Le train bleu - Chri.. - Index of

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04.07.2013 Views

plausible, mais je ne suis pas un naïf, monsieur Poirot. Depuis une heure, je vous observe et je devine que pour une raison connue de vous seul, vous suivez une autre piste. — Je me trompe peut-être. — Monsieur Poirot, accepteriez-vous de travailler pour moi ? — Pour vous, personnellement ? — C’est bien mon idée. Poirot garda le silence pendant un instant, puis il demanda au millionnaire : — Ne redoutez-vous pas les résultats de mon enquête ? — Je veux avant tout connaître le meurtrier. — Bien. J’accepte, à condition que vous répondiez franchement à mes questions. — Cela va de soi. Poirot changea d’attitude ; il devint brusquement un homme d’affaires à l’esprit pratique. — Au sujet de ce divorce, est-ce vous qui avez poussé votre fille à le demander ? — Oui. — Quand cela ? — Voilà une dizaine de jours. Dans une de ses lettres, elle se plaignait de l’inconduite de son mari. J’allai la voir et lui exposai que le divorce était le seul remède efficace. — Qu’avait-elle à reprocher à son époux ? — Il s’affichait partout en compagnie d’une femme très connue et de mœurs légères… celle dont nous parlions tout à l’heure… Mireille. — Ah ! la danseuse ! Et Mrs Kettering s’en offusquait ? Aimait-elle donc son mari ? — Euh ! Je ne l’affirmerai point. — Ce n’était donc pas son cœur qui souffrait, mais plutôt sa fierté : vous le jugez ainsi, n’est-ce pas ? — Oui, c’est bien cela. — Leur union n’a sans doute pas été heureuse dès le début ? — Derek Kettering, foncièrement mauvais, est incapable de faire le bonheur d’une femme. — En un mot, c’est un triste sire. — Vous pouvez le nommer ainsi. — Bien. Vous conseillez donc à Mrs Kettering de divorcer, elle y consent. Vous consultez vos hommes d’affaires. Quand Mr Kettering apprend-il cette nouvelle ? — Je l’ai appelé pour lui faire part moi-même de la décision que j’avais prise. — Et qu’a-t-il dit ? Le visage de Van Aldin s’assombrit au souvenir de l’attitude insolente de Derek. — Il a été d’une impudence diabolique. — Excusez-moi, monsieur, mais a-t-il fait allusion au comte de la Roche ? — Sans nommer ce personnage, il m’a fait comprendre qu’il était au courant de l’affaire. — Si ma question ne vous paraît pas indiscrète, voulez-vous m’exposer la situation financière de Mr Kettering à ce moment ? — Comment voulez-vous que je le sache ? demanda Van Aldin après une courte hésitation. — Il m’eût semblé tout naturel que vous fussiez renseigné là-dessus. — Vous avez raison, je l’ai fait, et on m’a appris que Kettering était à fond de cale. — Et maintenant il hérite de deux millions de livres ! La vie est bizarre… ne trouvez-vous

pas ? — Que voulez-vous dire ? — Je philosophe en ce moment, dit Poirot. Mais, revenons à Mr Kettering. Acceptait-il de bon gré l’idée de son divorce ? Van Aldin ne répondit pas tout de suite. — J’ignore quelles étaient ses intentions. — Ne l’avez-vous pas revu ? De nouveau Van Aldin fit une pause. — Non, dit-il enfin. Poirot s’arrêta net, tira son chapeau et tendit la main. — Au revoir, monsieur. Je ne puis rien faire pour vous. — Que dites-vous là ? demanda Van Aldin furieux. — Si vous ne me parlez pas franchement, je ne puis vous rendre le service que vous attendez de moi. — Je ne sais à quoi vous voulez en venir. — Vous me comprenez fort bien, monsieur Van Aldin. Sachez que vous pouvez compter entièrement sur ma discrétion. — Alors ! c’est entendu. J’ai répondu avec certaines réticences à votre dernière question, je l’avoue. J’ai été une seconde fois en rapport avec mon gendre. — Hein ? — Pour être plus exact, j’ai envoyé mon secrétaire, le major Knighton. Il lui offrait, de ma part, une somme de cent mille livres sterling s’il laissait se poursuivre le divorce sans défendre sa cause. — La somme était coquette. Qu’a répondu monsieur votre gendre ? — Il m’a fait dire que je pouvais aller au diable. — Ah ! Poirot ne trahit aucune surprise. Méthodiquement, il évalua et classa les faits dans son cerveau. — Mr Kettering a déclaré à la police qu’il n’a point vu sa femme et ne lui a pas parlé durant le voyage. Êtes-vous disposé à l’admettre, monsieur Van Aldin ? — Certes. Il a même dû mettre tous ses soins à l’éviter. — Pourquoi ? — Parce qu’il se trouvait en compagnie de cette femme. — Mireille ? — Précisément. — Comment le savez-vous ? — Je l’ai fait surveiller et on m’a informé qu’ils étaient partis par le même train. — Je comprends. En ce cas, il n’aurait pas cherché à revoir Mrs Kettering. Le petit homme demeura un moment silencieux et Van Aldin le laissa à sa méditation…

plausible, mais je ne suis pas un naïf, monsieur Poirot. Depuis une heure, je vous observe et<br />

je devine que pour une raison connue de vous seul, vous suivez une autre piste.<br />

— Je me trompe peut-être.<br />

— Monsieur Poirot, accepteriez-vous de travailler pour moi ?<br />

— Pour vous, personnellement ?<br />

— C’est bien mon idée.<br />

Poirot garda le silence pendant un instant, puis il demanda au millionnaire :<br />

— Ne redoutez-vous pas les résultats de mon enquête ?<br />

— Je veux avant tout connaître le meurtrier.<br />

— Bien. J’accepte, à condition que vous répondiez franchement à mes questions.<br />

— Cela va de soi.<br />

Poirot changea d’attitude ; il devint brusquement un homme d’affaires à l’esprit pratique.<br />

— Au sujet de ce divorce, est-ce vous qui avez poussé votre fille à le demander ?<br />

— Oui.<br />

— Quand cela ?<br />

— Voilà une dizaine de jours. Dans une de ses lettres, elle se plaignait de l’inconduite de<br />

son mari. J’allai la voir et lui exposai que le divorce était le seul remède efficace.<br />

— Qu’avait-elle à reprocher à son époux ?<br />

— Il s’affichait partout en compagnie d’une femme très connue et de mœurs légères…<br />

celle dont nous parlions tout à l’heure… Mireille.<br />

— Ah ! la danseuse ! Et Mrs Kettering s’en <strong>of</strong>fusquait ? Aimait-elle donc son mari ?<br />

— Euh ! Je ne l’affirmerai point.<br />

— Ce n’était donc pas son cœur qui souffrait, mais plutôt sa fierté : vous le jugez ainsi,<br />

n’est-ce pas ?<br />

— Oui, c’est bien cela.<br />

— <strong>Le</strong>ur union n’a sans doute pas été heureuse dès le début ?<br />

— Derek Kettering, foncièrement mauvais, est incapable de faire le bonheur d’une<br />

femme.<br />

— En un mot, c’est un triste sire.<br />

— Vous pouvez le nommer ainsi.<br />

— Bien. Vous conseillez donc à Mrs Kettering de divorcer, elle y consent. Vous consultez<br />

vos hommes d’affaires. Quand Mr Kettering apprend-il cette nouvelle ?<br />

— Je l’ai appelé pour lui faire part moi-même de la décision que j’avais prise.<br />

— Et qu’a-t-il dit ?<br />

<strong>Le</strong> visage de Van Aldin s’assombrit au souvenir de l’attitude insolente de Derek.<br />

— Il a été d’une impudence diabolique.<br />

— Excusez-moi, monsieur, mais a-t-il fait allusion au comte de la Roche ?<br />

— Sans nommer ce personnage, il m’a fait comprendre qu’il était au courant de l’affaire.<br />

— Si ma question ne vous paraît pas indiscrète, voulez-vous m’exposer la situation<br />

financière de Mr Kettering à ce moment ?<br />

— Comment voulez-vous que je le sache ? demanda Van Aldin après une courte<br />

hésitation.<br />

— Il m’eût semblé tout naturel que vous fussiez renseigné là-dessus.<br />

— Vous avez raison, je l’ai fait, et on m’a appris que Kettering était à fond de cale.<br />

— Et maintenant il hérite de deux millions de livres ! La vie est bizarre… ne trouvez-vous

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