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L’ÉLEVAGE <strong>DU</strong> <strong>TILAPIA</strong> <strong>MARIN</strong><br />
DANS LE SYSTEME AQUACOLE<br />
À RECYCLAGE INTEGRAL<br />
(<strong>SARI</strong>)<br />
Préambule :<br />
Depuis une vingtaine d’années l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD<br />
–anciennement ORSTOM) mène des recherches aquacoles en Afrique de l’Ouest.<br />
Dans le cadre de ces recherches une sous-espèce de tilapia euryhalin, Sarotherodon<br />
melanotheron heudelotii, (elle vit dans une gamme de salinité qui va de 0 à 80 g/l de<br />
sel) des lagunes et des estuaires, originaire du Sénégal, a été mise en valeur pour ses<br />
aptitudes à l’élevage. D’un bel aspect (elle ressemble à la daurade méditerranéenne),<br />
robuste, elle allie l’intérêt de pouvoir être entièrement élevée en eau de mer avec les<br />
avantages zootechniques, d’être facile à reproduire en captivité (contrairement aux<br />
poissons strictement marins), d’avoir une croissance rapide, ainsi qu’avec celui d’être<br />
apte à valoriser les sous-produits des matières premières agricoles produites<br />
localement (tourteaux d’arachide et de coton). Produit en eau de mer ce tilapia n’a pas<br />
le « goût de vase » généralement constaté avec les espèces de la même famille<br />
élevées en eau douce, et sa chair a une saveur et une texture agréables.<br />
Sarotherodon melanotheron heudelotii<br />
IRD – Institut de Recherche pour le Développement – Département Expertise et Valorisation.<br />
213, rue La Fayette – 75480 PARIS cedex 10 - FRANCE
Les caractéristiques de son mode d’alimentation dans le milieu naturel<br />
(consommation de zooplancton par l’alevin, de bactéries, d’algues fixées, de<br />
phytoplancton et de sédiments par l’adulte) ont conduit à imaginer, pour le<br />
développement de son élevage, un système aquacole original dit « à recyclage<br />
intégral ».<br />
Le Système Aquacole à Recyclage Intégral (<strong>SARI</strong>).<br />
Ce système, en eau de mer verte (couleur due au phytoplancton), peut être utilisé en<br />
mode intensif ou semi-intensif. Les poissons reçoivent une alimentation adaptée sous<br />
forme de granulés, rationnée de façon à ce qu’ils consomment aussi les algues et les<br />
sédiments. Ils fertilisent ainsi le milieu et favorisent en retour la croissance du<br />
phytoplancton<br />
Généralement, lorsqu’on utilise de l’eau verte pour une production aquacole, la<br />
biomasse de phytoplancton devient rapidement excessive, on est alors obligé de<br />
l’extraire par le biais du renouvellement continu de l’eau d’élevage. Dans le cas du<br />
<strong>SARI</strong> cette biomasse est régulée en circuit fermé par du zooplancton qui, produit dans<br />
le système dans un volume qui lui est réservé, broute les micro-algues planctoniques.<br />
En contrôlant l’importance de cette population zooplanctonique par pêches successives<br />
ont peut ainsi, indirectement, équilibrer le système. Ce zooplancton est distribué aux<br />
alevins. Les besoins en protéines animales nécessaires à la croissance des alevins<br />
peuvent être ainsi satisfaits « en interne » au système. L’aliment destiné aux adultes<br />
peut avoir un taux de protéines, essentiellement d’origine végétale, limité à 20 %. On<br />
peut, en résumé, dire que les déjections des adultes servent à produire du zooplancton<br />
qui sera consommé par les alevins, via la mise en place d’un écosystème planctonique.<br />
L’eau de mer utilisée pour le fonctionnement du système est pompée par<br />
l’intermédiaire d’un drain enterré sous la plage. On introduit ainsi dans les volumes<br />
d’élevage et de lagunage une eau parfaitement filtrée exempte d’une flore et d’une<br />
faune indésirables (balanes, éponges, mollusques qui constituent le « fouling ») et<br />
d’agents pathogènes. L’évaporation est compensée par un apport d’eau douce.<br />
Les bassins sont placés sous serre pour limiter les déperditions de température et<br />
l’évaporation, et éviter les chutes de salinité au moment de la saison des pluies.<br />
Les avantages :<br />
- on économise environ 2/3 de l’aliment distribué, essentiellement d’origine<br />
végétale,<br />
- il n’y a pas de rejets, donc pas de pollution organique de l’environnement,<br />
- l’élevage est isolé, pas d’introduction de pathogènes et de compétiteurs,<br />
pas de pollution génétique de la biodiversité locale à travers la fuite de poissons<br />
d’élevage,<br />
- utilisation de l’eau de mer (ou saumâtre) dont l’approvisionnement n’est<br />
pas limité, contrairement à l’eau douce,<br />
- économie d’eau, 1%/jour d’apport d’eau douce pour compenser<br />
l’évaporation, contre 10% de renouvellement en élevage semi intensif classique,<br />
- économie d’énergie grâce à la possibilité d’utiliser des énergies<br />
renouvelables.<br />
Un programme de modélisation du système est en cours afin d’optimiser les<br />
paramètres technico-économiques, à travers l’utilisation d’un prototype. Une demande<br />
de brevet sur ce système d’élevage a été faite par l’IRD auprès de l’Institut National de<br />
la Propriété Industrielle (INPI), avec une collaboration en cours du CNRS.<br />
IRD – Institut de Recherche pour le Développement – Département Expertise et Valorisation.<br />
213, rue La Fayette – 75480 PARIS cedex 10 - FRANCE
Le prototype du centre IRD de Mbour au Sénégal<br />
En juin 2003 les équipements (serres, bacs d’élevage, liner, pompes, …) reçus de<br />
France par container ont permis la mise en place du prototype sur le centre IRD de<br />
Mbour, à 80 km au Sud de Dakar, en bordure de l’océan. Les installations associent un<br />
volume d’élevage intensif de 14 m3 (10 bacs d’alevinage et 9 de grossissement) à un<br />
volume de lagunage de 111 m 3 (222 m 2 ) divisé en trois bassins sous serre. Chaque<br />
bassin a un rôle spécifique : élimination de la matière organique solide , production de<br />
phytoplancton, production de zooplancton.<br />
Le prototype du centre IRD de Mbour (Sénégal)<br />
L’équilibre entre les biomasses poissons/phytoplancton/zooplancton est recherché,<br />
ainsi que la capacité d’accueil maximale, à travers un suivi des paramètres physicochimiques<br />
et biologiques.<br />
Les informations recueillies grâce au prototype ont débouché sur une étude technicoéconomique<br />
qui permet de connaître la viabilité économique de ce système d’élevage<br />
selon les options « intensif » ou « semi-intensif » dans les contextes du marché national<br />
et du marché européen, notamment en frais.<br />
Les applications pour le développement.<br />
Le développement d’un tel système d’élevage en eau de mer est propice dans les<br />
zones littorales sablonneuses qui, mis à part un éventuel développement touristique,<br />
sont inaptes à un développement économique, notamment agricole. En circuit fermé la<br />
circulation de l’eau s’effectue sur de faibles dénivelés, il est donc possible, pour<br />
l’assurer, de mettre à profit l’énergie éolienne (pompage mécanique), largement<br />
disponible sur la côte. L’énergie lumineuse au Sénégal ne faisant pas défaut il est<br />
envisageable de produire l’énergie électrique nécessaire par la voie du photovoltaïque.<br />
Cette indépendance énergétique permettra des économies importantes dans un pays<br />
où le coût de l’énergie est important, et permettra de s’implanter sur des sites éloignés<br />
de tout approvisionnement classique.<br />
La Grande Côte, littoral sableux compris entre Dakar et Saint Louis, semble<br />
particulièrement propice au développement de ce type d’élevage. Des dunes situées en<br />
arrière des plantations de filaos (voir photographie), inaptes à l’agriculture et à proximité<br />
de l’océan, s’étendent sur environ 110 km. Le développement touristique au Sénégal se<br />
focalisant sur la Petite Côte, au sud de Dakar, il n’y a pas de pression immobilière sur<br />
cette zone côtière.<br />
Le marché visé est l’Europe, qui importe déjà du Sénégal des produits de la mer,<br />
frais (par avion) et congelés, en quantités importantes. Le tilapia est peu connu sur ce<br />
marché et ne pâtit donc pas de l’image d’un poisson d’eau douce bas de gamme au<br />
goût de vase. S. m. heudelotii peut être présenté comme un produit nouveau, élevé en<br />
eau de mer avec une alimentation essentiellement d’origine végétale. Un tilapia rouge<br />
IRD – Institut de Recherche pour le Développement – Département Expertise et Valorisation.<br />
213, rue La Fayette – 75480 PARIS cedex 10 - FRANCE
élevé en Martinique, en eau douce, a reçu une appellation commerciale déjà existante,<br />
le « Saint Pierre », en référence à la ville locale du même nom. En suivant cet exemple<br />
il est envisagé de nommer le tilapia sénégalais, le « Saint Louis », car il sera élevé à<br />
proximité de la ville ainsi nommée de longue date.<br />
La Grande Côte<br />
Le programme de développement<br />
Après les essais menés à l’aide du prototype, et au vu des résultats obtenus, il sera<br />
étudié l’opportunité économique de mettre en place une ferme pilote qui fonctionnera<br />
selon les caractéristiques des futures exploitations commerciales. Elle sera implantée<br />
vraisemblablement sur la Grande Côte et ses dimensions devront correspondre à un ou<br />
plusieurs modules de production continue en circuit fermé (pêches périodiques). La<br />
taille de ces modules dépendra du volume de chaque unité d’élevage (grossissement)<br />
qui elle même correspondra au tonnage d’une pêche, déterminé par le cubage d’un<br />
container d’expédition. Pour cela des bailleurs de fonds institutionnels publics,<br />
nationaux et internationaux, seront sollicités ainsi que des acteurs du secteur privé<br />
intéressés par la filière.<br />
Contact :<br />
Sylvain GILLES<br />
Ingénieur hydrobiologiste<br />
Aquaculture tropicale<br />
UR 167 « Cyroco »<br />
IRD Bel Air<br />
BP1386<br />
DAKAR Tèl : 221 608 55 17 – 849 33 06<br />
SÉNÉGAL Fax : 221 832 43 07<br />
e-mail : gilles@ird.sn<br />
IRD – Institut de Recherche pour le Développement – Département Expertise et Valorisation.<br />
213, rue La Fayette – 75480 PARIS cedex 10 - FRANCE