Le train bleu - Chri.. - Index of

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04.07.2013 Views

ien fixée sur les épaules, laissez-moi vous dire que toute femme commet une sottise au moins une fois dans sa vie. Je parie dix contre un que cet homme court après votre argent. D’un geste elle écarta la réponse que s’apprêtait à lui faire Catherine. — Il fallait s’y attendre. Qu’est après tout le secrétaire d’un millionnaire ? Neuf fois sur dix, un jeune homme distingué qui aime la vie facile et luxueuse, mais ne possède aucun esprit d’initiative, et, s’il existe une situation plus douce que celle de secrétaire d’un millionnaire, c’est encore de devenir l’époux d’une femme riche. Je ne dis pas que vous ne puissiez inspirer de l’amour à un homme, mais vous n’êtes plus jeune et, malgré la fraîcheur de votre teint, vous n’êtes pas une beauté. Je voudrais vous mettre en garde. Si toutefois vous êtes décidée à commettre une folie, veillez à ce que votre fortune demeure en votre nom personnel. J’ai fini. Qu’avez-vous à dire de cela ? — Rien… Cela vous dérangerait-il qu’il vînt me voir ? — Je m’en lave les mains. Suivez mon conseil ou ne le suivez pas, cela vous regarde. Voulez-vous le retenir à déjeuner ou à dîner ? Hélène peut préparer un repas convenable… si elle ne perd pas la tête. — Vous êtes gentille, miss Viner. Il me prie de lui téléphoner. Je vais lui dire que nous serions enchantées s’il acceptait de déjeuner avec nous. Il viendra en auto de Londres. — Hélène cuira du bœuf aux tomates ; c’est ce qu’elle réussit le mieux. Elle a la main lourde pour pétrir une tarte, qu’elle fasse plutôt un pudding. Vous prendrez un bon morceau de fromage chez Abbot et du vin vieux à la cave, du vin laissé là par mon père ! — Oh ! miss Viner, cela n’est pas nécessaire ! — Si, mon enfant. Un homme aime du bon vin aux repas. J’ai aussi de l’excellent whisky d’avant-guerre. La clef de la cave se trouve dans le troisième tiroir de la commode, dans la seconde paire de bas à gauche. Catherine alla vers la cachette indiquée. — La seconde paire, vous entendez. La première renferme mes boucles d’oreilles en diamants et ma broche en filigrane. — Oh ! fit Catherine déconcertée. Voulez-vous que je les range dans votre coffre à bijoux ? — N’en faites rien. Mon pauvre père avait fait construire un coffre-fort dans le sous-sol de notre maison. Tout fier de cette innovation, il dit à ma mère : « Mary, tu mettras tes bijoux dans ton coffret et je les enfermerai ici chaque soir ! » Ma mère, une femme pleine de tact et pas contrariante, porta tous les soirs à mon père son coffret à bijoux fermé à clef. « Une nuit, les cambrioleurs pénétrèrent dans la maison et, naturellement, allèrent tout droit au coffre-fort. Mon père n’avait pu tenir sa langue et avait parlé de son coffre-fort dans tout le village, si bien que chacun pouvait croire qu’il contenait tous les trésors du roi Salomon. « Ils enlevèrent tout, la vaisselle d’argent, un plat en or qu’on avait offert à mon père et le coffret à bijoux. » Miss Viner soupira. — Mon père était dans tous ses états en songeant aux bijoux de ma mère, parmi lesquels se trouvaient de très jolis camées, des coraux rose pâle et deux magnifiques diamants. Mais elle dut lui avouer que, par prudence, elle avait gardé ses bijoux dans un corset où ils étaient demeurés à l’abri. — Et le coffret à bijoux était vide ?

— Oh ! non, répondit miss Viner, il eût été trop léger. Ma mère, en femme intelligente, avait tout prévu. Elle ramassait ses boutons dans son coffret à bijoux. Chose curieuse, mon père en fut mortifié et déclara qu’il n’admettait pas le mensonge. Je m’aperçois que je parle toujours de moi. Allez téléphoner à votre ami et rapportez un bon morceau de viande. Recommandez à Hélène de ne pas avoir de bas percés lorsqu’elle servira à table. La pluie avait cessé lorsque Knighton arriva au cottage. Un pâle soleil éclairait la chevelure de Catherine, tandis que, debout sur le seuil de la porte, la jeune fille l’accueillait. Il se précipita vers elle, avec un empressement tout juvénile. — Je suis heureux de vous revoir, miss Grey. L’amie chez qui vous demeurez ne se formalisera pas de ma venue ? — Entrez et tâchez de gagner son amitié. Elle ne vous plaira peut-être pas au premier abord, mais elle possède un cœur d’or. Miss Viner, majestueusement installée dans le salon portait une parure de camées si miraculeusement conservée à sa famille. Elle reçut Knighton avec une politesse froide, capable de décourager plus d’un, mais Knighton possédait un charme tout personnel qui s’imposait et, au bout de quelques minutes, miss Viner se dégela à vue d’œil. Le déjeuner fut gai et Hélène, qui arborait une paire de bas de soie toute neuve, accomplit des merveilles dans son service. Le repas terminé, Catherine et Knighton firent une promenade et rentrèrent à l’heure du thé, qu’ils prirent en tête à tête, miss Viner étant allée se reposer. Lorsque l’automobile se fut éloignée, Catherine monta lentement l’escalier. Une voix l’appela. Elle entra dans la chambre de miss Viner. — Votre ami est parti ? — Oui. Je vous remercie de m’avoir permis de le recevoir ici. — Pas la peine de me remercier. Me prenez-vous pour une vieille avare qui ne pense jamais aux autres ? — Vous êtes bien gentille pour moi, lui dit Catherine, d’un ton affectueux. — Humm… fit la vieille toute radoucie. Catherine allait sortir, lorsque miss Viner la rappela : — Dites, Catherine, j’ai eu tort de mal parler de ce jeune homme avant de l’avoir vu. Quand un homme joue la comédie, il peut se montrer aimable, galant, et plein de charmantes attentions ; mais lorsqu’il est amoureux, il ressemble à un agneau. Je suis certaine que ce jeune homme est sincèrement amoureux de vous.

— Oh ! non, répondit miss Viner, il eût été trop léger. Ma mère, en femme intelligente,<br />

avait tout prévu. Elle ramassait ses boutons dans son c<strong>of</strong>fret à bijoux. Chose curieuse, mon<br />

père en fut mortifié et déclara qu’il n’admettait pas le mensonge. Je m’aperçois que je parle<br />

toujours de moi. Allez téléphoner à votre ami et rapportez un bon morceau de viande.<br />

Recommandez à Hélène de ne pas avoir de bas percés lorsqu’elle servira à table.<br />

La pluie avait cessé lorsque Knighton arriva au cottage. Un pâle soleil éclairait la<br />

chevelure de Catherine, tandis que, debout sur le seuil de la porte, la jeune fille l’accueillait.<br />

Il se précipita vers elle, avec un empressement tout juvénile.<br />

— Je suis heureux de vous revoir, miss Grey. L’amie chez qui vous demeurez ne se<br />

formalisera pas de ma venue ?<br />

— Entrez et tâchez de gagner son amitié. Elle ne vous plaira peut-être pas au premier<br />

abord, mais elle possède un cœur d’or.<br />

Miss Viner, majestueusement installée dans le salon portait une parure de camées si<br />

miraculeusement conservée à sa famille. Elle reçut Knighton avec une politesse froide,<br />

capable de décourager plus d’un, mais Knighton possédait un charme tout personnel qui<br />

s’imposait et, au bout de quelques minutes, miss Viner se dégela à vue d’œil.<br />

<strong>Le</strong> déjeuner fut gai et Hélène, qui arborait une paire de bas de soie toute neuve,<br />

accomplit des merveilles dans son service. <strong>Le</strong> repas terminé, Catherine et Knighton firent une<br />

promenade et rentrèrent à l’heure du thé, qu’ils prirent en tête à tête, miss Viner étant allée<br />

se reposer.<br />

Lorsque l’automobile se fut éloignée, Catherine monta lentement l’escalier. Une voix<br />

l’appela. Elle entra dans la chambre de miss Viner.<br />

— Votre ami est parti ?<br />

— Oui. Je vous remercie de m’avoir permis de le recevoir ici.<br />

— Pas la peine de me remercier. Me prenez-vous pour une vieille avare qui ne pense<br />

jamais aux autres ?<br />

— Vous êtes bien gentille pour moi, lui dit Catherine, d’un ton affectueux.<br />

— Humm… fit la vieille toute radoucie.<br />

Catherine allait sortir, lorsque miss Viner la rappela :<br />

— Dites, Catherine, j’ai eu tort de mal parler de ce jeune homme avant de l’avoir vu.<br />

Quand un homme joue la comédie, il peut se montrer aimable, galant, et plein de<br />

charmantes attentions ; mais lorsqu’il est amoureux, il ressemble à un agneau. Je suis<br />

certaine que ce jeune homme est sincèrement amoureux de vous.

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