Le train bleu - Chri.. - Index of

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s’empressa auprès de Catherine, lui offrit un cocktail et la prit sous sa protection. — Ah ! vous voilà, Derek ! s’écria lady Tamplin comme le porte s’ouvrait devant le dernier invité. Nous allons enfin pouvoir nous mettre à table. Je meurs de faim ! Le regard de Catherine se dirigea vers l’autre bout de la salle. Ainsi, c’était là Derek ; elle constata qu’elle n’en était point surprise. Elle s’attendait à revoir cet homme qu’un curieux hasard avait déjà placé trois fois sur sa route. Il lui sembla qu’il la reconnaissait. Il s’arrêta brusquement en parlant à lady Tamplin, puis reprit la conversation avec effort. On se rendit à table, et Catherine se trouva placée à côté de lui. Le visage souriant, il se tourna vers elle. — Je savais bien que je vous reverrais bientôt, mademoiselle, mais j’étais loin de me douter que ce serait à cette table. La première fois, c’était à l’hôtel Savoy, la seconde, dans les bureaux de Cook. Jamais deux sans trois, dit-on. N’allez pas affirmer que vous ne m’avez pas remarqué. Je serais forcé de vous contredire. — Oh ! je vous ai bien vu, mais cette fois-ci n’est pas la troisième. C’est la quatrième. Je vous ai vu dans le Train Bleu. — Dans le Train Bleu ! Sans qu’elle pût préciser la nature du changement survenu en cet homme, Catherine crut remarquer que ses paroles avaient produit sur lui une certaine impression. Derek lui demanda d’un ton insouciant : — Que s’est-il passé ce matin ? Il paraît que quelqu’un est mort en route ? — Oui, une femme est morte dans le Train Bleu, dit lentement Catherine. — On ne devrait pas mourir en voyage. Pareil accident provoque toutes sortes de complications légales et internationales, et cela procure à la Compagnie une excellente excuse pour faire arriver le train plus tard qu’à l’ordinaire. Une Américaine de forte corpulence, assise de l’autre côté de la table, lui adressa la parole d’un ton assuré. — Monsieur Kettering, je crois que vous m’avez oubliée. Vous m’aviez pourtant fait l’effet d’un galant homme ! Derek se pencha en avant pour lui répondre. Catherine demeura abasourdie. Kettering ! C’était bien le même nom ! Elle s’en souvenait à présent ! Quelle situation bizarre ! Elle avait vu cet homme entrer dans le compartiment de sa femme la nuit précédente. Il avait dû la quitter bien portante et dînait tranquillement sans songer le moins du monde à sa fin tragique. À coup sûr, cet homme ignorait tout du drame. Un domestique se pencha vers Derek, lui tendit un billet et lui murmura quelques mots à l’oreille. S’excusant auprès de lady Tamplin, Derek lut le billet et une expression d’étonnement parut sur son visage. — Voilà qui est extraordinaire, dit-il à son hôtesse. Excusez-moi, Rosalie, mais il faut que je m’en aille. Le préfet de police me demande de toute urgence. Au diable si je sais ce qu’il me veut ! — Vos péchés vous poursuivent jusqu’ici, remarqua Lenox. — Il s’agit probablement d’une stupide formalité administrative, mais je cours de ce pas à la Préfecture. L’affaire est peut-être grave pour que l’on vienne me dénicher à table. En riant, il recula sa chaise, se leva, et quitta la salle à manger.

CHAPITRE XIII VAN ALDIN REÇOIT UN TÉLÉGRAMME L’après-midi du 15 février, un épais brouillard jaune s’abattit sur Londres. Rufus Van Aldin, confortablement installé dans son appartement de l’hôtel Savoy, tirait le meilleur parti des conditions atmosphériques en travaillant deux fois plus qu’à l’ordinaire. Knighton s’en réjouissait. Depuis quelque temps son patron négligeait les affaires en cours et lorsqu’il le priait d’y apporter une solution rapide, Van Aldin le rabrouait d’un mot bref. Mais cette fois le millionnaire s’adonnait à la besogne avec un regain d’énergie et son secrétaire en profita pour liquider le courrier en souffrance. Toujours plein de tact, Knighton s’y prit si adroitement que Van Aldin ne s’en aperçut pas. Malgré ses préoccupations d’ordre commercial, Van Aldin se laissait distraire par une remarque fortuite de son secrétaire. Peu à peu ce propos apparemment insignifiant prit des proportions considérables et s’imposa à son esprit. Il écoutait les paroles de Knighton, l’air très intéressé comme d’habitude, mais ce qu’il disait entrait par une oreille et sortait par l’autre. Machinalement, il approuvait de la tête, et, comme Knighton classait quelques documents, Van Aldin lui demanda cette fois-ci à brûlepourpoint : — Pourriez-vous me répéter ce que vous disiez tout à l’heure, Knighton ? — S’agit-il de ce litige ? demanda le secrétaire, pris au dépourvu et tenant en main un rapport de la Compagnie. — Nullement. Ne disiez-vous pas avoir vu la femme de chambre de Ruth, hier soir, à Paris ? Je ne m’explique point du tout cette rencontre. Vous devez faire erreur. — Impossible, monsieur. Je lui ai même parlé. — Où donc l’avez-vous vue ? — Je venais de quitter vos clients et je revenais au Ritz pour reprendre mon sac de voyage avant le dîner, afin de rattraper le train de neuf heures à la gare du Nord. Au bureau de l’hôtel, j’aperçus une femme que je reconnus tout de suite pour la femme de chambre de Mrs Kettering. Je lui demandai donc si Mrs Kettering était descendue au Ritz. — Cette question est naturelle de votre part. Alors elle vous répondit que Ruth avait continué son voyage jusqu’à la Riviera et l’avait envoyée au Ritz pour attendre ses ordres ? — Parfaitement, monsieur. — Parfaitement, bizarre ! À moins peut-être que cette femme ne se soit montrée impertinente ou grossière. — En ce cas, Mrs Kettering l’aurait sûrement remerciée et lui aurait payé son billet de retour en Angleterre. Elle ne l’aurait certes pas laissée au Ritz. — Non, en effet, murmura le millionnaire. Il allait ajouter quelque autre remarque, mais se retint. Il estimait beaucoup Knighton et plaçait en lui une grande confiance, mais il ne pouvait tout de même pas discuter la conduite de sa fille avec son secrétaire. Le manque de franchise de Ruth l’avait déjà mortifié et ce renseignement, surpris par hasard, ne faisait qu’accroître ses soupçons. Pourquoi Ruth s’était-elle débarrassée de sa femme de chambre à Paris ? Quel mobile

CHAPITRE XIII<br />

VAN ALDIN REÇOIT UN TÉLÉGRAMME<br />

L’après-midi du 15 février, un épais brouillard jaune s’abattit sur Londres. Rufus Van Aldin,<br />

confortablement installé dans son appartement de l’hôtel Savoy, tirait le meilleur parti des<br />

conditions atmosphériques en travaillant deux fois plus qu’à l’ordinaire. Knighton s’en<br />

réjouissait. Depuis quelque temps son patron négligeait les affaires en cours et lorsqu’il le<br />

priait d’y apporter une solution rapide, Van Aldin le rabrouait d’un mot bref. Mais cette fois le<br />

millionnaire s’adonnait à la besogne avec un regain d’énergie et son secrétaire en pr<strong>of</strong>ita<br />

pour liquider le courrier en souffrance. Toujours plein de tact, Knighton s’y prit si adroitement<br />

que Van Aldin ne s’en aperçut pas.<br />

Malgré ses préoccupations d’ordre commercial, Van Aldin se laissait distraire par une<br />

remarque fortuite de son secrétaire. Peu à peu ce propos apparemment insignifiant prit des<br />

proportions considérables et s’imposa à son esprit.<br />

Il écoutait les paroles de Knighton, l’air très intéressé comme d’habitude, mais ce qu’il<br />

disait entrait par une oreille et sortait par l’autre. Machinalement, il approuvait de la tête, et,<br />

comme Knighton classait quelques documents, Van Aldin lui demanda cette fois-ci à brûlepourpoint<br />

:<br />

— Pourriez-vous me répéter ce que vous disiez tout à l’heure, Knighton ?<br />

— S’agit-il de ce litige ? demanda le secrétaire, pris au dépourvu et tenant en main un<br />

rapport de la Compagnie.<br />

— Nullement. Ne disiez-vous pas avoir vu la femme de chambre de Ruth, hier soir, à<br />

Paris ? Je ne m’explique point du tout cette rencontre. Vous devez faire erreur.<br />

— Impossible, monsieur. Je lui ai même parlé.<br />

— Où donc l’avez-vous vue ?<br />

— Je venais de quitter vos clients et je revenais au Ritz pour reprendre mon sac de<br />

voyage avant le dîner, afin de rattraper le <strong>train</strong> de neuf heures à la gare du Nord. Au bureau<br />

de l’hôtel, j’aperçus une femme que je reconnus tout de suite pour la femme de chambre de<br />

Mrs Kettering. Je lui demandai donc si Mrs Kettering était descendue au Ritz.<br />

— Cette question est naturelle de votre part. Alors elle vous répondit que Ruth avait<br />

continué son voyage jusqu’à la Riviera et l’avait envoyée au Ritz pour attendre ses ordres ?<br />

— Parfaitement, monsieur.<br />

— Parfaitement, bizarre ! À moins peut-être que cette femme ne se soit montrée<br />

impertinente ou grossière.<br />

— En ce cas, Mrs Kettering l’aurait sûrement remerciée et lui aurait payé son billet de<br />

retour en Angleterre. Elle ne l’aurait certes pas laissée au Ritz.<br />

— Non, en effet, murmura le millionnaire.<br />

Il allait ajouter quelque autre remarque, mais se retint. Il estimait beaucoup Knighton et<br />

plaçait en lui une grande confiance, mais il ne pouvait tout de même pas discuter la conduite<br />

de sa fille avec son secrétaire. <strong>Le</strong> manque de franchise de Ruth l’avait déjà mortifié et ce<br />

renseignement, surpris par hasard, ne faisait qu’accroître ses soupçons.<br />

Pourquoi Ruth s’était-elle débarrassée de sa femme de chambre à Paris ? Quel mobile

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