Le train bleu - Chri.. - Index of
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— On demande Mademoiselle au téléphone, annonça Marie. M. Hercule Poirot veut lui parler. — Que de sang, que de meurtres ! Vite, Catherine, allez bavarder avec votre détective. La voix de M. Poirot arriva, claire et nette, à l’oreille de Catherine. — Vous êtes à l’appareil, mademoiselle Grey ? Bon. Mademoiselle, je vous téléphone de la part de Mr Van Aldin, le père de Mrs Kettering. Il désire vous voir, soit à la villa Marguerite, soit à son hôtel à Nice, à votre gré. Réflexion faite, Catherine ne voulait pas recevoir Mr Van Aldin à la villa Marguerite. Lady Tamplin n’eût pu contenir sa joie, elle qui ne laissait jamais échapper une occasion de fréquenter des millionnaires. Catherine répondit donc à Poirot qu’elle irait à Nice. — Parfait, mademoiselle. Je vais moi-même vous chercher en auto… dans trois quarts d’heure. Cela vous va ? Bon… À bientôt ! À l’heure indiquée, Poirot arriva. Miss Grey l’attendait et ils partirent aussitôt. — Comment allez-vous, mademoiselle ? Un plus ample examen confirma la première impression de la jeune fille. M. Hercule Poirot était un homme charmant. — Voici notre roman policier vécu. Je vous avais promis que nous mènerions l’enquête ensemble, et, comme toujours, je tiens ma promesse. — Vous êtes trop aimable, monsieur Poirot. — Ah ! vous vous moquez de moi ! Voulez-vous, oui ou non, connaître les détails de l’affaire ? Catherine lui avoua sa curiosité et le détective lui fit le portrait du comte de la Roche. — Vous croyez que cet homme l’a tuée ? demanda Catherine. — On le soupçonne, répondit Poirot, sans se compromettre. — Oui, mais pas vous ? — Je n’ai pas encore donné mon opinion. Et vous, mademoiselle, qu’en pensez-vous ? Elle hocha la tête. — Que voulez-vous que j’en pense ? Je ne connais rien à ces sortes de choses, mais il me semble que… — Eh bien ? — D’après le portrait que vous venez de me faire de cet homme, je le crois incapable de commettre un crime. — Ah ! Nous partageons le même point de vue. Poirot la regarda attentivement : Ditesmoi, mademoiselle, vous avez vu Mr Kettering ? — Oui, je l’ai rencontré chez lady Tamplin et nous avons déjeuné ensemble hier. — Un mauvais sujet, déclara Poirot, mais les femmes préfèrent ces hommes-là, n’est-ce pas ? Il lança un coup d’œil malicieux à Catherine, et ajouta : — Un individu comme lui ne passe pas inaperçu. Vous l’avez sans doute remarqué dans le Train Bleu ? — Oui. — Dans le wagon-restaurant ? — Non. Je l’ai aperçu une seule fois, au moment où… il entrait dans le compartiment de sa femme.
— Drôle d’histoire, murmura Poirot. Mademoiselle, je me souviens vous avoir entendu dire que, vous trouvant éveillée à Lyon, vous avez regardé par votre fenêtre. N’auriez-vous pas vu un grand homme brun comme le comte de la Roche sortir du train ? — Non, je n’ai vu personne. Ou plutôt, si, un gamin en casquette et en pardessus descendit de voiture, mais je ne crois pas qu’il ait quitté la gare, il allait et venait sur le quai. Il y avait aussi un gros Français barbu, portant un pardessus sur son pyjama, qui désirait une tasse de café. En dehors d’eux, je n’ai remarqué que les employés du train. Poirot hocha la tête. — Le cas du comte de la Roche se compliqua du fait qu’il possède un alibi. Rien de plus pénible qu’un alibi : c’est la porte ouverte à tous les soupçons. Nous voici arrivés ! Ils montèrent tout droit à l’appartement de Van Aldin, où ils furent accueillis par Knighton. Poirot le présenta à Catherine. Après quelques phrases banales, Knighton leur dit : — Je vais prévenir Mr Van Aldin de la visite de miss Grey. Il passa dans une pièce voisine. On entendit un murmure de voix, puis Van Aldin entra dans la pièce, et, la main tendue, s’avança vers Catherine, tout en l’observant d’un regard scrutateur. — Je suis heureux de vous voir, miss Grey, dit-il. J’attendais avec impatience votre venue pour vous entendre parler de Ruth. Les manières simples du millionnaire plurent beaucoup à Catherine. Elle se sentait en présence d’une douleur sincère, d’autant plus réelle qu’elle ne s’extériorisait en aucune façon. Il lui offrit une chaise. — Asseyez-vous, je vous prie, et racontez-moi ce que vous savez. Poirot et Knighton se retirèrent discrètement dans une autre pièce, laissant Catherine et Van Aldin en tête à tête. Sans difficulté, elle lui répéta presque mot pour mot sa conversation avec Ruth Kettering. Il écoutait en silence, voilant ses yeux de sa main. Quand elle eut terminé, il lui dit d’une voix calme : — Je vous remercie infiniment, mademoiselle. Ils se turent pendant quelques minutes. Catherine sentait que des formules de condoléances eussent été déplacées en ce moment. Bientôt, le millionnaire parla, mais d’un ton différent. — Mademoiselle, comment vous exprimer ma gratitude ! Vos bonnes paroles ont certainement calmé l’esprit de ma pauvre Ruth durant les dernières heures de sa vie. Permettez-moi de vous poser une question. M. Poirot vous a parlé de ce vaurien dont ma pauvre fille s’était entichée. C’était l’homme qu’elle allait rejoindre. Vous semble-t-il qu’après votre conversation, elle soit revenue sur sa décision ? — Franchement, je ne saurais rien affirmer. Toujours est-il qu’elle paraissait tranquille et rassurée quand je quittai son compartiment. — Ne vous a-t-elle pas dit où elle comptait rencontrer ce bandit : à Paris ou à Hyères ? — Non, elle ne m’a rien dit à ce sujet. — Ah ! C’est le point essentiel. On finira bien par identifier le coupable, mais il faudra du temps. Van Aldin se leva et ouvrit la porte de la pièce voisine. Poirot et Knighton reparurent. Le millionnaire invita Catherine à déjeuner, mais elle refusa, et Knighton l’accompagna jusqu’à la voiture qui attendait devant la porte de l’hôtel. Quand le secrétaire remonta, il trouva Poirot et Van Aldin absorbés dans leur conversation.
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— On demande Mademoiselle au téléphone, annonça Marie. M. Hercule Poirot veut lui<br />
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— Que de sang, que de meurtres ! Vite, Catherine, allez bavarder avec votre détective.<br />
La voix de M. Poirot arriva, claire et nette, à l’oreille de Catherine.<br />
— Vous êtes à l’appareil, mademoiselle Grey ? Bon. Mademoiselle, je vous téléphone de<br />
la part de Mr Van Aldin, le père de Mrs Kettering. Il désire vous voir, soit à la villa Marguerite,<br />
soit à son hôtel à Nice, à votre gré.<br />
Réflexion faite, Catherine ne voulait pas recevoir Mr Van Aldin à la villa Marguerite. Lady<br />
Tamplin n’eût pu contenir sa joie, elle qui ne laissait jamais échapper une occasion de<br />
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Catherine répondit donc à Poirot qu’elle irait à Nice.<br />
— Parfait, mademoiselle. Je vais moi-même vous chercher en auto… dans trois quarts<br />
d’heure. Cela vous va ? Bon… À bientôt !<br />
À l’heure indiquée, Poirot arriva. Miss Grey l’attendait et ils partirent aussitôt.<br />
— Comment allez-vous, mademoiselle ?<br />
Un plus ample examen confirma la première impression de la jeune fille. M. Hercule Poirot<br />
était un homme charmant.<br />
— Voici notre roman policier vécu. Je vous avais promis que nous mènerions l’enquête<br />
ensemble, et, comme toujours, je tiens ma promesse.<br />
— Vous êtes trop aimable, monsieur Poirot.<br />
— Ah ! vous vous moquez de moi ! Voulez-vous, oui ou non, connaître les détails de<br />
l’affaire ?<br />
Catherine lui avoua sa curiosité et le détective lui fit le portrait du comte de la Roche.<br />
— Vous croyez que cet homme l’a tuée ? demanda Catherine.<br />
— On le soupçonne, répondit Poirot, sans se compromettre.<br />
— Oui, mais pas vous ?<br />
— Je n’ai pas encore donné mon opinion. Et vous, mademoiselle, qu’en pensez-vous ?<br />
Elle hocha la tête.<br />
— Que voulez-vous que j’en pense ? Je ne connais rien à ces sortes de choses, mais il me<br />
semble que…<br />
— Eh bien ?<br />
— D’après le portrait que vous venez de me faire de cet homme, je le crois incapable de<br />
commettre un crime.<br />
— Ah ! Nous partageons le même point de vue. Poirot la regarda attentivement : Ditesmoi,<br />
mademoiselle, vous avez vu Mr Kettering ?<br />
— Oui, je l’ai rencontré chez lady Tamplin et nous avons déjeuné ensemble hier.<br />
— Un mauvais sujet, déclara Poirot, mais les femmes préfèrent ces hommes-là, n’est-ce<br />
pas ?<br />
Il lança un coup d’œil malicieux à Catherine, et ajouta :<br />
— Un individu comme lui ne passe pas inaperçu. Vous l’avez sans doute remarqué dans le<br />
Train Bleu ?<br />
— Oui.<br />
— Dans le wagon-restaurant ?<br />
— Non. Je l’ai aperçu une seule fois, au moment où… il entrait dans le compartiment de<br />
sa femme.