Le train bleu - Chri.. - Index of
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— Vous me comprenez, cette fois. J’ai des amis partout. Le préfet lui-même… Elle n’acheva point la phrase, mais haussa les épaules d’un geste éloquent. — Comment pourrait-on garder des secrets devant une jolie femme ? murmura le comte, flagorneur. — La police vous soupçonne d’avoir tué Mrs Kettering. Mais elle se trompe. — Certes, acquiesça le comte. — Oui, mais vous ignorez la vérité. Moi je la connais. Le comte l’observa avec curiosité. — Vous savez qui a tué Mrs Kettering ? C’est bien là ce que vous venez de dire, mademoiselle ? — Parfaitement. — Qui donc est l’assassin ? — Son mari, répondit Mireille, d’une voix vibrante de colère. C’est son mari qui l’a tuée. Le comte, impassible, se rejeta en arrière dans son fauteuil. — Permettez-moi de vous demander qui vous l’a dit ? — Qui me l’a dit ? Mais il s’en est vanté devant moi avant son départ pour Nice. Ruiné, criblé de dettes, seule la mort de sa femme pouvait le tirer d’embarras. Pourquoi voyageait-il dans le même train que Mrs Kettering, à l’insu de celle-ci ? Tout simplement pour aller la tuer au milieu de la nuit… Ah ! (Mireille ferma les yeux.) Je vois d’ici l’horrible scène ! Le comte toussota. — Peut-être… peut-être… Il me semble, mademoiselle, qu’il n’eût point volé les bijoux. — Les bijoux ! Ah ! oui ! les rubis !… Les yeux de la femme s’assombrirent. Le comte l’observait et constatait une fois de plus la fascination des pierres précieuses sur le sexe faible. Il la rappela à des questions d’ordre pratique. — Que désirez-vous de moi, mademoiselle ? Aussitôt la femme d’affaires reparut chez Mireille. — C’est très simple. Vous informerez la police que Mr Kettering a tué sa femme. — Et si l’on ne me croit pas ? Je ne puis fournir de preuves. Mireille sourit et se drapa dans son manteau. — Envoyez-moi ces incrédules, monsieur le Comte. Je leur donnerai toutes les preuves qu’ils voudront. Son but atteint, Mireille s’en alla comme un tourbillon impétueux. Le comte, les sourcils délicatement levés, la regarda s’éloigner. — Elle est furieuse. Je me demande pourquoi. Toujours est-il qu’elle montre trop clairement son jeu. Soupçonne-t-elle réellement Mr Kettering d’avoir tué sa femme ? Elle voudrait surtout me le faire croire. Elle voudrait même en persuader la police. Le comte de la Roche sourit. Il n’avait nullement l’intention de se mêler de cette affaire. D’autres perspectives s’offraient à lui, et, à en juger par son sourire, elles étaient plus agréables. Bientôt, cependant, son front se rembrunit. Selon Mireille, la police le soupçonnait. Cela pouvait aussi bien être vrai que faux. Une furie déchaînée ne s’inquiète guère de la véracité de ses affirmations. D’autre part, peut-être était-elle bien renseignée. Dans ce cas… — la bouche du comte se tordit dans un rictus – il lui faudrait prendre certaines précautions. Il rentra dans la maison, et demanda de nouveau à Hippolyte si des étrangers n’étaient
pas venus chez lui. Le serviteur lui répondit négativement. Le comte monta dans sa chambre à coucher et se dirigea vers un vieux secrétaire placé contre le mur. Il en abattit le couvercle et ses doigts agiles firent jouer un ressort dissimulé au fond d’un des casiers. Un tiroir secret s’ouvrit, dans lequel se trouvait un petit paquet enveloppé de papier brun. Le comte le prit et le soupesa dans sa main. Puis, avec une légère grimace, il arracha un cheveu de sa tête et le plaça sur le bord du tiroir qu’il referma soigneusement. Le petit paquet dans sa main, il descendit l’escalier et sortit de la maison pour se rendre au garage. Dix minutes après, dans sa petite voiture rouge à deux places, il filait sur la route de Monte-Carlo. Après avoir passé quelques heures au casino, il flâna à travers la ville. Puis il remonta dans son automobile et prit la direction de Menton. Au début de l’après-midi, il avait remarqué une voiture grise à quelque distance derrière lui. De nouveau, il la revoyait sur la route. Le comte sourit et pressa fortement l’accélérateur. On gravissait une longue côte très raide. La petite voiture rouge, construite sur commande par le comte, possédait un moteur plus fort que ne l’aurait laissé soupçonner ses dimensions restreintes. Elle partit d’un trait. Le sourire aux lèvres, le comte jeta un coup d’œil en arrière vers la voiture grise. Enveloppée d’un nuage de poussière, la petite automobile rouge bondissait sur la route à une allure dangereuse, mais le comte conduisait avec une maîtrise et un sang-froid extraordinaires. À présent, la voiturette descendait une pente sinueuse et bientôt, elle ralentit pour s’arrêter enfin devant un bureau de poste. Le comte sauta de son siège, souleva le couvercle du coffre à outils, y prit le petit paquet enveloppé de papier brun et se précipita dans le bureau. Deux minutes plus tard, il remontait en voiture et continuait sa route vers Menton. Quand l’auto grise arriva dans cette ville, le comte, assis à la terrasse d’un hôtel, dégustait son « Five o’clock tea » à l’anglaise. Dans la soirée, il retourna dîner à Monte-Carlo, et regagna son domicile à onze heures. Hippolyte vint à sa rencontre, l’air très ennuyé. — Ah ! Voici enfin M. le Comte. Monsieur le Comte a-t-il téléphoné tantôt ? Le comte fit un signe de tête négatif. — Pourtant, à trois heures, j’ai reçu un coup de téléphone de monsieur le Comte, disant de venir le rejoindre à Nice, au Negresco. — Vraiment ? Et vous y êtes allé ? — Oui, monsieur le Comte, mais au Negresco on n’a pu me renseigner. Monsieur le Comte n’y était pas venu. — Ah ! et sans doute qu’à cette même heure Marie était sortie faire ses emplettes pour le dîner ? — Oui, monsieur le Comte. — Oh ! ne vous tourmentez pas, Hippolyte ! C’est sans doute une erreur. Le comte monta dans sa chambre, souriant en lui-même. Il s’enferma à clef et regarda attentivement autour de lui. Tout paraissait en ordre. Il ouvrit plusieurs tiroirs. Les objets avaient été replacés presque exactement comme il les avait mis, pas tout à fait cependant. De toute évidence, la chambre avait été fouillée dans tous les coins et recoins.
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— Vous me comprenez, cette fois. J’ai des amis partout. <strong>Le</strong> préfet lui-même…<br />
Elle n’acheva point la phrase, mais haussa les épaules d’un geste éloquent.<br />
— Comment pourrait-on garder des secrets devant une jolie femme ? murmura le comte,<br />
flagorneur.<br />
— La police vous soupçonne d’avoir tué Mrs Kettering. Mais elle se trompe.<br />
— Certes, acquiesça le comte.<br />
— Oui, mais vous ignorez la vérité. Moi je la connais.<br />
<strong>Le</strong> comte l’observa avec curiosité.<br />
— Vous savez qui a tué Mrs Kettering ? C’est bien là ce que vous venez de dire,<br />
mademoiselle ?<br />
— Parfaitement.<br />
— Qui donc est l’assassin ?<br />
— Son mari, répondit Mireille, d’une voix vibrante de colère. C’est son mari qui l’a tuée.<br />
<strong>Le</strong> comte, impassible, se rejeta en arrière dans son fauteuil.<br />
— Permettez-moi de vous demander qui vous l’a dit ?<br />
— Qui me l’a dit ? Mais il s’en est vanté devant moi avant son départ pour Nice. Ruiné,<br />
criblé de dettes, seule la mort de sa femme pouvait le tirer d’embarras. Pourquoi voyageait-il<br />
dans le même <strong>train</strong> que Mrs Kettering, à l’insu de celle-ci ? Tout simplement pour aller la tuer<br />
au milieu de la nuit… Ah ! (Mireille ferma les yeux.) Je vois d’ici l’horrible scène !<br />
<strong>Le</strong> comte toussota.<br />
— Peut-être… peut-être… Il me semble, mademoiselle, qu’il n’eût point volé les bijoux.<br />
— <strong>Le</strong>s bijoux ! Ah ! oui ! les rubis !…<br />
<strong>Le</strong>s yeux de la femme s’assombrirent. <strong>Le</strong> comte l’observait et constatait une fois de plus<br />
la fascination des pierres précieuses sur le sexe faible. Il la rappela à des questions d’ordre<br />
pratique.<br />
— Que désirez-vous de moi, mademoiselle ?<br />
Aussitôt la femme d’affaires reparut chez Mireille.<br />
— C’est très simple. Vous informerez la police que Mr Kettering a tué sa femme.<br />
— Et si l’on ne me croit pas ? Je ne puis fournir de preuves.<br />
Mireille sourit et se drapa dans son manteau.<br />
— Envoyez-moi ces incrédules, monsieur le Comte. Je leur donnerai toutes les preuves<br />
qu’ils voudront.<br />
Son but atteint, Mireille s’en alla comme un tourbillon impétueux.<br />
<strong>Le</strong> comte, les sourcils délicatement levés, la regarda s’éloigner.<br />
— Elle est furieuse. Je me demande pourquoi. Toujours est-il qu’elle montre trop<br />
clairement son jeu. Soupçonne-t-elle réellement Mr Kettering d’avoir tué sa femme ? Elle<br />
voudrait surtout me le faire croire. Elle voudrait même en persuader la police.<br />
<strong>Le</strong> comte de la Roche sourit. Il n’avait nullement l’intention de se mêler de cette affaire.<br />
D’autres perspectives s’<strong>of</strong>fraient à lui, et, à en juger par son sourire, elles étaient plus<br />
agréables.<br />
Bientôt, cependant, son front se rembrunit. Selon Mireille, la police le soupçonnait. Cela<br />
pouvait aussi bien être vrai que faux. Une furie déchaînée ne s’inquiète guère de la véracité<br />
de ses affirmations. D’autre part, peut-être était-elle bien renseignée. Dans ce cas… — la<br />
bouche du comte se tordit dans un rictus – il lui faudrait prendre certaines précautions.<br />
Il rentra dans la maison, et demanda de nouveau à Hippolyte si des étrangers n’étaient