04.07.2013 Views

LECTURE ANALYTIQUE (textеs des écrivains français du XIXe siècle)

LECTURE ANALYTIQUE (textеs des écrivains français du XIXe siècle)

LECTURE ANALYTIQUE (textеs des écrivains français du XIXe siècle)

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

Flaubert n’était encore qu’un artiste: Zola est, prétend être un savant. Un<br />

roman n’est plus seulement pour lui une observation qui décrit les combinaisons<br />

spontanées de la vie: c’est une expérience, qui pro<strong>du</strong>it artificiellement <strong>des</strong> faits<br />

d’où l’on in<strong>du</strong>it une loi certaine et nécessaire. Zola n’a jamais aperçu la<br />

différence qui existe entre une expérience scientifiquement con<strong>du</strong>ite dans un<br />

laboratoire de chimie ou de physiologie, et les préten<strong>du</strong>es expériences <strong>du</strong> roman<br />

où tout se passe dans la tête de l’auteur, et qui ne sont en fin de compte que <strong>des</strong><br />

hypothèses plus ou moins arbitraires.<br />

La faiblesse de la conception scientifique de Zola apparaît assez<br />

curieusement dans le caractère particulier de chacun <strong>des</strong> romans qui doivent<br />

l’exprimer. Il semblerait que l’objet principal <strong>du</strong> romancier devrait être l’étude<br />

de l’indivi<strong>du</strong> en qui se continue la nérvose héréditaire: mais pas <strong>du</strong> tout.<br />

L’indivi<strong>du</strong> s’efface: et les documents qu’apporte Zola sont relatifs à une<br />

spécialité professionnelle, ici les chemins de fer, là les mines, là la broderie,<br />

ailleurs la finance.<br />

La psychologie <strong>des</strong> romans de Zola est bien courte. Sa doctrine lui disait –<br />

et son tempérament ne protestait pas contre sa doctrine – que l’observation<br />

scientifique est extérieure, non intérieure. Il ne s’est pas douté que ce n’est qu’en<br />

soi qu’on connaît les autres. Il a vu passer <strong>des</strong> gens en blouse ou en redingote,<br />

gesticuler les bras, étinceler <strong>des</strong> yeux, râler ou saigner <strong>des</strong> corps: et il s’est<br />

demandé ce que cela signifiait. Ou plutôt, il l’a demandé à la science: ses<br />

manuels de médecine lui ont montré <strong>des</strong> cas pathologiques; ses manuels de<br />

physiologie lui ont expliqué les fonctions de la vie animale. Persuadé qu’il tenait<br />

tout l’homme, il n’a rien cherché dans la vie humaine au delà <strong>des</strong> accidents de la<br />

névrose et <strong>des</strong> phénomènes de la nutrition. Des agitations de fous, ou <strong>des</strong><br />

appétits de brutes, voilà tout ce qu’il nous offre: de là, la mécanique brutale et<br />

grossièrement conventionnelle de leurs actes. Ce sont <strong>des</strong> fous ou <strong>des</strong> brutes, de<br />

qui, au bout de quatre cents pages, après qu’ils ont étalé leur vie, on n’a rien à<br />

dire, sinon que ce sont <strong>des</strong> brutes ou <strong>des</strong> fous.<br />

Malgré ses ambitions scientifiques, Zola est avant tout un romantique. Il a<br />

un talent vulgaire et robuste, où domine l’imagination. Ses romans sont <strong>des</strong><br />

poèmes, de lourds et grossiers poèmes, mais poèmes. Les <strong>des</strong>criptions sont<br />

intenses, éclatantes, écrasantes, et tournent en visions hallucinatoires: l’oeil de<br />

Zola, ou sa plume, déforme et agrandit tous les objets. C’est un rêve monstrueux<br />

de la vie qu’il nous offre: ce n’en est pas la réalité simplement transcrite. Sa<br />

fantaisie effrénée anime toutes les formes inertes; Paris, une mine, un grand<br />

magasin, une locomotive, deviennent <strong>des</strong> êtres effrayants qui veulent, qui<br />

menacent, qui dévorent, qui souffrent; tout cela danse devant nos yeux comme<br />

dans un cauchemar. La pauvreté et la raideur <strong>des</strong> caractères indivi<strong>du</strong>els les<br />

inclinent à devenir <strong>des</strong> expressions symboliques, et le roman tend à s’organiser<br />

en vaste allégorie, où plus ou moins confusément se déchiffre quelque<br />

conception philosophique, scientifique ou sociale, de mince valeur à l’ordinaire<br />

et de nulle originalité. Tout cela est bien d’un romantique, et l’on a pu qualifier<br />

79

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!