Le Parfum D'Adam

La route serpentait sur le plateau aride. Elle gagnait
ensuite un col, entre deux arêtes moussues qui menaient
aux deux points culminants de l’île. Passé le col, la surprise
était totale. Le relief dénudé et sec laissait place sans
transition à une luxuriante végétation tropicale. Tout
devenait vert, dense, humide. La chaleur elle-même prenait
une autre qualité. Elle était moite, gluante, pleine
d’exhalaison d’humus et de palmes.
Paul ne voulut pas demander tout de suite à visiter le
village touché par l’épidémie, de crainte que Joâo ne fasse
le lien. Mais il savait que ce côté de l’île comptait
seulement trois hameaux. S’il demandait à les voir tous, il
tomberait nécessairement sur celui qui l’intéressait.
En vérité, les trois villages étaient assez semblables et
celui qui avait été infesté, qu’ils visitèrent en dernier, ne se
distinguait pas des autres. À la différence des hameaux du
versant aride qui s’étalaient librement dans l’espace vide,
l’habitat de la forêt était concentré. Les maisons
semblaient vouloir se blottir les unes contre les autres et
faire bloc contre les esprits des bois. La pauvreté, à en
juger par l’état des maisons, n’était pas moins grande que
du côté désertique. La misère humaine au milieu de la
luxuriance végétale n’était que plus criante.
— Au moins, ici, ils n’ont pas de problème d’eau,
hasarda Paul.
— Il y a des sources un peu partout sur ce versant. La
plupart sont des eaux chaudes et gazeuses. Mais il y en a
beaucoup qui sont imbuvables à cause des substances