Le train bleu - Chri.. - Index of
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— Je la reconnais, dit-elle enfin. Le visage est méconnaissable, mais l’allure générale et les cheveux sont exactement identiques et, de plus, j’avais remarqué cette petite verrue sur le poignet de cette personne pendant que je lui parlais. — Bon, approuva Poirot. Après ce témoignage, il ne subsiste plus aucun doute sur l’identité de la victime ; ce coup est tout de même bizarre ! ajouta-t-il en se penchant vers la morte. M. Caux haussa les épaules. — Le meurtrier a agi dans un accès de rage, suggéra-t-il. — S’il y avait eu lutte entre l’assassin et sa victime, j’aurais compris, murmura Poirot, mais il l’a surprise par-derrière. Il a serré ; elle a poussé un petit cri étouffé. Pourquoi ce coup sauvage sur la figure ? Espérait-il la rendre méconnaissable et empêcher ainsi son identification ? Ou bien, la haïssait-il au point de ne pouvoir résister à l’envie de la frapper même une fois morte ? Catherine frémit. — Excusez-moi de parler de ces horreurs devant vous, mademoiselle. Pour vous, tout ceci est nouveau et impressionnant. Pour moi, hélas ! c’est de la vieille histoire. Encore un instant, je vous prie. Le commissaire et miss Grey se tenaient debout près de la porte, tandis que le petit détective examinait l’intérieur du compartiment. Il remarqua les vêtements de la morte soigneusement pliés au bout de la couchette, le grand manteau de fourrure posé à une patère et le petit chapeau rouge posé sur le filet. Il passa ensuite dans le compartiment contigu, celui où Catherine avait vu la femme de chambre assise. Là, le lit n’avait pas été préparé. Trois ou quatre couvertures s’entassaient en désordre sur la banquette auprès de deux valises et d’un carton à chapeau. Soudain Poirot se tourna vers Catherine. — Vous êtes venue ici hier, mademoiselle. Ne voyez-vous rien de changé ? A-t-on enlevé quelque chose ? Catherine inspecta soigneusement les deux compartiments. — Oui, il y manque un sac en maroquin rouge, portant les initiales « R. V. K. » Ce sac me fit l’effet d’une valise minuscule ou d’un grand écrin. La femme de chambre le tenait sur ses genoux. — Ah ! fit Poirot. — Je ne m’y connais pas beaucoup en la matière, ajouta Catherine. Cependant, étant donné que la femme de chambre et le sac rouge ont disparu, l’affaire me semble claire. — Vous soupçonnez la domestique d’avoir commis le vol ? Non, mademoiselle, nous avons une excellente raison de ne point le croire. — Laquelle ? — La dame a laissé sa femme de chambre à Paris. Le commissaire se tourna vers Poirot. — Je voudrais que vous entendiez le récit du conducteur, il est assez intéressant. — Mademoiselle aimerait peut-être l’entendre également ? dit Poirot. Voulez-vous qu’elle reste ici ? — Oui, répondit M. Caux, bien qu’au fond de lui-même il eût préféré le contraire. Avezvous terminé ? — Attendez encore une petite minute.
Il venait d’examiner les couvertures, les tournant et les retournant l’une après l’autre, il s’approcha de la fenêtre pour mieux voir. — Qu’est-ce ? demanda M. Caux. — Quatre cheveux châtains, répondit le détective, se penchant sur la morte. Ils viennent de la chevelure de Madame. — Y attachez-vous une grande importance ? Poirot déposa la couverture sur la banquette. — Au point où en est l’affaire, on ne sait ce qu’est important ou ce qui ne l’est pas. En attendant, nous devons noter avec soin les moindres détails. Le petit groupe sortit dans le couloir et revint dans le compartiment voisin Au bout d’une minute ou deux, l’employé de la voiture entra. — Vous vous nommez Pierre Michel ? — Oui, monsieur le commissaire. — Je vous prie de répéter devant ce monsieur ce que vous m’avez déjà dit sur ce qui se produisit à Paris. — Bien, monsieur le commissaire. Lorsque nous eûmes quitté la gare de Lyon, j’entrai dans le compartiment pour faire le lit, pensant que Madame dînait au wagon-restaurant, mais elle s’était procuré un panier-dîner. Elle me dit alors de ne faire qu’un lit ; elle avait dû laisser sa femme de chambre à Paris. Elle emporta son repas dans le second compartiment et y demeura pendant que je préparais le lit. Ensuite elle me demanda de ne point l’éveiller de bonne heure le lendemain, car elle dormait tard. Je lui dis que j’avais compris et elle me souhaita une bonne nuit. — Vous n’êtes pas entré dans le second compartiment ? — Non, monsieur. — Ainsi, vous n’avez pas remarqué un petit sac de maroquin rouge parmi les bagages ? — Non, monsieur. — Un homme aurait-il pu se trouver dissimulé dans le compartiment contigu ? Le conducteur réfléchit. — La porte était entrouverte. Un homme aurait pu se tenir derrière cette porte sans que je l’aie aperçu, mais la dame l’aurait vu en entrant dans le compartiment. — Naturellement. N’avez-vous rien d’autre à nous apprendre ? — Je crois que c’est tout, monsieur. — Et ce matin ? ajouta vivement Poirot. — Comme Madame me l’avait demandé, je ne la dérangeai pas. Un peu avant d’arriver à Cannes, je me risquai à frapper à sa porte. Ne recevant pas de réponse, j’ouvris. La dame semblait dormir. Je la pris par l’épaule pour l’éveiller. Alors… — Vous avez vu ce qui s’était passé, acheva Poirot. Très bien. Cette fois, j’en sais suffisamment. — Monsieur le commissaire, j’espère n’avoir commis aucune faute dans mon service, dit l’homme d’un ton pitoyable. Un tel crime dans le Train Bleu ! C’est horrible ! — Tranquillisez-vous, dit le commissaire. Tous les détails de l’affaire seront tenus secrets, ne serait-ce que dans l’intérêt de la Justice. Pour ma part, je ne vois pas que vous ayez commis une négligence quelconque. — Monsieur le commissaire voudra bien le dire à la Compagnie ? — Certainement, certainement, dit M. Caux, agacé. Cela suffit.
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Il venait d’examiner les couvertures, les tournant et les retournant l’une après l’autre, il<br />
s’approcha de la fenêtre pour mieux voir.<br />
— Qu’est-ce ? demanda M. Caux.<br />
— Quatre cheveux châtains, répondit le détective, se penchant sur la morte. Ils viennent<br />
de la chevelure de Madame.<br />
— Y attachez-vous une grande importance ?<br />
Poirot déposa la couverture sur la banquette.<br />
— Au point où en est l’affaire, on ne sait ce qu’est important ou ce qui ne l’est pas. En<br />
attendant, nous devons noter avec soin les moindres détails.<br />
<strong>Le</strong> petit groupe sortit dans le couloir et revint dans le compartiment voisin Au bout d’une<br />
minute ou deux, l’employé de la voiture entra.<br />
— Vous vous nommez Pierre Michel ?<br />
— Oui, monsieur le commissaire.<br />
— Je vous prie de répéter devant ce monsieur ce que vous m’avez déjà dit sur ce qui se<br />
produisit à Paris.<br />
— Bien, monsieur le commissaire. Lorsque nous eûmes quitté la gare de Lyon, j’entrai<br />
dans le compartiment pour faire le lit, pensant que Madame dînait au wagon-restaurant,<br />
mais elle s’était procuré un panier-dîner. Elle me dit alors de ne faire qu’un lit ; elle avait dû<br />
laisser sa femme de chambre à Paris. Elle emporta son repas dans le second compartiment<br />
et y demeura pendant que je préparais le lit. Ensuite elle me demanda de ne point l’éveiller<br />
de bonne heure le lendemain, car elle dormait tard. Je lui dis que j’avais compris et elle me<br />
souhaita une bonne nuit.<br />
— Vous n’êtes pas entré dans le second compartiment ?<br />
— Non, monsieur.<br />
— Ainsi, vous n’avez pas remarqué un petit sac de maroquin rouge parmi les bagages ?<br />
— Non, monsieur.<br />
— Un homme aurait-il pu se trouver dissimulé dans le compartiment contigu ?<br />
<strong>Le</strong> conducteur réfléchit.<br />
— La porte était entrouverte. Un homme aurait pu se tenir derrière cette porte sans que<br />
je l’aie aperçu, mais la dame l’aurait vu en entrant dans le compartiment.<br />
— Naturellement. N’avez-vous rien d’autre à nous apprendre ?<br />
— Je crois que c’est tout, monsieur.<br />
— Et ce matin ? ajouta vivement Poirot.<br />
— Comme Madame me l’avait demandé, je ne la dérangeai pas. Un peu avant d’arriver à<br />
Cannes, je me risquai à frapper à sa porte. Ne recevant pas de réponse, j’ouvris. La dame<br />
semblait dormir. Je la pris par l’épaule pour l’éveiller. Alors…<br />
— Vous avez vu ce qui s’était passé, acheva Poirot. Très bien. Cette fois, j’en sais<br />
suffisamment.<br />
— Monsieur le commissaire, j’espère n’avoir commis aucune faute dans mon service, dit<br />
l’homme d’un ton pitoyable. Un tel crime dans le Train Bleu ! C’est horrible !<br />
— Tranquillisez-vous, dit le commissaire. Tous les détails de l’affaire seront tenus secrets,<br />
ne serait-ce que dans l’intérêt de la Justice. Pour ma part, je ne vois pas que vous ayez<br />
commis une négligence quelconque.<br />
— Monsieur le commissaire voudra bien le dire à la Compagnie ?<br />
— Certainement, certainement, dit M. Caux, agacé. Cela suffit.