Le train bleu - Chri.. - Index of
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— Voyons, Ruth, as-tu des ennuis ? Raconte-moi ça. — Ce n’est rien, papa, rien du tout, répondit-elle d’une voix mal assurée. — Tu redoutes la publicité, n’est-ce pas ? Laisse-moi agir. Je m’y prendrai de telle façon que tout marchera comme sur des roulettes. — Bon, papa, si réellement tu crois que c’est le meilleur parti à prendre… — Tu l’aimes toujours, Ruth ? — Non, je ne l’aime plus. Ces mots, prononcés d’une voix calme, rassurèrent Van Aldin. Il donna à sa fille une tape affectueuse sur l’épaule. — Tout se passera bien, ma petite fille. Ne te tourmente plus. Laissons cela de côté et parlons d’autre chose. Je te rapporte un petit souvenir de Paris. — Joli ? — J’espère, du moins, que tu le trouveras à ton goût. Il lui tendit le petit paquet. Elle le développa précipitamment et ouvrit le coffret. Une longue exclamation s’échappa de ses lèvres. Ruth Kettering adorait les bijoux. — Oh ! papa ! Quelle merveille ! — Ils sortent de l’ordinaire, hein ? dit le millionnaire, tout heureux de la joie de sa fille. « Ce bijou te plaît ? — S’il me plaît ? Ces rubis sont admirables. Où les as-tu achetés, papa ? — Ah ! ça, c’est mon secret J’ai dû me les faire apporter en cachette, naturellement. Ce collier est connu. Regarde la pierre du milieu. Peut-être en as-tu entendu parler. C’est un joyau historique : le « Cœur de Feu ! » Elle enleva le collier de son écrin et le posa sur sa poitrine. Le millionnaire l’observait tout en songeant aux autres femmes qui avaient porté ce joyau. « Cœur de Feu », comme tous les bijoux fameux, entraînait à sa suite tout un cortège de meurtres et de violences, de jalousies et de désespoirs. Dans la main de Ruth Kettering, il semblait perdre toute malignité. Cette femme de l’Occident, calme et décidée, semblait à l’abri des tragédies passionnelles. Ruth replaça le collier dans l’écrin et, rayonnante de joie, sauta au cou de son père. — Merci ! Mille fois merci, papa. Ces pierres sont magnifiques ! Tu m’offres toujours de merveilleux présents. — Tant mieux si ce bijou te fait plaisir, ma petite Ruth ! Je n’ai plus que toi à choyer. — Tu dînes avec moi, n’est-ce pas, papa ? — Impossible. Tu te disposais à sortir, il me semble ? — Oui, mais je puis facilement remettre ce rendez-vous. Rien de bien agréable, du reste. — Sors, puisque tu en avais l’intention. J’ai moi-même beaucoup à faire ce soir. Je te reverrai demain. Si je te téléphonais, tu pourrais me répondre chez Galbraitt. Messrs Galbraitt, Cuthbertson étaient les avoués de Van Aldin à Londres. — Bien, papa. Puis, après une seconde d’hésitation, elle ajouta : — Tout cela ne m’empêchera pas sans doute de partir pour la Riviera ? — Quand pars-tu ? — Le quatorze. — Tu peux t’en aller tranquille. Ces sortes d’affaires traînent souvent en longueur. Écoute, Ruth, à ta place, je ne porterais pas ces rubis en voyage. Dépose-les à la banque.
Mrs Kettering acquiesça de la tête. — On pourrait t’assassiner pour te voler le « Cœur de Feu », prophétisa le millionnaire sur le ton de la plaisanterie. — Tu le portais bien dans ta poche ! répliqua sa fille. — Mais… L’hésitation de Van Aldin éveilla l’attention de Ruth. — Qu’y a-t-il, papa ? — Rien, je songe à une petite aventure qui m’arriva à Paris. — Une aventure ? — Oui. La nuit où je portais ce bijou sur moi. D’un geste il désigna le collier. — Oh ! raconte-moi cela ! — Ce n’est rien de bien sensationnel. Quelques rôdeurs ont voulu se jeter sur moi. J’ai tiré un coup de revolver et ils ont pris la fuite. Voilà tout ! La jeune fille considéra son père avec fierté. — Tu es effrayant, papa ! — N’est-ce pas, Ruth ? Il embrassa tendrement sa fille et s’en alla. De retour à l’hôtel Savoy il donna un ordre bref à Knighton. — Mettez-vous en communication avec un certain Goby dont vous trouverez l’adresse dans mon carnet. Qu’il soit ici demain matin à neuf heures et demie. « Je désire également voir Mr Kettering. Tâchez de mettre la main dessus. Demandez-le à son club… Arrangez-vous pour que je le voie demain matin. Pas trop tôt, vers midi : les gens de son espèce ne se lèvent jamais de bonne heure. Le secrétaire signifia qu’il avait compris. Alors Van Aldin se livra aux soins de son valet de chambre. Allongé dans son bain, il songeait à l’entrevue qu’il venait d’avoir avec sa fille. En somme, il n’avait qu’à se louer de sa décision. Depuis longtemps, il envisageait le divorce comme la seule issue possible. Ruth avait accepté sa suggestion plus facilement qu’il n’avait osé l’espérer. Mais il conservait une sorte de malaise. L’attitude de sa fille ne lui semblait point naturelle. Il fronçait les sourcils. — Après tout, se dit-il, je me fais peut-être des idées. Cependant, je parie que ma petite Ruth me cache quelque chose.
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— Voyons, Ruth, as-tu des ennuis ? Raconte-moi ça.<br />
— Ce n’est rien, papa, rien du tout, répondit-elle d’une voix mal assurée.<br />
— Tu redoutes la publicité, n’est-ce pas ? Laisse-moi agir. Je m’y prendrai de telle façon<br />
que tout marchera comme sur des roulettes.<br />
— Bon, papa, si réellement tu crois que c’est le meilleur parti à prendre…<br />
— Tu l’aimes toujours, Ruth ?<br />
— Non, je ne l’aime plus.<br />
Ces mots, prononcés d’une voix calme, rassurèrent Van Aldin. Il donna à sa fille une tape<br />
affectueuse sur l’épaule.<br />
— Tout se passera bien, ma petite fille. Ne te tourmente plus. Laissons cela de côté et<br />
parlons d’autre chose. Je te rapporte un petit souvenir de Paris.<br />
— Joli ?<br />
— J’espère, du moins, que tu le trouveras à ton goût.<br />
Il lui tendit le petit paquet. Elle le développa précipitamment et ouvrit le c<strong>of</strong>fret. Une<br />
longue exclamation s’échappa de ses lèvres. Ruth Kettering adorait les bijoux.<br />
— Oh ! papa ! Quelle merveille !<br />
— Ils sortent de l’ordinaire, hein ? dit le millionnaire, tout heureux de la joie de sa fille.<br />
« Ce bijou te plaît ?<br />
— S’il me plaît ? Ces rubis sont admirables. Où les as-tu achetés, papa ?<br />
— Ah ! ça, c’est mon secret J’ai dû me les faire apporter en cachette, naturellement. Ce<br />
collier est connu. Regarde la pierre du milieu. Peut-être en as-tu entendu parler. C’est un<br />
joyau historique : le « Cœur de Feu ! »<br />
Elle enleva le collier de son écrin et le posa sur sa poitrine. <strong>Le</strong> millionnaire l’observait tout<br />
en songeant aux autres femmes qui avaient porté ce joyau. « Cœur de Feu », comme tous<br />
les bijoux fameux, entraînait à sa suite tout un cortège de meurtres et de violences, de<br />
jalousies et de désespoirs. Dans la main de Ruth Kettering, il semblait perdre toute<br />
malignité. Cette femme de l’Occident, calme et décidée, semblait à l’abri des tragédies<br />
passionnelles.<br />
Ruth replaça le collier dans l’écrin et, rayonnante de joie, sauta au cou de son père.<br />
— Merci ! Mille fois merci, papa. Ces pierres sont magnifiques ! Tu m’<strong>of</strong>fres toujours de<br />
merveilleux présents.<br />
— Tant mieux si ce bijou te fait plaisir, ma petite Ruth ! Je n’ai plus que toi à choyer.<br />
— Tu dînes avec moi, n’est-ce pas, papa ?<br />
— Impossible. Tu te disposais à sortir, il me semble ?<br />
— Oui, mais je puis facilement remettre ce rendez-vous. Rien de bien agréable, du reste.<br />
— Sors, puisque tu en avais l’intention. J’ai moi-même beaucoup à faire ce soir. Je te<br />
reverrai demain. Si je te téléphonais, tu pourrais me répondre chez Galbraitt.<br />
Messrs Galbraitt, Cuthbertson étaient les avoués de Van Aldin à Londres.<br />
— Bien, papa.<br />
Puis, après une seconde d’hésitation, elle ajouta :<br />
— Tout cela ne m’empêchera pas sans doute de partir pour la Riviera ?<br />
— Quand pars-tu ?<br />
— <strong>Le</strong> quatorze.<br />
— Tu peux t’en aller tranquille. Ces sortes d’affaires traînent souvent en longueur. Écoute,<br />
Ruth, à ta place, je ne porterais pas ces rubis en voyage. Dépose-les à la banque.