Téléchargement - Club alpin français
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L’Inca de la brêche Borgonio ( Haute-Tinée), juillet 1984<br />
Photographie : Jean-Louis MEYTRAL
Le mot<br />
du Président ► Eric Dellacasa<br />
Mes premiers mots iront aux bénévoles<br />
de notre club.<br />
Le bénévolat n’est plus trop à la mode<br />
aujourd’hui. Et pourtant, sans bénévoles,<br />
que ferions nous ?<br />
Un grand merci donc à tous les bénévoles du club : les nombreux encadrants de<br />
nos activités bien évidemment et aussi ceux du siège. Et on pense tous très fort à<br />
notre ami Alain FLAMANT qui a tant donné pour le club et qui a besoin de notre<br />
soutien aujourd’hui.<br />
Leur dire que c’est grâce à eux, et ceux qui se sont relayés depuis 1879 - et oui déjà -,<br />
que nous sommes aujourd’hui, avec plus de 1.600 adhérents, l’un des plus importants<br />
clubs de sports et loisirs du département et l’un des plus gros clubs de montagne<br />
de France. C’est dans leur engagement, leur énergie, que toute l’équipe du<br />
comité directeur puise sa motivation.<br />
C’est donc un grand bonheur que d’être à la présidence de ce club historique de notre<br />
magnifique pays niçois, de ce club de passionnés, de ce club militant. Militant<br />
de la Montagne, fabuleux espace de liberté et de partage, qu’il nous incombe de<br />
préserver.<br />
Je remercie une nouvelle fois, et du fond du cœur, Jean Pierre MARTIN, pour son<br />
dévouement durant les 12 années passées à la présidence de notre club et pour<br />
l’aide qu’il continue à m’apporter au quotidien.<br />
Concilier vie active bien remplie et engagement associatif, tout en vivant pleinement<br />
sa passion, n’est pas tous les jours chose facile. Le travail « administratif »<br />
d’un gros club prend beaucoup (trop) de temps, au détriment des projets. Mais<br />
c’est ainsi. Toute l’équipe du comité directeur est au travail, à votre service et au<br />
service de notre passion commune. Nous aurons l’occasion de revenir dans les<br />
mois qui viennent sur tous les projets en cours.<br />
J’ai commencé par les bénévoles et je ne pouvais pas finir sans saluer également<br />
le travail quotidien, et la patience.., de notre collaboratrice, Michelle, sans qui rien<br />
ne serait possible.<br />
2010 - N°239 3 <strong>Club</strong> Alpin Français
Pas de Prefouns,<br />
près du Lac nègre. Photographie<br />
de Jean-Louis MEYTRAL<br />
DIRECTEUR DE PUBLICATION :<br />
Eric DELLACASA<br />
Comité de leCture :<br />
Alyne RAISON<br />
Bernard ALLIETTA<br />
Christine CHAPOUTOT<br />
Danièle CHIERICO<br />
Jean-Louis MEYTRAL<br />
Jean-louis RIBOT<br />
Martial BOS<br />
Michèle FLORI<br />
RÉALISATION :<br />
Image MP ( 04 93 54 09 52 )<br />
IMPRESSION :<br />
Imprimix ( 04 92 15 53 30 )<br />
Le bulletin est l’un des outils<br />
de communication de notre<br />
club et les articles signés<br />
n’engagent que leurs auteurs.<br />
PRINTEMPS - ETE 2010<br />
N° 239<br />
ISSN 1167-8 / 429<br />
Abonnement Annuel :<br />
(3 numéros)<br />
France : 7 €<br />
Etranger : 11€<br />
SOMMAIRE<br />
Le mot du Président . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p3<br />
Infos club . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p7<br />
Inventaire ATBI de la biodiversité<br />
du Mercantour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p11<br />
Deux belles randonnées<br />
hautes <strong>alpin</strong>es en Vanoise . . . . . . . . . . . . . .p12<br />
Poésie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p19<br />
Portfolio, Bernard ALLIETTA . . . . . . . . . . . .p20<br />
Aéronefs, parapentes<br />
et Parcs Nationaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p31<br />
Formation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p34<br />
Etoiles des neiges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p36<br />
Les mots de nos montagnes . . . . . . . . . . . .p39<br />
Le Vercors septentrional :<br />
terre des hommes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .p43<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français Nice-Mercantour<br />
14, avenue Mirabeau - 06000 NICE<br />
Tél : 04 93 62 59 99 - Fax : 04 93 92 09 55<br />
E-mail : cafnice@cafnice.org<br />
Site web : www.cafnice.org<br />
Permanence les lundis, mardis, jeudis et vendredi de 16h à 20h.
»»»»»»INFOS CLUB<br />
R E F U G E<br />
» Des évolutions pour la<br />
centrale de réservation.<br />
www.cafresa.org<br />
Le <strong>Club</strong> Alpin Nice-Mercantour a réalisé<br />
un système informatique de réservation<br />
par Internet de ses refuges. Ce système<br />
est ouvert au public depuis le mois de<br />
septembre 2007.<br />
Dans le souci d’améliorer nos services et<br />
d’être en adéquation avec les attentes des<br />
réservants, nous avons apporté quelques<br />
évolutions à notre site.<br />
Désormais, le réservant a la possibilité de<br />
modifier sa réservation en ligne dans les<br />
conditions suivantes :<br />
changement du nombre de personnes<br />
changement du nombre de nuits au<br />
refuge<br />
changement de date d’arrivée au refuge<br />
D’autre part, il s’est avéré que le processus<br />
de réservation des refuges sur internet<br />
était parfois difficile à appréhender pour<br />
les non-initiés aux pratiques des sites de<br />
vente en ligne. Nous avons donc mis en<br />
place un certain nombre d’explications sur<br />
les différentes pages afin de mieux guider<br />
l’internaute.<br />
De plus, une fois le paiement des arrhes<br />
effectué et validé, un bon de réservation<br />
est accessible, rappelant les principales<br />
informations liées à la réservation et<br />
imprimable pour être présenté au gardien<br />
à l’arrivée au refuge.<br />
Et enfin, le refuge de Gialorgues, bâtiment<br />
non gardé, peut désormais être également<br />
réservé en ligne.<br />
Nous espérons vivement que ces évolutions<br />
faciliteront la réservation de nos refuges du<br />
Mercantour.<br />
Adresse du site : www.cafresa.org<br />
L’équipe de la centrale de réservation<br />
ACTIVITES<br />
» N° de téléphone<br />
par activités<br />
Notre nouvelle installation téléphonique<br />
permet d’accéder directement à l’accueil<br />
des différentes activités.<br />
Secrétariat 04 93 62 59 99<br />
ou<br />
04 93 62 72 20<br />
Accueil 04 93 62 72 21<br />
Ski-Alpinisme 04 93 62 72 22<br />
de 18 à 20 h<br />
Escalade 04 93 62 72 23<br />
Mille-Pattes 04 93 62 72 24<br />
Stagiaire 04 93 62 72 25<br />
Président 04 93 62 72 26<br />
Bibliothèque 04 93 62 72 27<br />
2010 - N°239 <strong>Club</strong> Alpin Français
L I V R E S<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
»»»»»»INFOS CLUB<br />
Les cafistes publient.<br />
»LES PLUS BELLES<br />
COURSES dES ALPES<br />
dE LA MédITERRANéE.<br />
Il s’agit d’un livre sur les massifs du<br />
Mercantour et de l’Argentera.<br />
Cet ouvrage propose une sélection de 67<br />
courses d’<strong>alpin</strong>isme, de ski et d’escalade.<br />
« Les plus belles courses des Alpes de<br />
la Méditerranée » détaille des courses<br />
classiques ou insolites. Toutes présentent<br />
un grand intérêt technique dans des<br />
cotations s’échelonnant du PD à l’ED. Les<br />
descriptions sont largement<br />
illustrées de photographies<br />
inédites.<br />
Je remercie vivement la<br />
contribution de Martial<br />
Bos et Bernard Giraudon,<br />
membres du club.<br />
Les plus belles courses des Alpes<br />
de la Méditerranée.<br />
Nicolas Féraud et Jean-Claude<br />
Raibaud.<br />
Alticoop Editions.<br />
22.5cm x 26cm. 224 pages. 33.50€<br />
www.alticoop.com<br />
04 93 98 58 53<br />
REFUGES<br />
»dATES dE GARdIENNAGE<br />
dES REFUGES :<br />
Cougourde, Madone de Fenestres,<br />
Nice,Valmasque, Merveilles :<br />
du 12.06.2010 au 26.09.2010<br />
Vens :<br />
du 12.06.2010 au 19.09.2010<br />
Rabuons :<br />
du 19.06.2010 au 19.09.2010<br />
N°239 - 2010
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
»»»»»»INFOS CLUB<br />
5 0 a n s d e C l u b<br />
»LAURETTE ARROM<br />
Lors de l’Assemblée Générale de notre club<br />
de décembre 2009, nous avons eu le plaisir<br />
de remettre à Laurette ARROM la médaille<br />
des 50 ans d’adhésion au CAF de Nice.<br />
Qui le croirait en voyant et écoutant la<br />
sémillante Laurette, intarissable sur les<br />
récits et albums photos de ses nombreux<br />
voyages à travers notre planète.....<br />
« en attendant la planète mars »...et<br />
toujours assidue à nos activités. Toutes nos<br />
félicitations, Laurette..<br />
Comité de direction<br />
»CANdIdATURE<br />
Les candidatures pour siéger au comité<br />
de direction de notre club seront reçues<br />
jusqu’au 4 septembre 2010 dernier délai.<br />
N’hésitez pas …..et venez nous rejoindre<br />
pour assurer un renouvellement toujours<br />
positif des dirigeants bénévoles du club.<br />
Merci.<br />
9<br />
NOUVEAU SERVICE<br />
» VOS PETITES<br />
ANNONCES dANS<br />
LE BULLETIN dU CLUB<br />
A l’attention de tous les CAFISTES de la<br />
section Nice-Mercantour<br />
Dès la parution du numéro d’octobre<br />
2010 nous allons réserver une page<br />
du bulletin pour une rubrique « Petites<br />
Annonces ».<br />
Les modalités en seront les suivantes :<br />
» Le coût d’une annonce sera de 5<br />
Euros à régler au CAF en espèces ou<br />
chèque au secrétariat.<br />
» Toute annonce devra présenter une<br />
relation avec les activités du <strong>Club</strong>. (achat<br />
ou vente de matériel, de biens, demande<br />
de contact pour activités « Montagne »....<br />
etc).<br />
» Pour le bulletin d’octobre 2010<br />
la date limite de réception des textes<br />
d’annonces sera fixée au 31 juillet 2010.<br />
» Le <strong>Club</strong> se réserve le droit<br />
d’accepter ou refuser toute annonce ne<br />
correspondant pas aux critères précisés.<br />
A bientôt sur la page<br />
« Petites Annonces ».<br />
N°239 - 2010
Nature<br />
INVENTAIRE A T B I<br />
dE LA BIOdIVERSITé dU MERCANTOUR<br />
► par Jean - Louis MEYTRAL◄<br />
Depuis l’été 2007, le Parc National du Mercantour a mis en place un projet d’inventaire de<br />
la biodiversité : A T B I
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
Randonnée<br />
dEUX BELLES RANdONNEES<br />
HAUTES ALPINES EN VANOISE<br />
( Juillet 2008 )<br />
► par Jo FREDY ◄<br />
Premier objectif : la traversée du refuge du CARRO (2761m) à celui des EVETTES (2590m)<br />
par les sources de l’Arc. Cette randonnée haute <strong>alpin</strong>e concoctée par notre ami Jean-Luc<br />
n’était qu’une mise en jambes pour la suivante : l’ALBARON (3637m). Mais commençons<br />
déjà par rejoindre BONNEVAL sur Arc et l’ÉCOT, dernier hameau de cette vallée de l’Arc,<br />
joyau du Parc National de la Vanoise.<br />
Depuis NICE, puis MARSEILLE, SISTERON , MONTGENEVRE, une petite erreur de notre ordinateur<br />
(ne vous y fiez pas, vous pouvez avoir des surprises !) car il nous a mal aiguillés<br />
et nous nous sommes retrouvés devant le tunnel du FREJUS sans l’avoir voulu, au milieu<br />
d’une cohorte de camions ( vivement le ferroutage, car pour les voitures c’est invivable !).<br />
Enfin nous arrivons à l’Ecot (2027m). Départ sac au dos pour le refuge du CARRO. Après<br />
8h de voiture, faut y aller et monter 700m. Là, c’est la Vanoise dans toute sa splendeur ;<br />
durant toute la montée une végétation dense et variée nous accompagne pour notre plus<br />
grande joie : anémones en fruits, campanules barbues d’un bleu clair éclatant, lys martagon,<br />
œillets, minuartis, gentianes de koch, raiponce de Haller, violettes, trolles jaunes,<br />
rhodolia rosea et en arrivant au Carro la joie de trouver la primevère du Piémont dont l’aire<br />
de répartition est surtout italienne, cette primevère ne déborde que très localement sur la<br />
Savoie et la France d’où l’importance biogéographique de cette zone Carro – Evettes.<br />
Nous sommes très bien accueillis par la gardienne (je n’y étais plus revenu depuis 1970 et<br />
une course à la Levanna occidentale). Le refuge est devenu un 3 étoiles et les mauvaises<br />
odeurs à l’extérieur ont disparu.<br />
(Ce refuge du CARRO a été construit en 1925 par le CAF de Lyon et agrandi en 1976, il a fait<br />
l’objet de travaux en 2005 avec adjonction d’une terrasse accessible depuis la salle commune,<br />
douches, lavabos, rénovation des dortoirs et mise en place de toilettes particulières<br />
et adaptées à la haute montagne : nommées SANIVERTES, elles fonctionnent sans eau<br />
ni produits chimiques, les odeurs sont aspirées par la cuvette elle-même et les matières<br />
triées par un tapis roulant actionné par une pédale, les matières fécales et papiers sont<br />
séparés des urines et séchées dans des sacs ; ces toilettes fonctionnent de manière naturelle<br />
et protègent l’environnement, elles devraient être généralisées à tous les refuges de<br />
haute altitude).<br />
Le soir nous n’avons jeté qu’un un œil furtif sur les lacs Noir et Blanc, car le lendemain<br />
matin c’est réveil à 4h pour cette course en traversée donnée en 8h sur le papier par les<br />
12<br />
N°239 - 2010
Col du Triéve<br />
spécialistes. Nous en mettrons 11, car un certain passage, compte tenu de la régression<br />
des glaciers juste au-dessus des sources de l’Arc, se fera en rocher après une traversée en<br />
neige qui, vue d’en bas, traumatisera notre ami André qui préférera suivre l’Arc et descendre<br />
directement à l’Ecot avant de remonter nous rejoindre aux Evettes. Les 7 personnes<br />
qui nous précèdent, montagnards aguerris nous montraient la voie mais nous étions perplexes<br />
cependant, malgré leur bonne humeur, à ce passage-là, sans problème bien sûr.<br />
Nous avions au préalable passé le col des Pariotes (3057m) facilement ; c’est de là que l’on<br />
attaque la Levanna occidentale, mais 38 ans après je n’ai rien reconnu. Après la longue<br />
traversée du glacier des sources de l’Arc et le passage en escalade nous sommes arrivés<br />
au col de Trieves. De là nous avons continué vers le col du grand Mean (3225m), sous la<br />
pointe du même nom, longue marche fastidieuse dans la neige qui recouvre le glacier du<br />
Mulinet qui fait suite au col du Trieves.<br />
Nous n’arrêtons pas de nous émerveiller de la beauté de tous ces sommets nous entourant<br />
: les Levanna, la pointe Girard, la pointe du Grand Mean, la petite et la grande Ciamarella.<br />
Au col du grand Mean, arrêt casse-croûte avec les 7 de l’autre groupe.On se couvre<br />
car une bise fraîche souffle. Puis c’est la traversée du glacier du grand Mean dominé vers<br />
le bas par le mont Seti et en dessus par la cime Monfret (3371m). Par une longue traversée<br />
encore, à flanc et dans une neige qui, heureusement, n’est pas trop fondante, on arrive au<br />
2010 - N°239 13 <strong>Club</strong> Alpin Français
Randonnée<br />
col de la Disgrazia ( le malheur en italien) d’où une descente<br />
en écharpe nous fait rejoindre la combe des Evettes ( diminutif<br />
de Eve=eau ).<br />
Tout le long du parcours menant au refuge par la cascade<br />
de la Recula nous étudions les plantes des moraines ( nous<br />
avons bien sûr remisé nos crampons et la corde dans nos<br />
sacs bien lourds pour une telle randonnée). Dans la terre<br />
qui s’est accumulée derrière de gros blocs de roches vertes<br />
nommées serpentinites (restes d’un fond océanique <strong>alpin</strong>),<br />
nous observons des primevères à grandes feuilles, des pinguicula<br />
<strong>alpin</strong>a à fleurs blanches, des linaires des moraines,<br />
des violettes, des benoîtes rampantes jaunes, des bartsies<br />
des alpes, des rhodiola rosa, sortes de sedum de haute montagne.<br />
Au fond, sur notre gauche, l’ALBARON nous domine<br />
de ses 3627m. Le glacier des Evettes a, lui aussi, bien reculé<br />
ces dernières années. Nous apercevons le refuge des Evettes<br />
bien avant d’y parvenir. Après le pont romain typique,<br />
aperçu au dernier moment, il restait encore une belle pente<br />
assez dure à remonter après 10h de glacier. Enfin, après 11h<br />
et quart de marche, le but est enfin atteint et la joie est sur<br />
nos visages. André ne nous rejoindra qu’une heure après, ce<br />
qui commençait a nous inquiéter.<br />
Deuxième objectif : l’ALBARON<br />
Le deuxième jour nous devions donc atteindre l’ALBARON<br />
depuis ce refuge des Evettes.<br />
L’histoire de ce refuge mérite d’être contée : le premier refuge<br />
des Evettes, en pierre, a été inauguré en 1907. Il fut<br />
incendié par l’armée <strong>français</strong>e en 1940 et remplacé après<br />
l’armistice de 1945 par un refuge en bois. Le refuge actuel<br />
date de 1965. Conçu dans des bureaux d’études modernistes,<br />
il fut préconisé par Paris comme la solution du futur pour<br />
l’hébergement des montagnards. Dans les années 70 il fut<br />
pilote pour l’utilisation de l’énergie photovoltaïque qui a fait<br />
depuis florès. Le refuge actuel est celui de 65, réhabilité il y<br />
a peu par le CAF de Lyon qui en est propriétaire. Après cet<br />
intermède, revenons à l’ALBARON : vu, revu cent fois le tracé<br />
de la balade et ressassée la longue marche à 5h du matin sur<br />
une moraine qui n’en finirait plus. Vu la fatigue, nous avons<br />
modifié notre itinéraire en nous accordant un jour de repos<br />
14<br />
N°239 - 2010
et en descendant à l’Ecot, visitant le hameau<br />
aux toits d’ardoise ainsi que Bonneval, et on<br />
décida de monter au refuge d’Averole par la<br />
route des Vincendières (une première réfection<br />
fut réalisée en 1920. D’une capacité de<br />
40 places, il était en bois recouvert extérieurement<br />
d’ardoises d’éternit rouge, d’où l’appellation<br />
par les italiens de casa rota. Ce bâtiment<br />
fut démoli en 1985, déjà remplacé par<br />
la construction actuelle inaugurée en 1976).<br />
deux belles randonnées hautes <strong>alpin</strong>es en Vanoise<br />
Refuge Carro<br />
De ce hameau, actuellement accessible uniquement<br />
par une navette, nous gagnons le refuge en une heure (2227m), parmi de belles<br />
fleurs et en admirant la belle cascade de la lombarde captée un peu plus bas.<br />
Vendredi réveil à 4h et nous attaquons le sentier à 4h 45, par nuit noire; en 2h il nous mène<br />
sur la moraine du glacier du COLERIN, non sans avoir dérangé des moutons à l’estive. Le<br />
Charbonnel est déjà chaperonné de nuages, mais l’ALBARON, que nous voyons sous un<br />
autre angle que depuis les Evettes, nous semble plus accessible. Il faut quand même<br />
gravir les 1400m de dénivelée alors qu’il n’y en avait que 1100m depuis les Evettes. Arrivés<br />
à l’attaque du glacier nous apercevons sur la crête 7 personnes venant du refuge déjà<br />
nommé. Nous avons encore 2h avant d’atteindre l’ultime col, duquel un grand plateau<br />
Primula Pedemontana
Randonnée<br />
Descente sur combe Evettes<br />
s’étend jusque 20m sous la cime. Jean–Louis qui herborise à la fin de la moraine très longue<br />
mais très facile à gravir et André nous lâchent à la fin de la rampe. Ils suivent toutefois notre<br />
ascension jusqu’à la dernière combe. De là, en 1h (à 10h du matin) nous atteignons, Jean<br />
- Luc et moi les rochers de l’ALBARON duquel nos 7 escaladeurs descendent en rappel.<br />
Nous pensions arriver en neige au sommet, mais un coup de vent et ces 20m de falaise<br />
nous obligent à redescendre, après avoir vu les 2 autres cordées traverser le grand plateau.<br />
La redescente s’effectue sans problème, toujours face au Charbonnel dans les nuages.<br />
Après 5h de montée et 4h de descente , nous rejoignons Vincendières et le village de<br />
Bonneval où un gîte CAF nous permet de passer une bonne nuit de récupération.<br />
Le lendemain, grosses pluies sur toute la vallée de l’Arc. Nous étions contents d’avoir<br />
pu réaliser ces 2 courses en 5 jours. Deux réussites dans ces beaux paysages du parc national<br />
de la Vanoise, si bien fleuri et riche<br />
d’une biodiversité exceptionnelle comme<br />
celle encore plus exceptionnelle du massif<br />
du Mercantour qui nous est si cher !<br />
Texte de Jo Fredy avec la participation de J-L Meytral pour l’histoire<br />
des refuges (informations données par des sites internet)<br />
et la botanique. Photos J-L Meytral.<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
16<br />
N°239 - 2010
Poésie<br />
Printemps en Cerdagne<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Je peindrais un décor de vertes montagnes,<br />
Un immense tableau<br />
Celui dont on rêve, le pays de cocagne.<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Je mélangerais gris des roches et bleu du ciel,<br />
Au merveilleux tableau<br />
J’ajouterais tous les fondus de l’arc-en-ciel<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Je répandrais les couleurs sur ma palette,<br />
Le plus beau des tableaux<br />
Ici, un ange nu avec son arbalète,<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Rose et rouge de ses joues pour les murs, les toits,<br />
Magnifique tableau<br />
D’un chalet aux jaunes pensées sous l’avant toit.<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Il y aurait un parterre multicolore<br />
D’un ravissant tableau<br />
D’anémones, d’œillets, roses qui odorent<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Mettrais un berger, son chien qui l’accompagne<br />
Cet harmonieux tableau<br />
Avec sur la maison le drapeau de Cerdagne.<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Je poserais deux compagnons qui regardent<br />
Assis dans ce tableau<br />
Vers les prés l’imposant troupeau qui s’attarde<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Peindrais en toile de fond un étang indigo,<br />
De l’élégant tableau<br />
On entendrait de loin un air de fandango<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Tu verrais s’accomplir un paysage qu’à deux<br />
D’un magique tableau<br />
On partage, avec les yeux du cœur, jour radieux !<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Tu tiendrais ma main afin qu’elle ne tremble<br />
Pour te faire un tableau<br />
Incomparable, et puis, qu’il te ressemble<br />
Si j’avais un pinceau<br />
Je peindrais des oiseaux, des bouquets d’hirondelles<br />
Qui sortent du tableau<br />
Pour t’annoncer, Printemps ! volant à tire d’ailes<br />
Djiell<br />
2010 - N°239 19 <strong>Club</strong> Alpin Français
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
B e r n a r d<br />
A L L I E T TA<br />
1970 : année de départ de<br />
l’aventure au CAF.<br />
Pour adhérer au CAF de Nice et<br />
succéder à mon père, deux de ses<br />
amis m’ont gentiment offert leur<br />
parrainage encore en vigueur à ce<br />
moment là.<br />
20<br />
›PORTFOLIO<br />
1937<br />
1990<br />
N°239 - 2010
Membre du <strong>Club</strong> jusqu’en 1995 puis<br />
depuis 2005, j’ai commencé mes activités<br />
« Montagne » par de faciles balades puis,<br />
sans transition, directement à « l’escalade ».<br />
Caires de la Madone de Fenestres,<br />
Cougourde, Préfouns, Giegn ont été des<br />
sommets qui m’ont fait découvrir les joies<br />
de la « grimpe » et les courses que j’y ai<br />
pratiquées sont gravées à jamais dans ma<br />
mémoire. Ensuite j’ai découvert les joies du<br />
« ski de randonnée » qui m’ont fait apprécier<br />
les merveilleux paysages de la montagne<br />
immaculée de blanc, dans le Mercantour, le<br />
Jura, la Vanoise, la Suisse, en Italie. Plus tard<br />
vinrent les sorties « famille », le camping...et<br />
maintenant les sorties « raquettes » en hiver<br />
et les sorties « botanique » au printemps et<br />
| Bernard ALLIETTA |<br />
« voyage » en été.<br />
Au sein du comité de Direction j’ai assumé<br />
les activités « bibliothèque » et « bulletin »<br />
et participé aux activités « refuges » et<br />
« protection de la montagne ».<br />
Au début de mes activités « montagne ».la<br />
photo représentait, pour moi, un support<br />
de « souvenirs de sorties » à visionner dans<br />
de mémorables réunions « soirées diapos ».<br />
Après les photos papier couleur (et l’album<br />
de famille) l’apparition du « numérique » me<br />
permet alors de « capter » la merveilleuse<br />
flore et la faune de notre massif. Voici<br />
quelques photos (difficiles à choisir) qui<br />
m’ont « flashé » et qui, je l’espère, égaieront<br />
et enchanteront votre printemps.<br />
2009<br />
2010 - N°239 21 <strong>Club</strong> Alpin Français
›PORTFOLIO<br />
Chamonix-Zermatt 1975<br />
Mer de nuage sur le lac léman<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
22<br />
N°239 - 2010
Chamonix-Zermatt 1975<br />
| Bernard ALLIETTA |<br />
2010 - N°239 23 <strong>Club</strong> Alpin Français
›PORTFOLIO<br />
Vue de l’Authion.....soleil et nuage<br />
Soleil...et neige<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
24<br />
N°239 - 2010
Le repas du Zygène<br />
| Bernard ALLIETTA |<br />
2010 - N°239 25 <strong>Club</strong> Alpin Français
Lys orangé<br />
›PORTFOLIO<br />
Gentiane de Ligurie<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
26<br />
N°239 - 2010
Ancolie<br />
Fritillaire de Caussols<br />
| Bernard ALLIETTA |<br />
2010 - N°239 2 <strong>Club</strong> Alpin Français
›PORTFOLIO<br />
Julienne inodore (Espéris inodora)<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
2<br />
N°239 - 2010
Edelweiss (léontopodium <strong>alpin</strong>um)<br />
| Bernard ALLIETTA |<br />
2010 - N°239 29 <strong>Club</strong> Alpin Français
›PORTFOLIO<br />
Marmottons<br />
PARTICIPEZ AU PORTFOLIO<br />
Vous êtes nombreux à partir en montagne avec un appareil photo. Faites connaître votre talent,<br />
votre vision de la montagne, ou de votre activité préférée en y participant. Portfolio, c’est un espace<br />
dédié au partage de votre passion montagne par l’image, et de votre travail de photographe.<br />
COMMENT FAIRE ?<br />
1/ Triez vos images : Soyez sévère, sélectionnez vos plus belles images.<br />
2/ Préparez vos images : Vous avez entre 10 et 20 images. Faites vous tirer des exemplaires<br />
papiers en 13x18cm. Prenez le temps de les légender. Lieu, sujet, date, auteur, etc …( au dos des<br />
tirages papier).<br />
3/ Envoyez vos images au club<br />
Argentique : Diapos ou tirages papier en 13x18 cm<br />
Numérique : pas d’envois par mails, mais vos images sur CD avec un tirage papier en 13x18cm.<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français / Commission bulletin / 14 avenue Mirabeau / 06 000 Nice<br />
4/ Et après ? La commission bulletin vous informera de la suite donnée à votre envoi. Tous les<br />
originaux vous seront rendus (cd et tirages papier).<br />
dES qUESTIONS ?<br />
Contactez B. Allietta : 06 14 56 39 32 – bernard06nissa@hotmail.fr<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
30<br />
N°239 - 2010
Protection du Milieu Montagnard<br />
Aéronefs, parapentes et<br />
Parcs Nationaux… !?<br />
► par Martial BOS ◄<br />
Dans le cadre du nouveau décret des parcs qui prévoit une distinction entre les aéronefs<br />
motorisés et non motorisés, la limitation de survol à 1000 mètres du sol ne s’applique<br />
plus aux aéronefs non motorisés. En fait le survol à 1000 mètres du sol ne pouvant être<br />
réalisé que par quelques rares pratiquants très expérimentés, actuellement, tant qu’une<br />
convention ou la nouvelle charte ne sera pas finalisée, le Parc du Mercantour a pris la<br />
décision provisoire d’autoriser sans conditions le survol du cœur du Parc. Aucun décollage<br />
ni atterrissage n’y est autorisé, excepté des atterrissages pour raison de sécurité (front<br />
orageux par exemple).<br />
A priori, nous pourrions penser que cette activité occasionne peu de dérangements<br />
puisqu’elle se pratique en l’air et sans bruit, et que si pour les envols les accès aux sommets<br />
se font à pied, les parapentistes dérangeraient moins que des randonneurs…Or nous<br />
avons trouvé des informations et des études qui nous ont amenés à reconsidérer cette<br />
analyse sommaire.<br />
En fait, les parapentes sont plus perturbants qu’on ne le pensait. Par leur effet de surprise<br />
lorsqu’ils surgissent d’une crête, leurs évolutions lentes et imprévisibles plus ou moins<br />
prolongées sur les sites, leurs passages répétés au ras des pentes et leur apparence de<br />
grand rapace, ils sont plus stressants pour les animaux que les avions ou hélicoptères.<br />
Ceux-là sont repérés de loin et passent généralement sans s’attarder et moins près des<br />
pentes.<br />
Il a été observé que les survols à moins de 1000 mètres du sol de parapentes, ULM, planeurs,<br />
hélicoptères, deltaplanes produisent chez les animaux sauvages des comportements<br />
d’alerte, d’arrêt de rumination chez les ongulés, d’abandon des zones de gagnage, de<br />
fuite induisant des risques d’accidents, de prédation, d’agressivité, d’hostilité chez les<br />
rapaces, qui pratiquent le même type de vol. Il a été également observé des abandons de<br />
couvées chez plusieurs espèces d’oiseaux .<br />
Ces incidences diminuent à terme les taux de survie hivernale et les réussites de<br />
reproduction de la faune dérangée.<br />
Nous avons à comprendre que la pérennité des espèces est le résultat de l’équilibre des<br />
interactions de toutes les composantes du milieu naturel. Les conditions de sauvagerie<br />
et de tranquillité des territoires montagneux ont participé pendant des millénaires à<br />
l’établissement de cet équilibre. Or elles ont été considérablement altérées depuis l’époque<br />
des pionniers de l’<strong>alpin</strong>isme. Nous avons assisté à une poussée de la fréquentation<br />
2010 - N°239 31 <strong>Club</strong> Alpin Français
Protection du Milieu Montagnard<br />
touristique, nous avons vu le développement du ski et les équipements des stations, puis<br />
les randonnées et l’arrivée des raquettes. Il y a eu les créations de routes, de pistes, la<br />
pression de la chasse jusque sur les limites des parcs, les coupes forestières, les engins<br />
motorisés, les vols d’hélicoptères, etc… Parallèlement nous avons vu les espèces les plus<br />
sensibles, les gallinacés de montagne, décliner dans tous nos massifs, et disparaître par<br />
endroit…<br />
Aussi, il est important de ralentir cette évolution et ses conséquences,<br />
Dans les parcs nationaux, les agents s’efforcent de contenir les pressions, de limiter l’usage<br />
des engins gênants aux nécessités des services de secours ou de services publics.<br />
Les vols de loisirs peuvent aussi bien se pratiquer hors cœurs de parcs. Il s’y trouve bien<br />
d’autres sommets sensiblement comparables en altitude dans notre région et les massifs<br />
voisins.<br />
Les parcs nationaux ne représentent que 0,7% de notre territoire national. C’est peu, pour<br />
des espaces si précieux. Cela justifie bien un effort pour y maintenir des conditions de vie<br />
optimales pour la nature… N’y ajoutons plus du dérangement aux dérangements.<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
Pour ces raisons, cette réflexion du <strong>Club</strong><br />
Alpin Français de Nice, partagée avec les<br />
<strong>Club</strong>s Alpins Français de Cannes et de St.<br />
Laurent du Var, conclut que les décollages<br />
et les atterrissages des parapentes ou<br />
autres aéronefs de loisir ne devraient pas<br />
être autorisés en cœur de parc, par la charte<br />
du Parc du Mercantour (et pareillement<br />
pour les autres Parcs Nationaux…)<br />
32<br />
N°239 - 2010
Apprendre<br />
FORMATION<br />
La Formation est depuis longtemps, une activité importante, sérieuse, quoique « discrète<br />
» de la FFCAM et de notre <strong>Club</strong>. Année après année, des adhérents sont formés à l’autonomie<br />
et à la sécurité en montagne, à l’encadrement pour les plus motivés (car il nous<br />
faut aussi des encadrants !). Par la suite, les encadrants se recyclent à l’occasion de stages<br />
( obligation tous les 5 ans).<br />
Il s’agit donc d’une Formation qu’on pourrait dire « permanente » , de co-formation à l’intérieur<br />
du <strong>Club</strong>, les cadres diplômés faisant profiter les « stagiaires « de leurs connaissances<br />
et de leur expérience du terrain . Les coûts de la Formation sont en général modiques<br />
puisque le bénévolat des Formateurs est de rigueur au CAF.<br />
Donc, cette année encore, divers niveaux de Formation :<br />
- La formation de base de décembre 2009 à mai 2010 qui a concerné en tout<br />
34 personnes: cours théoriques UFCA+ UV1 cartographie / orientation, suivis<br />
de séances de « perfectionnement » qui sont une initiation à la montagne aussi<br />
bien en » terrain sec » qu’en » terrain enneigé » Ils sont un gage de plus grande<br />
autonomie pour les randonneurs et pour les pratiquants des raquettes et une première<br />
étape vers un brevet initiateur randonnée montagne (programme publié sur le site et<br />
dans le bulletin d’octobre 2009 )<br />
- les formations plus spécialisées pour l’encadrement des activités diverses<br />
(Rando Alpine, Alpinisme, ski de Randonnée etc. ) qui se déroulent chez nous<br />
ou au sein d’autres <strong>Club</strong>s, avec nos Formateurs et/ou ceux d’autres <strong>Club</strong>s.<br />
-23/ 24 janvier 2010 : UV2 cartographie /orientation terrain neige animé par JC Liprandi<br />
( WE neige à Estenc)<br />
-19/20 juin 2010 : UV2 cartographie/orientation terrain sec, suite logique de la formation<br />
de base et de l’UV1, animée par JeanCart-Lamy et Vincent Bienfait. (voir site)<br />
-UV2 Sécurité glacier à Chamonix : Nicolas Féraud et Andréas Kresse,<br />
les 27/28 mars 2010<br />
- UF Via ferrata aux alentours de Nice : Nicolas Féraud et Patrick Valdenaire,<br />
les 5 et 6 juin 2010<br />
2010 - N°239 34 <strong>Club</strong> Alpin Français
Formation<br />
- Initiateur Terrain Montagne (Alpinisme) dans le Mercantour ou les Ecrins : Nicolas Féraud<br />
et Georges Torrelli du 28 juin au 4 juillet 2010.<br />
- Stage initiateur Rando/Montagne organisé par Daniel Tauzin du 2 au 5 juillet à la Madone<br />
de Fenestre.<br />
Et il y a les autres stages à venir , des stages de recyclage dont les dates ne sont pas encore<br />
communiquées.<br />
Si vous êtes partants pour la Formation,<br />
consultez notre site :<br />
http://www.cafnice.org/cafbase/activites/formation.php.<br />
Une adresse : formation@cafnice.org<br />
2010 - N°239 35 <strong>Club</strong> Alpin Français
Ski Alpin Adulte<br />
ETOILES dES NEIGES<br />
► par Christine ◄<br />
Et les étoiles ont étonnamment brillé sur ce séjour de Janvier 2010. Rappelez-vous : peu de<br />
jours avant, les routes, autoroutes coupées, les trains bloqués, les pentes avalancheuses.<br />
Mais pour nous , le rêve :<br />
le soleil, un seul après-midi de neige et 15 cm de poudreuse légère ont recouvert les<br />
pistes,<br />
la douceur, cette douceur qu’évoque déjà le nom de la station de Valmorel qui chante à<br />
nos oreilles, Valmorel sans tour ni béton, Valmorel et ses chalets, ses petites rues piétonnes,<br />
sa jolie fontaine, Valmorel humaine, Valmorel carte postale.<br />
Nous étions superbement installés à quelques pas de là, quelques longueurs de planches,<br />
à Doucy-Combelouvière, la combe aux loups, au pied des remontées et des pistes. Sitôt<br />
extraits de l’hôtel-club douillet de l’Eau Rousse, sitôt skis aux pieds. 27, avides de glisse,<br />
encadrés par 3 moniteurs particulièrement attentifs : Alain, Bernard, Philippe, guidés par<br />
Patrick, fin connaisseur des lieux, 27 piaffant d’impatience comme des enfants.<br />
« Avec vous, quand on est à l’heure, on est déjà en retard » s’alarme Roger. C’est peut-être<br />
pour ne pas oublier que nous sommes… cafistes.<br />
A nous les pistes !<br />
Bien sûr, ici, les avis divergent. Certains trouvent les noires trop claires, les rouges trop<br />
roses, tandis que d’autres friment avec délice sur les boulevards bleus ou sondent avec<br />
minutie les mystères des virages coupés.<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
36<br />
N°239 - 2010
On retrouve l’unanimité dans le décor, la grandeur des paysages dominés par les massifs<br />
de la Haute Tarentaise, de la Vanoise, des Grandes Rousses, couronnés par le Mont-Blanc,<br />
toujours présent, suffisamment lointain pour rester amical.<br />
Au célèbre Col de la Madeleine, c’est la pause déjeuner, au soleil. Lunettes, écran total, le<br />
rêve se poursuit. Ceux qui croient y voir les coureurs du Tour de France se trompent de<br />
saison.<br />
Petite pensée émue dans le secteur de la Lauzière où Dédé, à l’âge de neuf ans, accompagnait<br />
déjà son troupeau à l’alpage. Dédé usé par la vie rude qui, à 65 ans en paraît…<br />
beaucoup plus et raconte à la veillée que la nostalgie d’autrefois est bien souvent naïve.<br />
Autres temps, mêmes lieux…mais la scène a changé. On ne joue plus la même pièce.<br />
L’hôtel de l’Eau Rousse nous couve, nous remet en forme : sauna, hammam, cours de relaxation,<br />
nous dynamise : ateliers danses, salsa, rock… nous divertit : soirées animées de<br />
spectacles de premier choix, et nous régale : repas copieux et délicieux, soirée raclette,<br />
soirée fondue, soirée de gala, personnel aux petits soins mais en grande tenue.<br />
Un séjour 5 étoiles des neiges. Vraiment.<br />
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2010 - N°239 3 <strong>Club</strong> Alpin Français
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Le savez-vous ?<br />
LES MOTS dE NOS MONTAGNES<br />
► par Robert LUFT ◄<br />
Les toponymes de la montagne arborée (suite)<br />
Les érables Acer, communs dans nos paysages, sont une famille formée essentiellement<br />
de 3 espèces :<br />
l’érable Plane Acer platanoïdes, jusqu’à 30 m de haut, pousse en-dessous de 1600 m<br />
l’érable champêtre Acer campestris, plus petit que le Plane, occupe les mêmes espaces<br />
que ce dernier<br />
l’érable sycomore Acer pseudoplatanus est implanté jusqu’à 2000 m d’altitude.<br />
Les variantes donnant lieu à des toponymes sont essentiellement isérable et plane pour<br />
l’arbre, planet et planay pour la forêt.<br />
En nous limitant aux régions de montagne, on trouve les toponymes :<br />
les hameaux : Isérable (Nangy 74), le Planay (Le Grand-Bornand 74, Monthion 73, Sixt-Ferà-Cheval<br />
74, Hauteluce 73), Le Planet (Sainte-Foy-Tarentaise 73, Pierrefeu 06, Valdeblore<br />
06, Villard-Bonnot 38, Saint-François-Longchamp 73, Prunières 05) – lieu-dit Les Planes<br />
(Savournon 05)<br />
sommets, escarpements, coteaux : L’Isérable (Sonthonnax-la-Montagne 01), Barre de la<br />
Plane (Prads-Haute-Bléone 04), Au Plane (Bonneval-sur-Arc 73), Crête de la Plane (Chanousse<br />
05, Saint-Étienne-en-Dévoluy / Rabou 05), Le Grand Planay (Modane 73), Le Planet<br />
(Vesseaux 07, Saint-Pierre-d’Alvey 73, Uvernet-Fours 04, Toudon 06, Saint-Georges-de-<br />
Commiers 38)<br />
cols : de Joux Plane (Verchaix 74), de la Plane (Andabre 34), du Plane (Le Châtelard 73)<br />
autres : Combe de la Plane (Pinsot 38), Vallon du Planet (Villeneuve d(Entraunes 06), Béal<br />
de la Plane (Savournon 05), ruisseau du Planay (Villaroger 73).<br />
Le Frêne élevé Fraxinus excelsior peut atteindre jusqu’à 40 m de hauteur et vivre aux<br />
altitudes proches de 1600 m.<br />
Les variantes sont : fraisse, fraysse pour l’arbre, freney, freissinet, freissinières, freissinouse<br />
pour la forêt de frênes.<br />
Toponymes de communes : Freissinières (05), La Freissinouse (05), Freney (73), Le Freneyd’Oisans<br />
(38)<br />
hameaux : Freissinet (Chalinargues 15), Le Fraissé (Fayence 83) Le Fraisseix (Saint-Priest-<br />
Ligoure 87)<br />
sommets, escarpements, coteaux : Clocher du Frêne (Allevard 38), Puy du Fraisse (Orcines<br />
63), La Fraysse (Dieupentale 82), La Fraïsse (La Tour-sur-Orb 34), Pech de Fraissinet (La<br />
Vilasse 66), Côte de Fraissinet (Auriac-L’Église 15)<br />
2010 - N°239 39 <strong>Club</strong> Alpin Français
Le savez-vous ?<br />
cols : Baisse du Frêne ( Le Brusquet 04), col du Frêne (Saint-Pierre-d’Albigny 73), Col du<br />
Fraisse (Trefffort 38), col du Fraysse (La Charce 26), collet du Frayssé (Saint-Auban 06), col<br />
de Freissinières (Freissinières / Orcières 05)<br />
combes : Combe du Frêne (Champoléon 05, Bourg-d’Oisans 38), Ravin des Fraisses (Blieux<br />
04), ravin du Fraissinet (Touët-sur Var 06) Combe de Feissinière (Saint-Saturnin-lès-Apt<br />
84)<br />
ruisseaux : bief des Fraisses (Hauteville-Lompnes 01), Font du Fraisse (Catus 46), Nant freney<br />
(Les Houches 74), ruisseau du Fraissinet (Saint-flour 15),Valat du Fraissinet (Sénéchas<br />
30).<br />
Le Hêtre Fagus sylvatica est un bel arbre qui peut atteindre 40 m ; il se rencontre jusqu’à<br />
1900 m d’altitude. Les variantes et synonymes du terme sont : fage, fau, faux.<br />
Pour les toponymes on trouve :<br />
communes ; de Faux (08, 24) et Fau-de-Peyre (48), hameau de Fau Laurent (Séchilienne<br />
38)<br />
lieu-dit : Hêtraie du Défens des Dourbes (Digne-les-Bains 04)<br />
sommets : Fage Torte (Prévenchères 48), La Fage (Montselgues 07, Saint-Haon 43), Tête<br />
des Faux (Le Bonhomme 68), Fau Cuchet (Saint-Jean-de-Vaulx 38)<br />
cols : de la Fage (Ségura 09, Fourtou 11), du Faux (Cornillac 26, Lafarre 07), du Fau (Monestier-de-Clermont<br />
38, Establet 26, Seyne-les-Alpes 04).<br />
Le Noyer Juglans regia est un arbre dont la silhouette est typique. Il peut atteindre jusqu’à<br />
30 m de haut et remonte assez haut en montagne (~ 1500 m), sa durée de vie est<br />
élevée et peut atteindre 300 à 400 ans. Son nom dérive du latin nucarius = noyer.<br />
Variantes et synonymes : noce, noguès pour l’arbre ; nogaret, nogarède, nojaret, nougarède,<br />
nogaro, nougaro, nougarou pour les plantations de noyers.<br />
Exemples de toponymes :<br />
communes : Le Noyer (05, 18, 73), Nogaret (31, 48) Nogaro (32), Saint-Pierre-de Nogaret<br />
(48), Nougaroulet (32)<br />
hameaux : Nojaret (Badaroux 48, Vialas 48, Bonnevaux 30, Grand Brassac 24), Le Nougaret<br />
(L’Isle-Jourdain 32), Nougaret (Alban 81, Peyssies 31) Nougaro (Aspet 31), Nougarou (Maubourguet<br />
65), Le Noyer (Cassaniouze 15, Le Brugeron 63)<br />
sommets et coteaux : Pech de la Nougarède (Mirepoix 09) Pique de Noguès (Lescure 09),<br />
Côte de la Nougarède (Casseneuil 47)<br />
col du Noyer (Saint-Étienne -en-Dévoluy / Le Noyer 05)<br />
Ravin de Nogarède (Le Collet-de-Dèze 48), vallon de Noce (La Brigue 06)<br />
Valat de Nogaret (Saint-André-de-Valborgne 30) Valat de Nogarède (Gravières 07), ruisseau<br />
de Noguès (Lectoure 32)<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
40<br />
N°239 - 2010
Les mots de nos montagnes<br />
Le Tremble Populus tremula tient son nom du verbe latin tremere = trembler (participe<br />
passé = tremulus), car au moindre souffle d’air ses feuilles s’agitent. Je n’ai trouvé aucun<br />
toponyme dérivant de ce vocable. Par contre, la forêt de trembles est appelée «albère»<br />
dans notre région et dans les Pyrénées Orientales. Ce terme dérive du latin arbor = arbre,<br />
qui a donné albero en italien. À travers les toponymes dérivant d’albère, l’assimilation par<br />
nos ancêtres du tremble à «l’Arbre par excellence», montre combien sa beauté a dû les<br />
frapper. Il est triste de le voir disparaître de nos régions, à la suite d’une maladie venue du<br />
continent américain.<br />
Comme dérivés toponymiques on connaît les communes de l’Albère, de Laroque-des-<br />
Albères et de Montesquieu-des-Albères, ainsi que le Rec (ruisseau) des Albères dans les<br />
Pyrénées Orientales (66) ; dans les Alpes Maritimes on trouve le Pont des Albéras (Venanson),<br />
la Tête d’Albéras (Roquebillière / Lantosque 06)<br />
À côté de ces espèces dont les feuilles se perdent chaque automne, pour être renouvelées<br />
au printemps, on trouve dans nos régions méditerranéennes une série<br />
d’arbres à feuillage persistant :<br />
Les chênes quercus à feuillage persistant sont tous de taille plutôt petite. Trois espèces<br />
sont particulièrement répandues dans l’aire méditerranéenne.<br />
Le Chêne vert ou Yeuse (Quercus Ilex) se rencontre partout dans la zone collinaire des<br />
Alpes du Sud. Cet arbuste est désigné sous une série de synonymes : alzine, else, euse,<br />
éouvé, garric ; les bois de chênes verts sont appelés auzière, elzière, eusière, eouvière.<br />
Toponymes :<br />
hameaux : Mas de l’Alzine (Glorianes 66), Léouvé (La Croix-sur-Roudoule 06), L’Éouvière<br />
(Seillans 83), L’Euse (Contes 06), Grange d’Euse (Saint-Thomé 07)<br />
lieux-dits : Bois de l’Éouvière (Montauroux 83), L’Éouvière (Escragnolles 06), L’Auzina (Termes<br />
11, Campoussy 66, Rouffiac-les-Corbières 11), L’Auzière (Pignans 83), Camp de Garric<br />
(Roquefixade 09)<br />
sommets, crêtes et coteaux : Moure d’Yeuse (Saint-Laurent-de-Carnols 30), L’Éouvière<br />
(Esparron 83, Briançonnet 06, Escragnolles 06, Estoublon 04), L’Éouvière de Caille (Seillans<br />
83), L’Elzière (Bessèges 30, Vallaraugue 30), Puech Garric (Le Vibal 12), Coll de les Alzines<br />
(Tautavel 66), L’Eusièro (Le Broc 06), L’Eusièra (Tournefort 06, La Trinité 06), La Grande<br />
Auzière (Les Ferres 06), L’Auzière (Villars-sur-Var 06), Lelzière (Vals-les-Bains 07, Saint-André-de-Capcèze<br />
48), Pas de l’Yeuse (Saint-Montan 07)<br />
Le chêne-liège (Quercus suber) et Le chêne kermès (Quercus coccifera) n’ont apparemment<br />
pas donné lieu à des toponymes. Le nom du chêne kermès, souvent appelé garric,<br />
vient d’un parasite, la cochenille (Kermes vermilio) ou «kermès des teinturiers», la seule à<br />
fournir le vrai rouge vermillon ou «écarlate». D’autres cochenilles peuplent les yeuses et<br />
2010 - N°239 41 <strong>Club</strong> Alpin Français
Le savez-vous ?<br />
les chênes-liège, mais ne contiennent pas de colorant rouge.<br />
L’Olivier Olea europaea , l’arbre symbole de la paix, est typique des régions à climat<br />
doux en hiver et sec en été. On le retrouve dans l’ensemble de l’aire méditerranéenne<br />
jusqu’à une altitude de 700 m (selon ensoleillement) ; il peut vivre plusieurs centaines<br />
d’années, certains oliviers semblent avoir dépassé les mille ans.<br />
Toponymes :<br />
communes et hameaux : La Fare-les-Oliviers (13), Olivetta-San-Michele (IM), Fort de l’Olive<br />
(Névache 05), L’Olivière (Rians 83), L’Oliviérède (La Garde-Freinet 83), L’Olivette (Cornillon<br />
30, Paulhan 34, Le Castellet 83, La Colle-sur-Loup 06), L’Olivet (Saint-Jean-de-Muzols<br />
07, Bourg-Saint-Andéol 07, Le Cannet 06)<br />
sommets et escarpements : Mont Olivet (Bagnères-de-Bigorre 65), Puech d’Olivet (Anglès<br />
81, Poilhes 34), Sommet d’Olive (Ristolas 05), Colle de l’Olivier (Saint-Blaise 06), L’Olivière<br />
(Curbans 04), Serre des Oliviers (Sigonce 04), Rocher de l’Olive (Névache 05), Serre<br />
Olivier (L’Épine 05),<br />
Cols : de l’Olivier (La Palud-sur-Verdon 04) Col de l’Olive (Sainte-Agnès 06)<br />
vallons : Combe des Oliviers (Châteauroux-les-Alpes 05), Combe d’Olive (Bargemon 83),<br />
Combe Olive (Montjoux 26), Ravin de l’Olive (Puget-Rostang 06), vallon de Font d’Olivier<br />
(Montauroux 83)<br />
cours d’eau : Correc de l’Oliveda (Caixas 66), Fontaine de l’Olivette (L’escoutet 34), torrent<br />
de l’Olivier (La Salle-les-Alpes 05) Torrent des Oliviers (Ceillac 05), Étang de l’Olivier (Istres<br />
13)<br />
Pour aujourd’hui j’arrête cette rubrique, au prochain numéro je compte vous entretenir<br />
des arbres à aiguilles.<br />
N.B. - Vous pouvez retrouver les citations hors région concernant les arbres évoqués dans cet article sur le site du club dans la<br />
rubrique Bibliothèque – coin des lecteurs – vocabulaire et toponymie. (attention, c’est long à télécharger et il faut le logiciel gratuit<br />
Adobe PDF pour lire le texte)<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
42<br />
N°239 - 2010
Découverte<br />
LE VERCORS SEPTENTRIONAL :<br />
TERRE dES HOMMES<br />
(de Saint-Nizier-du-Moucherotte à Châtillon-en-diois)<br />
► par Alex et Dany VAROQUI◄<br />
En ce jeudi de Toussaint, tout dort à Saint-Nizier. A sept heures quarante-cinq la boulangère<br />
fait la grasse matinée. Photo souvenir devant ce lieu de mémoire où deux cent<br />
cinquante maquisards ont tenu deux jours devant les Allemands. Nous n’aurons pas le<br />
temps, hélas, de visiter le Musée de Vassieux et les dix lieux de mémoire consacrés à la<br />
Résistance. Aucune commune ou montagne qui n’ait été le théâtre de combats ou d’actes<br />
de résistance. Le maquis a vu le jour très tôt, alors que le Vercors était encore en zone libre<br />
dès mars 1941. Pierre Dalloz et Jean Prévost imaginaient transformer le Vercors en « Cheval<br />
de Troie pour commandos aéroportés ». Ce n’est, cependant, qu’en janvier 1943 que le<br />
maquis, pourtant déjà très actif, s’organise quand le projet, qui devient « le plan Montagnard<br />
», est entériné par Delestraint et Moulin et approuvé par de Gaulle et les Alliés. Notre<br />
parcours nous arrêtera également à la plaine d’Arbounouze où auront lieu les premiers<br />
parachutages, et au Pas de l’Aiguille où vingt-trois maquisards trouveront la mort. C’est du<br />
ciel qu’ils attendaient leur salut (les parachutages alliés), c’est du ciel qu’a surgi la mort (les<br />
bombardements allemands). Saint-Nizier sera le théâtre de violents combats en 1944. Le<br />
« plan Montagnard » n’a pas fonctionné.<br />
C’est derrière le cimetière que le GR91 donne le départ. Le brouillard, le vent et le froid<br />
ajoutent à la tristesse du lieu. La montée au sommet de Moucherotte est bien rude pour<br />
une mise en jambes. Il faut hisser d’environ huit cents mètres nos gros sacs à travers une<br />
belle forêt d’épicéas sur un sentier qui se cherche entre piste de ski chahutée par les engins,<br />
travaillée au bulldozer, et sentier au balisage hésitant.<br />
Nous sommes rassurés de savoir que ces travaux pharaoniques sont l’œuvre du Conseil<br />
Général de l’Isère qui réaménage le sommet du Moucherotte pour le plaisir des …générations<br />
futures. Ainsi le sommet est débarrassé de ses « ruines ». Les bâtiments de l’ancien<br />
hôtel Ermitage, l’ancienne gare du téléphérique, le réservoir, le poste optique…ont été<br />
détruits et les décombres évacués. Nul ne regrettera ces constructions inesthétiques. La<br />
reconstitution du sol et sa revégétalisation grâce à des semis et des plantations de la flore<br />
locale sont également prévus.<br />
Le froid est si vif, que nous faisons une pause thé dans le petit refuge sous le sommet.<br />
Par une trouée bienvenue au sommet du Moucherotte nous apercevons l’immense Mont-<br />
Blanc et les sommets enneigés. Les épicéas sont couverts de givre et offrent un spectacle<br />
2010 - N°239 43 <strong>Club</strong> Alpin Français
Découverte<br />
hivernal féerique. Le GR nous conduit gentiment par des pistes de ski herbacées à travers<br />
un camaïeu d’or, de roux et de vert des hêtres et des épicéas jusqu’aux Allières. L’auberge<br />
est une des quinze fermes du Vallon de Furon, devenue communale pour accueillir les<br />
troupeaux transhumants venus d’Arles par train ou de Grenoble par la route. Huit cents<br />
bêtes tondaient ces alpages jusqu’en 1953, fin de la transhumance. L’auberge-refuge accueille<br />
aujourd’hui les randonneurs et skieurs et l’alpage cent soixante génisses en été.<br />
Aujourd’hui c’est relâche. Les génisses sont à l’étable et les randonneurs que nous sommes,<br />
qui avaient fantasmé sur un copieux casse-croûte, devront se contenter des provisions<br />
tirées du sac.<br />
Le parcours, ensuite, qui emprunte souvent d’anciens chemins muletiers aujourd’hui goudronnés,<br />
va nous conduire, presque horizontalement, aux Bergeries de Roybon (1450m<br />
d’altitude). En balcon au-dessus de Villard-de-Lans, il est de toute beauté : symphonie<br />
de couleurs, ciel bleu cyan, calcaire aux gris rompus, dégradés des couleurs chaudes de<br />
l’automne. Nous décidons sagement, pour cette première journée, de nous arrêter aux<br />
Bergeries. Cela fait six heures quarante que nous marchons. Nous trouverons de l’eau à<br />
une source proche, bien aménagée. Certes il faudra faire le ménage car la Bergerie sert de<br />
refuge et les derniers visiteurs n’étaient pas des obsédés de la propreté. Cela nous occupe<br />
et nous réchauffe, tout à la fois. La nuit tombe vite et le froid avec. En ratissant les rares<br />
bouts de bois autour du refuge nous réussissons à faire deux heures d’un feu vite essoufflé<br />
et, à la bougie, nous nous installons confortablement pour la nuit. Quelques visiteurs<br />
retardataires, curieux, font une halte éclair avant de basculer, sous la lune, vers Villard-de-<br />
Lans, à trente minutes dans la vallée. Enfin seuls !<br />
Je fais l’inventaire des douleurs qui, curieusement, dans la marche, d’une randonnée à<br />
l’autre, ne sont jamais les mêmes ! Il y a une sorte de « turn-over » des zones douloureuses.<br />
Avec le temps tout y passe : pieds, chevilles, lombaires, épaules, un peu comme si le corps<br />
Rebord du plateau au-dessus de Châtillon-en-Diois<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
44<br />
N°239 - 2010
voulait établir une juste répartition des nuisances ! Les premiers jours le corps renâcle<br />
toujours avant de trouver son rythme de croisière. Les muscles ne sont pas encore prêts<br />
à assumer les agressions du sac et les efforts de la marche. Les bonheurs de la randonnée<br />
sont de dures conquêtes et ne viennent… qu’après. Ce n’est que peu à peu que s’installera<br />
l’harmonie. Hélas, je crains que quatre jours de marche ne suffisent pas à huiler assez vite<br />
la mécanique !<br />
C’est dans une brume légère et sol givré que nous nous réveillons. Il fait bien froid en ce<br />
matin du vendredi. Du Pont de l’Amour, si joliment nommé, le hameau des Clots nous<br />
permet de voir de près de belles maisons restaurées d’architecture montagnarde. Le toit à<br />
deux pentes descend très bas, bordé par des pignons lauzés. Le chaume est depuis longtemps<br />
remplacé par des tuiles rondes ou par de la tôle ondulée, les murs enduits ont laissé<br />
place à la pierre apparente, plus « tendance ». Il faut profiter des ces maisons typiques<br />
car nous basculons très vite dans l’univers de barres de béton de la station des Glovettes.<br />
C’est géant, c’est laid, c’est vide et jusqu’à Corrençon, le parcours est à l’image d’un paysage<br />
aménagé par l’homme avec plus ou moins de bonheur. Le GR emprunte des bouts<br />
de sentiers entrecoupés de routes goudronnées ponctuées de villas bien gardées par des<br />
cerbères vociférants, de tout poil et de toute race. Cave canem ! Les chiens qui, aux dires<br />
de leurs maîtres, ne sont généralement pas mordeurs, restent bien la plaie du randonneur<br />
égaré dans les villages-dortoirs.<br />
A Corrençon (1100m) comme ailleurs, la saison d’été est close, la saison de ski n’est pas<br />
ouverte. Nous nous y approvisionnerons tout de même en excellents produits de pays<br />
(bleu du Vercors, Saint Félicien) et pain dur offert par la boulangère qui a vendu tout le<br />
pain frais disponible. Nous savons que, jusqu’à dimanche soir, nous n’aurons aucun approvisionnement<br />
et que nous devrons compter sur l’eau des sources. Le clocher de Corrençon<br />
sonne midi. Nous espérons une auberge mais, bien sûr, tout est fermé ! Et que trouve-t-on<br />
au-delà de Corrençon ? Nous n’en avons qu’une vague idée : des plateaux et au loin des<br />
montagnes qui nous attendent.<br />
Le Vercors central : terre sauvage<br />
Le Vercors septentrional : terre des hommes<br />
C’est après une halte un peu trop longue, nous aurons à en pâtir plus tard, que nous nous<br />
dirigeons vers le « Champ de bataille ». Les troupes à cheval du Comte de Sassenage se<br />
sont confrontées aux troupes de l’évêque de Die. Au Moyen-âge le combat entre clergé<br />
et Etat, spirituel et temporel, qui opposait l’empereur et le pape remontait donc jusqu’à<br />
ces vallées reculées.<br />
C’est à travers une belle forêt qu’on entre enfin dans la Réserve naturelle des Hauts Plateaux<br />
du Vercors. Dans le même temps nous passons le quarante-cinquième parallèle.<br />
Nous voilà à mi-chemin du pôle et de l’équateur et à même latitude que le delta du Da-<br />
2010 - N°239 45 <strong>Club</strong> Alpin Français
Découverte<br />
nube ou le parc de Yellowstone créé cent ans plus tôt. Nous sommes à mille cent mètres<br />
environ. Cela correspond à l’étage montagnard. De neuf cents à mille six cents mètres<br />
sapins et hêtres se partagent l’espace. Au-delà nous trouverons à l’étage sub-<strong>alpin</strong> les épicéas,<br />
sapins, pins à crochets et pelouses.<br />
Mais c’est aussi un monument-souvenir au Puits de Ravières où en 1942 s’installa le Camp<br />
2 des maquis du Vercors. Curieux plateau où rien n’est plat ! Croupes mollement arrondies,<br />
couvertes de sombres forêts d’épicéas, entrecoupées de vastes prairies vallonnées.<br />
On imagine bien là les maquis : forêts propices où se cacher, vastes étendues dégagées où<br />
pouvaient se faire les parachutages comme à Darbounouze. Nous sommes prévenus aussi<br />
que le balisage est difficile. Nous suivrons le rouge et blanc du GR91 et les très nombreux<br />
cairns qui jalonnent le trajet. Nous apprendrons également à distinguer les pins taillés qui<br />
offrent de loin une silhouette caractéristique car les branches basses ont été élaguées,<br />
parfois très haut. Le tronc est quelquefois entaillé : antiques procédés de repérage bien<br />
antérieurs à l’usage de la peinture mais autrement visibles de loin !<br />
Comme la halte eût été bienvenue à la jolie cabane de Carrette ! Mais nous devons poursuivre<br />
jusqu’au prochain hébergement au Jasse du Play, car il reste peu de jour et la nuit<br />
tombe rapidement en cette période de l’année. Suit un long, très long cheminement au<br />
crépuscule, puis au coucher de soleil et enfin dans la nuit noire jusqu’au lever de lune,<br />
pour terminer sous l’éclairage de la pleine lune, aidés par la frontale. En éclaireur, Alex<br />
cherche le balisage : rouge, blanc, cairn. On évite les « pots », grands trous profonds creusés<br />
par l’érosion des eaux de pluie dans le calcaire. Le Vercors nous rappelle sa géologie<br />
particulière : de belles assises de calcaire urgonien où des bancs de marnes plus tendres<br />
à la structure ondulée en anticlinaux et synclinaux sont parfois rompus par des failles importantes.<br />
L’érosion glaciaire d’abord, puis périglaciaire et enfin karstique ont donné au<br />
plateau sa singularité. Nous aurions préféré admirer en plein jour le chaotique canyon des<br />
Erges qu’il nous faut remonter à la lueur de la frontale. Les pieds meurtris traversent de gigantesques<br />
lapiez, évitent les entrelacs, les gouffres, crevasses, scialets sculptés par l’eau.<br />
Nous passons, sans les voir, les ruines de Tiolache d’en haut, chercherons, en vain, l’abri de<br />
Tiolache du milieu. La nuit est glaciale et nous envisageons, chacun de notre côté, le possible<br />
bivouac, quand une miraculeuse petite lumière annonce ce que nous supposons être,<br />
et qui sera, la cabane du Jasse du Play (1610m). Il est dix-neuf heures trente. Nous avons<br />
marché presque neuf heures aujourd’hui. Les six randonneurs installés sont surpris de<br />
nous voir arriver en pleine nuit et nous regardent médusés. Nous sommes ravis de trouver<br />
le poële ronflant de plus belle et la perspective d’une nuit chaude et à l’abri. Optimistes,<br />
nous pensons régler demain, très vite, le problème de l’eau à la Fontaine de la Chau.<br />
Le problème de l’eau est préoccupant. Nous quittons l’abri à sept heures quarante-cinq<br />
avec un quart de litre d’eau…pour deux. Nous allons vraiment percevoir que ce plateau<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
46<br />
N°239 - 2010
Entre Moucherotte et Roybon<br />
est un désert sans eau. Sur ce donjon de calcaire, si l’eau de pluie s’engouffre pour circuler<br />
souterrainement ou ressortir en cascades et sources au pied de la montagne, à la fin de<br />
l’été les sources sont taries. Nous allons perdre beaucoup de temps à découvrir le croisement<br />
entre le GR et le sentier central, ce qui nous donnera la direction de la source de la<br />
Nouvelle Jasse de la Chau. Sens en éveil, nous captons les moindres indices permettant<br />
de situer ladite source. Restes de cabanes de bergers, traces à peine marquées de sentes<br />
délaissées, abris, enclos, des pierres plates sous un arbre où le berger devait faire la pause.<br />
L’eau est là, nous le devinons. Je rassemble mes vieux souvenirs d’école : la source est<br />
nécessairement au contact de la couche calcaire et des marnes imperméables. La topographie<br />
nous aide et à quelques trente minutes du GR vers le nord-est, alertés par des<br />
pierres lavées, rougeâtres, tranchant sur le blanc du calcaire, nous trouvons la source. Mais<br />
elle est à sec !<br />
Nous allons devoir renoncer au projet de gravir le Grand Veymont (2341m), faute d’eau.<br />
C’est dommage car le temps est superbe, la luminosité exceptionnelle et la crête bien<br />
tentante nous narguera tout le matin. La source intermittente annoncée aux Serrons, quarante-cinq<br />
minutes plus tard, est sans doute à sec (car intermittente !). Nous ne trouverons<br />
même pas le site. A Grande Cabane (1563m) où les bergers récupèrent l’eau dans de vastes<br />
citernes souterraines, nous supputons sur la quantité d’eau de pluie recueillie dans les<br />
grands bidons plastique soigneusement cadenassés à l’arrière de la cabane. Je pense à<br />
ce film très futuriste : Mad Max, qui développait, entre autres, le thème de la bataille pour<br />
l’eau, sauf qu’Alex n’est pas Mel Gibson ! Chaque bergerie porte une plaque rappelant le<br />
nom et la date du passage des bergers successifs.<br />
2010 - N°239 4 <strong>Club</strong> Alpin Français
Découverte<br />
Bientôt c’est une bonne piste à travers forêts<br />
et pelouses qui nous conduit au croisement<br />
des GR93 et GR91. La cabane, non<br />
gardée, de Pré Peyret apparaît comme une<br />
terre promise. Nous y trouverons, outre une<br />
source maigrelette mais suffisante, une halte<br />
Ferme typique du Vercors<br />
bienvenue. C’est un beau site, propice au farniente.<br />
La journée de demain promet d’être longue mais cet après-midi le temps et le cadre bucolique<br />
incitent à la détente. Sans hâte donc nous pouvons couper du bois, converser avec<br />
les rares randonneurs présents venus en famille du Col du Rousset.<br />
Le Vercors méridional : terre de couleurs<br />
Nous quittons Pré Peyret très tôt, la chaleur de la bergerie, les enfants déjà tôt réveillés<br />
sur les bas-flancs. La brebis égarée et boiteuse erre en bêlant autour de la cabane et il<br />
y a tout à parier qu’elle ne passera pas l’hiver. C’est bien le seul animal d’une faune annoncée<br />
riche…mais si discrète qu’il ne nous sera donné de voir que des oiseaux. Nous<br />
savons que l’étape sera longue, le jour magnifique. On longe manifestement la bordure<br />
occidentale du plateau au plus près. Au passage, on distingue, en avant du plateau, la<br />
très aérienne dent de Die. Les pins à crochets, aux aiguilles sombres, uniques dans les<br />
Préalpes, sont plus clairsemés. Le chemin chaotique contourne d’innombrables « pots »<br />
tandis qu’on aperçoit, quelques mille cinq cents mètres plus bas, la vallée de la Drôme et la<br />
petite localité de Die. Nous longeons ensuite le versant occidental, sans perdre de vue, en<br />
nous retournant, l’impressionnant panorama sur les espaces déjà parcourus de ce large<br />
synclinal dominé par la crête ondulante du Grand Veymont, tandis que, au fur et à mesure<br />
de notre progression, émerge, comme une sentinelle majestueuse, à l’avant du plateau, le<br />
fascinant Mont Aiguille.<br />
On comprend mieux, sous cet angle, l’attraction que cette forteresse de calcaire a pu exercer.<br />
On l’appelait la montagne inaccessible. L’érosion a isolé peu à peu cet îlot rocheux du<br />
grand plateau calcaire. Sentinelle de pierre à l’est, dominant le Trièves, plus qu’aiguille. Ce<br />
n’est qu’en 1490 que Charles VIII, familier du Dauphiné acheté pour lui par Louis XI, invite<br />
un de ses plus valeureux officiers, Antoine de Ville, « à faire essayer si l’on pourrait monter<br />
sur cette montagne que l’on dit inaccessible ». L’année 1491 verra se préparer l’expédition<br />
qui devra vaincre non seulement l’obstacle naturel mais aussi un obstacle psychologique<br />
et spirituel. Des légendes courraient, évoquant « des dragons…dont certains ont des ailes,<br />
d’autres des pieds ». L’approche est techniquement bien préparée et c’est l’année de la<br />
découverte de l’Amérique, le 26 juin 1492 plus exactement, que le dit Antoine de Ville<br />
signe, avec l’ascension réussie de l’aiguille, l’acte de naissance de l’<strong>alpin</strong>isme. Avec lyrisme<br />
il décrit « le plus orrible et expovantable passage » mais aussi « le plus beau lieu que vi-<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
4<br />
N°239 - 2010
Le Vercors septentrional :<br />
terre des hommes<br />
tes jamays par dessus ». Il le baptise du nom<br />
d’ « Aiguille Fort » que la postérité n’adoptera<br />
pas.<br />
Butte-témoin d’un autre âge, elle offre un<br />
merveilleux spectacle ce matin, tant l’air est<br />
pur. Notre objectif reste les Cabanes de Châ-<br />
Cirque d’Archiane<br />
tillon. Nous nous offrons deux haltes-spectacles à la cote 1906m et au<br />
Grand Cairn de Malcollet à 1950m. Nous avons, à nos pieds, par-delà le cirque d’Archiane,<br />
au moins huit plans successifs de crêtes où nous devinons, l’Oisans et loin, très loin sur la<br />
ligne d’horizon …l’Argentera.<br />
Les cabanes de Châtillon sont nichées au flanc d’une vaste combe harmonieuse, tapissée<br />
d’herbe dorée rase et parsemée de pierres dressées et alignées par les bergers. Les eaux<br />
de pluie sont captées par une retenue artificiellement constituée d’une immense poche<br />
plastique qui va alimenter un alignement d’abreuvoirs. Des bergers profitent des derniers<br />
rayons du soleil, teint rubicond et allure rustique. Ils sont venus là fermer les cabanes pour<br />
l’hiver et manifestement ce n’est pas l’eau qui a servi à célébrer cette tâche ultime. Les<br />
deux mille quatre cents « tardons » montés au 24 juin, jour de la Saint-Jean, ont estivé trois<br />
mois et sont déjà redescendus. L’espace vercusien reste un espace de transhumance. Mille<br />
drailles sillonnent le plateau qui accueille brebis de la Crau, du Valentinois ou du Diois.<br />
Quelle que soit leur sauvage beauté, les hauts plateaux restent un territoire façonné par<br />
l’homme. Les carriers, dès l’Antiquité, exploitaient les roches du sud du Grand Veymont, à<br />
mille huit cents mètres d’altitude, pour construire les monuments de Dea Augusta (l’ancienne<br />
ville de Die). On retrouve les vestiges de ces carrières sur les hauts-plateaux et, en<br />
particulier, une imposante colonne inachevée. Les hauts-plateaux du Vercors ont également<br />
été fréquentés par des forestiers, des pasteurs (refuge protestant), ou des bergers<br />
dont les pâturages, bien qu’inscrits dans le Parc ou la Réserve, sont patrimoine communal<br />
et dernier bastion de la transhumance <strong>alpin</strong>e, semblant échapper au temps.<br />
Est-ce pour cela qu’on y parle du loup, comme dans le Mercantour, inépuisable sujet de<br />
discussion et de controverse. A les entendre je ne donnerai pas cher de sa peau ! Est-ce<br />
vraiment le loup qui attaque les troupeaux ? Nous n’avons trouvé aucune grande faune, ni<br />
le mouflon de Corse, réintroduit, ni chamois. Les grands vautours nichent dans la falaise,<br />
au-dessus du col du Rousset, et tournoient avec bonheur au-dessus du plateau. « Trop tôt<br />
» pensais-je, en les voyant, quand nous marchions sans eau ! La longue descente (mille<br />
deux cents mètres) qui nous attend est un ravissement pour l’œil, un calvaire pour les<br />
pieds.<br />
Nous basculons, en lacets serrés sur les mille deux cents mètres de dénivelé qui nous séparent<br />
de Châtillon, à travers un couvert forestier dense de hêtres, puis de pins noirs, fruits<br />
2010 - N°239 49 <strong>Club</strong> Alpin Français
Découverte<br />
des reboisements. Le Parc précise aussi que les reboisements vont permettre de reconstituer<br />
la forêt originelle de feuillus, hêtres en particulier, au détriment des pins. Un dernier<br />
coup d’œil au plateau déchiqueté en aiguilles impressionnantes. Deux heures trente plus<br />
tard, les mêmes, les pieds contraints et douloureux, à la nuit tombée, atteignent enfin le<br />
village de Châtillon en Diois. Il est dix-sept heures.<br />
Les vieilles maisons coquettement restaurées sont à échelle humaine. Le temple jouxte<br />
presque l’église à l’élégant clocher. Que fait l’instituteur un dimanche soir dans la désuète<br />
école, veille de rentrée ? Des cahiers à corriger ? A l’étal de l’épicerie, pommes et noix<br />
rappellent que c’est l’automne. La clairette de Die, champagne du pauvre, nous rappelle<br />
le temps où on servait avec religiosité le liquide ambré et pétillant qui accompagnait la «<br />
galette des rois ». Le vin de pays reste de tradition puisqu’il était vendu, loin vers le Trièves<br />
et au-delà vers Grenoble par le col de Menée.<br />
Si nous avions poursuivi le GR91 en direction du sud, nous aurions pu, à travers le Rosanais,<br />
les Baronnies, atteindre le Ventoux et même au-delà le Lubéron, tous ces pays qui<br />
sentent bon le terroir et le Midi déjà. Pour l’heure c’est par Sisteron et la route des Alpes<br />
que nous regagnerons Nice. Au total trente heures de marche sur quatre jours, des couleurs<br />
plein les yeux, le corps meurtri cependant (le poids de nos sacs n’y est sans doute<br />
pas étranger).<br />
Entre Isère et Drôme, ce petit massif recèle bien d’autres merveilles à découvrir, mi- Alpes<br />
du Nord, mi-Alpes du Sud, carrefour écologique, ensemble à échelle humaine. Tout est<br />
nature sauvage mais tout aussi y parle de l’homme. Si l’humain est rare, sa présence est<br />
décelable partout. Résistants, bergers, forestiers, aujourd’hui fonctionnaires du Parc… Les<br />
accès, certes, n’en sont pas faciles mais, pour qui accepte l’inconfort, la récompense est<br />
une nature partout vivante, fragile, diverse et magnifique.<br />
Au cœur du massif, c’est dans la solitude des grands espaces que le marcheur peut poursuivre<br />
sa rêverie ou ses interrogations. Il peut chercher (souvent en vain) des explications<br />
à sa quête « d’ailleurs ». Quelles obscures forces le poussent ainsi à souffrir, écrasé par le<br />
poids de la charge, marqué dans sa chair par le froid trop vif ou la chaleur excessive qui<br />
se succèdent brutalement pour mieux l’éprouver ? Quand le corps est enfin dompté, rien<br />
ne peut gâcher la longue rêverie qui va se dérouler au cours de la marche. Exercice que<br />
l’on croit physique et qui, libéré de la contrainte du corps, permet parfois de découvrir la<br />
part de soi-même, cachée jusque là, celle qui nous révèle ce qui pour nous est essentiel et<br />
le dégage du superflu. La marche apparaît alors comme une démarche intellectuelle qui<br />
a vite fait d’anesthésier les douleurs multiples. On ne pense plus alors qu’au moment où<br />
l’on reprendra, au plus vite, son bâton de pèlerin ! D’autres plateaux désertiques battus<br />
par le vent, d’autres crêtes effilées, des ergs lointains, des forêts mystérieuses, des mers<br />
parcourues par les icebergs, un Himalaya fascinant… nous attendent….<br />
<strong>Club</strong> Alpin Français<br />
50<br />
N°239 - 2010
photo Marie Hennechart<br />
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