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mannequins. La dame, debout près de Catherine, prenait des notes sur un carnet. — Mademoiselle a bon goût et j’approuve son choix. Rien ne pourrait mieux l’habiller que ces jolies toilettes si, comme je le suppose, elle se rend cet hiver à la Riviera. — Montrez-moi encore cette robe de soirée mauve, demanda Catherine. Virginie revint et, tourna lentement sous les yeux de la cliente. — C’est la plus jolie de toutes, remarqua Catherine. Comment appelez-vous cela ? — « Soupir d’Automne ». Cette robe semble faite exprès pour Mademoiselle. Quel sens recelaient ces paroles, qui attristèrent Catherine lorsqu’elle eut quitté la maison de couture ? « Soupir d’Automne ». Cette robe semble faite exprès pour Mademoiselle. L’automne ! Catherine était déjà à l’automne, elle qui n’avait connu ni le printemps ni l’été. Ces saisons ne reviendraient plus. Pendant ces années de servitude à St Mary Mad, la vie avait fui irrémédiablement. — Je suis stupide, se dit Catherine. Que me faut-il donc ? Il y a un mois, je me trouvais plus heureuse qu’aujourd’hui. Elle tira de son sac à main la lettre reçue le matin même de lady Tamplin. Catherine saisit les nuances de cette lettre et la raison du regain d’affection de lady Tamplin envers une cousine longtemps oubliée ne lui échappa point. Cette parente espérait surtout y trouver son profit. Pourquoi pas ? Il y aura profit des deux côtés, se dit Catherine, décidée à accepter l’invitation. Elle descendit Picadilly et entra chez Cook pour prendre les dispositions nécessaires en vue du voyage. Elle dut attendre quelques minutes. L’homme qui la précédait partait lui aussi pour la Riviera. Il semblait à Catherine que tout le monde courait vers la Riviera. Pour la première fois de sa vie, elle ferait comme tout le monde. L’homme quitta le guichet et elle prit sa place. Elle formula sa requête à l’employé, mais une autre idée occupait son esprit. Où donc avait-elle vu cet homme ?… Tout à coup elle s’en souvint. Elle l’avait croisé ce matin même, dans le corridor de l’hôtel Savoy. Quelle bizarre coïncidence les mettait en présence l’un de l’autre deux fois dans la même journée ? En proie à une gêne inexplicable, Catherine jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. L’homme, debout dans l’encadrement de la porte, la regardait. Un frisson glacial la parcourut. Elle pressentit une tragédie imminente. Avec son bon sens naturel, elle repoussa ce mauvais présage et concentra toute son attention sur ce que lui disait l’employé.
CHAPITRE IX UNE PROPOSITION REPOUSSÉE Derek Kettering se laissait rarement emporter par la violence. Doué d’un tempérament insouciant, il attendait les événements sans jamais rien prendre au tragique. À peine eut-il quitté l’appartement de Mireille, que sa colère s’apaisa. Pour l’instant, il traversait une mauvaise passe et avait besoin de tout son calme pour réfléchir. Plongé dans ses pensées, il marchait à l’aventure. Les sourcils froncés, il avait abandonné cet air nonchalant qui le caractérisait si bien. On eût pu dire de Derek Kettering qu’il n’était pas aussi fou qu’il le paraissait. Plusieurs issues s’offraient à lui et il se demandait laquelle choisir. Il ne se faisait aucune illusion sur son beau-père et connaissait d’avance comment se terminerait la lutte. En lui-même il maudit l’argent et la puissance qu’il confère. D’un pas tranquille, il remonta St James Street et se dirigea vers Picadilly Circus. En passant devant les bureaux de Cook & Sons, il ralentit le pas. Cependant il continua son chemin, l’esprit préoccupé. Enfin, il fit demi-tour, si brusquement qu’il se jeta dans un couple qui le suivait. Cette fois, il entra dans les bureaux Cook, et se présenta au guichet. — Je voudrais aller à Nice la semaine prochaine et je désire quelques renseignements. — Quel jour voulez-vous partir, monsieur ? — Le quatorze. Quel est le meilleur train ? — Le meilleur train est ce qu’on appelle « Le Train Bleu ». En prenant ce train-là, vous évitez les ennuis de la douane à Calais. Derek acquiesça d’un signe de tête. — Le quatorze, murmura l’employé. C’est un peu juste. Pour cette date presque toutes les places sont retenues sur « Le Train Bleu ». — Voyez s’il vous reste une couchette. Sinon… L’employé s’éclipsa et revint au bout de quelques minutes. — C’est entendu, monsieur. Il reste encore trois couchettes. Je vous en garde une. Quel nom ? — Pavett, répondit Derek. Puis il donna l’adresse de son appartement de Jermyn Street. L’employé inscrivit le nom et l’adresse, salua Derek poliment et s’occupa du client suivant. — Je désire partir pour Nice… le quatorze de ce mois. N’y a-t-il pas ce jour-là un train appelé « Le Train Bleu » ? Derek regarda la femme qui venait de parler à l’employé. Coïncidence vraiment étrange. Il évoqua les paroles prononcées devant Mireille : « Vision d’une femme aux yeux gris ! Je ne la reverrai sans doute pas ! » Mais il la revoyait et, chose encore plus bizarre, elle partait pour la Riviera le même jour que lui. Il demeura stupéfait. Légèrement superstitieux, il se rappela avoir dit en riant que cette femme pourrait lui porter malheur. Si c’était vrai ! Arrivé à la porte de sortie, il la regarda encore une fois. Sa première impression ne l’avait point trompé. Cette personne, ni très jeune, ni très jolie, possédait une grande distinction naturelle, c’était une grande dame dans toute l’acception du terme… avec ses yeux gris peut-
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— Mademoiselle a bon goût et j’approuve son choix. Rien ne pourrait mieux l’habiller que<br />
ces jolies toilettes si, comme je le suppose, elle se rend cet hiver à la Riviera.<br />
— Montrez-moi encore cette robe de soirée mauve, demanda Catherine.<br />
Virginie revint et, tourna lentement sous les yeux de la cliente.<br />
— C’est la plus jolie de toutes, remarqua Catherine. Comment appelez-vous cela ?<br />
— « Soupir d’Automne ». Cette robe semble faite exprès pour Mademoiselle.<br />
Quel sens recelaient ces paroles, qui attristèrent Catherine lorsqu’elle eut quitté la maison<br />
de couture ?<br />
« Soupir d’Automne ». Cette robe semble faite exprès pour Mademoiselle. L’automne !<br />
Catherine était déjà à l’automne, elle qui n’avait connu ni le printemps ni l’été. Ces saisons<br />
ne reviendraient plus. Pendant ces années de servitude à St Mary Mad, la vie avait fui<br />
irrémédiablement.<br />
— Je suis stupide, se dit Catherine. Que me faut-il donc ? Il y a un mois, je me trouvais<br />
plus heureuse qu’aujourd’hui.<br />
Elle tira de son sac à main la lettre reçue le matin même de lady Tamplin. Catherine saisit<br />
les nuances de cette lettre et la raison du regain d’affection de lady Tamplin envers une<br />
cousine longtemps oubliée ne lui échappa point. Cette parente espérait surtout y trouver son<br />
pr<strong>of</strong>it. Pourquoi pas ? Il y aura pr<strong>of</strong>it des deux côtés, se dit Catherine, décidée à accepter<br />
l’invitation.<br />
Elle descendit Picadilly et entra chez Cook pour prendre les dispositions nécessaires en<br />
vue du voyage. Elle dut attendre quelques minutes. L’homme qui la précédait partait lui aussi<br />
pour la Riviera. Il semblait à Catherine que tout le monde courait vers la Riviera. Pour la<br />
première fois de sa vie, elle ferait comme tout le monde.<br />
L’homme quitta le guichet et elle prit sa place. Elle formula sa requête à l’employé, mais<br />
une autre idée occupait son esprit. Où donc avait-elle vu cet homme ?… Tout à coup elle s’en<br />
souvint. Elle l’avait croisé ce matin même, dans le corridor de l’hôtel Savoy. Quelle bizarre<br />
coïncidence les mettait en présence l’un de l’autre deux fois dans la même journée ? En proie<br />
à une gêne inexplicable, Catherine jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. L’homme,<br />
debout dans l’encadrement de la porte, la regardait. Un frisson glacial la parcourut. Elle<br />
pressentit une tragédie imminente.<br />
Avec son bon sens naturel, elle repoussa ce mauvais présage et concentra toute son<br />
attention sur ce que lui disait l’employé.