Bulletin Bibliographique de la Société Internationale Arthurienne
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22 e CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ<br />
INTERNATIONALE ARTHURIENNE,<br />
22 nd CONGRESS OF THE<br />
INTERNATIONAL ARTHURIAN SOCIETY<br />
Rennes 2008<br />
Actes Proceedings<br />
Réunis et publiés en ligne par<br />
Denis Hüe, Anne De<strong>la</strong>maire et Christine Fer<strong>la</strong>mpin-Acher<br />
POUR CITER CET ARTICLE, RENVOYER À L’ADRESSE DU SITE :<br />
HTTP://WWW.UHB.FR/ALC/IAS/ACTES/INDEX.HTM<br />
SUIVIE DE LA RÉFÉRENCE (JOUR, SESSION)
Traversée du <strong>Bulletin</strong> <strong>Bibliographique</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong><br />
<strong>Internationale</strong> <strong>Arthurienne</strong><br />
autour <strong>de</strong> Jean Frappier 1949-2006<br />
Les informations présentées ici ont été fournies exclusivement par<br />
<strong>la</strong> consultation et l’analyse <strong>de</strong>s 58 numéros parus du <strong>Bulletin</strong><br />
<strong>Bibliographique</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Internationale</strong> <strong>Arthurienne</strong> (B.B.S.I.A.). Notre<br />
intention est d’observer ce qui ressort <strong>de</strong> cette matière chronologique, prise<br />
pour elle-même, considérée <strong>de</strong> façon autonome. Il est évi<strong>de</strong>nt, cependant,<br />
que le BBSIA représente tout un processus <strong>de</strong> production, qu’il reflète une<br />
communauté <strong>de</strong> penseurs et <strong>de</strong> pensées, <strong>de</strong>s époques, <strong>de</strong>s événements<br />
historiques, scientifiques, artistiques… et qu’il n’est pas uniquement<br />
réductible à son expression finie et matérielle que sont les volumes publiés<br />
chaque année.<br />
Mais nous avons choisi cette approche, afin <strong>de</strong> constater les traces<br />
<strong>la</strong>issées par <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Internationale</strong> <strong>Arthurienne</strong> (S.I.A.) à travers son<br />
bulletin, afin <strong>de</strong> dresser un bi<strong>la</strong>n – loin d’être exhaustif. Afin <strong>de</strong> retourner<br />
aux sources aussi, pour voir dans quel esprit s’est fondée cette S.I.A.,<br />
notamment autour <strong>de</strong> <strong>la</strong> figure <strong>de</strong> l’un <strong>de</strong> ses membres fondateurs, Jean<br />
Frappier, à travers les traces <strong>la</strong>issées par lui dans le bulletin.<br />
Brève origine <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.I.A.<br />
Si le <strong>de</strong>uxième Congrès International Arthurien, qui eut lieu à<br />
Quimper, en 1948, permet d’enclencher un processus concret <strong>de</strong><br />
communauté <strong>de</strong> recherche parmi certains médiévistes, le mouvement<br />
s’enracine en amont. En effet, le premier signe <strong>de</strong> ce mouvement, le<br />
premier Congrès eut lieu en août 1930, à Truro, sous l’impulsion <strong>de</strong> Eugène<br />
Vinaver. 1<br />
1 Un compte rendu en sera donné, en 1973, dans le BBSIA n° 25, avec les témoignages lointains <strong>de</strong><br />
J. Frappier et E. Vinaver, pour combler cette <strong>la</strong>cune.<br />
POUR CITER CET ARTICLE, RENVOYER À L’ADRESSE DU SITE :<br />
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SUIVIE DE LA RÉFÉRENCE (JOUR, SESSION)
ACTES DU 22 e CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE ARTHURIENNE, RENNES, 2008<br />
PROCEEDINGS OF THE 22 nd CONGRESS OF THE INTERNATIONAL ARTHURIAN SOCIETY, 2008<br />
Il faudra donc attendre 18 ans et que passe <strong>la</strong> Secon<strong>de</strong> Guerre<br />
mondiale pour que soient ravivées (durablement !) les premières intentions<br />
<strong>de</strong>s chercheurs arthuriens en particulier grâce au travail et à l’énergie <strong>de</strong><br />
Jean Frappier, à <strong>la</strong> tête <strong>de</strong> <strong>la</strong> Prési<strong>de</strong>nce <strong>Internationale</strong> jusqu’en 1966. 2<br />
Les statuts <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.I.A., établis par lui, ne seront d’ailleurs publiés<br />
que tardivement, en 1975, en même temps que l’éloge funèbre <strong>de</strong> Jean<br />
Frappier 3, comme pour rappeler le lien étroit qui les relie l’un à l’autre…<br />
En 1949, le premier numéro du BBSIA présente un compte rendu,<br />
rédigé par J. Frappier, du <strong>de</strong>uxième Congrès International Arthurien. Ce<br />
compte rendu met en avant un double constat important, suivi<br />
conséquemment <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux résolutions fondatrices :<br />
1- L’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature arthurienne et <strong>de</strong> <strong>la</strong> matière <strong>de</strong> Bretagne<br />
a pris une ampleur remarquable.<br />
Il est donc nécessaire qu’elle <strong>de</strong>vienne une « discipline<br />
indépendante ». 4<br />
2- Cette étu<strong>de</strong> concerne <strong>de</strong>s chercheurs du mon<strong>de</strong> entier.<br />
Il est donc nécessaire <strong>de</strong> relier et <strong>de</strong> « coordonner les efforts <strong>de</strong>s<br />
arthurisants 5 sur un p<strong>la</strong>n international ».<br />
Naissance du BBSIA<br />
La conséquence directe et matérielle <strong>de</strong> ce double constat est <strong>la</strong><br />
création du <strong>Bulletin</strong> <strong>Bibliographique</strong> <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Internationale</strong> <strong>Arthurienne</strong> qui se<br />
veut être le recensement annuel et exhaustif <strong>de</strong>s publications mondiales sur<br />
<strong>la</strong> matière <strong>de</strong> Bretagne.<br />
J. Frappier rédige une note d’intention à ce sujet dans le BBSIA<br />
n° 1, où il spécifie, notamment, que le recensement ne doit concerner que<br />
2 Même s’il est évi<strong>de</strong>nt qu’il n’a pas été le seul à prendre en charge toute <strong>la</strong> création et l’é<strong>la</strong>boration <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
S.I.A., c’est le nom unique <strong>de</strong> Jean Frappier qui signe les premiers documents, les premières traces<br />
fondatrices recueillies dans le BBSIA. Et nous fondons nos analyses sur ces traces.<br />
3 Rédigé par Ch. Foulon, BBSIA n° 27, 1975.<br />
4 Jean Frappier utilise d’ailleurs ici l’adjectif « indépendante », ce qui montre bien que le lien avec les<br />
étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> littérature médiévale en général est conservé et essentiel, car l’ « in-dépendance » se fon<strong>de</strong><br />
toujours par rapport à (contrairement à l’« autonomie »).<br />
5 Il est intéressant <strong>de</strong> noter qu’à l’époque, on parle d’ « arthurisants » et non d’ « arthuriens » comme<br />
aujourd’hui, calqué sur un adjectif à <strong>la</strong> forme plus légère, il est vrai, et plus proche <strong>de</strong> l’ang<strong>la</strong>is également.<br />
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les ouvrages intéressant « directement 6 <strong>la</strong> matière <strong>de</strong> Bretagne », et que ne<br />
seront pas prises en compte les « étu<strong>de</strong>s sur <strong>la</strong> tradition arthurienne<br />
postérieures au XVI e siècle » 7.<br />
D’autre part, il entend <strong>la</strong>isser « résolument <strong>de</strong> côté les œuvres d’un<br />
caractère purement popu<strong>la</strong>ire ou fantaisiste »… Qu’entend-il exactement<br />
par-là ? J. Frappier reste vague dans les termes qu’il emploie. Toujours est-il<br />
que ce<strong>la</strong> induit une conception <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature arthurienne cantonnée au<br />
seul Moyen Âge et aux seuls textes médiévaux. Ne sont donc pas prises en<br />
compte les réécritures tardives ni les réappropriations mo<strong>de</strong>rnes <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
matière <strong>de</strong> Bretagne : vision qui apparaît aujourd’hui limitée, selon nos<br />
critères actuels. Mais à cette époque, l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s œuvres « popu<strong>la</strong>ires » ou<br />
« fantaisistes », <strong>la</strong> littérature <strong>de</strong> jeunesse, le roman policier, <strong>la</strong> science-fiction<br />
ne sont pas encore vraiment admis dans le champ littéraire <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche<br />
universitaire 8. Et puis, il y a encore tant à faire pour accé<strong>de</strong>r aux textes<br />
mêmes que le temps n’est pas à l’étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s produits dérivés <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature<br />
arthurienne.<br />
Pourtant, malgré cette volonté <strong>de</strong> rigueur affichée dès le départ<br />
dans le choix <strong>de</strong>s sujets, certaines étu<strong>de</strong>s sur l’amour courtois, ou le mon<strong>de</strong><br />
celtique, par exemple, se trouvent référencées dès les premiers numéros. 9<br />
Où est <strong>la</strong> limite <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature arthurienne et comment <strong>la</strong> fixer ?<br />
Même s’il éprouve le besoin <strong>de</strong> poser <strong>de</strong>s cadres fermes au départ,<br />
J. Frappier, ainsi que tous ceux qui travaillent avec lui à mettre en p<strong>la</strong>ce le<br />
BBSIA et <strong>la</strong> SIA, sentent bien que les frontières ne sont pas étanches au<br />
sein <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature médiévale et que <strong>la</strong> littérature arthurienne n’est pas<br />
facilement autonomisable. On ne peut pas totalement couper le domaine<br />
arthurien du domaine courtois, épique, théologique, etc. La littérature<br />
médiévale est faite d’interférences constantes : on en trouve une preuve<br />
jusque dans l’organisation <strong>de</strong> ce bulletin !<br />
6 Ce n’est pas moi qui souligne.<br />
7 BBSIA n° 1, p. 9.<br />
8 Il faudra attendre les années 1960 et les étu<strong>de</strong>s structuralistes pour que ces « mauvais genres »<br />
commencent à susciter l’intérêt universitaire. Voir par exemple le numéro 8 <strong>de</strong> <strong>la</strong> revue Communications<br />
(« L’analyse structurale du récit », 1966) avec l’article d’Umberto Eco : « James Bond : une combinaison<br />
narrative ».<br />
9 Notamment l’ouvrage <strong>de</strong> Bezzo<strong>la</strong> : Les origines et <strong>la</strong> formation <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature courtoise (500-1200), le résumé<br />
qui suit reconnaît qu’il ne s’agit pas là du domaine arthurien mais prône, dans le même temps, l’intérêt<br />
<strong>de</strong> ce livre et donc l’intérêt <strong>de</strong> le mentionner dans le BBSIA… !<br />
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L’utopie du « compagnonnage »<br />
La volonté affichée par J. Frappier, telle qu’on peut <strong>la</strong> lire dans<br />
divers numéros du BBSIA, <strong>la</strong>isse apparaître une certaine utopie du<br />
compagnonnage. Le terme d’« utopie » n’étant pas pris ici dans un sens<br />
péjoratif mais comme ce qui gui<strong>de</strong> les intentions et mobilise les énergies, un<br />
but à atteindre, dont on sait qu’il ne pourra jamais l’être totalement. Il s’agit<br />
là encore d’un constat tiré <strong>de</strong>s traces écrites signées par J. Frappier. Le<br />
terme <strong>de</strong> « compagnonnage », quant à lui, se trouve souvent employé par<br />
J. Frappier, E. Vinaver, et d’autres membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.I.A.<br />
De tous ses discours, notes d’intention et compte rendus, il ressort<br />
à chaque fois cette volonté première, acharnée et persistante <strong>de</strong> toucher le<br />
mon<strong>de</strong> entier, <strong>de</strong> créer une communauté <strong>la</strong> plus <strong>la</strong>rge possible <strong>de</strong><br />
chercheurs, une communauté faite <strong>de</strong> liens actifs et <strong>de</strong> partage<br />
d’informations. Nous nous arrêterons sur quelques exemples traduisant<br />
cette volonté <strong>de</strong> créer une communauté mondiale.<br />
Dans le BBSIA n° 1, à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong> sa note introductive sur les<br />
intentions du BBSIA, J. Frappier écrit :<br />
« À notre grand regret, plusieurs pays […] ne sont pas<br />
représentés dans ce bulletin, mais nous avons le ferme espoir<br />
que les prochains numéros nous permettront <strong>de</strong> compenser<br />
cette absence. » 10<br />
Dans le bulletin n°2, en 1950, il écrit :<br />
« L’an passé, il ne nous avait pas été possible <strong>de</strong> publier<br />
une bibliographie alleman<strong>de</strong>. Cette grave <strong>la</strong>cune est<br />
maintenant comblée. Nous enregistrons ce résultat avec<br />
une profon<strong>de</strong> satisfaction. » 11<br />
Au-<strong>de</strong>là d’un style un peu emphatique, nous sentons toute l’énergie<br />
d’une construction à ses débuts, construction qu’il faut travailler à<br />
consoli<strong>de</strong>r sans cesse. Remettons-nous également dans le contexte d’aprèsguerre<br />
(conflit mondial), avec cette nécessité d’entretenir rapi<strong>de</strong>ment d’autres<br />
rapports avec l’Allemagne.<br />
Y a-t-il <strong>de</strong>rrière cette démarche une volonté plus générale <strong>de</strong> paix,<br />
dans un contexte d’après-guerre et <strong>de</strong> guerre froi<strong>de</strong> ? Sans doute. Le<br />
10 BBSIA n° 1, p. 10.<br />
11 BBSIA n° 2, p.6.<br />
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vocabu<strong>la</strong>ire employé par J. Frappier est, en tous cas, propice à une double<br />
lecture.<br />
En véritable stratège géo-politique, J. Frappier annonce ensuite<br />
l’entrée prochaine <strong>de</strong> l’Italie, déplore l’absence <strong>de</strong> correspondants en Suisse<br />
et dans les pays scandinaves, annonce <strong>de</strong>s projets <strong>de</strong> « liaisons » « à établir »<br />
avec les pays hispanophones…<br />
Enfin, il affirme qu’il est résolu à « tenter <strong>de</strong> mettre fin à <strong>la</strong> réserve<br />
paradoxale » du Pays <strong>de</strong> Galles et <strong>de</strong> l’Ir<strong>la</strong>n<strong>de</strong>, pays celtiques par excellence,<br />
non encore représentés dans le BBSIA.<br />
Il conclut sur ces mots, bien significatifs : « Faut-il rappeler que<br />
nous ne sommes pas exclusifs et que <strong>la</strong> Table ron<strong>de</strong> était ouverte à tous les<br />
chevaliers <strong>de</strong> <strong>la</strong> terre ? »<br />
Cette expansion d’une communauté <strong>de</strong> chercheurs sera poursuivie<br />
et répertoriée au fil <strong>de</strong>s bulletins. Un changement notable apparaît d’ailleurs,<br />
dès le <strong>de</strong>uxième numéro, qui reflète cette volonté : <strong>la</strong> liste <strong>de</strong>s membres<br />
auparavant organisée selon les sections nationales se fon<strong>de</strong> en une seule et<br />
même liste alphabétique.<br />
Dans le BBSIA n° 3, en 1951, J. Frappier félicite <strong>la</strong> S.I.A. <strong>de</strong> sa<br />
« progression constante <strong>de</strong>puis trois ans, du nombre <strong>de</strong> [ses] adhérents et<br />
[<strong>de</strong>] <strong>la</strong> création <strong>de</strong> nouvelles sections nationales ». Il insiste surtout sur le<br />
fait que « ce résultat a été obtenu par un effort collectif ». Il ajoute : « Je ne<br />
saurai trop remercier ceux qui ont col<strong>la</strong>boré à l’entreprise commune et ont<br />
si bien compris <strong>la</strong> possibilité et l’intérêt d’un travail d’équipe établi sur un<br />
p<strong>la</strong>n international ».<br />
Le BBSIA n° 4 est encore introduit par une note <strong>de</strong> J. Frappier 12,<br />
toujours dans cette <strong>la</strong>ncée communautaire et progressiste : « De plus en plus,<br />
nous nous efforçons <strong>de</strong> remplir le <strong>de</strong>voir scientifique d’information qui est<br />
notre but essentiel. » Il exprime une fois <strong>de</strong> plus sa « gratitu<strong>de</strong> à tous les<br />
artisans <strong>de</strong> l’œuvre commune ».<br />
On voit, à travers les quatre notes introductives <strong>de</strong>s quatre<br />
premiers numéros du BBSIA, à quel point l’effort <strong>de</strong> tous est soutenu et<br />
encouragé. Ce n’est pas rien <strong>de</strong> mettre au point une telle organisation, <strong>de</strong> lui<br />
donner <strong>de</strong> l’ampleur et <strong>de</strong> lui assurer une viabilité.<br />
12 Mais pour <strong>la</strong> <strong>de</strong>rnière fois, car J. Frappier n’introduira pas les numéros suivants qui pourront, en<br />
quelque sorte, voler <strong>de</strong> leurs propres ailes, l’impulsion étant donnée…<br />
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Plus tard, lors <strong>de</strong> son allocution inaugurale du 4 e Congrès<br />
International qui eut lieu à Rennes, en 1954, J. Frappier insistera encore sur<br />
l’occasion qui se présente alors <strong>de</strong> « resserrer [le] compagnonnage<br />
intellectuel et moral ». Se trouve ici explicitement convoquée une valeur<br />
jusque là plutôt sous-entendue : <strong>la</strong> valeur morale <strong>de</strong> cette entreprise<br />
commune qu’est <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Internationale</strong> <strong>Arthurienne</strong> qu’il définit plus loin<br />
comme un « humanisme arthurien ».<br />
Puis, il ajoute : « Notre effort commun n’est pas terminé […], nos<br />
ambitions visent en principe à une conquête fraternelle <strong>de</strong> toute <strong>la</strong> terre ».<br />
« Le symbole <strong>de</strong> <strong>la</strong> Table ron<strong>de</strong>, quelle qu’ait pu être son origine, tendait à<br />
l’universel » 13.<br />
Tous ces discours exprimant <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> construire une<br />
communauté <strong>de</strong> chercheurs mondiale, ainsi que le souci moral<br />
qui va avec, visent donc à renforcer et à assurer un é<strong>la</strong>n, une<br />
viabilité à cette S.I.A alors toute jeune.<br />
Une viabilité qui n’al<strong>la</strong>it pas <strong>de</strong> soi, comme on en retrouve <strong>de</strong>s<br />
traces notamment dans le discours prononcé par J. Frappier lors du 8 e<br />
Congrès International <strong>de</strong> Caen, en 1966. Ce discours est l’occasion d’un<br />
bi<strong>la</strong>n, au moment où, après 18 années <strong>de</strong> mandat, J. Frappier annonce son<br />
intention <strong>de</strong> renoncer à <strong>la</strong> prési<strong>de</strong>nce internationale :<br />
« Nous avons eu <strong>de</strong> sérieuses difficultés à surmonter. Nous<br />
avons parfois rencontré du scepticisme, essuyé <strong>de</strong>s ironies. 14 Il<br />
n’importe : aujourd’hui, voilà déjà longtemps que <strong>la</strong> S.I.A. a<br />
pris sa vitesse <strong>de</strong> croisière[…]. Chaque année, et <strong>de</strong> congrès en<br />
congrès […], le nombre <strong>de</strong> nos adhérents n’a cessé <strong>de</strong> croître.<br />
Le cercle <strong>de</strong> <strong>la</strong> gran<strong>de</strong> famille arthurienne s’est toujours<br />
é<strong>la</strong>rgi. » 15<br />
Quelques chiffres sur l’enracinement et l’expansion <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
S.I.A et du BBSIA<br />
Afin <strong>de</strong> voir concrètement l’évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.I.A., et l’ampleur<br />
prise par son outil essentiel qu’est le BBSIA, voici quelques chiffres :<br />
13 BBSIA n° 6, 1954, pp. 92-93.<br />
14 Je n’ai pas trouvé, au sein du BBSIA <strong>de</strong> mentions plus précises <strong>de</strong> toutes ces « difficultés » traversées.<br />
15 Discours publié dans le BBSIA n° 18, 1966, pp. 160-161.<br />
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1- Concernant l’expansion à travers le mon<strong>de</strong>, nous pouvons constater<br />
que les pays présents dans le BBSIA n° 1 sont au nombre <strong>de</strong> six :<br />
USA/Canada ; France/Belgique ; Gran<strong>de</strong>-Bretagne ; et Hol<strong>la</strong>n<strong>de</strong>.<br />
Dès le n° 3, 11 pays seront présents et ce<strong>la</strong> ne cessera d’augmenter<br />
au fil <strong>de</strong>s premiers numéros. La Turquie apparaît dans le BBSIA n°5 ; puis<br />
un peu plus tard dans le n° 11, le Brésil, <strong>la</strong> Pologne. Encore plus tard,<br />
l'URSS dans le n° 35, en 1983, le Japon, etc.<br />
2- Conjointement, le nombre <strong>de</strong>s membres <strong>de</strong> <strong>la</strong> S.I.A. ne cesse<br />
d’augmenter :<br />
Le BBSIA n° 1 compte 92 membres : 59 pour <strong>la</strong> section américaine<br />
et 33 pour <strong>la</strong> section française (dont 10 bretons).<br />
Le BBSIA n° 2 recense 164 membres<br />
Le BBSIA n° 4 : 251<br />
Le BBSIA n° 6 : 300<br />
Le BBSIA n° 11 (1959) : 358<br />
Le BBSIA n° 18 (1966) : + <strong>de</strong> 800 !<br />
Le BBSIA n° 33 (1981) : 1550<br />
BBSIA n° 55 (2003) : 3000<br />
3- Concernant le volume <strong>de</strong>s publications :<br />
Le BBSIA n° 1 compte 71 pages et recense <strong>la</strong> production <strong>de</strong> 10<br />
années : 1939-1948. 16<br />
Le BBSIA n° 2 compte 113 pages.<br />
BBSIA n° 11 (10 ans plus tard) compte 158 pages.<br />
On note une stabilité <strong>de</strong>s numéros 2 à 17 (pendant les années où<br />
J. Frappier est Prési<strong>de</strong>nt International), avec une moyenne <strong>de</strong> 144 pages.<br />
Ensuite, l’épaisseur ne cesse d’augmenter :<br />
Le BBSIA n° 18 (1966) franchit <strong>la</strong>rgement le cap <strong>de</strong>s 200 pages,<br />
avec 240 pages.<br />
Le BBSIA n° 24 (1972) franchira le cap <strong>de</strong>s 300 pages.<br />
BBSIA n° 31 (1979) franchira le cap <strong>de</strong>s 400 pages.<br />
16 Il faut évi<strong>de</strong>mment prendre en compte les années <strong>de</strong> guerre au milieu ces dix ans.<br />
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BBSIA n° 43 (1991) atteint les 500 pages.<br />
Plus récemment, en 2003, le BBSIA n° 55 culmine avec 608 pages.<br />
Enfin, on constate que le <strong>de</strong>rnier volume, en 2006 est 7,5 fois plus<br />
gros que le premier… !<br />
Tous ces chiffres nous permettent <strong>de</strong> voir que, en presque soixante<br />
ans, les efforts entamés et menés avec ténacité par J. Frappier et les autres<br />
membres fondateurs <strong>de</strong> <strong>la</strong> SIA (Eugène Vinaver, Roger Sherman Loomis<br />
ou encore Charles foulon, Pierre Le Gentil, Alexandre Micha, qui ont fait<br />
partie du Comité Central pendant 18 ans, pour ne citer qu’eux), et re<strong>la</strong>yés<br />
au fur et à mesure par tous les autres membres, ont porté leurs fruits,<br />
quantitativement par<strong>la</strong>nt.<br />
Le BBSIA, une mémoire<br />
La S.I.A. est une belle entreprise humaniste. Le BBSIA, qui en est<br />
l’expression concrète, est un outil extrêmement pratique, exhaustif et<br />
recouvre <strong>de</strong> nombreux pays à travers le mon<strong>de</strong>. En ce sens, <strong>la</strong> numérisation<br />
<strong>de</strong> tous les volumes du BBSIA entreprise par le <strong>la</strong>boratoire du CELAM <strong>de</strong><br />
l’Université Rennes 2, rendant facilement accessible toutes les informations<br />
contenues dans le BBSIA, s’inscrit en droite ligne <strong>de</strong> cette volonté <strong>de</strong><br />
partage universel <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche et <strong>de</strong> « <strong>de</strong>voir scientifique d’information »<br />
prônée par J. Frappier.<br />
Nous avons pu constater l’ampleur prise par ce bulletin annuel.<br />
Une ampleur qui ne cesse <strong>de</strong> croître et ce d’autant plus que les champs <strong>de</strong><br />
recherche, dans le domaine arthurien ont évolué <strong>de</strong>puis soixante ans. Ces<br />
<strong>de</strong>rnières années surtout, les étu<strong>de</strong>s sur les films, jeux vidéos, jeux <strong>de</strong><br />
société et autres supports déviés ou dérivés <strong>de</strong> <strong>la</strong> littérature arthurienne<br />
fleurissent dans le BBSIA 17.<br />
L’intention <strong>de</strong> départ <strong>de</strong> J. Frappier s’est assouplie par <strong>la</strong> force <strong>de</strong>s<br />
choses, suivant l’évolution <strong>de</strong>s mentalités, <strong>de</strong>s domaines artistiques et<br />
suivant l’avancée <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche arthurienne. Le BBSIA ne recensera pas<br />
« les œuvres d’un caractère purement popu<strong>la</strong>ire ou fantaisiste », était-il<br />
décidé en 1949…<br />
17 Le nombre <strong>de</strong> références à l’entrée « films » dans l’in<strong>de</strong>x, par exemple, augmente à <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 80<br />
(avec le fameux Perceval le gallois d’Éric Rohmer) ; 1999 : 2 références ; 1998 : 7 références ; en 2000 : 22<br />
références ; en 2003 : 25 références…<br />
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Si l’on regar<strong>de</strong> où en est cette recherche aujourd’hui, on peut se<br />
<strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si c’est <strong>la</strong> « matière <strong>de</strong> Bretagne » qui s’étend, sous <strong>la</strong> force <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />
vitalité qui est <strong>la</strong> sienne <strong>de</strong>puis <strong>de</strong>s siècles, ou bien si c’est notre définition<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> « matière <strong>de</strong> Bretagne » qui s’é<strong>la</strong>rgit au fil <strong>de</strong>s années ? Il faudrait alors<br />
peut-être redéfinir ce concept, réactualiser les objectifs du BBSIA – ce qui<br />
n’a pas été fait <strong>de</strong>puis sa création, semble-t-il. 18<br />
Pour finir, nous aimerions revenir sur <strong>la</strong> fonction <strong>de</strong> « trace » qui<br />
est celle <strong>de</strong> ce BBSIA. Ce n’est pas seulement un outil d’information et <strong>de</strong><br />
recherche, mais aussi une mémoire, un témoin du caractère vivant et<br />
humain <strong>de</strong> toute cette recherche. Les nécrologies, en particulier, sont autant<br />
<strong>de</strong> traces <strong>de</strong> ces générations <strong>de</strong> chercheurs qui passent, reflètent et<br />
influencent leurs époques ; par exemples tous ces chercheurs nés à <strong>la</strong> fin du<br />
XIX e siècle qui meurt à partir <strong>de</strong>s années 60 (Mario Roques, Roger Sherman<br />
Loomis, Eugénie Droz, Eugène Vinaver, etc.).<br />
Considérons Elspeth Kennedy dont le nom surgit dans les BBSIA<br />
<strong>de</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 50, et que l’on suit jusqu’au <strong>de</strong>rnier numéro paru, en<br />
2006, avec sa nécrologie accompagnée d’une photographie en noir et b<strong>la</strong>nc,<br />
illustrant <strong>la</strong> femme qu’elle était, au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s lignes écrites 19 : toute une vie<br />
d’étu<strong>de</strong> recueillie au sein du BBSIA. Il est touchant <strong>de</strong> voir <strong>de</strong>s vies entières<br />
<strong>de</strong> chercheurs contenues dans ces volumes a priori un peu austères à lire.<br />
Cette vivante matière <strong>de</strong> Bretagne a donc donné naissance à une<br />
entreprise vivante elle aussi : <strong>la</strong> <strong>Société</strong> <strong>Internationale</strong> <strong>Arthurienne</strong>, dont le<br />
BBSIA est l’une <strong>de</strong>s mémoires.<br />
Pour finir, nous citerons les paroles prononcées par Wilhelm<br />
Kellermann, lors <strong>de</strong> son discours pour le 10 e Congrès International <strong>de</strong><br />
Nantes, en 1972, qui exprime bien <strong>la</strong> fonction mémorielle <strong>de</strong> <strong>la</strong> SIA et <strong>la</strong><br />
volonté <strong>de</strong> voir <strong>la</strong> littérature médiévale comme un « héritage vivant » :<br />
« Certes, à une époque technique comme <strong>la</strong> nôtre, l’utilité<br />
directe <strong>de</strong> nos étu<strong>de</strong>s ne semble pas gran<strong>de</strong>. Nous n’é<strong>la</strong>borons<br />
18 En ce sens, <strong>la</strong> question <strong>de</strong> l’in<strong>de</strong>x est intéressante, car l’in<strong>de</strong>x reflète et synthétise parfaitement cette<br />
tendance à l’expansion <strong>de</strong> <strong>la</strong> matière <strong>de</strong> Bretagne. Ainsi, en 1955, nous avons 3 pages d’in<strong>de</strong>x ; en 1965 :<br />
3 pages également ; en 1975 : 6 pages ; en 1987 : 36 pages… Et puis, il n’y a pas <strong>de</strong> nomenc<strong>la</strong>ture<br />
véritablement fixe (contrairement aux volumes bibliographiques <strong>de</strong> O. K<strong>la</strong>pp, par exemple), mais c’est<br />
une question délicate, car <strong>de</strong> plus en plus <strong>de</strong> chercheurs sont concernés, qui produisent <strong>de</strong> plus en plus<br />
d’ouvrages, d’articles. Et puis nous l’avons dit, cette matière est mouvante…<br />
19 Il s’agit <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>de</strong>uxième photographie à apparaître dans une nécrologie du BBSIA, <strong>la</strong> première étant<br />
celle <strong>de</strong> Armel Diverres (BBSIA n° 50, en 1998).<br />
17 JUILLET, SESSION 1-L3, LE BBSIA<br />
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ACTES DU 22 e CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE ARTHURIENNE, RENNES, 2008<br />
PROCEEDINGS OF THE 22 nd CONGRESS OF THE INTERNATIONAL ARTHURIAN SOCIETY, 2008<br />
pas non plus <strong>de</strong> programmes pour l’avenir. Ce que nous<br />
cultivons est un héritage, un héritage vivant. L’humanité ne<br />
peut pas vivre d’une façon purement utilitaire. Elle a besoin <strong>de</strong><br />
beauté, d’expression créatrice, <strong>de</strong> fantaisie, du sens du passé,<br />
<strong>de</strong> mémoire : je dirais que <strong>la</strong> littérature est quelque chose<br />
comme <strong>la</strong> mémoire d’un peuple. Nous autres arthurisants<br />
sommes dans une position privilégiée : nous cultivons <strong>la</strong><br />
mémoire d’une communauté <strong>de</strong> peuples. C’est là notre tâche et<br />
notre fierté. » 20<br />
20 BBSIA n° 24, 1972, p. 216.<br />
JULIETTE POURQUERY DE BOISSERIN<br />
CELAM – CETM, UNIVERSITÉ RENNES 2 – HAUTE-BRETAGNE<br />
17 JUILLET, SESSION 1-L3, LE BBSIA<br />
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