Le train bleu - Chri.. - Index of
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Mais elle répondit poliment :<br />
— Je vous en prie, madame.<br />
Elles achevaient leur déjeuner. Ruth vida sa tasse de café, se leva, et sans même<br />
remarquer que Catherine n’avait pas encore trempé les lèvres dans sa tasse, elle lui dit :<br />
— Venez avec moi dans mon compartiment.<br />
C’était un double compartiment avec une porte de communication. Dans celui du fond, la<br />
maigre femme de chambre que Catherine avait déjà entrevue à Londres, sur le quai de la<br />
gare Victoria, était assise et se renait rigide sur la banquette. Elle serrait sur ses genoux un<br />
sac de maroquin rouge portant les initiales R. V. K. Mrs Kettering referma la porte et s’assit.<br />
Catherine prit place à côté d’elle.<br />
— Je ne sais quelle décision prendre pour me tirer d’embarras. J’aime un homme à la<br />
folie. Nous nous connaissons depuis notre enfance, et on nous a séparés de façon brutale et<br />
injuste. À présent, nous nous revoyons.<br />
— Et alors ?<br />
— Je vais… je vais le rejoindre. Peut-être seriez-vous tentée de me mal juger… Mais j’ai<br />
un mari odieux. Il se conduit envers moi de façon ignoble…<br />
— Continuez, encouragea Catherine.<br />
— Ce qui me tourmente le plus, c’est que j’ai dû mentir à mon père… C’est lui que vous<br />
avez vu aujourd’hui à la gare Victoria. Il veut que je divorce et ne se doute nullement que je<br />
vais retrouver mon ami. S’il le savait, il me traiterait de folle.<br />
— À mon avis, il aurait raison.<br />
— Peut-être…<br />
Ruth Kettering considéra ses mains : elles tremblaient comme des feuilles.<br />
— Impossible de reculer maintenant.<br />
— Pourquoi pas ?<br />
— Il m’attend et s’il ne me voyait pas, son cœur se briserait.<br />
— N’en croyez rien. Il en faut davantage pour briser le cœur d’un homme.<br />
— Il m’accusera de manquer de courage et de volonté.<br />
— Selon moi, vous allez commettre une sottise irréparable. Vous le savez bien.<br />
Ruth Kettering enfouit son visage dans ses mains.<br />
— Je n’y puis rien. Depuis mon départ de Londres, je suis poursuivie par un horrible<br />
cauchemar. Je sens qu’il va m’arriver un malheur… auquel je n’échapperai pas.<br />
Elle serra convulsivement la main de Catherine.<br />
— Vous allez me prendre pour une folle, mais je prévois un danger imminent.<br />
— Calmez-vous et chassez cette idée de votre esprit, lui conseilla Catherine. Pourquoi<br />
n’enverriez-vous pas un câble à votre père en arrivant à Paris ? Il viendrait sûrement vous<br />
chercher.<br />
Mrs Kettering reprit courage et sécha ses yeux.<br />
— Oui, je pourrais l’appeler à mon aide, ce cher vieux papa ! Je ne savais pas encore à<br />
quel point je l’aime. Je me suis conduite comme une sotte. Merci infiniment de m’avoir<br />
écoutée. Comment ai-je pu me mettre dans cet état ? Cela va très bien à présent, ajouta-telle<br />
en se levant. Il me fallait simplement quelqu’un à qui parler.<br />
Catherine se leva également.<br />
— Je suis enchantée de vous avoir remise de vos émotions, dit-elle, d’un ton aussi naturel<br />
que possible. Elle se rendait compte de la gêne qui suit toujours les confidences, et pleine de