :<br />

rationnel-su ou rationnel-cru.<br />

• L sait <strong>et</strong> croit qu'il pleut <strong>et</strong> prend son parapluie : L est<br />

transparent <strong>et</strong> rationnel.<br />

Une conséquence amusante de nos définitions, c'est qu'un<br />

locuteur déloyal, qui sait une chose <strong>et</strong> la désavoue en même<br />

temps, c'est-à-dire qui pense la chose de manière<br />

antinomique, ne peut agir que de manière rationnelle.<br />

Pour le locuteur déloyal déconnaîssant une réalité, agir de<br />

manière rationnelle-crue, c'est « équivalent » à connaître c<strong>et</strong>te<br />

réalité <strong>et</strong> agir de manière rationnelle-sue. C<strong>et</strong>te<br />

« équivalence » s'entend en terme de valeurs de vérité. Être<br />

déloyal déconnaîssant <strong>et</strong> agir de manière rationnelle-crue<br />

« équivaut » donc à connaître la chose <strong>et</strong> agir de manière<br />

rationnelle-sue.<br />

Partant de l'affirmation « V(U) = v », où U correspond à<br />

une variable <strong>molle</strong>, on peut alors établir la liste suivante :<br />

• V( « U est connue » ) = v<br />

• V( « –* U est déconnue » ) = – f<br />

• V( « U est doutée » ) = V( « –* U est doutée » ) = i<br />

www.gillesjosse.fr 254/303


• V( « U est déconnue » ) = – v<br />

• V( « –* U est connue » ) = f<br />

On s'est donc permis d'ajouter la modalité « douter » aux<br />

quatre autres possibilités. « Douter U » revient à affirmer que<br />

« V(U) = i », qui prend donc toujours la valeur i, quelque soit<br />

la valeur de vérité de U.<br />

« Dédouter U » revient alors à affirmer que « V(U) = – i »,<br />

qui vaut – i quand V(U) = v ou que V(U) = f, <strong>et</strong> i quand V(U)<br />

= i. D'où la table de vérité :<br />

U v – f i – v f – i<br />

–* U f – v i – f v – i<br />

« U est connue » v – f i – v f – i<br />

« –* U est déconnue » – f – v i – f – v T<br />

« U est doutée » i i i i i i<br />

« U est déconnue » – v – f i – v – f T<br />

« –* U est connue » f – v i – f v – i<br />

« U est dédoutée » – i T i T – i – i<br />

C<strong>et</strong>te table n'est ni plus ni moins que celle de l'égalité,<br />

dont on peut alors donner une interprétation, alors qu'elle<br />

pouvait sembler un peu mystérieuse quand on l'a<br />

www.gillesjosse.fr 255/303


introduite : elle décline les différentes modalités du<br />

« savoir », au suj<strong>et</strong> d'une réalité du monde, en fonction de<br />

la valeur de vérité de celle-ci.<br />

Chacune des lignes de c<strong>et</strong>te table correspond à une prise<br />

de position sur l'affirmation <strong>molle</strong> U ou son contraire, <strong>et</strong><br />

renvoie la valeur de vérité de c<strong>et</strong>te prise de position, en<br />

fonction de la valeur de vérité de U. On a en eff<strong>et</strong> les<br />

équivalences suivantes :<br />

• U est connue U est tenue pour vraie<br />

• –* U est déconnue U est tenue pour non-<br />

fausse<br />

• U est doutée –* U est doutée <br />

U est tenue pour indéterminée<br />

• U est déconnue U est tenue pour non-vraie<br />

• –* U est connue U est tenue pour fausse<br />

• U est dédoutée –* U est dédoutée U<br />

est tenue pour vraie ou fausse<br />

On constate bien sûr qu'il nous manque les situations de<br />

connaissance correspondant aux valeurs de vérité T <strong>et</strong> Φ.<br />

D'où la définition du « méconnu » :<br />

www.gillesjosse.fr 256/303


Méconnaître, c'est savoir que U prend la valeur de vérité v,<br />

i ou f. C'est l'équivalent de non-connaître, qui est du domaine<br />

de la croyance, dans le domaine du savoir. On a de ce fait<br />

V( « U est méconnu » ) = V « U est non-connu » ).<br />

Il nous reste à définir « nier » qui consiste à croire que<br />

V(U) = Φ, <strong>et</strong> « dénier », qui consiste à le savoir. Comment<br />

interpréter ces deux dernières modalités ?<br />

Imaginons une machine à beurre aux parois opaques, à<br />

l'intérieur de laquelle est censé se trouver un morceau de<br />

beurre, <strong>et</strong> l'affirmation B = « le morceau de beurre est dur ».<br />

Si l'on n'a aucune information sur le fonctionnement de la<br />

machine, on est en droit de méconnaître U, c'est-à-dire de<br />

savoir qu'il est soit dur, soit mou, soit légèrement ramolli. On<br />

peut aussi dénier B, qui consiste à savoir qu'il n'y a aucun<br />

morceau de beurre à l'intérieur de la machine : dans ce cas, la<br />

valeur de vérité de U est effectivement nulle. Sans aucune<br />

information, on peut aussi croire qu'il n'y a pas de morceau de<br />

beurre, c'est-à-dire nier B.<br />

www.gillesjosse.fr 257/303


Le paradoxe de Berry <strong>et</strong> les méta-affirmations<br />

Dans notre définition, ou énumération des choses du<br />

monde CH, nous avons volontairement exclus l'ensemble<br />

infini des nombres entiers, ce qui nous a permis de considérer<br />

que CH est un ensemble fini. Partant de là, nous avons pu<br />

démontrer que l'ensemble des affirmations basiques de<br />

Aff(CH) est lui-même fini, puis que Aff²(CH), ensemble des<br />

méta-affirmations est fini, <strong>et</strong> ainsi de suite avec Aff 3 … De<br />

c<strong>et</strong>te façon, nous avons pu démontrer notre théorème sur la<br />

normalité <strong>et</strong> l'anormalité de toute affirmation de ces<br />

différents ensembles imbriqués.<br />

Considérons maintenant l'ensemble Aff(N) des<br />

affirmations sur l'ensemble N des nombre entiers. Aff(N) est<br />

infini, puisque N l'est. Soit A e Aff(N) une affirmation sur N<br />

qui définit un nombre entier particulier n(A).<br />

Par exemple, on peut avoir A = « le dixième nombre<br />

premier », ou A = « le dixième multiple de cinq ».<br />

Notons L(A) le nombre de mots que comporte<br />

l'affirmation A, <strong>et</strong> formulons la méta-affirmation générique G<br />

www.gillesjosse.fr 258/303


= « L(A) ≤ 15 » = « l'affirmation A de Aff(N) comporte au<br />

plus quinze mots ».<br />

G est normale, puisqu'elle répond par vrai ou bien par<br />

faux. Considérons alors les ensembles Gv <strong>et</strong> Gf, tels que Gv<br />

regroupe les affirmations de Aff(N) pour lesquelles G est<br />

vraie, <strong>et</strong> Gf celles pour lesquelles G est fausse : Gv <strong>et</strong> Gf sont<br />

donc évidemment disjoints.<br />

Considérons l'affirmation U = « le plus p<strong>et</strong>it élément de<br />

Gf ». Alors, U semble définir un nombre entier particulier,<br />

qui serait « le plus p<strong>et</strong>it entier qui n'est pas définissable en<br />

moins de quinze mots », pourvu que Gf soit non-vide, qui est<br />

à la fois élément de Gf mais aussi définissable en moins de<br />

quinze mots, donc qui serait aussi élément de Gv, alors que<br />

Gf <strong>et</strong> Gv sont disjoints : c'est le paradoxe de Berry !<br />

Dans un premier temps, on peut se demander si Gf est<br />

effectivement non vide, <strong>et</strong> si finalement tout entier naturel ne<br />

serait pas définissable en moins de quinze mots. C<strong>et</strong>te<br />

position ne semble pas tenable, car les mots sont constitués<br />

avec des l<strong>et</strong>tres d'un alphab<strong>et</strong> qui ne peut lui-même compter<br />

qu'un nombre fini d'éléments.<br />

www.gillesjosse.fr 259/303


Après quoi l'on remarque simplement que U n'est pas une<br />

affirmation de Aff(N), malgré les apparences, mais de<br />

Aff²(N), soit une méta-affirmation, car elle dérive de la méta-<br />

affirmation G elle-même. Or, G, <strong>et</strong> donc partant de là, Gv <strong>et</strong><br />

Gf ne sont définis que relativement aux affirmations basiques<br />

de Aff, <strong>et</strong> pas pour les méta-affirmations de Aff². Voilà !<br />

Accessoirement, si l'on restreint notre univers de départ à<br />

un sous-ensemble M fini de N, on obtient comme corollaire<br />

de notre analyse que tout nombre de M est définissable en au<br />

plus quinze mots, pour peu que l'on augmente la taille de<br />

notre alphab<strong>et</strong> de départ : le paradoxe de Berry n’apparaît<br />

plus.<br />

Aussi, une autre manière d'analyser la situation, c'est de<br />

dire que même si l'on ne peut définir qu'un nombre fini<br />

d'entiers en moins de quinze mots de longueur limitée<br />

construits à l'aide d'un alphab<strong>et</strong> fini, n'importe quel nombre<br />

peut pourtant faire partie de ceux-ci. Dans ce sens, le plus<br />

p<strong>et</strong>it de ceux qui ne pourraient pas l'être n'existe donc pas !<br />

Il nous vient alors l'idée de généraliser ce paradoxe, pour<br />

le plaisir. Notons DefOeuf(M) la définition suivante, valable<br />

www.gillesjosse.fr 260/303


pour tout nombre entier strictement positif M : « on appellera<br />

« l’œuf de M » le plus p<strong>et</strong>it entier non définissable en vingt<br />

cinq mots plus deux fois le nombre de mots dénotant M au<br />

maximum ».<br />

DefOeuf(M) comporte 25 mots plus deux fois le nombre<br />

de mots que l'on utilise pour dénoter M. Si M = 729 par<br />

exemple, en définissant M par les quatre mots « sept cent<br />

vingt neuf », DefOeuf(« sept cent vingt neuf ») comporte 25<br />

+ 2×4 = 33 mots. Si on note que 729 se dit aussi avec les trois<br />

mots « neuf au cube », DefOeuf(« neuf au cube ») comporte<br />

maintenant 25 + 2×3 = 31 mots. On réalise alors bien que<br />

l’œuf de M dépend uniquement du nombre de mots m qu'on<br />

utilise pour dénoter M. DefOeuf(M) comporte donc 25 + 2 ×<br />

m mots. « L’œuf de M », quant à lui, est définissable par c<strong>et</strong>te<br />

même phrase entre guillem<strong>et</strong>s, qui comporte au plus m + 3<br />

mots, <strong>et</strong> éventuellement moins. De l'inégalité 25 + 2×m > m<br />

+ 3 , vraie pour tout m strictement positif, on déduit que pour<br />

tout M, dénoté en m mots, m ≥ 1, l’œuf de M n'existe pas, ce<br />

qui implique que tous les entiers sont définissables en au plus<br />

25 + 2×m mots, donc en au plus 27 mots.<br />

www.gillesjosse.fr 261/303


On voit bien alors qu'en affinant notre raisonnement, on<br />

peut faire baisser c<strong>et</strong>te barrière de 27 mots, jusqu'à ce qu'à la<br />

limite, chaque nombre entier puisse être défini par un mot<br />

unique.<br />

Bien sûr, cela peut sembler surprenant quand on pense que<br />

les mots que l'on peut former sont en nombre finis, si on<br />

limite leur longueur <strong>et</strong> la taille de l'alphab<strong>et</strong> utilisé pour les<br />

former, mais c'est oublier que ce prodige signifie simplement<br />

que n'importe quel nombre entier, aussi grand soit il peut être<br />

dénoté par un mot unique, sans pour autant que l'on soit<br />

capable de le faire de tous simultanément !<br />

En guise de boutade finale, on conviendra d'appeler<br />

Jacquot le plus p<strong>et</strong>it des nombres qui ne peut être dénoté par<br />

un mot unique. Alors, Jacquot ne peut dans les faits prendre<br />

aucune valeur entière, sans quoi le mot « Jacquot » le<br />

dénoterait, rem<strong>et</strong>tant en cause son statut même. Aussi,<br />

Jacquot ne peut exister dans l'ensemble des nombres tel qu'on<br />

l'entend habituellement. Si l'on décide d'élargir la définition<br />

de ce que l'on entend habituellement par nombres entiers à un<br />

ensemble plus vaste contenant un éventuel « Jacquot », c'est<br />

www.gillesjosse.fr 262/303


par son autre bout que la définition pêche, puisqu'on le<br />

dénote d'une manière qui contredit précisément son existence.<br />

Cela revient plus ou moins à ordonner à Jacquot de désobéir à<br />

sa propre définition : s'il lui obéit, il lui désobéit, <strong>et</strong><br />

inversement.<br />

On remarque alors qu'il n'existe aucune chose qui ne<br />

puisse être dénotée par un mot unique. On appellera donc<br />

Jacquot une telle chose, qui n'existe pas dans la réalité des<br />

choses du monde aussi bien que dans celles du langage, <strong>et</strong><br />

pourtant : pourtant, le fait de la dénoter justement semblerait<br />

lui octroyer un statut d'existence. On verra alors dans un<br />

chapitre ultérieur appelé « la valeur logique de ce qui n'existe<br />

pas » que la valeur de vérité de l'existence de Jacquot peut<br />

être rendue par i, comme étant-non étant. Elle est une réalité<br />

dans ce sens où elle est définie par une définition, qui lui<br />

interdit pourtant justement de s'instancier, ce qui la pousse au<br />

non-être.<br />

www.gillesjosse.fr 263/303


<strong>Logique</strong> I <strong>et</strong> implication<br />

On pourra s'étonner qu'à ce point de notre ouvrage, nous<br />

ayons défini une soi-disant logique I, que nous avons utilisée<br />

pour traiter différents problèmes, en nous contentant<br />

pratiquement d'évoquer ses valeurs de vérité, mais sans<br />

jamais indiquer la manière d'y conduire des<br />

« démonstrations », c'est-à-dire de déduire des<br />

« résultats » à partir d'un certain nombre de<br />

« prémisses ».<br />

Cela provient tout simplement de ce que les différents<br />

problèmes que nous avons abordés ne nécessitaient pas<br />

d'employer de telles démonstrations ! Ça n'est pas forcément<br />

gênant, dans ce sens où nous avons maintenant le choix de<br />

définir ce qu'on appelle habituellement « implication » <strong>et</strong><br />

« équivalence » entre deux affirmations.<br />

Pour la logique H, « A => B » équivaut à « –* A + B », ce<br />

qui veut dire que la valeur de vérité de « A => B » est posée<br />

comme valant celle de « –* A + B ». Concrètement, si A =<br />

« il pleut » <strong>et</strong> B = « le sol est mouillé », A implique B est<br />

www.gillesjosse.fr 264/303


vraie dès lors qu'il ne pleut pas, auquel cas le sol peut être<br />

aussi bien sec que mouillé, ou bien que le sol est mouillé <strong>et</strong><br />

qu'il pleut effectivement. En revanche, quand il pleut <strong>et</strong> que<br />

le sol est sec, l'implication est fausse. Cela peut se traduire<br />

par le diagramme de Venn suivant à trois régions :<br />

Tâchons d'étendre la situation au cas où A <strong>et</strong> B adm<strong>et</strong>tent<br />

maintenant trois états distincts : il pleut, pleuvine ou ne pleut<br />

pas, <strong>et</strong> le sol est mouillé, humide ou sec, correspondant aux<br />

valeurs de vérité v, i <strong>et</strong> f.<br />

Alors, de la même façon que le sol ne peut pas être sec<br />

www.gillesjosse.fr 265/303


quand il pleut, il ne peut pas l'être non plus quand il pleuvine.<br />

Partant du fait que lorsqu'il ne pleut pas, le sol peut aussi bien<br />

être dans l'un ou l'autre des trois états possibles, il n'y a pas<br />

de raison non plus qu'il ne soit pas mouillé ou humide<br />

lorsqu'il pleuvine. Enfin, le sol ne peut être simplement<br />

humide lorsqu'il pleut.<br />

D'où le diagramme suivant :<br />

www.gillesjosse.fr 266/303


Mais attention, quand on affirme que le sol est sec alors<br />

qu'il pleut <strong>et</strong> qu'il est manifestement mouillé, cela revient à<br />

déconnaître B, soit affirmer que son contraire est vrai, alors<br />

qu'il est faux, soit affirmer « v= f », dont la valeur de vérité<br />

vaut bien f.<br />

En revanche, affirmer que le sol est sec alors qu'il<br />

pleuvine, <strong>et</strong> que le sol est certainement humide revient à<br />

affirmer « f= i », de valeur de vérité i. Et de même affirmer<br />

que le sol est humide alors qu'il pleut, <strong>et</strong> que le sol est<br />

manifestement mouillé, revient à affirmer que « v= i », de<br />

valeur de vérité i.<br />

Nous en déduisons alors la table principale de<br />

l'implication :<br />

A => B v i f<br />

v v i f<br />

i v i i<br />

f v v v<br />

Et, « par chance », nous constatons alors que l'on a bien<br />

encore, comme c'est le cas pour la logique H :<br />

V( « A => B ») = V( « –* A + B » )<br />

www.gillesjosse.fr 267/303


Prenons alors un second exemple concr<strong>et</strong> pour illustrer ces<br />

valeurs principales de l'implication : l'ensemble E de six<br />

fauves qui sont soit des lions soit des tigres, soit des ligrons,<br />

croisement d'une tigresse <strong>et</strong> d'un lion. L'affirmation L(Xj) =<br />

« Xj de E est un lion » = Lj est une variable <strong>molle</strong> si E<br />

comprend des ligrons, triviale sinon. Relativement à c<strong>et</strong><br />

ensemble on peut définir le contraire –* L(Xj) de L(Xj) : –*<br />

L(Xj) = T(Xj) = « Xj de E est un tigre » = Tj. On définit aussi<br />

l'intermédiaire iL(Xj) = « Xj est un ligron » = iLj.<br />

Si CD1 = « tous les fauves de E qui sont des lions portent<br />

le nom de Raoul <strong>et</strong> seulement ceux-ci » est vraie <strong>et</strong> Aj =<br />

« l'individu Xj s'appelle Raoul » est vraie, alors Lj = « Xj est<br />

un lion » est vraie.<br />

Autrement dit, « si V(Aj) = v, alors V(Lj) = v » est vraie.<br />

Cela illustre la case ( v , v , v ) de la table logique de<br />

l'implication.<br />

S'il est faux que « tous les fauves de E qui sont des lions<br />

portent le nom de Raoul <strong>et</strong> seulement ceux-ci », soit V(CD1)<br />

= f, il peut y avoir un tigre ou un lion, comme un ligron qui<br />

s'appelle Raoul, auquel cas Lj peut être aussi bien vraie que<br />

www.gillesjosse.fr 268/303


fausse, qu'indéterminée : du faux, il s'ensuit n'importe quoi.<br />

Cela illustre la troisième ligne de notre tableau, soit les cases<br />

( f , v , v ) , ( f , i , v ) <strong>et</strong> ( f , f , v ).<br />

La case ( v , f , f ) se justifie quant à elle par le fait que,<br />

comme pour la logique H, on ne peut déduire de manière<br />

véridique un résultat faux de prémisses vraies : c'est l'essence<br />

même de la logique !<br />

De c<strong>et</strong>te façon, notre définition de l'implication est<br />

compatible avec ce qu'elle est pour la logique H, c'est-à-<br />

dire quand on se restreint à des affirmations triviales.<br />

Il ne nous reste donc plus que quatre cases non fausses à<br />

illustrer dans notre table de vérité.<br />

Si CD2 = « tous les fauves de E qui s'appellent Raoul sont<br />

des ligrons <strong>et</strong> seulement ceux-ci » est vraie <strong>et</strong> l'individu A'j =<br />

« Xj est un lion » est indéterminée, alors Xj est dans les faits<br />

un ligron, <strong>et</strong> Bj = « Xj s'appelle Raoul » est vraie. Cela<br />

illustre la case ( i , v , v) de notre table.<br />

Pour la suite, on considère qu'un des fauves s'appelle « à<br />

peu près Raoul », quand son nom est obtenu en mélangeant<br />

les l<strong>et</strong>tres de ce prénom, par exemple Oulra, Ralou, Oular,<br />

www.gillesjosse.fr 269/303


Olaru, <strong>et</strong>c. Alors, s'il s'appelle Oulra, il s'appelle à peu près<br />

Raoul, mais aussi à peu près Ralou, <strong>et</strong>c.<br />

Si CD3 = « tous les fauves de E qui s'appellent à peu près<br />

Raoul sont des ligrons <strong>et</strong> seulement ceux-ci » est vraie <strong>et</strong><br />

l'individu A'j = « Xj est un lion » est indéterminée, alors Xj<br />

est dans les faits un ligron, <strong>et</strong> Bj = « Xj s'appelle Raoul » est<br />

indéterminée, <strong>et</strong> pas vraie ni fausse, car Xj s'appelle à peu<br />

près Raoul. Cela illustre la case ( i , i , i ) de notre table.<br />

Pour les deux dernières cases, égales à i, nous nous<br />

contenterons du premier exemple donné, avec la pluie <strong>et</strong> le<br />

sol mouillé. On définit alors l'équivalence comme double<br />

implication :<br />

A B v i f<br />

v v i f<br />

i i i i<br />

f f i v<br />

On constate alors que la table de vérité de<br />

l'équivalence n'est ni plus ni moins la même que celle de<br />

l'égalité entre deux variables logiques.<br />

www.gillesjosse.fr 270/303


On a aussi : V( « A B ») = V( « –* A + B » & « –* B<br />

+ A »). Ah, oui, j'oubliais :<br />

Le cœur de la logique I est en fait la logique K3 de<br />

Kleene ! Ainsi, les tables de vérité de la logique I sont<br />

celles de la logique K3 mais l'interprétation que nous<br />

donnons de ces valeurs n'est pas la même : autrement dit,<br />

nous proposons une autre interprétation sémantique de<br />

ces tables de vérité.<br />

En attendant, voici la table complète de l'implication :<br />

=> T v – f – i i – v f Φ<br />

T T v – f T – f T T Φ<br />

v T v – f – i i – v f Φ<br />

– f T v – f T i – v – v Φ<br />

– i T v – f – i – f T – i Φ<br />

i – f v – f – f i i i Φ<br />

– v – f v – f – f – f – f – f Φ<br />

f v v v v v v v Φ<br />

Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ Φ<br />

De l'expression analytique de la somme dérive celle de<br />

l'implication, puis de l'égalité ou de l'équivalence :<br />

www.gillesjosse.fr 271/303


Si A = ( x1 ; y1 ; z1 ) <strong>et</strong> B = ( x2 ; y2 ; z2 ) , M0 = ( x0 ; y0 ;<br />

z0 ) = V ( A => B ) , M'0 = ( x'0 ; y'0 ; z'0 ) = V ( B => A ) <strong>et</strong><br />

M''0 = ( x''0 ; y''0 ; z''0 ) = V ( B A ), alors :<br />

x0 = y1 + x2 – y1×x2 x'0 = x1 + y2 – x1×y2<br />

y0 = x1×y2 y'0 = x2×y1<br />

z0 = 1 – x0 – y0 z'0 = 1 – x'0 – y'0<br />

x''0 = x0×x'0<br />

y''0 = y0 + y'0 – y0×y'0<br />

z''0 = 1 – x''0 – y''0<br />

www.gillesjosse.fr 272/303


R<strong>et</strong>our à la logique H<br />

Considérons l'implication suivante IP , vue au chapitre<br />

précédent : IP = « il pleuvine => le sol est humide » = « iA<br />

=> iB », avec iA = « il pleuvine » <strong>et</strong> iB = « le sol est<br />

humide ».<br />

V(iA) <strong>et</strong> V(iB) valant toutes deux i, nous en déduisons la<br />

valeur logique de c<strong>et</strong>te implication, égale à i elle aussi : V(IP)<br />

= i. Partant de là, on se r<strong>et</strong>rouve un peu choqué par c<strong>et</strong>te<br />

valeur, pour ce que s'il est certain qu'il pleuvine, il est non<br />

moins certain que le sol est humide <strong>et</strong> non sec, <strong>et</strong> n'est<br />

qu'humide <strong>et</strong> non mouillé. On verrait donc mieux V(IP) = v.<br />

C'est exactement à cela que sert notre procédure de<br />

reformulation assertive, qui ramène aux deux valeurs triviales<br />

v <strong>et</strong> f de la logique H les trois valeurs logiques <strong>molle</strong>s de la<br />

logique I. Ce faisant, on obtient bien finalement la valeur<br />

désirée V(IP) = v.<br />

On peut toutefois se demander si ce « détour » est bien<br />

nécessaire, en s'interrogeant sur ce que signifie dans le fond<br />

c<strong>et</strong>te valeur i qui nous gêne. On réalise alors que celle-ci ne<br />

www.gillesjosse.fr 273/303


fait qu'indiquer que, « vu du point de vue de la logique H,<br />

l'implication IP n'est ni vraie ni fausse ». Et pourtant, nous,<br />

nous la voyons naïvement vraie !<br />

Deux éléments sont alors à considérer. Le premier, c'est<br />

que « vu de la logique H », aussi bien la prémisse que la<br />

conclusion ne sont ni vraies ni fausses, donc se situent hors<br />

de son cadre de référence. Cela revient à dire que tout adjectif<br />

définissant une qualité Q est normal, comme nous en avons<br />

donné la définition page , c'est-à-dire qu'il sépare la réalité<br />

des choses auxquelles il s'applique en deux classes : celle des<br />

choses qui possèdent la qualité Q <strong>et</strong> celle des choses qui ne la<br />

possèdent pas. C'est le point de vue sous-tendu par la logique<br />

H, <strong>et</strong> c'est cela même qui induit le caractère paradoxal de<br />

notre valeur V(IP) = i.<br />

Le deuxième élément qui va nous perm<strong>et</strong>tre de mieux<br />

appréhender la situation, c'est le fait que « vu de la logique<br />

I », la valeur de vérité i ne correspond pas à un état<br />

d'incertitude ou d'indétermination, malgré le nom que nous<br />

lui avons pourtant donné primitivement, mais au contraire à<br />

un troisième état de certitude, distinct du vrai <strong>et</strong> du faux. La<br />

www.gillesjosse.fr 274/303


valeur i n'est indéterminée que du point de vue de H,<br />

puisqu'elle sort effectivement de son cadre, <strong>et</strong> que c'est notre<br />

cadre habituel de référence. Mais la logique I propose un<br />

cadre élargi où c<strong>et</strong>te troisième valeur de vérité est une<br />

alternative qui correspond certes à un état intermédiaire entre<br />

le vrai <strong>et</strong> le faux, vu de H, mais qui devient une réalité<br />

certaine, de son point de vue à elle.<br />

Pour imager la chose, on peut se perm<strong>et</strong>tre la métaphore<br />

graphique de la figure de la page 222 : les valeurs de vérité v<br />

<strong>et</strong> f peuvent être matérialisées par deux droites parallèles V <strong>et</strong><br />

F situées dans un même plan P. Alors, perpendiculairement à<br />

ce plan, ces deux droites n'ont aucun point commun, alors<br />

que si l'on se perm<strong>et</strong> une mise en perspective en décalant<br />

notre angle de visée, celles-ci semblent se rejoindre à une<br />

distance finie en un point I, même si c<strong>et</strong> illusoire point de<br />

rencontre est en fait situé à l'infini.<br />

Du point de vue de H, c'est-à-dire en se situant dans le<br />

plan P lui-même ou perpendiculairement à celui-ci, V <strong>et</strong> F ne<br />

se rencontrent jamais, <strong>et</strong> I n'a aucune existence concrète,<br />

alors qu'en adoptant une ligne de visée inclinée, le point I<br />

www.gillesjosse.fr 275/303


existe effectivement <strong>et</strong> peut être matérialisé sur une figure.<br />

Autrement dit, affirmer que iA <strong>et</strong> iB ont pour valeur de<br />

vérité i n'a primitivement aucun sens du point de vue de la<br />

logique H, d'où l'on ne peut donc rien tirer qui ait du sens<br />

pour celle-ci, ce qui fait qu'attribuer la valeur i à l'implication<br />

IP n'a rien de choquant en soi, de ce point de vue particulier.<br />

En revanche, vu de I, V(IP) = i nous indique simplement<br />

que l'implication IP ressort d'un autre degré de certitude que<br />

le vrai ou le faux, de son point de vue à elle. Il est donc à la<br />

fois non vrai <strong>et</strong> non faux que lorsqu'il pleuvine le sol est<br />

humide, vu de I, mais cela n'en reste pas moins certain, d'une<br />

valeur de certitude égale à i, dont nous avons il est vrai bien<br />

du mal à nous figurer ce qu'elle peut être !<br />

C'est justement là qu'intervient notre procédure de<br />

reformulation assertive, qui nous perm<strong>et</strong> de rejoindre c<strong>et</strong>te<br />

réalité dichotomique qui nous est familière, qui est celle de la<br />

logique H. Tout se passe donc comme si la logique I <strong>et</strong> son<br />

changement de perspective ne nous était pas complètement<br />

assimilable, compte tenu de nos schémas de pensée, <strong>et</strong><br />

certainement aussi de la manière dont le langage est construit.<br />

www.gillesjosse.fr 276/303


Nous nous r<strong>et</strong>rouvons alors bien obligé dans les faits<br />

d'utiliser une sorte de point de vue intermédiaire assez bâtard<br />

entre logique H <strong>et</strong> logique I, où nous prenons de l'un comme<br />

de l'autre.<br />

Concrètement, comme nous l'avons déjà dit, cela revient à<br />

raisonner de manière dichotomique par disjonction des cas<br />

sur de la réalité « <strong>molle</strong> », soit en utilisant le principe du<br />

quart exclus ou celui de non contradiction généralisé : dans<br />

ce cas, la plupart du temps les valeurs de cœur de la logique I<br />

y suffisent, soit v, f <strong>et</strong> i. Mais au besoin, si une alternative se<br />

présente, nous pouvons faire intervenir les indéterminées de<br />

seconde espèce.<br />

www.gillesjosse.fr 277/303


La valeur logique de ce qui n'existe pas<br />

Que penser d'un énoncé tel que P = « l'actuel roi de France<br />

est chauve » ? L'actuel roi de France n'existant pas, comment<br />

pouvons nous évaluer la valeur de vérité de P ? On constate<br />

qu'il n'est ni vrai ni faux que P, <strong>et</strong> dans le cadre de la logique<br />

habituelle H, on est bien embêté, <strong>et</strong> ça donne lieu à de belles<br />

discussions sur la validité d'un énoncé tel que P. A-t-on le<br />

droit de parler <strong>et</strong> de raisonner sur quelque chose qui n'existe<br />

pas ? On pourrait poser V(P) = Φ : même si cela semble être<br />

une solution acceptable, nous ne la r<strong>et</strong>iendrons pas parce<br />

qu'alors, avec les définitions que nous avons posées, cela<br />

reviendrait à considérer que l'énoncé P est soit paradoxal pour<br />

la logique I, soit en dehors du champ de la logique. Pourtant,<br />

ça ne semble pas être le cas.<br />

Car notre logique I perm<strong>et</strong> d'éliminer facilement toute<br />

controverse d'une autre manière, en attribuant la valeur i à<br />

V(P). C'est simple comme bonjour, en apparence, mais dans<br />

les faits, cela implique une conséquence beaucoup plus<br />

profonde, que nous pouvons énoncer ainsi :<br />

www.gillesjosse.fr 278/303


« Entre être <strong>et</strong> ne pas être, la logique I reconnaît un<br />

troisième état qui est celui de la non existence-non<br />

inexistence, qu'on peut appeler « i-existence ». »<br />

On réalise alors que c'est beaucoup plus profond que de<br />

simplement dénoter c<strong>et</strong> état intermédiaire dans certains cas<br />

particuliers comme la pluie, la barbe ou le temps qu'il fait.<br />

Cela implique en eff<strong>et</strong> le principe général de continuité PC :<br />

« de manière générale, entre X possède la qualité Q, que<br />

nous traduisons par V( Q(X) ) = v, <strong>et</strong> X ne la possède pas,<br />

dénoté V( Q(X) ) = f, il existe une alternative, un gap,<br />

correspondant à la valeur de vérité i ». Entre être Q <strong>et</strong> non-<br />

être Q, il existe i-être Q.<br />

Dit autrement, la règle générale en matière d'adjectifs,<br />

c'est l'anormalité, plutôt que la normalité. Est-ce bien vrai ?<br />

Nous répondrons par une boutade en affirmant que V( V(PC)<br />

= v ) = i, ce qui nous pousse encore à affirmer V( PC ) = i,<br />

bien que ça ne soit pas une nécessité. Le principe PC est<br />

certainement mi-vrai mi-faux.<br />

C'est là qu'on touche du doigt la limite la plus importante<br />

de notre logique I : tout semble se déliter dans l'indéterminé,<br />

www.gillesjosse.fr 279/303


qui recueille dans son berceau tout ce qui n'est ni<br />

complètement vrai, ni complètement faux. C'est bien sûr un<br />

peu trop radical, <strong>et</strong> c'est ce qui pousse à considérer des<br />

valeurs de vérité graduées, comme on l'a fait avec le modèle<br />

flou de la logique I, MFI, ou en envisageant nos propres<br />

valeurs de vérité complexes, avec le modèle complexe de la<br />

logique I, MCI.<br />

Ça ne change pourtant pas grand chose sur le fond, quand<br />

on est confronté à des généralités telles que le principe PC,<br />

dont on serait bien en peine d'évaluer le degré de véracité<br />

effectif dans MFI. Dans ce cas précis, on est exactement dans<br />

l'indéterminé de type mi-mi pour le modèle atomique initial<br />

de la logique I, MAI.<br />

Reconnaître un état intermédiaire entre l'existence <strong>et</strong><br />

l'inexistence revient encore à affecter une éventuelle<br />

valeur i au quantificateur existentiel habituel. Ainsi, « il<br />

existe un cheval ailé nommé Pégase qui fait patati <strong>et</strong> qui fait<br />

patata », <strong>et</strong>c. se lit P = {« il existe Pégase » & « Pégase est un<br />

cheval » & « Pégase a des ailes » & « Pégase fait patati » &<br />

« Pégase fait patata » …}. On peut donc affecter la valeur<br />

www.gillesjosse.fr 280/303


vraie à toutes les propositions qui suivent l'existentielle de<br />

départ « il existe Pégase », que l'on a valuée à i : V(P) vaut<br />

alors i.<br />

Notons que ce i là est de type paradoxal ni ni, car on ne<br />

peut pas dire que Pégase existe vraiment, ni qu'il n'existe<br />

pas : il possède l'existence des choses abstraites que lui<br />

confère le langage.<br />

www.gillesjosse.fr 281/303


Le chat de Shrödinger<br />

Tout le monde connaît le chat de Schrödinger, même s'il<br />

ne l'a jamais caressé, <strong>et</strong> pour cause : il est enfermé dans une<br />

boite où un dispositif possède une probabilité de 1 / 2 de<br />

déclencher la rupture d'une capsule de gaz cyanhydrique, liée<br />

à la décomposition éventuelle d'une particule radioactive<br />

dans un échantillon. C'est un « paradoxe » de la mécanique<br />

quantique : la minute étant écoulée, on ne sait pas dire si le<br />

chat est mort ou vivant ! Le chat peut donc être aussi bien<br />

mort que vivant, ce dont la logique H ne sait pas rendre<br />

compte, alors que la logique I attribue sans difficulté la valeur<br />

– i à l'affirmation « le chat est vivant ». La logique habituelle<br />

H est ici en défaut, alors que la logique I ne l'est pas !<br />

Qu'est-ce que cela veut dire dans le fond ? Que je fais ma<br />

réclame pour c<strong>et</strong>te logique alternative polymorphe <strong>et</strong> aux<br />

contours un peu imprécis ? Tout à fait, dans ce sens où je<br />

défends que nos mécanismes de pensée <strong>et</strong> de raisonnement,<br />

même s'ils s'appuient sur la dichotomie habituelle, sont un<br />

peu plus complexes <strong>et</strong> approfondis que cela. Pour prendre<br />

www.gillesjosse.fr 282/303


une image, l'esprit humain ne se résume pas à une banale<br />

calculatrice quatre opérations, mais il est capable d'opérations<br />

plus élaborées, comme l'est une calculatrice scientifique.<br />

Ainsi, nous nous accommodons du « mou » de manière<br />

naturelle <strong>et</strong> transparente, même si nous le ramenons au<br />

« dur », que j'ai aussi appelé « trivial », via le processus de<br />

reformulation assertive. Nous gérons également de manière<br />

transparente la réalité de la superposition des états logiques,<br />

posée dès le début de c<strong>et</strong> ouvrage, via les valeurs logiques<br />

indéterminées de seconde espèce, que j'ai aussi appelées<br />

« incongrues ».<br />

www.gillesjosse.fr 283/303


Conclusion<br />

Comme on a pu le constater tout au long de c<strong>et</strong> ouvrage,<br />

l'introduction d'une valeur de vérité i correspondant à des<br />

états intermédiaires entre le vrai <strong>et</strong> le faux, de type ni-ni ou<br />

mi-mi, perm<strong>et</strong> de rendre compte de manière censée de<br />

nombreuses situations, qu'elle soient normales pour la<br />

logique habituelle H ou paradoxales.<br />

On s'aperçoit que différentes situations « paradoxales » ne<br />

sont effectivement telles que du fait de la discontinuité<br />

brutale entre vrai <strong>et</strong> faux posée par la logique H, <strong>et</strong> que leur<br />

caractère paradoxal disparaît, dès lors qu'on envisage c<strong>et</strong>te<br />

valeur intermédiaire.<br />

Les valeurs de vérité indéterminées de seconde espèce, ou<br />

incongrues, obtenues par disjonction des trois valeurs v, i <strong>et</strong> f<br />

entre elles, perm<strong>et</strong>tent quant à elles de modéliser les<br />

situations où il existe une alternative, via la propriété<br />

supposée de superposition des états logiques. Ainsi, les sept<br />

valeurs de vérités non nulles de notre logique I rendent<br />

compte des situations d'incertitude ou de méconnaissance.<br />

www.gillesjosse.fr 284/303


Vu de c<strong>et</strong>te manière, notre valeur de vérité devient une<br />

sorte de valeur de possibilité : V(A) = v indique que A ne<br />

peut être que vraie, quand V(A) = T indique que A peut être<br />

aussi bien vraie, que fausse, que dans l'état de vérité certain<br />

intermédiaire.<br />

L'intérêt principal de notre ouvrage, semble-t-il à<br />

posteriori, c'est de m<strong>et</strong>tre en évidence le fait que la<br />

paradoxalité provient essentiellement de l'opposition entre la<br />

nature continue de la « réalité du monde » <strong>et</strong> la nature<br />

atomique de ce qu'on peut appeler la « réalité du langage ».<br />

Les mots viennent en eff<strong>et</strong> opérer de nécessaires coupures<br />

dans c<strong>et</strong>te réalité du monde, un phénomène qui correspond<br />

exactement à ce qu'on peut appeler discrimination <strong>et</strong><br />

conceptualisation. La logique I, en modélisant l'état<br />

intermédiaire inhérent à toute chose en général, selon le<br />

principe vu au chapitre précédent, perm<strong>et</strong> d'adoucir la<br />

discontinuité brutale entre le vrai <strong>et</strong> le faux, la présence ou<br />

l'absence de toute qualité.<br />

On pourrait d'ailleurs appeler ce principe « principe de<br />

continuité », <strong>et</strong> on se persuade aisément de ce que notre<br />

www.gillesjosse.fr 285/303


théorème sur la normalité en est une conséquence directe.<br />

L'introduction de l'intermédiaire interdit en eff<strong>et</strong> la levée de<br />

nouveaux <strong>paradoxes</strong> auto-référents du type de celui du<br />

menteur ou de la carte r<strong>et</strong>ournée pour la logique H. En tout<br />

état de cause, l'intermédiaire comble un espace que la logique<br />

H déniait, <strong>et</strong> ce de manière définitive. Évidemment, cela se<br />

paye au prix de l'introduction d'une relation d'égalité entre<br />

valeurs logiques propre à la logique I <strong>et</strong> qui n'est pas triviale.<br />

Pour conclure c<strong>et</strong>te conclusion, nous ne pouvons nous<br />

empêcher d'évoquer un dernier principe auto-référent, avec ce<br />

principe général G² qui veut que « toute généralité G<br />

« valide » adm<strong>et</strong> néanmoins la plupart du temps un<br />

nombre limité d'exceptions, <strong>et</strong> réciproquement : quand ça<br />

n'est pas le cas <strong>et</strong> que G est partout vraie là où elle<br />

s'applique, on dira qu'elle est « exceptionnelle » ».<br />

Cela revient à définir ce qu'est un principe général valide :<br />

c'est un principe dont la valeur de vérité vaut v la plupart du<br />

temps ou bien i ou encore f ou une valeur incongrue, de<br />

manière assez exceptionnelle, pour les obj<strong>et</strong>s X auxquels il<br />

s'applique. De plus, G² énonce encore que les généralités<br />

www.gillesjosse.fr 286/303


« exceptionnelles », sont effectivement rares, donc<br />

exceptionnelles. G² est donc une méta-généralité, soit une<br />

généralité sur les généralités.<br />

Quelle est alors la valeur de vérité du principe G² <strong>et</strong> est-il<br />

lui-même exceptionnel ?<br />

PG ne peut être strictement faux, car alors, pour la logique<br />

I, cela reviendrait à dire que toute généralité « valide » adm<strong>et</strong><br />

v pour valeur de vérité, donc est exceptionnelle : de ce fait les<br />

généralités seraient toutes exceptionnelles, ce qui contredit la<br />

définition habituelle de l'adjectif exceptionnel. Il conviendrait<br />

donc alors de changer l'énoncé de G² <strong>et</strong> la définition d'une<br />

généralité exceptionnelle en son inverse G²' : « toute<br />

généralité valide est partout vraie où elle s'applique, ou bien<br />

adm<strong>et</strong> quelques rares exceptions, auquel cas elle sera dite<br />

« exceptionnelle » ». Si G²' est strictement vrai, toute<br />

généralité G valide est soit valide partout vraie, soit valide<br />

exceptionnellement non vraie, là où elle s'applique. G²', en<br />

tant que généralité elle-même serait donc valide de type<br />

toujours vraie là où elle s'applique, <strong>et</strong> ne serait donc pas<br />

exceptionnelle elle-même, de ce fait. Rien ne s'oppose à ce<br />

www.gillesjosse.fr 287/303


que l'on adopte G²' en lieu <strong>et</strong> place de G², si ce n'est que les<br />

généralités valides exceptionnelles doivent effectivement être<br />

exceptionnelles. A ce suj<strong>et</strong>, nous n'avons que la sagesse<br />

populaire pour venir à notre rescousse, qui dit que « toute<br />

règle comporte des exceptions ». C'est l'équivalent de<br />

l'énoncé G², alors que son contraire G²' serait plutôt celui d'un<br />

positiviste béat.<br />

Si G² est occasionnellement vrai, on aboutit à la même<br />

contradiction, puisque cela reviendrait à affirmer que les<br />

généralités sont généralement exceptionnelles.<br />

Si G² est mi-vrai mi-faux, c'est encore la même<br />

conclusion.<br />

Si le principe G² est occasionnellement faux, cela revient à<br />

dire qu'il adm<strong>et</strong> quelques exceptions, c'est-à-dire qu'il existe<br />

quelques rares généralités exceptionnelles, donc que les<br />

généralités exceptionnelles sont en eff<strong>et</strong> exceptionnelles.<br />

Si G² est strictement vrai, alors, étant lui même une<br />

généralité, cela implique que sa valeur de vérité vaut v, ce qui<br />

contredit ce qu'il énonce, car alors il devrait connaître<br />

quelques exceptions <strong>et</strong> sa valeur de vérité ne serait pas vraie.<br />

www.gillesjosse.fr 288/303


G² n'est donc pas strictement vrai, mais simplement<br />

« généralement » ou encore « la plupart du temps », <strong>et</strong> de<br />

ce fait, il n'est donc pas lui-même un principe<br />

exceptionnel ! On constate donc que V(G²) = i pour la<br />

logique I, mais aussi que V(« G² est exceptionnel ») = f.<br />

On remarque encore que l'adjectif « exceptionnel »<br />

appliqué aux principes généraux, tel que nous venons de le<br />

définir, est lui-même une exception au principe de continuité,<br />

c'est-à-dire qu'il est « normal », comme nous avons défini la<br />

chose page 62 <strong>et</strong> suivantes.<br />

Le principe de continuité PC vu au chapitre précédent est<br />

un principe général voulant que la majorité des adjectifs<br />

soient « anormaux », dans ce sens où entre eux-mêmes <strong>et</strong> leur<br />

contraire se glisse un état intermédiaire. Cela revient à<br />

affirmer que la « réalité du monde » est essentiellement<br />

<strong>molle</strong>, plutôt que triviale, rappelons-le. Nous avons énoncé<br />

que sa valeur de vérité vaut évidemment i, <strong>et</strong> l'adjectif<br />

exceptionnel que nous venons de voir nous donne justement<br />

une exception à ce principe. Est-il possible d'aller plus loin ?<br />

Si PC n'était qu'exceptionnellement vrai, alors les adjectifs<br />

www.gillesjosse.fr 289/303


anormaux seraient très rares, donc exceptionnels, ce qui serait<br />

conforme à l'acception habituelle des adjectifs « normal » <strong>et</strong><br />

« exceptionnel ». Notre principe de continuité devrait alors<br />

être abandonné, pour être reformulé en son contraire, soit le<br />

« principe de discontinuité ».<br />

On se rend alors bien compte de ce que l'énoncé du<br />

principe PC lui-même contredit de manière provocante le<br />

choix du sens que nous avons donné à l'adjectif « normal »,<br />

appliqué aux autres qualificatifs.<br />

A ce point particulier qui touche le point final de notre<br />

ouvrage, il semblerait que l'on atteigne les limites de la<br />

logique, puisqu'il ne semble pas possible de trancher entre<br />

PC, son contraire –* PC ou son intermédiaire iPC.<br />

Si l'on penche pour –* PC, alors, cela fait évidemment de<br />

la logique I une logique de l'exceptionnel, du cas particulier,<br />

du paradoxal, donc d'un intérêt très anecdotique, alors que si<br />

l'on penche du côté de PC, cela en fait une logique de la<br />

réalité du langage <strong>et</strong> du monde, plus que la logique H elle-<br />

même.<br />

Pour être honnête, on rappellera toutefois que même si la<br />

www.gillesjosse.fr 290/303


éalité du monde est avant tout « continue », plus que<br />

dichotomique, <strong>et</strong> que la règle est l'existence d'états<br />

intermédiaire, dans les faits <strong>et</strong> dans la vie courante, nous<br />

procédons généralement comme si elle était discontinue, ce<br />

qui revient à appliquer des coupures arbitraires dans la façon<br />

dont nous la percevons, ce que nous avons formalisé par le<br />

processus que nous avons appelé reformulation assertive.<br />

Car il ne faut pas non plus oublier que le but de la logique<br />

est en dernier ressort de soutenir nos décisions <strong>et</strong> nos actes, <strong>et</strong><br />

que dans c<strong>et</strong>te matière nous avons habituellement besoin de<br />

décisions tranchées. A la double question « irais-je me<br />

promener c<strong>et</strong> après-midi <strong>et</strong> prendrai-je mon parapluie ? »,<br />

nous avons besoin d'apporter une réponse positive ou<br />

négative : une réponse intermédiaire ou de normand ne nous<br />

est effectivement pas d'une grande utilité, si ce n'est<br />

justement de différer le moment de prendre une vraie<br />

décision.<br />

Alors, bien souvent aussi, nous nous persuadons a<br />

posteriori du bien fondé de nos décisions en oubliant nos<br />

tergiversations, pour ne pas avoir à regr<strong>et</strong>ter nos choix. C'est<br />

www.gillesjosse.fr 291/303


peut-être ce qui explique finalement pourquoi notre logique I<br />

ne semble pas être notre logique naturelle, alors que je reste<br />

pour ma part persuadée que c'est le cas. Ainsi, si l'on nous<br />

demande de nous justifier, nous m<strong>et</strong>trons en avant des<br />

raisonnements qui écartent de fait les états intermédiaires,<br />

ceux-là même que nous avons pourtant considérés au même<br />

titre que les états extrêmes.<br />

De la même façon, il nous arrive encore de méconnaître<br />

les solutions en demi-teinte que nous apportons aux<br />

problèmes qui se posent à nous dans la vie courante. Par<br />

exemple, s'il fait un temps mitigé, nous déciderons peut-être<br />

de ne faire qu'une p<strong>et</strong>ite promenade, plutôt que notre tour<br />

habituel, mais si l'on nous demande « êtes vous sortis » vous<br />

promener, compte-tenu du temps qu'il faisait ? », nous<br />

répondrons oui, en oubliant de préciser que nous avons en fait<br />

adopté une solution intermédiaire entre aller nous promener<br />

<strong>et</strong> rester chez nous.<br />

Évidemment, tous ces arguments en faveur du principe de<br />

continuité PC ne convaincront que ceux qui le sont déjà, <strong>et</strong><br />

laisseront de marbre un logicien. C'est qu'il ne semble pas<br />

www.gillesjosse.fr 292/303


possible de déduire finement la valeur de vérité du principe<br />

PC par un raisonnement logique.<br />

Cependant, puisque PC se révèle quelquefois vrai <strong>et</strong><br />

quelquefois faux, la « victoire » de la logique I, c'est tout de<br />

même de savoir lui assigner la valeur i, même si l'on ne sait<br />

pas exactement quelle est la proportion du vrai <strong>et</strong> du faux, du<br />

pour <strong>et</strong> du contre dans l'affaire.<br />

Nous constatons encore au passage que la valeur i, en tant<br />

que valeur mi mi intermédiaire entre le vrai <strong>et</strong> le faux peut au<br />

besoin servir à dénoter l'indécidable ou inaccessible.<br />

Et puis, rappelons pour finir que ni la logique, ni le calcul<br />

des probabilités, ni quoi que ce soit d'autre n'ont jamais porté<br />

préjudice aux casinos ou à la française des jeux, ni empêché<br />

les hommes de se faire la guerre ou de se tromper les uns les<br />

autres. Alors, comme Monsieur Jourdain faisait de la prose<br />

sans le savoir, il y a fort à parier que nous continuions à<br />

utiliser la logique I sans nous en rendre compte.<br />

Mais je rêve ... Il pleuvine, ou bien ?!<br />

www.gillesjosse.fr 293/303


Glossaire<br />

Anormale (méta-affirmation) : on appelle anormale une<br />

méta-affirmation qui ne répond pas partout par vrai ou par<br />

faux sur son ensemble de définition.<br />

Auto-référence : un ensemble d'affirmations sera dit auto-<br />

référent s'il existe une boucle finie dans celui-ci, à savoir si<br />

on peut trouver une suite finie d'affirmations dans ce système,<br />

telles que la première se réfère à la deuxième, qui se réfère à<br />

la troisième <strong>et</strong> ainsi de suite, jusqu'à ce que la dernière se<br />

réfère à la première, ce qui forme effectivement une boucle.<br />

Basique : une affirmation sera dite basique si ça n'est pas une<br />

méta-affirmation, comme par exemple A = « il pleut » ou A' =<br />

« tous les humains vivent sur terre ».<br />

Certaine (relation logique) : la relation logique # sera dite<br />

déterministe ou certaine si son tableau racine ne comporte<br />

que des valeurs appartenant au cœur K0, ou valeurs logiques<br />

www.gillesjosse.fr 294/303


certaines, à savoir v, i ou f.<br />

Certaine (valeur logique) : les trois valeurs de vérité<br />

certaines de la logique I sont v, i <strong>et</strong> f.<br />

Cœur : le cœur de la logique I est l'ensemble constitué par<br />

les trois valeurs certaines v, i <strong>et</strong> f, qu'on note K0. Chacune de<br />

ces trois valeurs est donc une valeur logique de cœur, ou bien<br />

encore certaine.<br />

Complexe (affirmation générique) : une affirmation<br />

générique qui ne prend pas toutes ses valeurs dans le cœur K0<br />

des valeurs logiques certaines. Il y a méconnaissance partielle<br />

de la valeur de sortie de la relation correspondante.<br />

Complexe (valeur de vérité) : la valeur de vérité complexe<br />

d'une universelle A( q , X ) définie sur le sous-ensemble E<br />

d'un univers U est le tripl<strong>et</strong> ( x ; y ; z ), où x représente la<br />

proportions d'éléments X de E pour lesquels A est vraie, y<br />

celle où elle est fausse <strong>et</strong> z, la proportion de ceux pour<br />

www.gillesjosse.fr 295/303


laquelle elle est indéterminée.<br />

Déterministe (relation logique) : la relation logique # sera<br />

dite déterministe ou certaine si son tableau racine ne<br />

comporte que des valeurs appartenant au cœur K0, ou valeurs<br />

logiques certaines, à savoir v, i ou f.<br />

Disjonction : opération de combinaison entre les trois<br />

valeurs de vérité « certaines » de notre logique I, à savoir v, i<br />

<strong>et</strong> f, donnant naissance aux valeurs de vérité – v, – i, – f <strong>et</strong> T.<br />

Distributivité : on dit qu'une opération & est distributive par<br />

rapport à une autre opération #, quand on l'égalité suivante,<br />

pour toutes valeurs de x, y <strong>et</strong> z<br />

x & ( y # z ) = x & y # x & z<br />

Existentielle (affirmation) : une affirmation existentielle dit<br />

qu'il existe un élément X d'un sous-ensemble E de l'univers U<br />

qui possède une certaine qualité q.<br />

www.gillesjosse.fr 296/303


Extrême (affirmation <strong>molle</strong>) : on dira que « il pleut » <strong>et</strong> « il<br />

ne pleut pas », son contraire, sont deux affirmations <strong>molle</strong>s<br />

extrêmes, quand « il pleuvine » est une affirmation <strong>molle</strong><br />

intermédiaire.<br />

Générique (affirmation) : une affirmation A(q, X) dans un<br />

univers U sera appelée affirmation générique quand elle<br />

correspond à une qualité q sur un sous-ensemble E de U. Elle<br />

affirme alors que l'élément X de E possède la qualité q.<br />

Générique (méta-affirmation) : une affirmation M(A) sera<br />

appelée méta-affirmation générique quand son obj<strong>et</strong> A est<br />

elle-même une affirmation du langage qui peut être<br />

quelconque ou prise dans un sous-ensemble non réduit à un<br />

seul élément.<br />

Incertaine : les valeurs logiques incertaines de la logique i<br />

sont – v, – i, – f <strong>et</strong> T. Elles correspondent à une<br />

méconnaissance de la valeur logique certaine prise<br />

effectivement par l'assertion à laquelle elles s'appliquent.<br />

www.gillesjosse.fr 297/303


Incongrue (affirmation, valeur logique) : Nous<br />

appellerons incongrue toute affirmation particulière basique<br />

qui prend ses valeurs dans IK = { – f , – i , – v }, c'est-à-dire<br />

qui est indéterminée de seconde espèce, <strong>et</strong> nous appellerons<br />

les valeurs logiques de IK valeurs logiques incongrues.<br />

Indéterminée de première espèce : nous disons qu'une<br />

affirmation est indéterminée de première espèce lorsqu'elle se<br />

voit attribuer la valeur de vérité i par notre logique I.<br />

Indéterminées de seconde espèce : ce sont les valeurs<br />

logiques incertaines – v, – i, – f de la logique I, que nous<br />

appelons encore « incongrues ».<br />

Intermédiaire (affirmation <strong>molle</strong>) : on dira que « il pleut »<br />

<strong>et</strong> « il ne pleut pas », son contraire, sont deux affirmations<br />

<strong>molle</strong>s extrêmes, quand « il pleuvine » est une affirmation<br />

<strong>molle</strong> intermédiaire.<br />

<strong>Logique</strong> H : nous appelons logique H la logique habituelle<br />

www.gillesjosse.fr 298/303


dichotomique, ou logique aristotélicienne utilisée<br />

habituellement pour conduire les démonstrations<br />

mathématiques.<br />

Méta-affirmation : une méta-affirmation est une affirmation<br />

dont l'obj<strong>et</strong> contient une référence à tout ou partie des<br />

affirmations du langage, <strong>et</strong> éventuellement elle-même, auquel<br />

cas elle devient alors auto-référente.<br />

Molle (affirmation) : une affirmation sera dite <strong>molle</strong> si elle<br />

peut prendre les valeurs logiques v, i ou f, où i est du type mi-<br />

mi, mais pas ni-ni. Cela correspond à la réalité d'un état<br />

intermédiaire possible entre deux états extrêmes.<br />

Normale (méta-affirmation) : on appelle normale une méta-<br />

affirmation qui répond par vrai ou par faux sur son ensemble<br />

de définition. C'est l'équivalent de la trivialité pour les<br />

affirmations basiques.<br />

Paradoxale (affirmation) : une affirmation est dite<br />

www.gillesjosse.fr 299/303


paradoxale quand elle ne peut prendre pour valeur de vérité<br />

que la valeur i du type ni-ni, <strong>et</strong> non mi-mi.<br />

Particulière (affirmation) : instanciation d'une affirmation<br />

générique à un individu X0 du sous-ensemble E de l'univers<br />

U sur lequel elle est définie. Inversement, une collection<br />

d'affirmation particulière basée sur une même qualité q<br />

définit une affirmation générique, tout autant que l'ensemble<br />

auquel elle s'applique.<br />

Particulière (méta-affirmation) : dès lors que l'on précise<br />

l'obj<strong>et</strong> A d'une méta-affirmation générique M(A) en A0, celle-<br />

ci devient une méta-affirmation particulière M(A0).<br />

Principe de vérifonctionnalité : il veut que la valeur de<br />

vérité d’un énoncé complexe dépende exclusivement de la<br />

valeur de vérité des énoncés qui le composent <strong>et</strong> de la façon<br />

dont ses énoncés sont composés, <strong>et</strong> de rien d'autre.<br />

Produit logique : c'est la relation logique correspondant au<br />

www.gillesjosse.fr 300/303


ET habituel.<br />

Reformulation assertive : procédure qui vise à attribuer une<br />

valeur logique triviale ( v ou f ) à une affirmation <strong>molle</strong>, qui<br />

perm<strong>et</strong> le r<strong>et</strong>our au raisonnement logique courant de la<br />

logique H, où principe de non contradiction <strong>et</strong> tiers exclus<br />

sont vérifiés.<br />

Somme logique : c'est la relation logique correspondant au<br />

OU inclusif habituel.<br />

Simple (affirmation générique) : une affirmation générique<br />

qui prend toutes ses valeurs dans K0, c'est-à-dire que l'on<br />

connait de manière certaine.<br />

Syllogisme : en logique aristotélicienne, ou logique H, le<br />

syllogisme est un raisonnement logique à deux propositions<br />

(également appelées prémisses) conduisant à une conclusion,<br />

ce qu'Aristote a été le premier à formaliser.<br />

www.gillesjosse.fr 301/303


Tableau racine d'une relation logique : # étant une<br />

opération ou relation logique entre deux variables x <strong>et</strong> y à<br />

valeur dans K, le tableau racine de c<strong>et</strong>te relation est la table<br />

de vérité 3 × 3 de c<strong>et</strong>te relation quand on restreint les valeurs<br />

des variables à celle de cœur K0 = { v, i , f }. Chacune des 9<br />

valeurs de c<strong>et</strong>te table est appelée valeur principale de la<br />

relation.<br />

Tranquille (affirmation ou méta-affirmation) : on<br />

conviendra d'appeler tranquille une méta-affirmation<br />

particulière qui n'est pas auto-référente, mais aussi une méta-<br />

affirmation générique qui est tranquille sur l'ensemble où elle<br />

est définie.<br />

Triviale (affirmation) : une affirmation sera dite triviale si<br />

elle ne peut avoir pour valeur de vérité que v ou f.<br />

Triviale (valeur logique) : l'une des deux valeurs v ou f de la<br />

logique habituelle H.<br />

www.gillesjosse.fr 302/303


Universelle (affirmation) : une affirmation A(q, X) dans un<br />

univers U sera appelée affirmation universelle quand elle<br />

correspond à une qualité q sur un sous-ensemble E de U. Elle<br />

affirme alors que tout élément X de E possède la qualité q.<br />

Valeurs principales d'une relation logique : # étant une<br />

relation logique entre deux variables logiques x <strong>et</strong> y prises<br />

dans K, on appelle valeur principale l'une des 9 valeurs du<br />

tableau racine de celle-ci, c'est-à-dire l'une des valeurs de<br />

sortie obtenues en restreignant x <strong>et</strong> y aux valeurs logiques de<br />

cœur K0 = { v, i, f }.<br />

www.gillesjosse.fr 303/303

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!