Le train bleu - Chri.. - Index of
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Dimanche, j’ai prié Dieu qu’il vous garde de toute vanité et de tout orgueil.<br />
Catherine lut par deux fois cette lettre aux détails savoureux, et la posa sur sa table. <strong>Le</strong><br />
cœur serré, elle regarda par la fenêtre de sa chambre les eaux <strong>bleu</strong>es de la Méditerranée.<br />
La lecture de cette missive éveilla soudain chez elle le désir nostalgique de revoir le petit<br />
village de St Mary Mad. Pour un peu, elle aurait pleuré de tout son cœur, la tête enfouie<br />
entre ses bras.<br />
<strong>Le</strong>nox entra à ce moment et la tira de ses tristes pensées.<br />
— Bonjour, Catherine. Qu’avez-vous ce matin ?<br />
— Rien.<br />
Elle enferma la lettre de miss Viner dans son sac à main.<br />
— Vous avez l’air toute chose. Écoutez-moi, j’espère que vous ne vous formaliserez pas,<br />
mais j’ai téléphoné à votre ami, M. Poirot, et l’ai invité à dîner avec nous à Nice. Craignant<br />
qu’il ne se dérange point spécialement pour moi, je lui ai dit que vous désiriez lui parler.<br />
— Alors, vous tenez donc à le voir ? demanda Catherine.<br />
— Oui. J’en suis amoureuse. Il a les yeux verts comme ceux du chat. Chez un homme,<br />
c’est une rareté.<br />
— Bon, allons-y, dit Catherine avec indifférence.<br />
Elle se sentait lasse. L’arrestation de Derek Kettering défrayait toutes les conversations,<br />
le mystère du Train Bleu revenait à chaque instant sur le tapis et Catherine avait dû subir les<br />
questions indiscrètes des avoués de lady Tamplin.<br />
— J’ai commandé la voiture sous un prétexte quelconque, annonça <strong>Le</strong>nox. Je ne me<br />
souviens plus exactement de ce que j’ai raconté à maman, mais cela n’a guère d’importance,<br />
elle-même l’aura oublié. Si elle avait su que nous allions voir M. Poirot, elle aurait insisté<br />
pour nous accompagner afin de lui soutirer des nouvelles.<br />
En arrivant au Negresco, les deux jeunes filles trouvèrent le détective qui les attendait.<br />
Empressé et courtois, il les accabla de tant de politesses et de compliments que les deux<br />
jeunes filles ne purent contenir leur hilarité. Toutefois le repas fut loin d’être gai. Catherine<br />
demeurait rêveuse et distraite, et <strong>Le</strong>nox laissait souvent languir la conversation.<br />
Au moment où ils s’assirent sur la terrasse pour prendre le café, elle interrogea Poirot à<br />
brûle-pourpoint :<br />
— Comment va l’affaire ? Vous savez de quoi je parle ?<br />
— La justice suit son cours.<br />
— Et vous ne faites rien pour l’empêcher de commettre une telle iniquité ?<br />
— Vous êtes jeune, mademoiselle. Il y a trois choses qu’il faut laisser agir lentement : le<br />
Bon Dieu, la Nature, et les vieilles gens.<br />
— Monsieur Poirot, vous dites des sottises ! Vous n’êtes point vieux du tout !<br />
— Que vous êtes charmante de me l’apprendre !<br />
— Voici Mr Knighton, annonça <strong>Le</strong>nox.<br />
Catherine jeta un coup d’œil de côté, puis tourna vivement la tête.<br />
— Il est accompagné de Mr Van Aldin, reprit <strong>Le</strong>nox.<br />
— Je voudrais dire un mot au major Knighton. Voulez-vous m’excuser ? Je reviens dans<br />
une minute.<br />
Poirot, demeuré seul avec Catherine, se pencha vers elle et lui murmura :<br />
— Mademoiselle, vous êtes distraite… Vos pensées voyagent loin d’ici n’est-ce pas ?