Le train bleu - Chri.. - Index of
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— Jusqu’en Angleterre, pas plus loin. Guidée par une soudaine impulsion, elle prit la lettre reçue le matin même et la tendit à Poirot. — Voici les premières nouvelles qui m’arrivent d’Angleterre et me rappellent mon ancienne existence… cela me fait tout de même de la peine. — Et vous allez retourner à St Mary Mad ? — Oh ! non ! Pourquoi y retournerais-je ? — Excusez-moi. Poirot se leva et alla rejoindre Lenox qui conversait avec Van Aldin et Knighton. L’Américain paraissait vieilli. L’air hagard, il salua le détective d’un signe de tête. Lorsque le millionnaire se retourna pour répondre à une observation faite par Lenox, Poirot tira Knighton à l’écart. — Mr Van Aldin a l’air malade, lui dit-il. — Cela vous étonne ? demanda Knighton. Le scandale causé par l’arrestation de Derek Kettering a fini de l’achever. Il regrette même de vous avoir demandé de découvrir la vérité. — Conseillez-lui de retourner en Angleterre. — Nous partons après-demain. — Voilà qui est parfait. Après une minute d’hésitation, il regarda du côté de la terrasse où Catherine était assise. — Allez donc apprendre cette nouvelle à miss Grey. — Quelle nouvelle ? — Dites-lui que vous… ou plutôt que Mr Van Aldin regagne l’Angleterre. Knighton parut légèrement intrigué, mais il se rendit près de la jeune fille. Poirot la regarda en hochant la tête d’un air satisfait, puis rejoignit Lenox et l’Américain. Au bout de quelques minutes, tous trois se dirigèrent vers la table de Catherine et Knighton. La conversation devint alors générale. Au bout d’un moment, le millionnaire et son secrétaire ayant pris congé, Poirot se disposa à partir. — Je vous remercie infiniment de ce charmant déjeuner, mesdemoiselles. Ma foi, j’avais réellement besoin d’être réconforté. Il bomba le torse et se frappa la poitrine. À présent, vous avez devant vous un lion…, un géant. Ah ! mademoiselle Catherine, vous ne m’avez pas encore vu à l’œuvre ! Vous ne connaissez que l’aimable et calme Hercule Poirot, mais il existe un autre Hercule Poirot. Il va maintenant lancer des menaces et semer la terreur dans les cœurs de ceux qui l’écoutent ! L’air content de lui, Hercule Poirot considéra les deux jeunes filles qui paraissaient vraiment émues par son attitude, bien que Lenox se mordît la lèvre inférieure et que Catherine tordît les coins de sa bouche de façon bizarre. — Et vous verrez, ajouta-t-il gravement, je tiendrai mes promesses et je réussirai ! Au revoir, mesdemoiselles. À peine avait-il fait quelques pas que Catherine le rappela : — Monsieur Poirot, vous aviez raison tout à l’heure. Je retourne bientôt en Angleterre. La jeune fille rougit sous le regard scrutateur du détective. — Je comprends, lui dit Poirot. — Non, vous ne me comprenez pas. — J’en sais plus long que vous ne pensez, mademoiselle.
Un sourire sur les lèvres, Poirot quitta Catherine. Montant dans un taxi, il se fit conduire à Antibes. Hippolyte, l’impassible valet de chambre du comte de la Roche, nettoyait les superbes cristaux de son maître à la villa Marina. Le comte passait la journée à Monte-Carlo. Jetant par hasard un coup d’œil à la fenêtre, Hippolyte aperçut un homme qui, d’un pas décidé, se dirigeait vers la porte d’entrée. Malgré toute son expérience, Hippolyte ne parvenait pas à classer ce visiteur d’allure particulière. Il appela Marie, sa femme, occupée dans la cuisine et attira son attention sur celui qu’il dénommait « ce type-là ». — Ce n’est pas la police, cette fois ? demanda Marie, pleine d’inquiétude. — Regarde et rends-toi compte. Marie alla vers la fenêtre. — Non. Tant mieux ! — En réalité, ils ne nous ont pas beaucoup dérangés, remarqua Hippolyte. Sans l’avertissement de M. le comte, je n’aurais jamais soupçonné cet étranger, qui se trouvait au café, d’être de la rousse. La sonnette de la porte d’entrée retentit et Hippolyte, l’air grave et solennel, alla ouvrir. — M. le comte est absent, monsieur. Le petit homme aux larges moustaches sourit et dit d’un air placide : — Je le sais. Vous vous nommez Hippolyte Flavelle, n’est-ce pas ? — Oui, monsieur. — Et votre femme s’appelle Marie Flavelle ? — Oui, monsieur. Mais… — Je voudrais vous parler à tous les deux, dit l’étranger en passant devant le valet de chambre. Votre femme est sans doute dans la cuisine ? J’y vais. Avant qu’Hippolyte eût recouvré son aplomb, le visiteur, sans se tromper de porte, se rendit du vestibule dans la cuisine où Marie s’arrêta bouche bée pour le regarder. — Voilà, dit l’étranger en s’asseyant sur une chaise. Je suis Hercule Poirot. — Qui ça, monsieur ? — Vous ne connaissez pas ce nom-là ? — C’est la première fois que je l’entends prononcer, fit Hippolyte. — Laissez-moi vous dire qu’on vous a mal instruit. Hercule Poirot est le nom d’un grand homme. Il soupira en croisant ses mains sur sa poitrine. Hippolyte et Marie le regardaient d’un air gêné. Ils ne savaient que faire de ce visiteur inattendu… — Monsieur désire… murmura machinalement Hippolyte. — Je désire savoir pourquoi vous avez menti à la police. — Monsieur ! s’écria Hippolyte. J’ai menti à la police, moi ! Jamais je n’ai fait pareille chose. M. Poirot secoua la tête. — Permettez-moi de vous contredire. Vous avez menti en plusieurs occasions. Attendez. Il tira un petit calepin de sa poche et le consulta. Ah ! oui : sept fois au moins. Je vais vous expliquer en quelles circonstances. D’une voix calme, il énuméra devant eux les sept occasions où le domestique avait
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Guidée par une soudaine impulsion, elle prit la lettre reçue le matin même et la tendit à<br />
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— Voici les premières nouvelles qui m’arrivent d’Angleterre et me rappellent mon<br />
ancienne existence… cela me fait tout de même de la peine.<br />
— Et vous allez retourner à St Mary Mad ?<br />
— Oh ! non ! Pourquoi y retournerais-je ?<br />
— Excusez-moi.<br />
Poirot se leva et alla rejoindre <strong>Le</strong>nox qui conversait avec Van Aldin et Knighton.<br />
L’Américain paraissait vieilli. L’air hagard, il salua le détective d’un signe de tête.<br />
Lorsque le millionnaire se retourna pour répondre à une observation faite par <strong>Le</strong>nox,<br />
Poirot tira Knighton à l’écart.<br />
— Mr Van Aldin a l’air malade, lui dit-il.<br />
— Cela vous étonne ? demanda Knighton. <strong>Le</strong> scandale causé par l’arrestation de Derek<br />
Kettering a fini de l’achever. Il regrette même de vous avoir demandé de découvrir la vérité.<br />
— Conseillez-lui de retourner en Angleterre.<br />
— Nous partons après-demain.<br />
— Voilà qui est parfait.<br />
Après une minute d’hésitation, il regarda du côté de la terrasse où Catherine était assise.<br />
— Allez donc apprendre cette nouvelle à miss Grey.<br />
— Quelle nouvelle ?<br />
— Dites-lui que vous… ou plutôt que Mr Van Aldin regagne l’Angleterre.<br />
Knighton parut légèrement intrigué, mais il se rendit près de la jeune fille.<br />
Poirot la regarda en hochant la tête d’un air satisfait, puis rejoignit <strong>Le</strong>nox et l’Américain.<br />
Au bout de quelques minutes, tous trois se dirigèrent vers la table de Catherine et Knighton.<br />
La conversation devint alors générale.<br />
Au bout d’un moment, le millionnaire et son secrétaire ayant pris congé, Poirot se disposa<br />
à partir.<br />
— Je vous remercie infiniment de ce charmant déjeuner, mesdemoiselles. Ma foi, j’avais<br />
réellement besoin d’être réconforté. Il bomba le torse et se frappa la poitrine. À présent,<br />
vous avez devant vous un lion…, un géant. Ah ! mademoiselle Catherine, vous ne m’avez pas<br />
encore vu à l’œuvre ! Vous ne connaissez que l’aimable et calme Hercule Poirot, mais il<br />
existe un autre Hercule Poirot. Il va maintenant lancer des menaces et semer la terreur dans<br />
les cœurs de ceux qui l’écoutent !<br />
L’air content de lui, Hercule Poirot considéra les deux jeunes filles qui paraissaient<br />
vraiment émues par son attitude, bien que <strong>Le</strong>nox se mordît la lèvre inférieure et que<br />
Catherine tordît les coins de sa bouche de façon bizarre.<br />
— Et vous verrez, ajouta-t-il gravement, je tiendrai mes promesses et je réussirai ! Au<br />
revoir, mesdemoiselles.<br />
À peine avait-il fait quelques pas que Catherine le rappela :<br />
— Monsieur Poirot, vous aviez raison tout à l’heure. Je retourne bientôt en Angleterre.<br />
La jeune fille rougit sous le regard scrutateur du détective.<br />
— Je comprends, lui dit Poirot.<br />
— Non, vous ne me comprenez pas.<br />
— J’en sais plus long que vous ne pensez, mademoiselle.