Le train bleu - Chri.. - Index of

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CHAPITRE XXIV POIROT DONNE SON AVIS Le millionnaire demeura confondu devant les révélations de Poirot et il lui fallut quelques moments pour se remettre. — Voilà qui change la situation, observa le détective. — Une imitation ! Monsieur Poirot, je reconnais que, dès le début, vous vous refusiez à imputer au comte le meurtre de ma fille. — Malgré certains soupçons, je ne parvenais pas à me figurer le comte commettant un assassinat. Cette idée ne cadrait pas avec la personnalité de l’individu. — Cependant vous croyez qu’il songeait à voler le collier ? — Certainement. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Écoutez, je vais vous expliquer les choses telles que je les comprends. Le comte, sachant que Mrs Kettering possédait les rubis, avait tout prévu. Il lui raconta qu’il écrivait un livre sur les bijoux pour l’inciter à lui montrer le « Cœur de Feu ». Il se procura alors une reproduction exacte du fameux collier avec l’intention de le substituer à celui de Madame votre fille. Mrs Kettering, nullement experte en bijoux, ne se serait aperçue de ce vol que longtemps après… À ce moment-là elle n’aurait pas intenté de procès. Le comte eût été en possession de nombreuses lettres d’elle et… vous comprenez. Oh ! le tour était adroitement combiné et ce noble gentilhomme a dû s’en servir plus d’une fois. — Tout cela me paraît fort clair, en effet. — Et parfaitement digne du comte de la Roche. — Alors, dites-moi, monsieur Poirot, que s’est-il passé ? Poirot haussa les épaules. — C’est bien simple. Quelqu’un a devancé le comte. Il y eut un long silence. Van Aldin semblait remuer les faits dans sa tête, puis il demanda à brûle-pourpoint : — Depuis quand soupçonnez-vous mon gendre ? — Presque depuis le début, il avait un puissant mobile et l’occasion s’offrait à lui. Tout le monde, moi compris, crut d’abord que l’homme qui entra dans le compartiment de Mrs Kettering à Paris était le comte de la Roche. Moi aussi, je le crois. Cependant, je vous entendis raconter par la suite qu’un jour vous aviez pris le comte pour votre gendre : j’en ai déduit qu’ils étaient de même taille et de même corpulence et que tous deux étaient bruns. La femme de chambre étant au service de votre fille depuis peu de temps, ne devait pas connaître très bien Mr Kettering puisqu’il ne vivait pas avec sa femme, et, de plus l’homme avait pris soin de tourner la tête. — Vous l’accusez de l’avoir tuée ? demanda Van Aldin d’une voix rauque. Poirot leva la main. — Non, je n’ai pas dit cela… mais la chose est possible… très possible. Il se trouvait à court d’argent, acculé à la ruine. Pour lui, c’était un moyen de se tirer d’embarras. — Pourquoi aurait-il pris le sac de bijoux ? — Pour faire croire à un crime ordinaire commis par des dévaliseurs de trains. Autrement,

on l’aurait tout de suite soupçonné. — Si votre hypothèse est juste, qu’a-t-il fait des rubis ? — Il nous reste à le découvrir. Je connais à Nice, un homme capable de nous aider, celui que je vous ai montré au tennis. Poirot se leva. Van Aldin l’imita, posa sa main sur l’épaule du petit détective et lui dit d’une voix émue : — Trouvez-moi le meurtrier de Ruth, c’est tout ce que je vous demande. Poirot se redressa avec fierté. — Laissez agir Hercule Poirot et ne craignez rien. Je découvrirai la vérité. D’une chiquenaude il enleva un grain de poussière sur son chapeau. Il adressa un sourire d’encouragement au millionnaire et quitta la pièce. Cependant, en descendant l’escalier de l’hôtel, il abandonna sa belle assurance. — Tout cela est très bien, se dit-il à lui-même, mais une foule d’obstacles se dresse sur ma route. En sortant de l’hôtel, il demeura cloué sur place. Une automobile stationnait devant la porte. Dans cette voiture, se trouvait Catherine Grey et Derek Kettering, debout devant la portière, causait avec la jeune fille. Une minute après, la voiture repartit et Derek resta immobile sur le trottoir, la regardant s’éloigner, une expression bizarre sur son visage. Soudain il haussa les épaules, poussa un profond soupir et se retourna pour se trouver nez à nez avec Hercule Poirot. Il sursauta involontairement. Les deux hommes se dévisagèrent. Poirot très calme et Derek avec une certaine méfiance. Les sourcils levés, il dit au détective d’une voix légèrement moqueuse : — N’est-ce pas qu’elle est gentille ? — Oui, je la trouve très sympathique. — On en rencontre peu comme elle. Il parlait tout bas, comme s’il s’adressait à lui-même. Poirot approuva de la tête, puis il se pencha vers le jeune homme et lui dit, d’un ton grave et sévère que Derek Kettering ne lui connaissait pas encore : — Monsieur, excusez un vieil homme si ses paroles vous semblent indiscrètes. Je me permettrai seulement, pour votre grand bien, de vous citer un de vos proverbes anglais : « Avant de vous engager dans un nouvel amour, finissez-en avec l’ancien. » — Que diable voulez-vous dire ? demanda Kettering, en colère. — Vous m’en voulez ? Cela ne m’étonne point, remarqua Poirot, d’un air placide. Si vous ne comprenez pas le sens de mes paroles, détournez-vous, monsieur. Vous verrez une seconde voiture où se trouve encore une dame. Derek se retourna et son visage s’assombrit. — Mireille, au diable cette peste ! Je la… Poirot arrêta son geste. — Voyons, calmez-vous. Mais Derek n’était pas, ce jour-là, d’humeur à écouter les conseils. Hors de lui-même, il s’écria : — J’ai rompu avec elle. — Oui, mais a-t-elle rompu avec vous ? Derek poussa un éclat de rire amer. — Cette femme ne rompra pas de bon gré avec un homme qui possède deux millions. Elle

on l’aurait tout de suite soupçonné.<br />

— Si votre hypothèse est juste, qu’a-t-il fait des rubis ?<br />

— Il nous reste à le découvrir. Je connais à Nice, un homme capable de nous aider, celui<br />

que je vous ai montré au tennis.<br />

Poirot se leva. Van Aldin l’imita, posa sa main sur l’épaule du petit détective et lui dit<br />

d’une voix émue :<br />

— Trouvez-moi le meurtrier de Ruth, c’est tout ce que je vous demande.<br />

Poirot se redressa avec fierté.<br />

— Laissez agir Hercule Poirot et ne craignez rien. Je découvrirai la vérité.<br />

D’une chiquenaude il enleva un grain de poussière sur son chapeau. Il adressa un sourire<br />

d’encouragement au millionnaire et quitta la pièce. Cependant, en descendant l’escalier de<br />

l’hôtel, il abandonna sa belle assurance.<br />

— Tout cela est très bien, se dit-il à lui-même, mais une foule d’obstacles se dresse sur<br />

ma route.<br />

En sortant de l’hôtel, il demeura cloué sur place. Une automobile stationnait devant la<br />

porte. Dans cette voiture, se trouvait Catherine Grey et Derek Kettering, debout devant la<br />

portière, causait avec la jeune fille.<br />

Une minute après, la voiture repartit et Derek resta immobile sur le trottoir, la regardant<br />

s’éloigner, une expression bizarre sur son visage. Soudain il haussa les épaules, poussa un<br />

pr<strong>of</strong>ond soupir et se retourna pour se trouver nez à nez avec Hercule Poirot. Il sursauta<br />

involontairement. <strong>Le</strong>s deux hommes se dévisagèrent. Poirot très calme et Derek avec une<br />

certaine méfiance. <strong>Le</strong>s sourcils levés, il dit au détective d’une voix légèrement moqueuse :<br />

— N’est-ce pas qu’elle est gentille ?<br />

— Oui, je la trouve très sympathique.<br />

— On en rencontre peu comme elle.<br />

Il parlait tout bas, comme s’il s’adressait à lui-même. Poirot approuva de la tête, puis il se<br />

pencha vers le jeune homme et lui dit, d’un ton grave et sévère que Derek Kettering ne lui<br />

connaissait pas encore :<br />

— Monsieur, excusez un vieil homme si ses paroles vous semblent indiscrètes. Je me<br />

permettrai seulement, pour votre grand bien, de vous citer un de vos proverbes anglais :<br />

« Avant de vous engager dans un nouvel amour, finissez-en avec l’ancien. »<br />

— Que diable voulez-vous dire ? demanda Kettering, en colère.<br />

— Vous m’en voulez ? Cela ne m’étonne point, remarqua Poirot, d’un air placide. Si vous<br />

ne comprenez pas le sens de mes paroles, détournez-vous, monsieur. Vous verrez une<br />

seconde voiture où se trouve encore une dame.<br />

Derek se retourna et son visage s’assombrit.<br />

— Mireille, au diable cette peste ! Je la…<br />

Poirot arrêta son geste.<br />

— Voyons, calmez-vous.<br />

Mais Derek n’était pas, ce jour-là, d’humeur à écouter les conseils. Hors de lui-même, il<br />

s’écria :<br />

— J’ai rompu avec elle.<br />

— Oui, mais a-t-elle rompu avec vous ?<br />

Derek poussa un éclat de rire amer.<br />

— Cette femme ne rompra pas de bon gré avec un homme qui possède deux millions. Elle

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