Le train bleu - Chri.. - Index of

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Le visage du Grec changea d’expression. — Tenez-vous vraiment à le savoir ? — Vous êtes un finaud, monsieur Papopoulos. Non, je n’exige pas que vous répondiez à ma question. Ce collier ne vaut certainement pas cinq cent mille dollars. Papopoulos éclata de rire et Poirot se joignit à lui. — Pour une imitation, dit Papopoulos, en rendant le bijou à Poirot, c’est du beau travail, comme je vous le disais tout à l’heure. Serait-ce indiscret de vous demander d’où vient ce collier ? — Pas du tout. Je puis bien le dire à un vieil ami comme vous. Il était en possession du comte de la Roche. M. Papopoulos fronça les sourcils. — Tiens ! Tiens ! Poirot, affectant un air des plus innocents, se pencha vers le Grec et lui dit : — Monsieur Papopoulos, je vais jouer cartes sur table. Le « Cœur de Feu », dont ce bijou est une reproduction, a été volé à Mrs Kettering dans le Train Bleu. Laissez-moi d’abord vous apprendre que je ne m’occupe nullement de retrouver le collier : cela regarde la police, et je ne travaille pas pour elle, mais pour le compte de Mr Van Aldin. Je veux mettre la main sur l’assassin de Mrs Kettering. Le bijou ne m’intéresse qu’autant qu’il peut m’aider à découvrir le meurtrier. Comprenez-vous ? Il prononça ces deux derniers mots avec une insistance toute particulière. M. Papopoulos, le visage impassible, lui dit : — Très probablement, monsieur, le bijou changea de propriétaire à Nice… peut-être estce déjà fait. — Continuez, je vous prie. — Ah ! M. Papopoulos but son café à petites gorgées, l’air plus noble et plus patriarcal que jamais. — Quelle heureuse coïncidence ! ai-je pensé. Mon vieil ami M. Papopoulos séjourne en ce moment à Nice. Il va m’aider. — Et comment ça ? demanda l’antiquaire d’un ton glacial. — Je me suis dit : M. Papopoulos se trouve sûrement à Nice pour affaires. — Pas du tout. Je viens pour ma santé… par ordre de la Faculté. Il émit une toux caverneuse. — Vous m’en voyez désolé, fit Poirot, sans grande conviction. Mais revenons à nos moutons. Qu’un grand-duc, une archiduchesse d’Autriche, ou un prince italien veuille négocier ses bijoux de famille, à qui s’adresse-t-il ? À M. Papopoulos, de renommée mondiale, et dont tous reconnaissent la discrétion et l’habileté. — Vous me flattez, dit le vieillard en s’inclinant. — La discrétion est une qualité inappréciable, murmura Poirot. Il fut récompensé par le sourire furtif qui éclaira le visage du Grec. — Moi aussi, je sais être discret, déclara le détective. Les regards des deux hommes se croisèrent. Alors Poirot parla lentement, pesant chacune de ses paroles. — Je me suis dit encore ceci : si le collier a changé de propriétaire à Nice, M. Papopoulos en aura entendu parler ; il est assez au courant de tout ce qui se passe dans le monde des

ijoux. — Ah ! dit le Grec en prenant un croissant. — La police n’a rien à voir là-dedans. C’est une affaire strictement personnelle, ajouta M. Poirot. — Certains bruits circulent, risqua Papopoulos sans trop se compromettre. — Lesquels ? demanda Poirot. — Est-il bien nécessaire que je vous les répète ? — Oui. Souvenez-vous, monsieur Papopoulos. Il y a dix-sept ans, un personnage en vue vous confia la garde d’un bijou qui disparut de façon inexplicable. Vous étiez, si j’ose dire, dans de vilains draps. Ses yeux se tournèrent vers la jeune fille. Elle avait repoussé sa tasse et, les deux coudes sur la table, son menton appuyé sur ses mains, elle ne perdait pas une parole. M. Poirot continua : — À cette époque, je me trouvais à Paris. Vous me fîtes appeler. Remettant votre sort entre mes mains, vous me juriez alors que, si je vous rendais le bijou perdu, vous m’en seriez reconnaissant jusqu’à la mort. Eh bien, grâce à moi, vous êtes rentré en sa possession. — Ce moment fut le plus pénible de ma carrière, soupira le Grec. — Certes, dix-sept ans, c’est bien long ! Toutefois, je crois ne pas me tromper en affirmant que ceux de votre race ont bonne mémoire. — Vous parlez au Grec ? demanda M. Papopoulos avec un sourire ironique. — Non, ce n’est pas au Grec que je m’adresse. Le vieillard se redressa, plein de fierté. — Vous avez raison, monsieur Poirot, je suis un Juif. Et, comme vous venez de le dire, ceux de notre race ont la mémoire fidèle. — Je puis donc compter sur votre concours ? — En ce qui concerne le bijou, je ne vous promets rien. Le vieillard, tout comme Poirot, choisissait ses mots avec prudence. — Je ne sais rien et n’ai rien entendu dire. Je puis cependant vous donner un bon tuyau… si vous vous intéressez aux courses. — Tout dépend des circonstances, fit Poirot, regardant fixement son interlocuteur. — À Longchamp, il y a, en ce moment, un cheval digne de retenir l’attention. Mais impossible de rien certifier ; ces renseignements passent par tant de bouches, vous comprenez ? L’antiquaire s’interrompit, scruta le visage de Poirot pour s’assurer si le détective saisissait le sens caché de ses paroles. — Parfaitement, parfaitement, répondit Poirot. M. Papopoulos se renversa sur sa chaise et joignit le bout des doigts. — Ce cheval s’appelle Marquis. C’est un cheval anglais, il me semble ; et toi, Zia, qu’en dis-tu ? — Je le crois également. Poirot se leva. — Je vous remercie, monsieur. Rien ne vaut ce que les Anglais appellent « un tuyau venant de l’écurie même ». Au revoir, monsieur, et mille fois merci ! Il se tourna vers la jeune fille. — Au revoir, mademoiselle Zia. Il me semble que notre dernière entrevue à Paris date

<strong>Le</strong> visage du Grec changea d’expression.<br />

— Tenez-vous vraiment à le savoir ?<br />

— Vous êtes un finaud, monsieur Papopoulos. Non, je n’exige pas que vous répondiez à<br />

ma question. Ce collier ne vaut certainement pas cinq cent mille dollars.<br />

Papopoulos éclata de rire et Poirot se joignit à lui.<br />

— Pour une imitation, dit Papopoulos, en rendant le bijou à Poirot, c’est du beau travail,<br />

comme je vous le disais tout à l’heure. Serait-ce indiscret de vous demander d’où vient ce<br />

collier ?<br />

— Pas du tout. Je puis bien le dire à un vieil ami comme vous. Il était en possession du<br />

comte de la Roche.<br />

M. Papopoulos fronça les sourcils.<br />

— Tiens ! Tiens !<br />

Poirot, affectant un air des plus innocents, se pencha vers le Grec et lui dit :<br />

— Monsieur Papopoulos, je vais jouer cartes sur table. <strong>Le</strong> « Cœur de Feu », dont ce bijou<br />

est une reproduction, a été volé à Mrs Kettering dans le Train Bleu. Laissez-moi d’abord vous<br />

apprendre que je ne m’occupe nullement de retrouver le collier : cela regarde la police, et je<br />

ne travaille pas pour elle, mais pour le compte de Mr Van Aldin. Je veux mettre la main sur<br />

l’assassin de Mrs Kettering. <strong>Le</strong> bijou ne m’intéresse qu’autant qu’il peut m’aider à découvrir le<br />

meurtrier. Comprenez-vous ?<br />

Il prononça ces deux derniers mots avec une insistance toute particulière. M. Papopoulos,<br />

le visage impassible, lui dit :<br />

— Très probablement, monsieur, le bijou changea de propriétaire à Nice… peut-être estce<br />

déjà fait.<br />

— Continuez, je vous prie.<br />

— Ah !<br />

M. Papopoulos but son café à petites gorgées, l’air plus noble et plus patriarcal que<br />

jamais.<br />

— Quelle heureuse coïncidence ! ai-je pensé. Mon vieil ami M. Papopoulos séjourne en ce<br />

moment à Nice. Il va m’aider.<br />

— Et comment ça ? demanda l’antiquaire d’un ton glacial.<br />

— Je me suis dit : M. Papopoulos se trouve sûrement à Nice pour affaires.<br />

— Pas du tout. Je viens pour ma santé… par ordre de la Faculté.<br />

Il émit une toux caverneuse.<br />

— Vous m’en voyez désolé, fit Poirot, sans grande conviction. Mais revenons à nos<br />

moutons. Qu’un grand-duc, une archiduchesse d’Autriche, ou un prince italien veuille négocier<br />

ses bijoux de famille, à qui s’adresse-t-il ? À M. Papopoulos, de renommée mondiale, et dont<br />

tous reconnaissent la discrétion et l’habileté.<br />

— Vous me flattez, dit le vieillard en s’inclinant.<br />

— La discrétion est une qualité inappréciable, murmura Poirot.<br />

Il fut récompensé par le sourire furtif qui éclaira le visage du Grec.<br />

— Moi aussi, je sais être discret, déclara le détective.<br />

<strong>Le</strong>s regards des deux hommes se croisèrent.<br />

Alors Poirot parla lentement, pesant chacune de ses paroles.<br />

— Je me suis dit encore ceci : si le collier a changé de propriétaire à Nice, M. Papopoulos<br />

en aura entendu parler ; il est assez au courant de tout ce qui se passe dans le monde des

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