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Seduction textes audition. - French Stage

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<strong>French</strong> <strong>Stage</strong><br />

Avis d’<strong>audition</strong><br />

Nous sommes heureux de vous présenter un avis d’<strong>audition</strong> pour notre pièce de théâtre d’Avril 2013<br />

Dates de l’<strong>audition</strong><br />

Jeudi 10 Janvier 2013 de 20h à 22h<br />

et Samedi 12 Janvier 2013 de 10h à 13h<br />

Pour vous inscrire contactez<br />

Sophie Bendel<br />

Tel 8218 3902 ou sophie@frenchstage.com.sg<br />

La littérature française.<br />

Voici le thème général qu'a choisi <strong>French</strong> <strong>Stage</strong> pour sa première création.<br />

Le sujet est vaste, trop vaste pour le réduire à une seule pièce.<br />

<strong>French</strong> <strong>Stage</strong> a donc choisi de vous divertir sur le thème de la Séduction dans ce qu'il peut recéler de plus drôle,<br />

dramatique, tendre et méchant. La séduction maladroite et malheureuse qui aboutie « au râteau » comme l’on<br />

dit communément.<br />

Nous n'épargnerons, ainsi, aucune des facettes d'une nature humaine où les hommes et les femmes de toutes les<br />

époques se livreront à la joute sensuelle et verbale de la séduction.<br />

Chacun se reconnaitra, chacun pourra se rapporter à sa propre histoire où la séduction prend parfois des allures<br />

de désillusion. Qui ne s'est jamais pris un « râteau » ?<br />

De Charles d'Orléans aux bronzés en passant par Marceline Desbordes-­‐Valmore, Jean Cocteau, Guy Bedos,<br />

Voltaire, La fontaine ,Victor Hugo, Molière, Obey, Jean Michel Ribes, Alphonse Allais, Racine, George Feydeau,<br />

Marivaux, Alfred de Musset, Ronsard, Alexandre Dumas Fils, Pagnol, ce thème a nourri l'imaginaire de nos plus<br />

grands auteurs. Un thème si proche d'une réalité que nous connaissons tous.<br />

Réalisation du montage de la Pièce Yannick Rollin<br />

Mise en Scène Sophie Bendel<br />

Séduction<br />

Ou l’art de prendre un « râteau » dans la littérature française.<br />

1


Vous trouverez sur www.frenchstage.com.sg la compilation des <strong>textes</strong> de notre prochaine production.<br />

Si vous souhaitez passer l’<strong>audition</strong> : choisissez un texte qui vous plait parmi les <strong>textes</strong> proposés et présentez le<br />

lors de l’<strong>audition</strong>. Vous pouvez venir avec un partenaire de votre choix qui vous donne la réplique, où bien, nous<br />

trouverons une personne pour vous donner la réplique le jour du casting. Nous aurons besoin de plus d’une<br />

vingtaine de personnes sur scène.<br />

Alors que vous soyez débutant ou conJirmé, n’hésitez pas et tentez votre chance.<br />

Les répétitions se feront principalement les lundis soir de janvier jusqu’à début avril de 19h à 22h, plus un<br />

soutien personnalisé suivant vos besoins et vos disponibilités.<br />

Lieu de l’Audition :<br />

DOU @ Claymore<br />

8 Claymore Hill<br />

#01-­‐03, 8 On Claymore<br />

Singapore 229572<br />

Les représentations se feront au<br />

Joyden Hall@ Bugis+<br />

les 10-­‐11-­‐12 et 13 Avril 2013.<br />

Mercredi 10 avril 2013 14h et 20h<br />

Jeudi 11 avril 2013 à 20h<br />

Vendredi 12 avril 2013 à 20h<br />

Samedi 13 avril 2013 à 14h et 20h<br />

PS : Nous avons volontairement omis de vous mettre les liaisons écrites par Yannick Rollin aLin de préserver encore<br />

un peu le suspense. Sachez juste que ses transitions seront jouées par des adolescents (15 -­‐ 20ans).<br />

N’hésitez donc pas à nous contacter si vous êtes ou si vous connaissez des adolescents que cela pourraient<br />

intéresser. Les ados ne passeront pas de casting mais seront pris après un entretien.<br />

J’espère que vous trouverez autant de plaisir à lire ces <strong>textes</strong> que nous avons mis de soin à les sélectionner.<br />

Maintenant à vous de jouer.<br />

Et comme on dit au théâtre MERDE à tous.<br />

Sophie Bendel<br />

2


Liste des <strong>textes</strong><br />

Auteur texte réf. Notes SEXE<br />

On ne badine pas Acte 2 sc. 5<br />

Homme ou<br />

Musset avec l'amour Extrait<br />

Femme<br />

Marceline<br />

Fe<br />

Desbordes-­‐ Quand avez vous<br />

mm<br />

Valmore fait? extrait poésie<br />

e<br />

Charles Que me conseillez-­‐<br />

d'Orléans vous, mon cœur extrait poésie Homme<br />

Les bronzés Vas y fonce…. extrait eilm Homme<br />

Jean Cocteau Par la fenêtre<br />

Monologue<br />

extrait<br />

Guy Bedos La Drague Sketch extrait<br />

Voltaire Polissonnerie Poème<br />

Un monologue moderne pour homme tout en<br />

virtuosité et légèreté. Homme<br />

Ce texte sera joué sur scène mais les dialogues<br />

seront enregistrés en voix off<br />

Un petit bijou de einesse pour une situation à la<br />

limite de la grossièreté. Il y a tout le talent et la<br />

fringance de Voltaire dans cette polissonnerie.<br />

1 Femme et 1<br />

Homme<br />

1 Femme et 1<br />

Homme<br />

Vous ne récitez pas, vous ne mimez pas, vous Homme ou<br />

La Fontaine Les deux coqs Poème racontez une histoire dans un but bien précis. Femme<br />

Victor Hugo Suzette et Suzon Poème extrait Léger, rapide tout le rythme est dans le texte. Homme<br />

Molière Don Juan<br />

Don Juan ou<br />

l'homme de<br />

Acte 2 sc. 4<br />

Obey cendres Acte 1 Extrait<br />

Une grande scène de drague légère et très rythmée.<br />

Un Don juan joueur et sûr de lui.<br />

Voici un tout autre Don Juan dur, insensible,<br />

méprisant.<br />

2 Hommes et 2<br />

Femmes<br />

1 Homme et 1<br />

Femme<br />

Jean Michel<br />

Monologue Sous des dehors angéliques et sereins les femmes<br />

Ribes Ultime Bataille<br />

Complainte<br />

extrait aussi peuvent être cruelles. Drôle et cruel ! 1 Femme<br />

Alphonse Allais amoureuse Poème Demande une bonne diction 1 Homme<br />

Racine Andromaque Acte 5 sc. 3-­‐4<br />

George Feydeau Un eil à la patte Acte 1 sc. 16<br />

Marivaux<br />

Alfred de<br />

Musset<br />

Ronsard<br />

Alexandre<br />

Dumas Fils<br />

La double<br />

inconstance Acte1 sc. 1<br />

Les caprices de<br />

Marianne Acte 2 sc. 1<br />

Quand vous serez<br />

bien vieille<br />

La dame aux<br />

Camélias Acte 4 Sc. 6<br />

Pagnol Marius Acte 2 sc. 6<br />

Un magique texte, n'hésitez pas et n'ayez pas peur<br />

de la langue. Pas d'emphase s'il vous plait. Le<br />

résultat sera sublime.<br />

C'est drôle, très drôle! Allez y de bon coeur. Du<br />

rythme et du maintien .<br />

Une femme de caractère qui ne s'en laisse pas<br />

compter dans les situations difeiciles. Evitez toute<br />

mièvrerie.<br />

Personnellement je pense que c'est un des plus beau<br />

texte sur la condition de la femme.<br />

A faire de façon très naturelle et parlée. S'il vous<br />

plait pas de maniérisme.<br />

Le sacrieice de l'amour, elle oscille entre résolution<br />

et désespoir, lui entre amour et haine.<br />

C'est magnieique de sensibilité et de simplicité. Les<br />

accents du sud sont les bienvenus.<br />

1 Homme et 1<br />

Femme<br />

2 Hommes et 1<br />

Femme<br />

1 Homme et 1<br />

Femme<br />

1 Homme et 1<br />

Femme<br />

1 Homme et 1<br />

Femme<br />

1 Homme et 1<br />

Femme<br />

3


Séduction<br />

Ou l’art de prendre un râteau dans la littérature française.<br />

Alfred de Musset (1810-­‐1857)<br />

On ne badine pas avec l’amour Extrait<br />

Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et<br />

sensuels ; toutes les femmes sont pereides, artieicieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n'est<br />

qu'un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange ; mais<br />

il y a au monde une chose sainte et sublime, c'est l'union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est<br />

souvent trompés en amour, souvent blessé et souvent malheureux ; mais on aime, et quand on est sur le bord de<br />

sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière et on se dit : j'ai souffert souvent, je me suis trompé<br />

quelquefois ; mais j'ai aimé. C'est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.<br />

Il m'attend ! Je ne sais quelle mélancolie<br />

Au trouble de l'amour se mêle en cet instant ;<br />

Mon coeur s'est arrêté sous ma main affaiblie ;<br />

L'heure sonne au hameau ; je l'écoute... et pourtant<br />

Il m'attend !<br />

Que me conseillez-­‐vous, mon coeur ?<br />

Irai-­‐je par devers la belle<br />

Lui dire la peine mortelle<br />

Que souffrez pour elle en douleur ?<br />

Que me conseillez-­‐vous, mon coeur ?<br />

Marceline DESBORDES-­‐VALMORE (1786-­‐1859)<br />

Le Rendez-­‐vous ? Extrait<br />

Charles d' ORLEANS (1394-­‐1465)<br />

Que me conseillez-­‐vous, mon coeur ? Extrait<br />

4


Jean Cocteau (1889 – 1963)<br />

Par la fenêtre Extrait<br />

Théâtre de Poche<br />

Mademoiselle ! Mademoiselle ! Holà ! Hep ! Hep ! Attendez une minute! Quoi ? En voila des façons. Regardez en<br />

l'air — regardez comme je me penche ! Je dois me découper sur le ciel et avoir l'air d'un ange. Un ange qui<br />

vous parle, cela mérite une réponse — Non? Cela mérite pour le moins qu'on lève la tête au lieu de fixer<br />

le bec de gaz et de hausser les épaules. Il est vrai que si vous haussez les épaules — vu d’où je suis —<br />

d'où je me penche — cela nous rapproche, cela fait un peu comme si vous preniez votre vol afin de<br />

monter me rejoindre.<br />

Hé la ! Hé là ! Dites ? Psst ! Psst ! Pas de blague. Ah ! bon, je croyais que vous alliez partir que vous alliez<br />

prendre le large. Mais je vois qu'il ne s'agissait que de long en large, que de marcher de long en large et que<br />

de vous dégourdir les jambes. Sans doute, prenez-­‐vous votre élan. Car vous monterez. Vous montez — vous<br />

montez — Vous montez. JE LE VEUX.<br />

Je devine ce que vous vous dites : Il serait si facile de descendre. Rien de plus simple. Je pourrais même sauter<br />

par la fenêtre. Me pencher, me pencher, me pencher, et tomber, comme si la mort en personne et du fond du ciel<br />

crachait vos pieds un jet de salive dégoûtante.<br />

Et vous vous trompez.<br />

CAR— si je vous obéissais — par légèreté — si je me laissais tomber à vos pieds et à celui du bec de gaz — entre<br />

vos pieds et celui du bec de gaz, par ma fenêtre du cinquième étage, qu'arriverait-­‐il ?<br />

Je descendrais lentement — lentement — majestueusement, tel un parachutiste. Et, du coup, il vous serait<br />

difeicile de bouder, de vous entêter et de ne pas lever la tête. Oh! Crieraient la rue et le monde. Oh! Un jeune<br />

homme qui vole! Vite, vite, regardez tous. Et — car vous êtes curieuse et sensible aux prodiges — vous re-­‐gar-­‐<br />

de-­‐riez. Et vous me verriez descendre avec calme et me poser en silence devant votre petite personne.<br />

Non, Non et non! On ne descend pas vers le bonheur. On y monte. On y monte. C'est triomphal et naturel. He<br />

là ! là !... Hé là !<br />

Savez-­‐vous ce que je possède dans ce cinquième étage vers lequel vous refusez de lever la tête ? Savez-­‐vous ce que<br />

je possède ? Tous les trésors de l'Inde et de Chine. La lampe d'Aladin et la manière de s'en servir. Et ce n'est pas<br />

fini. Attendez ! Attendez donc ! J'ai trois voiliers blancs dessus la mer jolie, l'un chargé d'or, l'autre d'argenterie, et<br />

ran ranrataplan, dessus la mer jolie. C'est-­‐à-­‐dire qu'ils étaient sur la mer jolie — mais à l’heure actuelle leurs<br />

cargaisons s'entassent chez moi — chez moi — chez nous — chez nous. Chez toi. Hé ! Hé! Hé là ! Que faites-­‐<br />

vous ? Non — Pas de blague. Restez... Restez ou je saute.<br />

Quoi ? Par exemple ! Cet immonde individu — cet individu qui nous dérangeait — qui venait de tourner le coin<br />

de la rue vide — qui allait passer et qui s'arrête, voila qu’il met son bras sous le vôtre et qu'il vous emporte. Et<br />

elle rit. Elle ose rire ! Je dirai tout. Cette barre de fenêtre n'est plus une barre d'appui. C'est une barre de<br />

tribunal. Je jure de crier la vérité, rien que la vérité. Ce serait trop commode. Une petite dame qui donne des<br />

rendez-­‐vous à un individu immonde sous ma fenêtre et qui en profite pour essayer de me faire croire qu'elle<br />

veut monter chez moi — qu'il faut que je descende, que je saute par la fenêtre — que je me tue. Et j'étais à un<br />

doigt de la croire. Oui — vous! Vous ! Avec votre petit chapeau absurde. Oh! Monsieur, inutile de prendre des<br />

airs et de marcher plus vite pour que les gens aux fenêtres croient que je ne m'adresse pas à vous. C'est<br />

à vous que je m'adresse. Immonde individu ! Voleur ! Espèce de voleur ! Vous n'y couperez pas. Un agent! Il<br />

tombe a pic. Monsieur l'agent, monsieur l'agent ! Monsieur l’agent ! Hé ! Vite ! Ce sont des voleurs ! Arrêtez-­‐les !<br />

Voix off<br />

Guy Bedos – Sophie Daumier 1972<br />

La drague Extrait<br />

5


S.D.: Qu'est-­‐ce qui est collant ce type<br />

J'dis rien parce que je n'veux pas faire de scandale<br />

Mais alors quel pot de colle !<br />

Y s'fait des idées ou quoi ?<br />

J'ai accepté de faire cette série de slows avec lui<br />

Pour pas faire tapisserie d'vant les copines<br />

Mais alors… j'en vois plus l'bout !<br />

G.B.: Mine de rien j'suis entrain d'emballer moi !<br />

J'emballe, j'emballe sec<br />

Allez ! Vas-­‐y Jeannot ! Attaque ! Attaque ! Ca marche ! Ca marche !<br />

Accroche-­‐toi Jeannot ! La nuit est à nous…<br />

S.D.: Ca n'en einit pas !<br />

Qu'est-­‐ce que je regrette d'voir dit oui à c'type<br />

En plus y s'est aspergé d'eau de toilette<br />

Mon Dieu ! j'sais pas ce que c'est cette eau de toilette, mais alors…<br />

Drôlement incommodant !<br />

G.B.: Elle est pas mal ma cavalière<br />

Elle est pas terrible, terrible, mais elle est pas mal<br />

Pour une fois j'ai pas hérité de la plus moche<br />

Y a pas longtemps j'me suis coltiné une géante toute la soirée<br />

Au moins celle-­‐là elle est à ma taille<br />

Elle est pas terrible, mais elle est à ma taille<br />

S.D.: Pas du tout mon genre ce garçon<br />

Moi j'aime les grands blonds alors j'suis servie.<br />

Et puis alors il me donne chaud à me coller comme ça<br />

Et vas-­‐y que j'te colle, et vas-­‐y que j'te colle<br />

G.B.: Dommage qu'elle ait les mains moites<br />

Ça m'gène pas des masses, mais elle a les mains moites<br />

C'est parce que je dois lui faire de l'effet<br />

C'est l'excitation, ça !<br />

J'vais lui mordiller le lobe de l'oreille<br />

Si elle m'fout pas une baffe c'est qu'j'ai ma chance<br />

Ouais ! C'est pas dans la poche ! Faut s'accrocher<br />

Accroche-­‐toi Jeannot<br />

S.D.: Y m'a mordu l'oreille, y m'a fait mal ce con,<br />

Il est con ce type<br />

Ah ! Et puis alors qu'est-­‐ce qui cocotte !<br />

Cette eau de toilette… nauséabonde<br />

Si y avait pas les copines qui m'regardent<br />

Comment que j'te planterais là<br />

Mais ça Arlette et Josie j'vais pas leur faire ce plaisir<br />

Elles en sont vertes de m'voir danser, malades de rage<br />

Alors ça maintenant tant pis, j'vais au bout…<br />

Mais alors on peut dire qu'ça me coûte<br />

G.B.: Elle en peut plus, j'la rends dingue la poulette<br />

6


Et encore j'n'ai pas sorti le grand jeu<br />

Attend un peu que j'me déchaîne<br />

Allez vas-­‐y, vas-­‐y Jeannot ! Emmène-­‐la au ciel<br />

S.D.: J'ai envie de vomir…<br />

C'est la dernière fois que j'viens danser<br />

Tant pis si j'coiffe Sainte-­‐Catherine, mais alors !<br />

Des excités comme ça merci bien<br />

G.B.: Bien joué Jeannot ! Elle est à point là, elle est à point…<br />

Y a plus qu'à porter l'estocade, allez vas-­‐y Jeannot<br />

Vas-­‐y mon eils, il faut conclure maintenant<br />

S.D.: Berk ! berk berk berk berk berk<br />

G.B.: Et voila l'travail ! C'est pas si compliqué les gonzesses<br />

Il faut savoir s'imposer, c'est tout…<br />

1-­‐ Je cherche un petit bois touffu,<br />

Que vous portez, Aminthe,<br />

Qui couvre, s’il n’est pas tondu<br />

Un gentil labyrinthe.<br />

Tous les mois, on voit quelques eleurs<br />

Colorer le rivage ;<br />

Laissez-­‐moi verser quelques pleurs<br />

Dans ce joli bocage.<br />

2-­‐ Allez, monsieur, porter vos pleurs<br />

Sur un autre rivage ;<br />

Vous pourriez bien gâter les eleurs<br />

De mon joli bocage ;<br />

Car, si vous pleuriez tout de bon,<br />

Des pleurs comme les vôtres<br />

Pourraient, dans une autre saison,<br />

M’en faire verser d’autres.<br />

1-­‐ Quoi ! Vous craignez l’évènement<br />

De l’amoureux mystère ;<br />

Vous ne savez donc pas comment<br />

On agit à Cythère ;<br />

L’amant, modérant sa raison,<br />

Dans cette aimable guerre,<br />

Sait bien arroser le gazon<br />

Sans imbiber la terre.<br />

2-­‐ Je voudrais bien, mon cher amant,<br />

Hasarder pour vous plaire ;<br />

Mais dans ce fortuné moment<br />

Voltaire (1694 -­‐1778)<br />

Polissonnerie<br />

7


On ne se connait guère.<br />

L’amour maîtrisant vos désirs,<br />

Vous ne seriez plus maître<br />

De retrancher de nos plaisirs<br />

Ce qui vous donna l’être.<br />

Jean de la Fontaine (1621.1695)<br />

Les Fables -­‐ Les Deux coqs<br />

Deux coqs vivaient en paix: une poule survint,<br />

Et voilà la guerre allumée.<br />

Amour, tu perdis Troie ; et c'est de toi que vint<br />

Cette querelle envenimée<br />

Où du sang des Dieux même on vit le Xanthe teint.<br />

Longtemps entre nos coqs le combat se maintint.<br />

Le bruit s'en répandit par tout le voisinage,<br />

La gent qui porte crête au spectacle accourut.<br />

Plus d'une Hélène au beau plumage<br />

Fut le prix du vainqueur. Le vaincu disparut:<br />

Il alla se cacher au fond de sa retraite,<br />

Pleura sa gloire et ses amours,<br />

Ses amours qu'un rival, tout eier de sa défaite<br />

Possédait à ses yeux. Il voyait tous les jours<br />

Cet objet rallumer sa haine et son courage;<br />

Il aiguisait son bec, battait l'air et ses elancs,<br />

Et, s'exerçant contre les vents,<br />

S'armait d'une jalouse rage.<br />

Il n'en eut pas besoin. Son vainqueur sur les toits<br />

S'alla percher, et chanter sa victoire.<br />

Un vautour entendit sa voix :<br />

Adieu les amours et la gloire;<br />

Tout cet orgueil périt sous l'ongle du vautour<br />

Enein, par un fatal retour<br />

Son rival autour de la poule<br />

S'en revint faire le coquet :<br />

Je laisse à penser quel caquet;<br />

Car il eut des femmes en foule.<br />

La fortune se plaît à faire de ces coups ; tout vainqueur insolent à sa perte travaille.<br />

Déeions-­‐nous du sort, et prenons garde à nous<br />

Après le gain d'une bataille.<br />

J'adore Suzette,<br />

Mais j'aime Suzon,<br />

Victor HUGO (1802-­‐1885)<br />

Suzette et Suzon Extrait<br />

8


Suzette en toilette,<br />

Suzon sans façon !<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

Rimons pour Suzette,<br />

Rimons pour Suzon ;<br />

L'une est ma musette,<br />

L'autre est ma chanson,<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

La main de Suzette,<br />

La jambe à Suzon,<br />

Quelle main bien faite !<br />

Quel petit chausson !<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

Je rêve à Suzette,<br />

J'embrasse Suzon ;<br />

L'une est bien coquette,<br />

L'autre est bon garçon.<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

Jaloux de Suzette !<br />

Jaloux de Suzon !<br />

La bergeronnette<br />

Fait damner l'oison.<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

Si jamais Suzette<br />

Rit comme Suzon,<br />

Au diable je jette<br />

Toute ma raison.<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

Si comme Suzette<br />

Souriait Suzon,<br />

Cette humble amourette<br />

Serait mon poison.<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

S'il faut fuir Suzette<br />

Ou quitter Suzon<br />

Et que je n'en mette<br />

Qu'une en ma maison,<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

9


Suzette, Suzon !<br />

Je laisse Suzette,<br />

Je garde Suzon ;<br />

L'une me rend bête,<br />

L'autre me rend bon.<br />

Ah ! Suzon, Suzette !<br />

Suzette, Suzon !<br />

DON JUAN, SGANARELLE, CHARLOTTE, MATHURINE.<br />

DOM JUAN ou le festin de Pierre<br />

Molière (1622-­‐1673)<br />

ACTE II, Scène 4<br />

MATHURINE, à Don Juan. Monsieur, que faites-­‐vous donc là avec Charlotte ? Est-­‐ce que vous lui parlez d'amour<br />

aussi ?<br />

DON JUAN, à Mathurine. Non, au contraire, c'est elle qui me témoignait une envie d'être ma femme, et je lui<br />

répondais que j'étais engagé à vous.<br />

CHARLOTTE. Qu'est-­‐ce que c'est donc que vous veut Mathurine ?<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. Elle est jalouse de me voir vous parler, et voudrait bien que je l'épousasse ; mais je<br />

lui dis que c'est vous que je veux.<br />

MATHURINE. Quoi ? Charlotte...<br />

DON JUAN, bas, à Mathurine. Tout ce que vous lui direz sera inutile ; elle s'est mis cela dans la tête.<br />

CHARLOTTE. Quement donc ! Mathurine...<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. C'est en vain que vous lui parlerez ; vous ne lui ôterez point cette fantaisie.<br />

MATHURINE. Est-­‐ce que... ?<br />

DON JUAN, bas, à Mathurine. Il n'y a pas moyen de lui faire entendre raison.<br />

CHARLOTTE. Je voudrais...<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. Elle est obstinée comme tous les diables.<br />

MATHURINE. Vrament...<br />

DON JUAN, bas, à Mathurine. Ne lui dites rien, c'est une folle.<br />

CHARLOTTE. Je pense...<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. Laissez-­‐la là, c'est une extravagante.<br />

10


MATHURINE. Non, non : il faut que je lui parle.<br />

CHARLOTTE. Je veux voir un peu ses raisons.<br />

MATHURINE. Quoi ?...<br />

DON JUAN, bas, à Mathurine. Je gage qu'elle va vous dire que je lui ai promis de l'épouser.<br />

CHARLOTTE. Je...<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. Gageons qu'elle vous soutiendra que je lui ai donné parole de la prendre pour<br />

femme.<br />

MATHURINE. Holà ! Charlotte, ça n'est pas bien de courir sur le marché des autres.<br />

CHARLOTTE. Ça n'est pas honnête, Mathurine, d'être jalouse que Monsieur me parle.<br />

MATHURINE. C'est moi que Monsieur a vue la première.<br />

CHARLOTTE. S'il vous a vue la première, il m'a vue la seconde, et m'a promis de m'épouser.<br />

DON JUAN, bas, à Mathurine. Eh bien ! Que vous ai-­‐je dit ?<br />

MATHURINE. Je vous baise les mains, c'est moi, et non pas vous, qu'il a promis d'épouser.<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. N'ai-­‐je pas deviné ?<br />

CHARLOTTE. à d'autres, je vous prie ; c'est moi, vous dis-­‐je.<br />

MATHURINE. Vous vous moquez des gens ; c'est moi, encore un coup.<br />

CHARLOTTE. Le vlà qui est pour le dire, si je n'ai pas raison.<br />

MATHURINE. Le vlà qui est pour me démentir, si je ne dis pas vrai.<br />

CHARLOTTE. Est-­‐ce, Monsieur, que vous lui avez promis de l'épouser ?<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. Vous vous raillez de moi.<br />

MATHURINE. Est-­‐il vrai, Monsieur, que vous lui avez donné parole d'être son mari ?<br />

DON JUAN, bas, à Mathurine. Pouvez-­‐vous avoir cette pensée ?<br />

CHARLOTTE. Vous voyez qu'al le soutient.<br />

DON JUAN, bas, à Charlotte. Laissez-­‐la faire.<br />

MATHURINE. Vous êtes témoin comme al l'assure.<br />

DON JUAN, bas, à Mathurine. Laissez-­‐la dire.<br />

CHARLOTTE. Non, non : il faut savoir la vérité.<br />

11


MATHURINE. Il est question de juger ça.<br />

CHARLOTTE. Oui, Mathurine, je veux que Monsieur vous montre votre bec jaune.<br />

MATHURINE. Oui, Charlotte, je veux que Monsieur vous rende un peu camuse.<br />

CHARLOTTE. Monsieur, vuidez la querelle, s'il vous plaît.<br />

MATHURINE. Mettez-­‐nous d'accord, Monsieur.<br />

CHARLOTTE, à Mathurine. Vous allez voir.<br />

MATHURINE, à Charlotte. Vous allez voir vous-­‐même.<br />

CHARLOTTE, à Don Juan. Dites.<br />

MATHURINE, à Don Juan. Parlez.<br />

DON JUAN, embarrassé, leur dit à toutes deux. Que voulez-­‐vous que je dise ? Vous soutenez également toutes<br />

deux que je vous ai promis de vous prendre pour femmes. Est-­‐ce que chacune de vous ne sait pas ce qui en est,<br />

sans qu'il soit nécessaire que je m'explique davantage ? Pourquoi m'obliger là-­‐dessus à des redites ? Celle à qui<br />

j'ai promis effectivement n'a-­‐t-­‐elle pas en elle-­‐même de quoi se moquer des discours de l'autre, et doit-­‐elle se<br />

mettre en peine, pourvu que j'accomplisse ma promesse ? Tous les discours n'avancent point les choses ; il faut<br />

faire et non pas dire, et les effets décident mieux que les paroles. Aussi n'est-­‐ce rien que par là que je vous veux<br />

mettre d'accord, et l'on verra, quand je me marierai, laquelle des deux a mon cœur. (Bas, à Mathurine.) Laissez-­‐<br />

lui croire ce qu'elle voudra. (Bas, à Charlotte.) Laissez-­‐la se elatter dans son imagination. (Bas, à Mathurine.) Je<br />

vous adore. (Bas, à Charlotte.) Je suis tout à vous. (Bas, à Mathurine.) Tous les visages sont laids auprès du vôtre.<br />

(Bas, à Charlotte.) On ne peut plus souffrir les autres quand on vous a vue. J'ai un petit ordre à donner ; je viens<br />

vous retrouver dans un quart d'heure. (Il sort)<br />

CHARLOTTE, à Mathurine. Je suis celle qu'il aime, au moins.<br />

MATHURINE. C'est moi qu'il épousera.<br />

SGANARELLE. Ah ! Pauvres eilles que vous êtes, j'ai pitié de votre innocence, et je ne puis souffrir de vous voir<br />

courir à votre malheur. Croyez-­‐moi l'une et l'autre : ne vous amusez point à tous les contes qu'on vous fait, et<br />

demeurez dans votre village.<br />

CONCEPTION<br />

Juan !<br />

JUAN<br />

Oui ?<br />

CONCEPTION<br />

Tu t’en vas, comme ça<br />

Don Juan ou L’homme de Cendre<br />

André Obey (1892 – 1975)<br />

ACTE I<br />

12


JUAN<br />

Comme quoi?<br />

CONCEPCION<br />

Ben, comme un type qui claque sa porte de chambre et part à ses affaires.<br />

(Fort) Y a quelqu'un dans la chambre, tu comprends? C'est ma chambre.<br />

JUAN (se tourne vers elle)<br />

Et alors ?<br />

CONCEPCION<br />

Haa, quand je t'ai entendu chanter dans l'escalier... descendre tranquillement mes marches, en chantant : « Mais,<br />

» je me suis dit, « y part! » Et tu partais ?<br />

JUAN<br />

Oui.<br />

CONCEPCION<br />

Oui?.. Mais c'est impossible. (Va à lui) C'est pas vrai... tu ne peux pas.<br />

JUAN (la coupe)<br />

Qu'est-­‐ce que tu me chantes là? Je ne peux pas! Et pourquoi?<br />

Pause.<br />

CONCEPCION<br />

Je me suis donnée à toi<br />

JUAN<br />

Certes ! Et moi à toi<br />

CONCEPCION<br />

Non.<br />

JUAN<br />

Non? (Il rit) Tu es difeicile!<br />

CONCEPCION<br />

Ne joue pas avec ça! (Plus bas) Tu sais bien ce que je veux dire. Tu t'es, peut-­‐être donne à ton plaisir...<br />

JUAN (riant)<br />

Peut-­‐être !<br />

CONCEPCION<br />

Mais moi, moi, c'est à toi que je me suis donnée. (S’animant) Et c'est la première fois. La première, tu m'entends?<br />

Mais qu'est-­‐ce qui m'arrive? Et pourquoi, ça? Pourquoi?.. Tu es sec, tu es dur, tu commandes, tu te moques... Et<br />

tu n'es même pas beau.<br />

JUAN (riant)<br />

Y a là un mystère.<br />

CONCEPCION<br />

13


Ne ris pas, je t'en prie.<br />

JUAN<br />

C'est pure courtoisie : franchement, tout ça m'assomme.<br />

CONCEPCION<br />

Et moi? Est-­‐ce que tu crois, dis donc, que ça m'amuse?<br />

JUAN<br />

Eh bien ! Alors ? Bonsoir ! Je tombe de sommeil !<br />

CONCEPCION (affolée)<br />

Non, attends! (Elle l'arrête) Ne pars pas!<br />

JUAN<br />

Ecoute, ne gâchons pas, hein? N’empoisonnons pas la ein d'une aventure agréable...<br />

CONCEPCION<br />

Agréable !<br />

JUAN (agace)<br />

Mieux, c'est vrai : savoureuse, pleine de eiel et de miel, et toute... assaisonnée d'une sorte de... sauvagerie bien<br />

épatante, d'accord. Mais de là à faire une crise de mégalomanie...<br />

CONCEPCION<br />

J'y peux rien si l’amour…<br />

JUAN (fort)<br />

Laisse l'amour tranquille. (Plus bas) L'amour, nous l'avons fait.<br />

CONCEPCION (ardemment)<br />

Oh!<br />

JUAN<br />

Nous l'avons fait si bien, que, l'amour termine, tout est dit, entre nous, sur ce vaste sujet.<br />

CONCEPCION<br />

Mais on peut<br />

JUAN<br />

Rien du tout. L'amour est fait. Ouf là ! On peut faire autre chose.<br />

CONCEPCION (directe)<br />

Quoi?<br />

JUAN<br />

Ca... c'est toute la question.<br />

CONCEPCION<br />

Mais tache de comprendre ! Je suis prise. Tu m'as prise. Tu m'as... tu m'as...<br />

JUAN<br />

14


Violé ? Je te parie qu'avant peu, tu joues les eilles séduites et moi, les suborneurs.<br />

CONCEPCION<br />

C'est pas moi, cette nuit, qui t'ai couru après?<br />

JUAN<br />

Tu te rattrapes ce matin! Adieu, Concha.<br />

CONCEPCION (s'accrochant)<br />

Non, non, ne me quitte pas, Juan, je t'en supplie.<br />

Elle pleure.<br />

JUAN (furieux)<br />

Alors, quoi, c'est un sort? Je ne peux pas dénouer, il faut rompre ? Trancher ?.. Patauger dans les larmes, les<br />

sanglots, les cris ?<br />

CONCEPCION<br />

Je ne crie pas<br />

JUAN<br />

Ca va venir...<br />

CONCEPCION<br />

Je souffre.<br />

JUAN<br />

Je n'y suis pour rien.<br />

CONCEPCION<br />

Tu m'as voulue.<br />

JUAN<br />

Je t'ai eue.<br />

CONCEPCION<br />

Tu m'as.<br />

JUAN<br />

Voila l'erreur. J'ai pas du tout la bosse de la propriété. Je ne suis qu'un emprunteur, j’ai des dettes partout. Nous<br />

y joindrons la tienne.<br />

CONCEPCION<br />

Je ne pourrai pas te quitter.<br />

JUAN<br />

Essaye toujours.<br />

CONCEPCION<br />

Non.<br />

JUAN<br />

Bien! Alors, moi. (il met le pied sur une marche.)<br />

15


CONCEPCION (elle l'agrippe)<br />

Non! Non!<br />

JUAN (dur)<br />

Tu exagères. (Il l’écarte et monte les marches)<br />

CONCEPCION (d'en bas)<br />

Oh! Lâche! Misérable!<br />

JUAN<br />

Tu cries, je l'avais dit.<br />

CONCEPCION (crescendo)<br />

Méchant ! Fourbe ! Menteur !<br />

JUAN (se retournant)<br />

Et puis ? J'attends.<br />

CONCEPCION<br />

Trompeur !<br />

JUAN<br />

Voila, ça y est, bravo! Cette fois, tout est dit.<br />

CONCEPCION (poings aux hanches)<br />

Regardez-­‐le se tirer ! Voyez comme il se tire !.. N'ayez crainte, Monseigneur, je ne vous pourchasserai pas. J'avais<br />

qu'à être moins gourde, à ne pas y goûter à mon tour, comme les autres, à votre petit poison. Mais je vais vous<br />

dire une chose : ce poison, tout de même, nous autres, on en guérit. Mais vous, écoutez-­‐moi... (Fort) Tu<br />

m'écoutes ?<br />

JUAN (se retournant)<br />

Tout oreilles.<br />

CONCEPCION<br />

Toi, tu en crèveras.<br />

Jean Michel Ribes<br />

Ultime Bataille 1983 extrait<br />

LA JEUNE FEMME. Guy... Guy... Non Guy... Guy s'il te plait… maintenant il faut que je rentre. Si. Tous ces mots,<br />

toutes ces phrases n'ont plus de sens... Non je ne suis pas cruelle Guy, j'essaie simplement... Comment ? De eiler<br />

en douce ? Oh Guy je t'en supplie, ne sois pas de mauvaise foi… Mon Dieu pourquoi tout est si complique !<br />

Disons que je ne voudrais pas que nous gâchions le souvenir des moments heureux que nous avons vécus<br />

ensemble par une sortie ratée... si Guy, si nous continuons comme ça, j’ai peur que nous einissions par tout<br />

salir…et c’est vrai j'ai envie que nous nous quittions d'une façon qui soit digne de toi, de moi, de nous... Tu le<br />

mérites, moi aussi... Comment ?... Je n'ai pas entendu ?... Mais si je t'écoute Guy mais tu es de plus en plus<br />

essoufelé, par moments tu ne parles pas tu mugis, tu ne t'en rends peut-­‐être plus compte mais tu soufeles comme<br />

un boeuf et ce n'est pas toujours simple de te suivre... Non Guy je ne t'en veux pas de soufeler comme un boeuf, je<br />

sais que tu es dans une situation éprouvante mais comprends que pour moi non plus ce n'est pas facile de<br />

16


discuter de choses que tu ne veux pas comprendre, sur ce balcon, depuis trois heures !... Oui je sais que nous<br />

n'en sommes pas au même point, moi je suis assise là, et toi tu es accroché à la balustrade par les mains, les<br />

pieds dans le vide... Comment ?... Je l'ai dit... Si, je l'ai dit, les pieds dans le vide... J'ai dit exactement "accroché par<br />

les mains, les pieds dans le vide" ! Mais Guy tu sais bien que dans un couple, et à plus forte raison lorsqu'il est<br />

sur le point de se séparer, il est rare que les deux partenaires soient au même niveau... tu le sais ça. Guy, tu ne<br />

peux pas me reprocher une situation qui est commune au genre humain... Guy crois-­‐moi notre seule issue c'est<br />

le courage : moi je rentre, toi tu lâches... et on n'en parle plus... C'est net, c'est propre, ca nous ressemble... Oui je<br />

sais que c'est douloureux, mais ne vaut-­‐il pas mieux avoir mal un grand coup et puis c'est eini, que de nous<br />

séparer en nous déchirant à petit feu ? Regarde dans quel état tu es, Guy, tu es violet, ton cou est tout gonelé, tu<br />

baves, tes bras suppurent, vraiment je t' assure, tu n'es plus toi-­‐même, et tes mains, regarde tes mains...<br />

Comment ? Tu ne peux pas les voir ? Eh bien moi je les vois et je peux te dire qu’à force de s'agripper sur le<br />

ciment, elles ne sont pas jolies jolies !... Guy il fait froid ce n'est pas raisonnable, on va einir par s'enrhumer...<br />

Allez, soyons grands : lâche ! Quoi ? Je n'ai qu’à renter ? C'est ça que tu viens de dire, je n'ai qu'a renter" ?!! Tu ne<br />

manques pas de culot ! Et toi, pendant ce temps-­‐là, tu resteras là ! (Elle s'emporte.) Tu veux que je travaille, que<br />

je mange, que je dorme, que je lise, avec sans cesse cette pensée dans la tête : "Il y a Guy qui est pendu mon<br />

balcon." C'est ça que tu veux ? Me foutre ma vie en l’air... (Elle sursaute.) Oh pardon, c'est ta main ?<br />

Oui dès l’instant que je vous vis<br />

Beauté féroce, vous me plûtes<br />

De l’amour qu’en vos yeux je pris<br />

Sur-­‐le-­‐champ vous vous aperçûtes<br />

Ah ! Fallait-­‐il que je vous visse<br />

Fallait-­‐il que vous me plussiez<br />

Qu’ingénument je vous le disse<br />

Qu’avec orgueil vous vous tussiez<br />

Fallait-­‐il que je vous aimasse<br />

Que vous me désespérassiez<br />

Et qu’enein je m’opiniâtrasse<br />

Et que je vous idolâtrasse<br />

Pour que vous m’assassinassiez<br />

ORESTE, HERMIONE, CLÉONE.<br />

ORESTE.<br />

Madame, c’en est fait, et vous êtes servie :<br />

Pyrrhus rend à l’autel son ineidèle vie.<br />

HERMIONE.<br />

Il est mort ?<br />

ORESTE<br />

Il expire ; et nos Grecs irrités<br />

Complainte amoureuse<br />

Alphonse Allais (1854-­‐1905)<br />

Andromaque<br />

Racine 1639-­‐1699<br />

Acte 5 Sc 2<br />

17


Ont lavé dans son sang ses ineidélités.<br />

Je vous l’avais promis ; et quoique mon courage<br />

Se eît de ce complot une funeste image,<br />

J’ai couru vers le temple, où nos Grecs dispersés<br />

Se sont jusqu’à l’autel dans la foule glissés.<br />

Pyrrhus m’a reconnu. Mais sans changer de face,<br />

Il semblait que ma vue excitât son audace,<br />

Que tous les Grecs, bravés en leur ambassadeur,<br />

Dussent de son hymen relever la splendeur.<br />

Enein, avec transport prenant son diadème,<br />

Sur le front d’Andromaque il l’a posé lui-­‐même :<br />

«Je vous donne, a-­‐t-­‐il dit, ma couronne et ma foi,<br />

Andromaque ; régnez sur l’Épire et sur moi.<br />

Je voue à votre eils une amitié de père ;<br />

J’en atteste les Dieux, je le jure à sa mère.<br />

Pour tous mes ennemis je déclare les siens,<br />

Et je le reconnais pour le roi des Troyens.»<br />

A ces mots, qui du peuple attiraient le suffrage,<br />

Nos Grecs n’ont répondu que par un cri de rage ;<br />

L’ineidèle s’est vu partout envelopper,<br />

Et je n’ai pu trouver de place pour frapper.<br />

Chacun se disputait la gloire de l’abattre.<br />

Je l’ai vu dans leurs mains quelque temps se débattre,<br />

Tout sanglant à leurs coups vouloir se dérober ;<br />

Mais enein à l’autel il est allé tomber.<br />

Du peuple épouvanté j’ai traversé la presse<br />

Pour venir de ces lieux enlever ma Princesse,<br />

Et regagner le port, où bientôt nos amis<br />

Viendront couverts du sang que je vous ai promis.<br />

HERMIONE.<br />

Qu’ont-­‐ils fait !<br />

ORESTE.<br />

Pardonnez à leur impatience :<br />

Ils ont, je le vois bien, trahi votre vengeance.<br />

Vous vouliez que ma main portât les premiers coups,<br />

Qu’il sentît en mourant qu’il expirait pour vous ;<br />

Mais c’est moi dont l’ardeur leur a servi d’exemple :<br />

Je les ai pour vous seule entraînés dans le temple,<br />

Madame ; et vous pouvez justement vous elatter<br />

D’une mort que leurs bras n’ont fait qu’exécuter.<br />

Vous seule avez poussé les coups...<br />

HERMIONE.<br />

Tais-­‐toi, pereide,<br />

Et n’impute qu’à toi ton lâche parricide.<br />

Va faire chez tes Grecs admirer ta fureur,<br />

Va, je la désavoue, et tu me fais horreur.<br />

Barbare, qu’as-­‐tu fait ? Avec quelle furie<br />

As-­‐tu tranché le cours d’une si belle vie !<br />

Avez-­‐vous pu, cruels, l’immoler aujourd’hui,<br />

18


Sans que tout votre sang se soulevât pour lui ?<br />

Mais parle. De son sort qui t’a rendu l’arbitre ?<br />

Pourquoi l’assassiner ? Qu’a-­‐t-­‐il fait ? A quel titre ?<br />

Qui te l’a dit ?<br />

ORESTE.<br />

O Dieux ! Quoi ? ne m’avez-­‐vous pas<br />

Vous-­‐même, ici, tantôt, ordonné son trépas ?<br />

HERMIONE.<br />

Ah ! Fallait-­‐il en croire une amante insensée ?<br />

Ne devais-­‐tu pas lire au fond de ma pensée ?<br />

Et ne voyais-­‐tu pas dans mes emportements<br />

Que mon cœur démentait ma bouche à tous moments ?<br />

Quand je l’aurais voulu, fallait-­‐il y souscrire ?<br />

N’as-­‐tu pas dû cent fois te le faire redire ?<br />

Toi-­‐même avant le coup me venir consulter,<br />

Y revenir encore, ou plutôt m’éviter ?<br />

Que ne me laissais-­‐tu le soin de ma vengeance !<br />

Qui t’amène en des lieux où l’on fuit ta présence ?<br />

Voilà de ton amour le détestable fruit :<br />

Tu m’apportais, cruel, le malheur qui te suit.<br />

C’est toi dont l’ambassade, à tous les deux fatale,<br />

L’a fait pour son malheur pencher vers ma rivale.<br />

Nous le verrions encore nous partager ses soins ;<br />

Il m’aimerait peut-­‐être ; il le feindrait du moins.<br />

Adieu. Tu peux partir. Je demeure en Épire :<br />

Je renonce à la Grèce, à Sparte, à son empire,<br />

A toute ma famille ; et c’est assez pour moi,<br />

Traître, qu’elle ait produit un monstre comme toi.<br />

ORESTE, seul.<br />

ACTE 5 Sc 4<br />

ORESTE<br />

Que vois-­‐je ? Est-­‐ce Hermione ? Et que viens-­‐je d’entendre ?<br />

Pour qui coule le sang que je viens de répandre ?<br />

Je suis, si je l’en crois, un traître, un assassin.<br />

Est-­‐ce Pyrrhus qui meurt ? Et suis-­‐je Oreste enein ?<br />

Quoi ! J’étouffe en mon cœur la raison qui m’éclaire ;<br />

J’assassine à regret un roi que je révère ;<br />

Je viole en un jour les droits des souverains,<br />

Ceux des ambassadeurs, et tous ceux des humains<br />

Ceux même des autels où ma fureur l’assiège :<br />

Je deviens parricide, assassin, sacrilège.<br />

Pour qui ? Pour une ingrate à qui je le promets,<br />

Qui même, s’il ne meurt, ne me verra jamais,<br />

Dont j’épouse la rage. Et quand je l’ai servie,<br />

Elle me redemande et son sang et sa vie !<br />

Elle l’aime ! Et je suis un monstre furieux !<br />

Je la vois pour jamais s’éloigner de mes yeux !<br />

19


Et l’ingrate, en fuyant, me laisse pour salaire<br />

Tous les noms odieux que j’ai pris pour lui plaire !<br />

FIRMIN, LE GÉNÉRAL et ANTONIO, LUCETTE.<br />

FIRMIN, annonçant.<br />

Le général Irrigua!<br />

LUCETTE.<br />

Le général ! Vite! Faites-­‐le entrer<br />

FIRMIN.<br />

Si Monsieur veut entrer...<br />

Georges Feydeau<br />

Un Jil à la patte 1894<br />

Acte 1 SCÈNE 16<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Bueno ! Yo entre!... (Il entre suivi d'Antonio portant un énorme<br />

bouquet.)<br />

Elle ! Ah ! Madame ! cette chour est la plouss belle dé ma vie !<br />

LUCETTE.<br />

Général, je suis ravie de faire votre connaissance!<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Ah ! lé ravi il est pour moi, Madame ! (a Antonio.) Antonio... les bouquettes... Permettez-­‐moi quelques elors<br />

môdiques qué yo vous prie, qué... qué yo vous offre!<br />

LUCETTE, prenant le bouquet.<br />

Ah ! Général !<br />

Que c'est aimable à vous!... Justement, j'adore les eleurs!<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Ce lé sont vos chouchèttes qué yo mets à vos pieds.<br />

LUCETTE, riant.<br />

Mes sujettes?...<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Bueno... cé lé sont des rosses qué yo mets aux pieds dé la reine des rosses !<br />

LUCETTE minaudant.<br />

Aah<br />

LE GÉNÉRAL, content de lui<br />

C'est oun mott !<br />

LUCETTE.<br />

20


Vous êtes galant, Général.<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Yo fait cé qu'onn peut !<br />

brusquement<br />

Vouss! c'est vouss! qué yo souis là... près de vouss… ounique!<br />

LUCETTE, s'asseyant à droite de la table.<br />

Asseyez-­‐vous donc, je vous en prie.<br />

LE GÉNÉRAL, avec passion.<br />

Yo no pouis pas !<br />

LUCETTE, étonnée.<br />

Vous ne pouvez pas?<br />

LE GÉNÉRAL, même jeu.<br />

Yo no pouis pas ! Yo souis trop émoute ! Ah ! quand yo recevous cette lettre de vouss ! Cette lettre ousqué il<br />

m'accordait la grâce dé... oune entrefou pour tous les deusses ; Ah! Caramba! caramba...<br />

(Ne trouvant pas le mot pour exprimer ce qu'il ressent.)<br />

Qué yo no pouis dire.<br />

LUCETTE.<br />

Eh ! qu'avez-­‐vous, vous semblez ému ?<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Yo le souis ! porqué yo vouss s'aime Loucette, et qué yo vois que yo souis là... tous les deusses... ounique !<br />

(Devenant entreprenant.) Loucette !<br />

LUCETTE, vivement, se levant et passant à gauche de la table.<br />

Prenez garde, Général, vous abordez là un terrain dangereux !<br />

LE GÉNÉRAL, descendant un peu à droite.<br />

Eh ! yo n'ai pas peur lé dancher ! Dans mon pays yo l'étais ministre de la Gouerre!<br />

LUCETTE, redescendant en passant au-­‐dessus de la table.<br />

Vous !<br />

LE GÉNÉRAL, s'inclinant.<br />

Soi-­‐même !<br />

LUCETTE.<br />

Ah ! Général... quel honneur... Un ministre de la Guerre !<br />

LE GÉNÉRAL, rectiLiant.<br />

Ess... Ess !<br />

LUCETTE, qui ne comprend pas.<br />

Quoi « Ess » ?<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Ess-­‐ministre !... yo no lo souis plus.<br />

21


LUCETTE, sur un ton de condoléance.<br />

Ah?... Qu'est-­‐ce que vous êtes, alors?<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Yo souis condamné à morte.<br />

LUCETTE, reculant.<br />

Vous?<br />

LE GÉNÉRAL, avec un geste pour la rassurer.<br />

Eh! oui! tout ça, porqué yo lo souis venou en<br />

France por achéter por moun gouvernement deusse<br />

courrassés, troiss croisseurs et cinq tourpilleurs.<br />

LUCETTE, ne saisissant pas le rapport.<br />

Eh bien ?<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Buéno ! yo les ai perdous au pacarat.<br />

LUCETTE.<br />

Perdus au baccarat!... (Sur un ton de reproche.) Oh! Et comment avez-­‐vous fait ?<br />

LE GÉNÉRAL, avec la plus naïve inconscience.<br />

Yo l'ai pas ou de la chance, voilà!... au pacarat c'est toujours le même : quand yo l'ai houit, il a nef ! et porqué ça,<br />

yo l'ai perdou beaucoup de l'archent<br />

LUCETTE, s'assoyant à droite de la table.<br />

C'est mal, ça. Général.<br />

LE GÉNÉRAL, sur un ton dégagé.<br />

Basta ! rienne pour moi ! yo l'ai touchours assez peaucoup, porqué yo pouisse la mettre à la disposition de usted.<br />

LUCETTE.<br />

A ma disposition ?<br />

LE GÉNÉRAL, grand seigneur.<br />

Toute !<br />

LUCETTE.<br />

Mais à quel litre ?<br />

LE GÉNÉRAL, avec chaleur.<br />

A la litre qué yo pouisse vous aimerr... porqué yo vouss s'aime, Lucette ! mon cœur elle est trop petite pour<br />

contiendre tout ce que yo l'ai dé l'amour!... Par la charme qu'elle est à vouss, vous m'avez priss... vous m'avez...<br />

vous m'avez... (Changeant de ton.) Pardou... oun moment. .. oun moment (il remonte au fond.)<br />

LUCETTE, à part<br />

Eh bien ! où va-­‐t-­‐il?<br />

LE GÉNÉRAL, ouvrant la porte et appelant.<br />

22


Antonio?<br />

ANTONIO, à la porte du vestibule.<br />

Chénéral ?<br />

LE GÉNÉRAL, en espagnol.<br />

Gomo se dice « subyugar » en francés?<br />

ANTONIO.<br />

« Subjuguer », Général.<br />

LE GÉNÉRAL, lui faisant signe qu'il peut retourner dans le vestibule.<br />

Bueno! gracias, Antonio !<br />

ANTONIO.<br />

Bueno ! (Il sort.)<br />

LE GÉNÉRAL, à Lucette, reprenant brusquement sur le ton de la passion.<br />

Vous m'avez « souchouqué » ; aussi tout ce qu'il est à moi il est à vouss ! Ma vie, mon argent, chusqu'au dollar la<br />

dernière, chusqu'à la missère que yo l'aimerais encore porqu'elle venirait de vouss !<br />

froidement.<br />

Où il est votre chambre?<br />

LUCETTE, suffoquée.<br />

Hein ?<br />

LE GÉNÉRAL, avec passion.<br />

Yo diss : où il est votre chambre ?<br />

LUCETTE.<br />

Mais, Général, en voilà une question!<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

C'est l'amor qu'il parle par ma bouche porqué c'est là qué yo voudrais vivre ! Porqué la champre de la peauté<br />

qué l'on l'aime, il est comme le... comme le...<br />

(Se levant.) Pardon, oun moment, oun moment!<br />

LUCETTE, à part, railleuse.<br />

Ah? Bon!<br />

LE GÉNÉRAL, qui est remonté et a ouvert la porte du fond.<br />

Antonio?<br />

ANTONIO, comme précédemment.<br />

Chénéral?<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Como se dice « tabernaculo » en francès ?<br />

ANTONIO.<br />

Bueno ! « tabernacle », Chénéral.<br />

23


LE GÉNÉRAL.<br />

Bueno ! Gracias, Antonio.<br />

ANTONIO.<br />

Bueno! Il sort.<br />

LE GÉNÉRAL, allant sans mot dire et bien froidement se remettre aux genoux de Lucette, comme il était<br />

précédemment, puis une fois installé, éclatant :<br />

Il est comme la taberlac, où il est la relichion, la déesse qu'on l'adore.<br />

LUCETTE, posant sa main droite, qui a la bague, sur la main du<br />

général qui tient sa main gauche.<br />

Ah! Général, vous savez tout racheter par une galanterie.<br />

LE GÉNÉRAL, qui regarde la bague au doigt de Lucette.<br />

Tuchurs! (Se levant.) Ça même fait qué yo pense qué<br />

yo vois que vous l'avez là à lé doigt oun bâgue.<br />

LUCETTE, d'un air détaché, se levant.<br />

Une bague! Ah! Là... Ah! oui! Oh!<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Elle est cholie, fous troufez?<br />

LUCETTE, même jeu, descendant un peu à gauche.<br />

Pfeu! C’est une babiole!<br />

LE GÉNÉRAL, hochant la tête.<br />

Oun bâpiole?... Qu'est-­‐ce que c'est oun bâpiole?<br />

LUCETTE.<br />

Oui, enein une bagatelle !<br />

LE GÉNÉRAL, même jeu.<br />

Oun bâcatil... Si... si!... (Changeant de ton.) Pardon, oun moment. . . oun moment ! (Allant au fond et appelant.)<br />

Antonio ?<br />

ANTONIO, comme précédemment.<br />

Chénéral ?<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Qué cosa signieica « oun bâcatil » en espagnol?<br />

ANTONIO.<br />

Oun bâcatil? Qu'est-­‐ce que c'est « oun bâcatil »?<br />

LUCETTE, sans bouger de place.<br />

Non, je dis au général que c'est une bagatelle.<br />

ANTONIO, comprenant.<br />

Ah ! « une bagatelle ! » (Traduisant.) La Senora dice a usted que es... poca cosa.<br />

24


LE GÉNÉRAL, comme s'il n'avait jamais connu que ce mot-­‐là.<br />

Ah! Si! Si... Oun bâcatil... Si... si... (A Antonio et lui faisant Signe do sortir.)<br />

Bueno ! Bueno ! Bueno ! Gracias, Antonio !<br />

ANTONIO.<br />

Bueno ! (Il sort.)<br />

LE GÉNÉRAL<br />

La bâgue là ! ça l’est moi qué yo l’ai envoyée cet matin dans oun bouquette.<br />

LUCETTE.<br />

Vous ! Mais je ne savais pas que c'était vous que j'avais à en remercier.<br />

LE GÉNÉRAL, modeste.<br />

Oh! rienne du toute!... (Gagnant la gauche et avec un geste de grand seigneur.) C'est oun bâcatil ! (Revenant à<br />

elle.) Et yo me permets d'apporter la bracélette qu'elle va avec.<br />

(Il oLire m autre écrin qu'il tire de la poche d'un des pans de sa redin-­‐<br />

gote.)<br />

LUCETTE, prenant l'écrin.<br />

Ah! Général, vraiment vous me comblez! Mais qu'est-­‐ce que j'ai pu faire pour mériter?...<br />

LE GÉNÉRAL, très simple.<br />

Yo vous s'aime! Voilà !<br />

LUCETTE.<br />

Vous m'aimez? (Avec un soupir.) Ah! Général, pourquoi faut-­‐il que cela soit...?<br />

LE GÉNÉRAL, avec une logique sans réplique<br />

Porqué céla est.<br />

LUCETTE.<br />

Non, non, ne dites pas ça!<br />

LE GÉNÉRAL, froidement décidé.<br />

Yo lo disse !<br />

LUCETTE, lui tendant l'écrin qu'il vient de lui donner.<br />

Alors, Général, remportez ces présents que je n'ai pas le droit d'accepter !<br />

LE GÉNÉRAL, repoussant l'écrin et haletant.<br />

Porqué? Porqué?<br />

LUCETTE.<br />

Parce que je ne peux pas vous aimer !<br />

LE GÉNÉRAL, bondissant.<br />

Vous disse ?<br />

LUCETTE , courbant la tête.<br />

J'en aime un autre. (Elle met sans affectation l'écrin dans sa poche.)<br />

25


LE GÉNÉRAL<br />

Oun autre! Vousse!... oun homme?<br />

LUCETTE.<br />

Naturellement.<br />

LE GÉNÉRAL<br />

Caramba!... Quel il est cet homme... qué yo le visse... qué yo le sache...<br />

LUCETTE.<br />

Général, calmez-­‐vous.<br />

LE GÉNÉRAL, avec désespoir.<br />

Ah! oun mé l'avait bienn disse qu'il était oun homme à vouss, oun homme chôli<br />

LUCETTE.<br />

Oh! Oui, joli!<br />

LE GÉNÉRAL.<br />

Mais yo l'avais cru que nonn... porqué yo l'avais récevou votre lettre... et il essiste! Il essiste ! Oh! Quel il est cet<br />

homme ?<br />

LUCETTE.<br />

Voyons, Général, je vous en prie...<br />

LE GÉNÉRAL, avec un rugissement de rage.<br />

Oh!<br />

LUCETTE, appuyant gentiment ses deux mains sur son épaule.<br />

Qu'il vous sufeise de savoir que si j'avais eu le cœur libre, je ne vous aurais préféré personne.<br />

LE GÉNÉRAL, avec un désespoir contenu.<br />

Ah! Loucette, qué vous mé donnez mal au cœur!<br />

LUCETTE.<br />

Est-­‐ce ma faute? Voyez-­‐vous, tant que je l'aimerai, Je ne pourrai pas en aimer un autre.<br />

LE GÉNÉRAL, luttant un peu avec lui-­‐même, puis avec résignation.<br />

Bueno ! Combienne dé temps il faut à vous pour ça?<br />

LUCETTE, avec passion.<br />

Combien de temps? Oh! Je l'aimerai tant qu'il vivra.<br />

LE GÉNÉRAL, très positif.<br />

Bueno! Yo so maintenant qué yo dois faire.<br />

LUCETTE.<br />

Quoi?<br />

LE GÉNÉRAL, même jeu.<br />

Rienne ! Yo se.<br />

26


LUCETTE, à part, se rapprochant de la table.<br />

SILVIA, TRIVELIN<br />

Silvia parait sortir comme fâchée.<br />

TRIVELIN : Mais, Madame, écoutez-­‐moi.<br />

SILVIA : Vous m'ennuyez.<br />

TRIVELIN : Ne faut-­‐il pas être raisonnable ?<br />

Marivaux 1688 -­‐ 1763<br />

La double inconstance<br />

ACTE I -­‐SCENE I<br />

SILVIA impatiente : Non, il ne faut pas l’être, et je ne le serai point.<br />

TRIVELIN : Cependant...<br />

SILVIA, avec colère : Cependant, je ne veux point avoir de raison; et quand vous recommenceriez cinquante fois<br />

votre cependant, je n'en veux point avoir: que ferez-­‐vous là?<br />

TRIVELIN : Vous avez soupe hier si légèrement, que vous serez malade, si vous ne prenez rien ce matin.<br />

SILVIA : Et moi, je hais la sante, et je suis bien aise d'être malade ; ainsi, vous n'avez qu’à renvoyer tout ce qu'on<br />

m'apporte, car je ne veux aujourd'hui ni déjeuner, ni diner, ni souper, demain la même chose; je ne veux qu'être<br />

fâchée, vous haïr tous tant que vous êtes, jusqu'a tant que j'aie vu Arlequin, dont on m'a séparée : voilà mes<br />

petites résolutions, et si vous voulez que je devienne folle, vous n'avez qu'à me prêcher d’être plus raisonnable,<br />

cela sera bientôt fait.<br />

TRIVELIN : Ma foi, je ne m'y jouerai pas, je vois bien que vous me tiendriez parole; si j'osais cependant...<br />

SILVIA, plus en colère Eh bien ne voila-­‐t-­‐il pas encore un cependant ?<br />

TRIVELIN : En vérité, je vous demande pardon, celui-­‐là m'est échappé, mais je n’en dirai plus, je me corrigerai.<br />

Je vous prierai seulement de considérer...<br />

SILVIA : Oh vous ne vous corrigez pas, voila des considérations qui ne me conviennent point non plus.<br />

TRIVELIN, continuant : Que c'est votre souverain qui vous aime.<br />

SILVIA : Je ne l'empêche pas, il est le maître: mais faut-­‐il que je l'aime, moi? Non, et il ne le faut pas, parce que je<br />

ne le puis pas, cela va tout seul, un enfant le verrait, et vous ne le voyez pas.<br />

TRIVELIN : Songez que c'est sur vous qu'il fait tomber le choix qu'il doit faire d’une épouse entre ses sujettes.<br />

SILVIA : Qui est-­‐ce qui lui a dit de me choisir ? M'a-­‐t-­‐il demande mon avis ? S'il m'avait dit : Me voulez-­‐vous,<br />

Silvia ? Je lui aurais répondu : Non, Seigneur, il faut qu'une honnête femme aime son mari, et je ne pourrais pas<br />

27


vous aimer. Voila la pure raison, cela mais point du tout, il m'aime, crac, il m'enlevé, sans me demander si je le<br />

trouverai bon.<br />

TRIVELIN : Il ne vous enlève que pour vous donner la main.<br />

SYLVIA : Eh que veut ‘il que je fasse de cette main, si je n’ai pas envie d’avancer la mienne pour la prendre ?<br />

Force-­‐t-­‐on les gens à recevoir des présents malgré eux ?<br />

TRIVELIN : Voyez depuis deux jours que vous êtes ici, comment il vous traite ; n'êtes-­‐vous pas déjà servie<br />

comme si vous étiez sa femme? Voyez les honneurs qu'il vous fait rendre, le nombre de femmes qui sont à votre<br />

suite, les amusements qu'on tache de vous procurer par ses ordres. Qu'est-­‐ce qu'Arlequin au prix d’un Prince<br />

plein d'égards, qui ne veut pas même se montrer qu’on ne vous ait disposée à le voir ? D’un prince jeune,<br />

aimable et rempli d'amour, car vous le trouverez tel. Eh! Madame, ouvrez les yeux, voyez votre fortune, et<br />

proeitez de ses faveurs.<br />

SILVIA : Dites-­‐moi, vous et toutes celles qui me parlent, vous a-­‐t-­‐on mis avec moi, vous a-­‐t-­‐on payés pour<br />

m'impatienter, pour me tenir des discours qui n'ont pas le sens commun, qui me font pitié ?<br />

TRIVELIN : Oh parbleu je n’en sais pas davantage, voila tout l'esprit que j'ai.<br />

SILVIA : Sur ce pied-­‐là, vous seriez tout aussi avancé de n'en point avoir du tout.<br />

TRIVELIN : Mais encore, daignez, s'il vous plait, me dire en quoi je me trompe.<br />

SILVIA, en se tournant vivement de son cote: Oui, je vais vous dire en quoi, oui...<br />

TRIVELIN : Eh! Doucement, Madame, mon dessein n'est pas de vous fâcher.<br />

SILVIA : Vous êtes donc bien maladroit.<br />

TRIVELIN : Je suis votre serviteur.<br />

SILVIA : Eh bien mon serviteur, qui me vantez tant les honneurs que j'ai ici, qu'ai-­‐je affaire de ces quatre ou cinq<br />

fainéantes qui m'espionnent toujours? On m'ôte mon amant et on me rend des femmes à la place ne voila-­‐t-­‐il<br />

pas un beau dédommagement ? Et on veut que je sois heureuse avec cela. Que m'importe toute cette musique,<br />

ces concerts et cette danse dont on croit me régaler ? Arlequin chantait mieux que tout cela, et j'aime mieux<br />

danser moi-­‐même que de voir danser les autres, entendez-­‐vous ? Une bourgeoise contente dans un petit village<br />

vaut mieux qu'une princesse qui pleure dans un bel appartement. Si le Prince est si tendre, ce n'est pas ma faute,<br />

je n'ai pas été le chercher ; pourquoi m'a-­‐t-­‐il vue ? S'il est jeune et aimable, tant mieux pour lui, j'en suis bien<br />

aise, qu'il garde tout cela pour ses pareils, et qu'il me laisse mon pauvre Arlequin, qui n’est pas plus gros<br />

monsieur que je suis grosse dame, pas plus riche que moi, pas plus glorieux que moi, pas mieux logé, qui m'aime<br />

sans façon, que j'aime de même, et que je mourrai de chagrin de ne pas voir. Hélas, le pauvre enfant ! Qu’en<br />

aura-­‐t-­‐on fait? Qu’est-­‐il devenu ? Il se désespère quelque part, J’en suis sure, car il a le coeur si bon ! Peut-­‐être<br />

aussi qu'on le maltraite. (Elle se dérange de sa place.) Je suis outrée ; tenez, voulez-­‐vous me faire un plaisir ?<br />

Otez-­‐vous de là, je ne puis vous souffrir, laissez-­‐moi m'afeliger en repos.<br />

TRIVELIN : Le compliment est court, mais il est net. Tranquillisez-­‐vous pourtant, Madame.<br />

SILVIA: Sortez sans me répondre, cela vaudra mieux.<br />

TRIVELIN : Encore une fois, calmez-­‐vous, vous voulez Arlequin, il viendra incessamment, on est allé le chercher.<br />

28


SILVIA avec un soupir : Je le verrai donc?<br />

TRIVELIN : Et vous lui parlerez aussi.<br />

SILVIA s'en allant : Je vais l'attendre : mais si vous me trompez, je ne veux plus ni voir ni entendre personne.<br />

Alfred de Musset<br />

Les caprices de Marianne 1833<br />

Acte II sc 1<br />

OCTAVE. -­‐ Belle Marianne, vous dormirez tranquillement. -­‐ Le coeur de Coelio est à une autre, et ce n'est plus<br />

sous vos fenêtres qu'il donnera ses sérénades.<br />

MARIANNE. -­‐ Quel dommage et quel grand malheur de n'avoir pu partager un amour comme celui-­‐là ! Voyez<br />

comme le hasard me contrarie ! Moi qui allais l'aimer.<br />

OCTAVE. -­‐ En vérité !<br />

MARIANNE. -­‐ Oui, sur mon âme, ce soir ou demain matin, dimanche au plus tard, je lui appartenais. Qui pourrait<br />

ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous ? Il faut croire que sa passion pour moi était quelque chose<br />

comme du chinois ou de l'arabe, puisqu'il lui fallait un interprète, et qu'elle ne pouvait s'expliquer toute seule.<br />

OCTAVE. -­‐ Raillez, raillez, nous ne vous craignons plus.<br />

MARIANNE. -­‐ Ou peut-­‐être que cet amour n'était encore qu'un pauvre enfant à la mamelle, et vous, comme une<br />

sage nourrice, en le menant à la lisière, vous l'aurez laissé tomber la tête la première en le promenant par la<br />

ville.<br />

OCTAVE. -­‐ La sage nourrice s'est contentée de lui faire boire d'un certain lait que la vôtre vous a versé sans<br />

doute, et généreusement ; vous en avez encore sur les lèvres une goutte qui se mêle à toutes vos paroles.<br />

MARIANNE. -­‐ Comment s'appelle ce lait merveilleux ?<br />

OCTAVE. -­‐ L'indifférence. Vous ne pouvez aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne,<br />

sans épines et sans parfum.<br />

MARIANNE. -­‐ Bien dit. Aviez-­‐vous préparé d'avance cette comparaison ? Si vous ne brûlez pas le brouillon de<br />

vos harangues, donnez-­‐le-­‐moi, de grâce, que je les apprenne à ma perruche.<br />

OCTAVE. -­‐ Qu'y trouvez-­‐vous qui puisse vous blesser ? Une eleur sans parfum n'en est pas moins belle ; bien au<br />

contraire, ce sont les plus belles que Dieu a faites ainsi ; et le jour où, comme une Galatée d'une nouvelle espèce,<br />

vous deviendrez de marbre au fond de quelque église, ce sera une charmante statue que vous ferez et qui ne<br />

laissera pas que de trouver quelque niche respectable dans un confessionnal.<br />

MARIANNE. -­‐ Mon cher cousin, est-­‐ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes? voyez un peu ce qui<br />

m'arrive : il est décrété par le sort que Coelio m'aime, ou qu'il croit m'aimer, lequel Coelio le dit à ses amis,<br />

lesquels amis décrètent à leur tour que, sous peine de mort, je serai sa maîtresse. La jeunesse napolitaine daigne<br />

m'envoyer en votre personne un digne représentant chargé de me faire savoir que j'ai à aimer ledit seigneur<br />

Coelio d'ici à une huitaine de jours. Pesez cela, je vous en prie. Si je me rends, que dira-­‐t-­‐on de moi ? N'est-­‐ce pas<br />

29


une femme bien abjecte que celle qui obéit à point nommé, à l'heure convenue, à une pareille proposition ? Ne<br />

va-­‐t-­‐on pas la déchirer à belles dents, la montrer au doigt et faire de son nom le refrain d'une chanson à boire ?<br />

Si elle refuse, au contraire, est-­‐il un monstre qui lui soit comparable ? Est-­‐il une statue plus froide qu'elle, et<br />

l'homme qui lui parle, qui ose l'arrêter en place publique son livre de messe à la main, n'a-­‐t-­‐il pas le droit de lui<br />

dire : vous êtes une rose du Bengale sans épines et sans parfum ?<br />

OCTAVE. -­‐ Cousine, cousine, ne vous fâchez pas.<br />

MARIANNE. -­‐ N'est-­‐ce pas une chose bien ridicule que l'honnêteté et la foi jurée ? que l'éducation d'une eille, la<br />

eierté d'un coeur qui s'est eiguré qu'il vaut quelque chose, et qu'avant de jeter au vent la poussière de sa eleur<br />

chérie, il faut que le calice en soit baigné de larmes, épanoui par quelques rayons de soleil, entre ouvert par une<br />

main délicate ? Tout cela n'est-­‐il pas un rêve, une bulle de savon qui, au premier soupir d'un cavalier à la mode,<br />

doit s'évaporer dans les airs ?<br />

OCTAVE. -­‐ Vous vous méprenez sur mon compte et sur celui de Coelio.<br />

MARIANNE. -­‐Qu'est-­‐ce après tout qu'une femme?<br />

L'occupation d'un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu'on porte à ses lèvres et qu'on<br />

jette par-­‐dessus son épaule. Une femme ! C'est une partie de plaisir ! Ne pourrait-­‐on pas dire, quand on en<br />

rencontre une : voilà une belle nuit qui passe ? Et ne serait-­‐ce pas un grand écolier en de telles matières que<br />

celui qui baisserait les yeux devant elle, qui se dirait tout bas :<br />

“ Voilà peut-­‐être le bonheur d'une vie entière ”, et qui la laisserait passer ?<br />

(Elle sort.)<br />

Quand vous serez bien vieille, au soir à la chandelle,<br />

Assise auprès du feu, dévidant et eilant,<br />

Direz chantant mes vers, en vous émerveillant :<br />

« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »<br />

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,<br />

Déjà sous le labeur à demi sommeillant,<br />

Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,<br />

Bénissant votre nom de louange immortelle.<br />

Je serai sous la terre, et fantôme sans os<br />

Par les ombres myrteux je prendrai mon repos ;<br />

Vous serez au foyer une vieille accroupie,<br />

Regrettant mon amour et votre eier dédain.<br />

Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain :<br />

Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.<br />

Ronsard (1524-­‐1585)<br />

Quand vous serez bien vieille…<br />

Alexandre Dumas Jils<br />

La Dame aux Camélias 1852<br />

ACTE 4 SCÈNE 6<br />

30


MARGUERITE, seule. -­‐ Tâchons d'être calme; il faut qu'il continue de croire ce qu'il croit. Aurai-­‐je la force de<br />

tenir la promesse que j'ai faite à son père? Mon Dieu, faites qu'il me méprise et me haïsse, puisque c'est le seul<br />

moyen d'empêcher un malheur. Le voici!<br />

MARGUERITE, ARMAND.<br />

ARMAND. -­‐ Vous m'avez fait demander, madame?<br />

MARGUERITE. -­‐ Oui, Armand, j'ai à vous parler.<br />

SCÈNE 7 [ACTE 4]<br />

ARMAND. -­‐ Parlez, je vous écoute. Vous allez vous disculper?<br />

MARGUERITE. -­‐. Non, Armand, il ne sera pas question de cela. Je vous supplierai même de ne plus revenir sur le<br />

passé.<br />

ARMAND. -­‐ Vous avez raison; il y a trop de honte pour vous.<br />

MARGUERITE. -­‐ Ne m'accablez pas, Armand. Écoutez-­‐moi sans haine, sans colère, sans mépris! Voyons,<br />

Armand, donnez-­‐moi votre main.<br />

ARMAND. -­‐ Jamais, madame! Si c'est la tout ce que vous avez à me dire...<br />

Il fait mine de se retirer.<br />

MARGUERITE. -­‐ Qui aurait cru que vous repousseriez un jour la main que je vous tendrais?<br />

Mais ce n'est pas de ce cela qu'il s'agit, Armand, il faut que vous repartiez<br />

ARMAND. -­‐ Que je reparte?<br />

MARGUERITE. -­‐ Oui! Que vous retourniez auprès de votre père, et cela tout de suite.<br />

ARMAND. -­‐ Et pourquoi, madame?<br />

MARGUERITE. -­‐ Parce que M. de Varville va vous provoquer, et que je ne veux pas qu'il arrive un malheur pour<br />

moi. Je veux être seule à souffrir.<br />

ARMAND. -­‐ Ainsi vous me conseillez de fuir une provocation. Vous me conseillez une lâcheté! Quel autre conseil,<br />

en effet, pourrait donner une femme comme vous?<br />

MARGUERITE. -­‐ Armand, je vous jure que, depuis un mois, j'ai tant souffert, que c'est à peine si j'ai la force de le<br />

dire; je sens bien le mal qui augmente et me brûle. Au nom de notre amour passé, au nom de ce que je souffrirai<br />

encore. Armand, au nom de votre mère et de votre soeur, fuyez-­‐moi, retournez auprès de votre père et oubliez<br />

jusqu'à mon nom, si vous pouvez.<br />

ARMAND. -­‐ Je comprends, madame : vous tremblez pour votre amant qui représente votre fortune. Je puis vous<br />

ruiner d'un coup de pistolet ou d'un coup d'épée. Ce serait là, en effet, un grand malheur.<br />

MARGUERITE. -­‐ Vous pouvez être tué, Armand, voilà le malheur véritable.<br />

31


ARMAND. -­‐ Que vous importe que je vive ou que je meure! Quand vous m'avez écrit: « Armand, oubliez-­‐moi, je<br />

suis la maîtresse d'un autre! » vous êtes-­‐vous souciée de ma vie? Si je ne suis pas mort, après cette lettre, c'est<br />

qu'il me restait à me venger. Ah! Vous avez cru que cela se passerait ainsi, que vous me briseriez le coeur, et que<br />

je ne m'en prendrais ni à vous ni à votre complice? Non, madame, non. Je suis revenu à Paris, c'est entre M. de<br />

Varville et moi une question de sang! Dussiez-­‐vous en mourir aussi, je le tuerai! je vous le jure.<br />

MARGUERITE. -­‐ M. de Varville est innocent de tout ce qui se passe.<br />

ARMAND. -­‐ Vous l'aimez, madame! C’est assez pour que je le haïsse.<br />

MARGUERITE. -­‐ Vous savez bien que je ne l'aime pas, que je ne puis aimer cet homme!<br />

ARMAND. -­‐ Alors, pourquoi vous êtes-­‐vous donnée à lui?<br />

MARGUERITE. -­‐ Ne me le demandez pas, Armand! Je ne puis vous le dire.<br />

ARMAND. -­‐ Je vais vous le dire, moi -­‐ vous vous êtes donnée à lui, parce que vous êtes une eille sans coeur et<br />

sans loyauté, parce que votre amour appartient à qui le paye, et que vous avez fait une marchandise de votre<br />

coeur; parce qu'en vous trouvant en face du sacrieice que vous alliez me faire, le courage vous a manqué, et que<br />

vos instincts ont repris le dessus; parce qu'enein cet homme qui vous dévouait sa vie, qui vous livrait son<br />

honneur, ne valait pas pour vous les chevaux de votre voiture et les diamants de votre cou.<br />

MARGUERITE. -­‐ Eh bien, oui, j'ai fait tout cela. Oui, je suis une infâme et misérable créature, qui ne t'aimait pas ;<br />

je t'ai trompé. Mais plus je suis infâme, moins tu dois te souvenir de moi, moins tu dois exposer pour moi ta vie<br />

et la vie de ceux qui t'aiment. Armand, à genoux, je t'en supplie, pars, quitte Paris et ne regarde pas en arrière.<br />

ARMAND. -­‐ Je le veux bien, mais à une condition.<br />

MARGUERITE. -­‐ Quelle qu'elle soit, je l'accepte.<br />

ARMAND. -­‐ Tu partiras avec moi.<br />

MARGUERITE, reculant. -­‐ Jamais!<br />

ARMAND. -­‐ Jamais!<br />

MARGUERITE -­‐ Oh! Mon Dieu! Donnez-­‐moi le courage.<br />

ARMAND, courant à la porte et revenant. -­‐ Écoute, Marguerite; je suis fou, j'ai la eièvre, mon sang brûle, mon<br />

cerveau, bout, je suis dans cet état de passion où l'homme est capable de tout, même d'une infamie. J'ai cru un<br />

moment que c'était la haine qui me poussait vers toi : c'était l'amour, amour invincible, irritant, haineux,<br />

augmenté de remords, de mépris et de honte, car je me méprise de le ressentir encore, après ce qui s'est passé.<br />

Eh bien, dis-­‐moi un mot de repentir, rejette ta faute sur le hasard, sur la fatalité, sur ta faiblesse, et j'oublie tout.<br />

Que m'importe cet homme? Je ne le hais que si tu l'aimes. Dis-­‐moi seulement que tu m'aimes encore, je te<br />

pardonnerai, Marguerite, nous fuirons Paris, c'est-­‐à-­‐dire le passé, nous irons au bout de la terre s'il le faut,<br />

jusqu'à ce que nous ne rencontrions plus un visage humain, et que nous soyons seuls dans le monde avec notre<br />

amour.<br />

MARGUERITE, épuisée. -­‐ Je donnerais ma vie pour une heure du bonheur que tu me proposes, mais ce bonheur<br />

est impossible.<br />

ARMAND. -­‐ Encore!<br />

32


MARGUERITE. -­‐ Un abîme nous sépare; nous serions trop malheureux ensemble... Nous ne pouvons plus nous<br />

aimer; pars, oublie-­‐moi, il le faut, je l'ai juré.<br />

ARMAND. -­‐ A qui?<br />

MARGUERITE. -­‐ A qui avait le droit de demander ce serment.<br />

ARMAND, dont la colère va croissant. -­‐ A Monsieur de Varville, n'est-­‐ce pas?<br />

MARGUERITE. -­‐ Oui.<br />

ARMAND, saisissant le bras de Marguerite. -­‐ A Monsieur de Varville que vous aimez; dites-­‐moi que vous l'aimez,<br />

et je pars.<br />

MARGUERITE. -­‐ Eh bien, oui, j'aime M. de Varville.<br />

ARMAND, la jette à terre et lève les deux mains sur elle, puis il se précipite vers la porte, et, voyant les invités. -­‐ qui<br />

sont dans l'autre salon, il crie.-­‐ Entrez tous!<br />

MARGUERITE. -­‐ Que faites-­‐vous?<br />

ARMAND. -­‐ Vous voyez cette femme? Savez-­‐vous ce qu'elle a fait? Elle a vendu tout ce qu'elle possédait pour<br />

vivre avec moi, tant elle m'aimait. Cela est beau, n'est-­‐ce pas? Savez-­‐vous ce que j'ai fait, moi? Je me suis conduit<br />

comme un misérable. J'ai accepté le sacrieice sans lui rien donner en échange. Mais il n'est pas trop tard, je me<br />

repens et je reviens pour réparer tout cela. Vous êtes tous témoins que je ne dois plus rien à cette femme.<br />

Il lui jette des billets de banque.<br />

MARGUERITE, poussant un cri et tombant à la renverse. -­‐ Ah!<br />

MARIUS, FANNY<br />

MARIUS<br />

C’est toi ?<br />

FANNY<br />

Oui, Tu attendais quelqu'un ?<br />

MARIUS<br />

Non, Qu'arrive-­‐t-­‐il ?<br />

Pagnol<br />

Marius 1929<br />

Acte 2 Sc 6<br />

FANNY<br />

Pas grand-­‐chose. Tout a l'heure, en fermant l’éventaire… J’avais laissé la clef sur le cadenas… je suis venue la<br />

chercher, voila tout.<br />

33


MARIUS<br />

Ah oui !... Et moi, tu vois, je fais mon petit travail avant de me coucher.<br />

FANNY<br />

J’ai vu de la lumière par la fente, j’ai frappé, voila!<br />

MARIUS<br />

Tu as bien fait.<br />

FANNY<br />

Et puis, je voulais te dire que j’ai suivi ton Conseil. J’ai refusé Panisse.<br />

MARIUS<br />

Quand ?<br />

FANNY<br />

Tout à l’heure, en partant, je suis allée chez lui toute seule. Il était dans la salle à manger, il lisait le journal avec<br />

ses grosses lunettes. Je lui ai dit que j'avais réeléchi et que je ne voulais pas.<br />

MARIUS<br />

Je ne sais pas si tu as raison…<br />

FANNY<br />

Comment ? C’est toi qui m’as conseillé de refuser.<br />

MARIUS<br />

Je trouve que tu es allée un peu vite... et moi, peut-­‐être j'aurais mieux fait de me taire...et de ne pas prendre une<br />

pareille responsabilité.<br />

FANNY<br />

Laquelle ?<br />

MARIUS<br />

De te faire manquer un beau parti.<br />

FANNY<br />

Oh ! Ne sois pas inquiet pour moi, ce ne sont pas les partis qui manquent...<br />

MARIUS<br />

Panisse, c’était bien tu sais… Enein, si tu le veux, tu peux encore le rattraper.<br />

FANNY<br />

Alors maintenant, c’est toi qui me conseilles de me vendre ?<br />

MARIUS<br />

Je veux te parler à propos de mariage. Je veux te parler comme un frère.<br />

FANNY<br />

Tu n’es pas mon frère.<br />

MARIUS<br />

Non, je le sais bien mais c’est presque...<br />

34


FANNY<br />

Non, ce n’est pas presque. Tu n'es pas mon frère…<br />

MARIUS<br />

En tout cas, je te considère comme ma soeur.<br />

FANNY<br />

Je ne veux pas être ta soeur.<br />

MARIUS<br />

Mais pourquoi ? (Fanny fond en larme, Marius s’approche d’elle très ému.) Fanny, qu’est-­‐ce que tu as ?<br />

FANNY<br />

C’est toi que j’aime c'est toi que je veux. (Il s'approche d'elle, il essaie de lui relever la tête.)<br />

Maintenant que tu me l'as fait dire, sois au moins assez poli pour ne pas me regarder. (Un temps.)<br />

Et toi, Marius, tu ne m'aimes pas ? (Il se tait.)<br />

Mais oui, tu m’aimes ! Je le sais ! J’en suis sûre ! Allons, parle, dis le moi.<br />

MARIUS<br />

Je te l’ai déjà dit, Fanny. Je ne peux pas me marier<br />

FANNY<br />

Pourquoi ! Parce que tu as une maîtresse? Tu pourrais bien me l'avouer. Pour un garçon, ce n’est pas un crime !<br />

Oh! Va, j’ai déjà demandé à la eille du café de la Régence !<br />

MARIUS<br />

Qu'est-­‐ce que tu lui as demandé ?<br />

FANNY<br />

Si elle était ta bonne amie. Elle m’a juré. Qu'elle ne te connaît pas, et elle se marie la .semaine prochaine.<br />

MARIUS<br />

Mais que va-­‐t-­‐elle penser de toi ?<br />

FANNY, se lève,<br />

Oh ! Ce qu'elle voudra. Et, maintenant, je vais surveiller le jour et la nuit, et je einirai bien par savoir qui c’est !<br />

MARIUS<br />

Mais ce n'est personne<br />

FANNY<br />

Allons donc ! Tu m’aimes, mais il y a dans ta vie une femme qui te tient d’une façon ou d'une autre… Tu lui as<br />

peut-­‐être donné un enfant…. Réponds : tu as un enfant ?<br />

MARIUS<br />

Mais non, je le le jure !<br />

FANNY<br />

Ou alors, c'est quelque vilaine femme des vieux quartiers et tu as peur d’elle? Peut-­‐être, tu as peur qu’elle se<br />

venge de moi ? Dis-­‐moi que c'est ça Marius?<br />

35


MARIUS<br />

Mais non, ce n'est pas ça ! Ne cherche pas, Fanny, tu ne peux pas trouver !<br />

FANNY<br />

Tu ne veux pas répondre, c’est que tu l’aimes ! Tu l’aimes ! Elle est donc bien belle, celle-­‐là?<br />

MARIUS<br />

Fanny, ma petite Fanny, je te jure qu’il n'y à pas de femme dans ma vie.<br />

FANNY<br />

Alors, c'est simplement parce que tu ne veux pas de moi. Pourquoi ? C'est à cause de ma tante Zoé que tu as<br />

honte de n’épouser ?<br />

MARIUS<br />

Si je me mariais, Ce serait avec toi. Ne me pose plus de questions, tu sauras tout dans quelques jours. Mais<br />

maintenant, va-­‐t’en, Fanny…<br />

FANNY<br />

Non, non, je ne m’en vais pas. Je veux savoir. Je veux que tu me dises que je ne suis pas assez jolie, ou pas assez<br />

riche, ou alors, que tu me donnes une raison! Enein, on ne fait pas pleurer les gens comme ça! Marius, dis-­‐moi<br />

ton secret !<br />

MARIUS<br />

Si je te le disais, tu ne comprendrais pas, et peut-­‐être, tu me trahirais !<br />

FANNY<br />

Moi, te trahir ? (Dans un sanglot.) Marius !<br />

MARIUS<br />

Tu le répèterais parce que tu croirais que c'est pour mon bien.<br />

FANNY<br />

Dis-­‐le-­‐moi, et je te jure devant Dieu que personne ne le saura jamais! Dis-­‐le-­‐moi, Marius....<br />

MARIUS<br />

J’ai coneiance en toi, je vais te le dire. Je veux partir.<br />

FANNY<br />

Partir ? Pour aller où ?<br />

MARIUS<br />

N’importe où, mais très loin. Partir.<br />

FANNY<br />

Pourquoi ? Est-­‐ce que ton père te rend malheureux ?<br />

MARIUS<br />

Oh non. Mon père a son, caractère, mais il m'aime bien, et j’aurai de la peine à le quitter.<br />

FANNY<br />

Alors, qui t’oblige à partir ?<br />

36


MARIUS<br />

Rien. Une envie.<br />

FANNY<br />

Tu ne veux pas m'emmener avec toi ?<br />

MARIUS<br />

Je ne peux pas t’emmener.<br />

FANNY<br />

C’est sur les bateaux que tu veux aller ? C'est Piquoiseau qui t’a monté la tête ?<br />

MARIUS<br />

Non, Piquoiseau n'y est pour rien... Il me suit partout, parce que nous avons la même folie, mais il y a longtemps<br />

que cette envie m’a pris… Un jour, devant le bar, un voilier s'est amarré… C’était un trois-­‐mâts franc qui<br />

apportait du bois des Antilles, du bois noir dehors et doré dedans, qui sentait le camphre et le poivre. Il arrivait<br />

d’un archipel qui s'appelait les îles Sous-­‐le-­‐Vent.... J'ai bavardé avec les hommes de l’équipage quand ils venaient<br />

s'asseoir ici ils m'ont parlé de leur pays, ils m'ont fait boire du rhum de là-­‐bas, du rhum qui était très doux et<br />

très poivré et puis un soir, ils sont partis. Je suis allé sur la jetée, j'ai regardé le beau trois-­‐mâts qui sen allait... Il<br />

est parti contre le soleil, il est allé aux îles Sous-­‐le-­‐Vent... Et c'est ce jour-­‐là que ca m’a pris.<br />

FANNY<br />

Marius, dis-­‐moi la vérité : il y avait une femme sur ce bateau, et c'est elle que tu veux revoir ?<br />

MARIUS<br />

Mais non ! Tu vois, tu ne peux pas comprendre.<br />

FANNY<br />

Alors ce sont ces îles que tu veux connaître ?<br />

MARIUS<br />

Les îles Sous-­‐le-­‐Vent ? J'aimerais mieux ne jamais y aller pour qu'elles restent comme je les ai faites. Mais j'ai<br />

envie d’ailleurs, voilà ce qu’il faut dire. C'est une chose bête, une idée qui ne s'explique pas. J'ai envie d'ailleurs.<br />

FANNY<br />

Et c'est pour cette envie que tu veux me quitter ?<br />

MARIUS<br />

Oui.<br />

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