Le train bleu - Chri.. - Index of

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04.07.2013 Views

Poirot se disposait à sortir. — N’avez-vous rien d’autre à nous apprendre, monsieur Poirot ? demanda le commissaire. — Pour l’instant, non. Peut-être des nouvelles intéressantes m’attendent-elles à l’hôtel. M. Carrège parut embarrassé. — Si le Marquis est impliqué dans cette affaire… commença-t-il. Puis il s’interrompit aussitôt. — Cela renverse toutes nos hypothèses, déclara M. Carrège. — Pas la mienne, dit Poirot. Au contraire, cela rentre dans mes vues. Au revoir, messieurs. Si des communications importantes me parviennent, je vous les transmettrai sans tarder. L’air soucieux, il regagna son hôtel à pied. Un télégramme était arrivé à son nom pendant son absence. Il l’ouvrit. C’était un long message. Poirot le lut par deux fois avant de le mettre dans sa poche. En haut, George attendait son maître. — Je suis fatigué, George, très fatigué. Voulez-vous me faire monter une tasse de chocolat ? Le chocolat dûment commandé, fut apporté et George le posa sur une petite table à portée de son maître. Comme le domestique allait se retirer, Poirot lui adressa la parole. — Il me semble, George, que vous connaissez bien l’aristocratie anglaise ? — Je crois pouvoir l’affirmer, répondit l’autre en souriant. — D’après vous, George, les criminels sortent invariablement des classes inférieures de la société, n’est-ce pas ? — Pas nécessairement, Monsieur. Un des fils du duc de Devize, élevé au collège d’Eton, a donné à son père bien du fil à retordre : il se rendit coupable de plusieurs vols et la police refusa d’admettre l’excuse de la kleptomanie. Ce jeune homme, pourtant très intelligent, avait le vice dans le corps. Le duc l’exila en Australie où, sous un faux nom, il fut condamné. Si bizarre que cela paraisse, c’est pourtant vrai. Inutile d’ajouter que ce n’était pas le besoin d’argent qui poussait ce jeune homme au vol. — L’amour de l’aventure, sans doute, et aussi une fêlure dans le cerveau, dit Poirot. Je me demande… Poirot tira le télégramme de sa poche et le parcourut. — Je me souviens aussi de la fille de lady Mary Fox, reprit le domestique en veine de confidences. Elle dérobait des articles dans les magasins avec un sang-froid imperturbable. Ces faits regrettables se produisent trop souvent dans les familles aristocratiques. Je pourrais vous citer d’autres cas curieux… — Vous possédez une vaste expérience du monde, George. Comment se fait-il qu’après avoir toujours fréquenté des gens titrés, vous vous soyez abaissé à entrer à mon service ? Dois-je l’attribuer à l’amour des émotions ? — Pas exactement, Monsieur. Au moment où je cherchais une place, j’ai lu dans un journal mondain que vous aviez été reçu au palais de Buckingham. Sa Majesté s’était montrée, paraît-il, très aimable et bienveillante envers vous et vous avait félicité de vos talents. — Ah ! dit Poirot. J’ai toujours aimé connaître le pourquoi et le comment des choses. Il demeura un instant pensif, puis ajouta :

— Avez-vous téléphoné à Mlle Papopoulos ? — Oui, Monsieur, elle et son père sont enchantés de dîner avec vous ce soir. — Très bien, dit Poirot. Il avala son chocolat, posa soigneusement la soucoupe et la tasse au milieu du plateau et parla d’une voix basse, s’adressant plutôt à lui-même qu’à son valet de chambre. — L’écureuil, mon bon George, cueille des noisettes qu’il emmagasine pendant l’automne afin de les retrouver plus tard. Pour se perfectionner, l’homme doit profiter des leçons que lui donnent ses frères inférieurs du règne animal. J’ai toujours suivi ce principe. Tour à tour, je suis devenu le chat guettant la souris, le chien flairant la piste sans jamais lever le nez, et enfin l’écureuil : j’ai mangé les menus faits de-ci de-là. À présent, je retourne à ma provision et je choisis une noisette… une noisette mise de côté il y a… voyons un peu… dix-sept ans. Vous me comprenez, mon bon George ? — J’ai peine à croire que des noisettes puissent se conserver si longtemps, Monsieur. Il est vrai qu’on fait à présent des merveilles avec les bocaux à conserves. Poirot le regarda en souriant…

— Avez-vous téléphoné à Mlle Papopoulos ?<br />

— Oui, Monsieur, elle et son père sont enchantés de dîner avec vous ce soir.<br />

— Très bien, dit Poirot.<br />

Il avala son chocolat, posa soigneusement la soucoupe et la tasse au milieu du plateau et<br />

parla d’une voix basse, s’adressant plutôt à lui-même qu’à son valet de chambre.<br />

— L’écureuil, mon bon George, cueille des noisettes qu’il emmagasine pendant l’automne<br />

afin de les retrouver plus tard. Pour se perfectionner, l’homme doit pr<strong>of</strong>iter des leçons que lui<br />

donnent ses frères inférieurs du règne animal. J’ai toujours suivi ce principe. Tour à tour, je<br />

suis devenu le chat guettant la souris, le chien flairant la piste sans jamais lever le nez, et<br />

enfin l’écureuil : j’ai mangé les menus faits de-ci de-là. À présent, je retourne à ma provision<br />

et je choisis une noisette… une noisette mise de côté il y a… voyons un peu… dix-sept ans.<br />

Vous me comprenez, mon bon George ?<br />

— J’ai peine à croire que des noisettes puissent se conserver si longtemps, Monsieur. Il<br />

est vrai qu’on fait à présent des merveilles avec les bocaux à conserves.<br />

Poirot le regarda en souriant…

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