Le train bleu - Chri.. - Index of
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CHAPITRE II<br />
MONSIEUR LE MARQUIS<br />
L’homme aux cheveux blancs continua son chemin sans se presser. L’air indifférent, il prit<br />
la première rue à droite, puis tourna sur la gauche. De temps à autre, il fredonnait un refrain.<br />
Soudain il s’arrêta net et tendit l’oreille. Il venait de percevoir une détonation. Était-ce<br />
l’éclatement d’un pneu ou… un coup de revolver ? Un étrange sourire éclaira<br />
momentanément sa physionomie.<br />
Puis il reprit sa paisible promenade.<br />
Au coin d’une rue, il vit un petit rassemblement. Un représentant de la loi, un calepin en<br />
main, interrogeait les passants attardés. L’homme aux cheveux blancs s’adressa poliment à<br />
l’un d’eux.<br />
— Que s’est-il donc passé ?<br />
— Deux voyous ont attaqué un vieil Américain.<br />
— L’ont-ils blessé ?<br />
— Oh ! non, monsieur ! <strong>Le</strong> Yankee avait un revolver sur lui ; sans perdre un instant, il a<br />
tiré sur les bandits qui ont pris la fuite. La police est arrivée trop tard.<br />
— Ah ! fit l’interlocuteur.<br />
Son visage n’exprimait aucune émotion. Il poursuivit sa promenade nocturne. Bientôt il<br />
retraversa la Seine et entra dans un des riches quartiers de Paris.<br />
Après vingt minutes de marche, il s’arrêta dans une rue tranquille et aristocratique,<br />
devant un magasin de dimensions restreintes et de modeste apparence : D. Papopoulos, le<br />
fameux antiquaire, n’avait nul besoin de publicité et ses affaires ne se traitaient guère devant<br />
le comptoir de sa boutique.<br />
À cette heure tardive, on se serait plutôt attendu à trouver M. Papopoulos dans le<br />
splendide appartement qu’il habitait avenue des Champs-Élysées. Cependant l’homme aux<br />
cheveux blancs, certain du succès de sa démarche, jeta un rapide coup d’œil du haut en bas<br />
de la rue et pressa le bouton placé dans l’obscurité.<br />
Sa certitude ne fut point déçue… la porte s’ouvrit et un homme au teint cuivré, portant<br />
des anneaux d’or aux oreilles, se présenta sur le seuil.<br />
— Bonsoir, dit le visiteur. Votre maître est-il là ?<br />
— Oui, mais il ne reçoit pas à cette heure de la nuit, grommela le domestique.<br />
— Peut-être me recevra-t-il. Annoncez-lui la visite de son ami, M. le Marquis.<br />
Tout en parlant, l’homme qui prenait ce titre se cachait le visage de la main. Bientôt le<br />
serviteur revint lui dire que M. Papopoulos le recevrait avec plaisir.<br />
Ce domestique, doué d’esprit d’observation, ou fort bien stylé, ne trahit aucune surprise<br />
devant le petit masque de satin noir qui recouvrait à présent le visage du visiteur. Il conduisit<br />
l’homme au fond du vestibule, ouvrit une porte et annonça dans un respectueux murmure :<br />
— M. le Marquis !<br />
Un vieillard d’allure imposante se leva pour accueillir le nouveau venu. <strong>Le</strong> front haut, la<br />
barbe blanche, ce personnage aux manières onctueuses, <strong>of</strong>frait un aspect vénérable et<br />
patriarcal.