Le train bleu - Chri.. - Index of
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personne : quelque émotion contenue qui se trahissait par mille petits riens. — Je crois que vous avez toujours aimé le jeu. Vous avez cela dans le sang. — Et je vendrais ma dernière chemise pour satisfaire cette passion, n’est-ce pas ? Vous avez certainement raison. Ne comprenez-vous pas l’immense plaisir qu’on éprouve à risquer, d’un seul coup, tout ce qu’on possède au monde ? Malgré son calme et son bon sens habituel, Catherine ne put réprimer un petit frisson. — Je voudrais vous parler, continua Derek. Et qui sait quand j’en retrouverai l’occasion ? Le bruit court que je suis l’assassin de ma femme… Non, je vous en prie, ne m’interrompez pas. Bien entendu, cette accusation est absurde. Il fit une pause, puis reprit d’une voix plus ferme : — Dans mes différents démêlés avec la police et les autorités locales, j’ai dû prendre… disons, une certaine attitude. Mais avec vous, je serai franc. Avant tout, je cherchais une femme riche. Je courais les dots lors de ma première rencontre avec Ruth Van Aldin. Elle ressemblait à une svelte madone et, ma foi, je pris toute sortes de bonnes résolutions. « Je fus amèrement déçu : ma femme en aimait un autre à l’époque de notre mariage. Jamais elle n’a eu d’amitié pour moi. Oh ! Je ne me plains pas ! Notre union constituait un marché fort honorable. Ma femme désirait le titre et moi l’argent. Notre malheur vint de ce que Ruth était américaine. Sans éprouver à mon égard la moindre affection, elle exigeait que je fusse son chevalier servant. À plusieurs reprises elle poussa l’audace jusqu’à me dire qu’elle m’avait acheté et que je lui appartenais. Résultat : je me conduisis envers elle de façon abominable. Mon beau-père vous le dira et je ne lui donnerai pas tort. Au moment de la mort de Ruth, j’étais menacé d’une ruine désastreuse. On peut s’attendre aux pires catastrophes lorsqu’on a comme adversaire Rufus Van Aldin. — Et ensuite ? demanda Catherine. Derek haussa les épaules. — Ensuite Ruth fut assassinée de façon providentielle… tout au moins pour moi. Il éclata de rire. Catherine frémit d’horreur. — Je vous choque, mademoiselle. Je ne dis pourtant que la vérité. Permettez-moi de vous faire un aveu. Dès l’instant où je vous ai vue, j’ai compris que vous étiez la seule femme au monde qui comptât pour moi. Tout d’abord… j’ai eu peur de vous. Je croyais que vous me porteriez malheur. — Vous porter malheur ? — Pourquoi répondez-vous sur ce ton ? — Je songeais à certains bruits qui sont parvenus à mes oreilles. — On vous en racontera bien d’autres sur mon compte, ma chère amie, et beaucoup de ces histoires seront vraies. Toute ma vie j’ai joué gros jeu. Oublions le passé. Toutefois, il existe un point sur lequel je veux que vous ne conserviez aucun soupçon : je vous jure solennellement que je n’ai pas tué ma femme ! Il paraissait sincère, mais Catherine trouvait ses façons un peu théâtrales. Devant son regard inquiet, il ajouta : — Vous refusez de me croire parce que je vous ai menti l’autre jour. Je suis en effet allé dans le compartiment de ma femme. — Ah ! — Pourquoi y suis-je entré ? C’est assez difficile à expliquer ; je vais tout de même essayer. J’espionnais plus ou moins Ruth et me cachais d’elle dans le train. Mireille m’avait
dit que ma femme devait rejoindre le comte de la Roche à Paris et autant que je puisse m’en rendre compte, c’était faux. Honteux de moi-même, je songeai à aller voir ma femme pour mettre les choses au point une fois pour toutes. J’ouvris la porte et entrai. Il s’interrompit. — Oui, et alors ? dit doucement Catherine. — Ruth dormait, allongée sur la couchette, le visage tourné vers le mur… Je ne voyais que ses cheveux. J’aurais pu l’éveiller. Mais une réaction soudaine se produisit en mon esprit. Après tout, qu’avions-nous à nous dire que nous n’eussions déjà répété cent fois. Elle semblait dormir si paisiblement ! Je quittai le compartiment sans faire de bruit. — Pourquoi mentir à la police ? demanda Catherine. — Parce que je ne suis pas complètement fou. Dès le début, j’ai compris que, du point de vue du mobile, j’étais le coupable tout trouvé. Si j’avouais être entré dans le compartiment de ma femme un peu avant le meurtre, j’étais bel et bien accusé du crime. — Je comprends. Comprenait-elle réellement ? Elle n’aurait pu le dire. Elle subissait l’influence magnétique qu’exerçait la personnalité de Derek, mais un secret instinct la tenait sur ses gardes. — Catherine !… — Je… — Vous savez que je vous aime… M’aimez-vous ? — Je ne sais pas, répondit-elle d’une voix faible. Elle jetait autour d’elle des regards désespérés comme si elle attendait que quelqu’un vînt à son secours. Une rougeur lui monta aux joues lorsqu’elle aperçut un grand jeune homme blond boitant légèrement, qui s’avançait vers eux, le major Knighton. Cette vue soulagea Catherine et elle accueillit le secrétaire de Mr Van Aldin avec une amabilité extraordinaire. Derek, furieux, et le visage sombre comme un nuage prêt à crever, se leva. — Lady Tamplin a une crise. Je vais lui donner ma recette pour la lui faire passer, dit-il. Il tourna les talons et s’éloigna. Catherine s’assit. Son cœur battait à coups précipités et irréguliers. Tout en parlant de banalités avec l’homme timide assis à ses côtés, elle recouvra son calme. Bientôt elle s’aperçut avec stupeur que Knighton lui dévoilait les secrets de son cœur, comme Derek venait de le faire. Mais il s’y prenait d’une façon moins adroite. Il balbutiait des phrases incohérentes. — Depuis le premier instant où je vous ai vue… Je… je ne devrais pas vous parler si tôt, mais Mr Van Aldin peut quitter le pays un jour ou l’autre et je ne retrouverai jamais l’occasion. Je sais que vous ne pouvez avoir de l’affection pour moi… si vite. C’est impossible, et de ma part, ce serait une grande présomption d’y croire. Je possède un petit revenu, oh ! pas grand-chose… Non, ne répondez pas tout de suite. Je prévois votre réponse. Je voulais vous dire simplement que je vous aime, pour le cas où je partirais inopinément. Le voyant si humble et si doux, Catherine se sentit touchée. — Je voulais vous dire que… si jamais vous vous trouvez dans l’embarras… comptez sur moi. Il lui prit la main, la garda un instant dans la sienne puis sans se retourner, il s’en alla rapidement vers le casino.
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dit que ma femme devait rejoindre le comte de la Roche à Paris et autant que je puisse m’en<br />
rendre compte, c’était faux. Honteux de moi-même, je songeai à aller voir ma femme pour<br />
mettre les choses au point une fois pour toutes. J’ouvris la porte et entrai.<br />
Il s’interrompit.<br />
— Oui, et alors ? dit doucement Catherine.<br />
— Ruth dormait, allongée sur la couchette, le visage tourné vers le mur… Je ne voyais<br />
que ses cheveux. J’aurais pu l’éveiller. Mais une réaction soudaine se produisit en mon esprit.<br />
Après tout, qu’avions-nous à nous dire que nous n’eussions déjà répété cent fois. Elle<br />
semblait dormir si paisiblement ! Je quittai le compartiment sans faire de bruit.<br />
— Pourquoi mentir à la police ? demanda Catherine.<br />
— Parce que je ne suis pas complètement fou. Dès le début, j’ai compris que, du point de<br />
vue du mobile, j’étais le coupable tout trouvé. Si j’avouais être entré dans le compartiment<br />
de ma femme un peu avant le meurtre, j’étais bel et bien accusé du crime.<br />
— Je comprends.<br />
Comprenait-elle réellement ? Elle n’aurait pu le dire. Elle subissait l’influence magnétique<br />
qu’exerçait la personnalité de Derek, mais un secret instinct la tenait sur ses gardes.<br />
— Catherine !…<br />
— Je…<br />
— Vous savez que je vous aime… M’aimez-vous ?<br />
— Je ne sais pas, répondit-elle d’une voix faible.<br />
Elle jetait autour d’elle des regards désespérés comme si elle attendait que quelqu’un vînt<br />
à son secours. Une rougeur lui monta aux joues lorsqu’elle aperçut un grand jeune homme<br />
blond boitant légèrement, qui s’avançait vers eux, le major Knighton.<br />
Cette vue soulagea Catherine et elle accueillit le secrétaire de Mr Van Aldin avec une<br />
amabilité extraordinaire.<br />
Derek, furieux, et le visage sombre comme un nuage prêt à crever, se leva.<br />
— Lady Tamplin a une crise. Je vais lui donner ma recette pour la lui faire passer, dit-il.<br />
Il tourna les talons et s’éloigna.<br />
Catherine s’assit. Son cœur battait à coups précipités et irréguliers. Tout en parlant de<br />
banalités avec l’homme timide assis à ses côtés, elle recouvra son calme.<br />
Bientôt elle s’aperçut avec stupeur que Knighton lui dévoilait les secrets de son cœur,<br />
comme Derek venait de le faire.<br />
Mais il s’y prenait d’une façon moins adroite.<br />
Il balbutiait des phrases incohérentes.<br />
— Depuis le premier instant où je vous ai vue… Je… je ne devrais pas vous parler si tôt,<br />
mais Mr Van Aldin peut quitter le pays un jour ou l’autre et je ne retrouverai jamais<br />
l’occasion. Je sais que vous ne pouvez avoir de l’affection pour moi… si vite. C’est impossible,<br />
et de ma part, ce serait une grande présomption d’y croire. Je possède un petit revenu, oh !<br />
pas grand-chose… Non, ne répondez pas tout de suite. Je prévois votre réponse. Je voulais<br />
vous dire simplement que je vous aime, pour le cas où je partirais inopinément.<br />
<strong>Le</strong> voyant si humble et si doux, Catherine se sentit touchée.<br />
— Je voulais vous dire que… si jamais vous vous trouvez dans l’embarras… comptez sur<br />
moi. Il lui prit la main, la garda un instant dans la sienne puis sans se retourner, il s’en alla<br />
rapidement vers le casino.