Qu'est-ce qu'un trucage? Vers une définition impossible - L'origine
Qu'est-ce qu'un trucage? Vers une définition impossible - L'origine
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Avant: les techniques. Les professionnels considèrent traditionnellement les effets spéciaux comme des<br />
effets réalisés sur le plateau, en direct, et les <strong>trucage</strong>s des manipulations intervenant en post-production, en<br />
laboratoire. Mais on peut postuler <strong>une</strong> autre distinction. Sur le mode théâtral, le <strong>trucage</strong> devient synonyme de<br />
techniques, tandis que l'effet spécial, comme son nom l'indique, représente l'effet produit - ou du moins voulu<br />
tel - sur le spectateur. Est <strong>trucage</strong> tout <strong>ce</strong> qui fait appel à des départements et des procédés spécifiques :<br />
maquettes, maquillages et costumes spéciaux, retouches en laboratoire. Pourtant, <strong>ce</strong>rtains cadres, un montage<br />
particulier, <strong>une</strong> lumière étonnante aboutissent aussi à des résultats proches de l'emploi de techniques<br />
« spéciales ». Car au final, le cinéma est par essen<strong>ce</strong> un gigantesque <strong>trucage</strong>,de l'ordre de la modification et<br />
de l'altération de la « réalité ».Mais si tout est <strong>trucage</strong>, plus rien ne l'est, puisque le <strong>trucage</strong> est forcément <strong>une</strong><br />
parenthèse, quelque chose de différent par rapport à <strong>ce</strong> qui serait non truqué. Cette <strong>définition</strong> - assimilant le<br />
<strong>trucage</strong> à <strong>ce</strong>rtaines techniques spécifiques a néanmoins le mérite de séparer des techniques plus" spéciales"<br />
que d'autres. Le <strong>trucage</strong> apparaît simplement comme le versant maximum, donc le plus visible, de <strong>ce</strong>t aspect<br />
du cinéma.<br />
Après: la ré<strong>ce</strong>ption. A l'inverse, l'expression « effet spécial» se focalise uniquement sur le spectateur, sur<br />
l'effet produit, seul juge ou non de son caractère spécial. L'effet spécial est de l'ordre de la sensation, du<br />
surplus qu'il introduit par à rapport « l'effet» produit naturellement par un film. En quoi il est « spécial »,<br />
tout va dépendre du spectateur, de son époque, de ses connaissan<strong>ce</strong>s, du film visionné... Christian Metz<br />
n'hésite pourtant pas à déployer le con<strong>ce</strong>pt à partir de <strong>ce</strong>tte seule per<strong>ce</strong>ption, séparant le <strong>trucage</strong><br />
imper<strong>ce</strong>ptible du <strong>trucage</strong> per<strong>ce</strong>ptible et invisible. Le <strong>trucage</strong> et l'effet spécial sont donc inséparables: l'effet<br />
ne pouvant s'obtenir que si le <strong>trucage</strong> s'effa<strong>ce</strong>, si les conditions techniques d'obtention des images<br />
disparaissent au profit de l'identification du spectateur à <strong>ce</strong>s images, à sa croyan<strong>ce</strong> momentanée. Il est<br />
d'autant plus difficile à obtenir que son sujet est éloigné de la réalité: à <strong>ce</strong> titre, les conditions techniques<br />
seront effacées aussi bien par <strong>une</strong> bonne réalisation du truc que par <strong>une</strong> diégèse solide et vraisemblable...<br />
Pourtant, c'est l'expression « effet spécial » (remplacée de plus en plus par « effet visuel» ) qui s'impose de<br />
nos jours, accordant à « <strong>trucage</strong>» un petit air désuet et dépassé, sous-entendant <strong>une</strong> <strong>ce</strong>rtaine évolution. Cette<br />
évolution, c'est <strong>ce</strong>lle que postule le titre de <strong>ce</strong>t ouvrage: elle n'est pas tant d'ordre technique que d'ordre<br />
esthétique. Il est évident que le numérique, par exemple, révolutionne la pratique des effets, mais il n'est pas<br />
sûr, bien au contraire, qu'il modifie de la même façon l'usage qui en est fait.<br />
( ... )<br />
<strong>Qu'est</strong> <strong>ce</strong> <strong>qu'un</strong> <strong>trucage</strong> - Réjane Hamus-Vallée<br />
2/2<br />
Préambule de la revue Cinémaction, n° 102<br />
Du <strong>trucage</strong> aux effets spéciaux<br />
Edition Corlet, Télérama<br />
2001
- Peut-on tout faire en numérique?<br />
Encore <strong>une</strong> fois, c'est <strong>une</strong> question de temps et d'argent. Apres, tout faire, <strong>ce</strong>la dépend du niveau<br />
d'exigen<strong>ce</strong> : quelquefois, il y a des petits effets qui demandent beaucoup de temps, et qui ne se remarquent<br />
pratiquement pas, par<strong>ce</strong> qu'on s'impose un niveau d'exigen<strong>ce</strong> extrême. Mais on n'est pas les seuls juges ;<br />
tec hniquement, il faut forcément <strong>qu'un</strong> effet nous sati sfasse; mais au niveau artistique, on n'est peut-être pas<br />
toujours sur la même longueur d'onde que le réalisateur.<br />
- Regrettez-vous la disparition momentané d'Imagina, festival français consacf'é aux nouvelles<br />
images?<br />
Imagina était toujours lié à la sy nthèse pure, <strong>ce</strong> qui n'est pas trop ma branche. Je conçois parfaitement <strong>une</strong><br />
th éiè re tout en synthèse qui se promène, mais <strong>ce</strong> n'est pas l'image que je défends réellement, je préfère le<br />
« vrai cinéma », avec des effets, comme <strong>une</strong> voiture en synthèse dans un monde réel, un poisson de synthèse<br />
dans de l'eau. Ce qui m'intéresse davantage, c'est le mélange, c'est de pouvoir fai re illusion . La 3D est là pour<br />
qu'on ne voit pas que c'est de la synthèse. Mon travail est là pour ne pas se voir, et pour fàire croire au<br />
spectateur qu'il ne s'est ri en passé, qu'on a tourné avec un petit poisson dressé pour fàire <strong>ce</strong> qu'il fa ll ait. Ça,<br />
ça m'amuse plus que de faire un vrai poisson dans un monde réel en synthèse, avec de la fausse eau. Ce n'est<br />
jamais assez réaliste. Si l'on veut du réalisme, il faut le mêler au réel.<br />
Entretien d'A/ain Carsollx - Réjanl1c Ilal11l1s Vallée<br />
2/2<br />
e\traits de l'entretien réa lisé par' Réjane Hamus-Vallée<br />
Cinémaction. nO 102<br />
Du trucaQ.e au\ effets spéc iau x<br />
Edition Cori et, Télérama<br />
2001
..<br />
Du <strong>trucage</strong> au..t effets spécialu<br />
du jeu télé de TF1, le Bidgil. Le mouvement<br />
reproduit est évidemment plus fluide que <strong>ce</strong>lui<br />
recréé, même si <strong>ce</strong>la fonctionne sunout pour<br />
des êtres humanoïdes - <strong>ce</strong>la n'a pas fonctionné<br />
par exemple pour les fantômes de Casper, trop<br />
éloignés d'<strong>une</strong> référen<strong>ce</strong> humaine.<br />
Motion control : Les batailles de La guerre<br />
des éloi les. La caméra est entièrement contrôlée<br />
par un ordinateur, qui enregistre tous les paramètres<br />
d'un mouvement, et peut les reproduire<br />
à l'infini. Le motion control permet donc de<br />
réaliser des combinaisons d'images pour obtenir<br />
un plan au final en mouvement, <strong>ce</strong> qui n'e;:t<br />
bien sûr pas possible si les deux - ou plu sieurs<br />
- images à mélanger n'ont pas exactement le<br />
même mouvement de caméra.<br />
Peinture sur verre (Malle painting) : Nombres<br />
de paysages et de châteaux imaginaires,<br />
comme <strong>ce</strong>lui du Dracula de Coppola. La peinture<br />
sur verre prolonge un décor existant, ou le<br />
recrée entièrement. Au début du ci néma, <strong>une</strong><br />
plaque de velTe était insérée entre la caméra et<br />
le décor, et le peintre exécutait son travail en<br />
d irect. C'était le "glass shot ». Mais par la<br />
232<br />
Toy Storv ou le 11 Key frame ))<br />
suite, au lieu de faire sa pcinlure, le peintre se<br />
contentera de créer un cache noir, protégeant la<br />
surfa<strong>ce</strong> à modifier. Le cache scra plus tard remplacé<br />
par <strong>une</strong> peinture qu'il "ura tout le temJls<br />
de Iravailler en laboraloire: c'est le «matte<br />
painting », de malle = cache. La caméra doit<br />
bien sûr rester fixe - jusqu'il l'avènement de la<br />
motion control. Ces peintures sont plus<br />
« impressionnistes }) que réalistes, dans la<br />
mesure où le spectateur retient <strong>une</strong> idée<br />
d ' ensemble, et n'ajamais le lemps de l' admirer<br />
longtemps. Paradoxalement. si la peinture est<br />
Iloue, imprécise en général, le peintre se focalise<br />
souvent sur quelques détails qu'il peaufine,<br />
ct qui attireront par la su ite l'attention du spectateur.<br />
De même, J'absen<strong>ce</strong> forcée de mouvement<br />
dans la peinture sera corrigée en ayant<br />
recours à d'autres techn iq ues, pour lui rajouter<br />
des éléments en mouvement (nuages, personnages...<br />
). La peinture sur verre reste proche des<br />
maquettes, et sont souvent utilisées en combinaison<br />
: <strong>une</strong> maquette au premier plan, car en<br />
relief, et <strong>une</strong> peinture en fone!, cn perspective.<br />
Les maquettes om la particul arité de devoir être<br />
Lexique des renfles techniques :des rapports enrre les limùarions rechniques el <strong>ce</strong> qui apparait sur grand écran<br />
filmées au ralenti, pour gagner en corpulen<strong>ce</strong><br />
en grosseur (les in<strong>ce</strong>ndies, les explosions .. .).<br />
Une règle de base veut que l' on filme à <strong>une</strong><br />
vitesse égale à la racine carrée de l'échelle de la<br />
maquette. Pour un bateau au 16', la caméra<br />
devra filmer quatre fo is plus vi te, <strong>ce</strong> qui donnera<br />
<strong>une</strong> image ralentie quatre fois à la projection.<br />
R ear projection : voir transparen<strong>ce</strong>.<br />
Rotoscopie : Les sabres laser de Star Wars.<br />
La rotoscopie, notion issue d u dessin animé, est<br />
à la base <strong>une</strong> retouche d'un plan par l'usage du<br />
dessin. Sur un <strong>ce</strong>llas - <strong>une</strong> feuille transparente<br />
- on dessine image par image les modifications<br />
à apporter au plan. puis on filme le plan originel<br />
el le <strong>ce</strong>llas pour obtenir l'image finale altérée.<br />
A la base, la rotoscopie con<strong>ce</strong>rnait les dessins<br />
qui étaienl exécutés à panir d'images filmées<br />
décalquées. On était sûr ainsi d'avoir un mouvement<br />
«réaliste ». puisqu'il s'était vraiment<br />
produit. Mais par la suile, on va désigner sous<br />
<strong>ce</strong> lerme de rOloscopie toutes les fois où le<br />
dessin inlervient et s'ajoute à <strong>une</strong> image filmée.<br />
Schuftan (procédé) . du nom américanisé de<br />
son inventeur, Eugène SchLifftan : la ville de<br />
Me/ropolis. Grâ<strong>ce</strong> à un miroir, placé à 45'<br />
entre le plateau et la caméra, on combine<br />
ensemble des plans de maquettes et de décors<br />
réels, <strong>ce</strong>ux-ci pouvant inclure des acteurs. Le<br />
tain du miroir est gratté aux endroils où le décor<br />
réel doit apparaître, et laissé pour réfléchir la<br />
maquette, placée il <strong>une</strong> <strong>ce</strong>rtaine distan<strong>ce</strong> de <strong>ce</strong><br />
miroir et de la caméra, pour coller à la perspective<br />
et gagner en proponion.<br />
Stop m otion : voir animation image par<br />
image.<br />
Surimpression : Les fantômes comme <strong>ce</strong>ux<br />
de Topper. Deux images sont impressionnées<br />
sur <strong>une</strong> même pellicule, donnant l'impression<br />
que les objets flottent, sont transparents. Généralement,<br />
la surimpression mélange un plan<br />
avec un objet, filmé sur fond noir, <strong>ce</strong> qui donne<br />
l'impression que seul <strong>ce</strong>t objet se rajoute à<br />
l'image de base, et <strong>ce</strong> qui évite de l'encombrer<br />
avec des objets indistincts. C'est par exemple<br />
un visage, des yeux qui se surimpressionnenl au<br />
plan d'un homme en train de penser, signe de<br />
mélancolie, de souvenir (voir le travail de Marc<br />
Vernet sur <strong>ce</strong>tte notion in Figures de l'absen<strong>ce</strong>).<br />
Le côté évanes<strong>ce</strong>nt des objets surimpressionnés<br />
associe <strong>ce</strong>tte technique aux famômes (La charrelie<br />
fall/ôme), aux rêves (Sherlock Junior),<br />
même si la technique est de moins en moins<br />
employée (les fantômes de Casper ou de SOS<br />
famômes sont encore légèrement translucides,<br />
mais gagnent en corporalité).<br />
T emps mort (ou bullet time): les acteurs<br />
figés en l'air de Matrix. A nouveau, le cinéma<br />
s'inspire de lechniques pholographiques (les<br />
sculptures de temps d'Emmanuel Carlier, entre<br />
autres) pour donner <strong>une</strong> sensation de temps suspendu.<br />
Dans <strong>ce</strong>s plans, mis à la mode par<br />
Matrix, mais déjà présents dans Perdus dans<br />
/ 'espa<strong>ce</strong> par exemple, un acteur se fige en<br />
pleine action (souvent en saut dans les airs)<br />
pendant que la caméra toume autour de lui<br />
Pour <strong>ce</strong> faire, des <strong>ce</strong>ntaines d'appareils pholo<br />
en<strong>ce</strong>rclenl l'acleur, el prennent <strong>une</strong> pholo au<br />
rnêmc moment. Ces photos seront reliées par<br />
Illorphing pour donner l'impression d'un mouvemenl<br />
de caméra-travelling qui n'a jamais eu<br />
lieu. A panir de Ma/rix, les plans "temps<br />
morts» se multiplieront, mais surtout en référen<strong>ce</strong><br />
ou en se moquant de <strong>ce</strong>t inspirateur (SCQl')!<br />
i'vlovie, Charlie e/ ses drôles de dames ... ).<br />
Tireuse optique (optical printer, truca) : tous<br />
les plans composés, à commen<strong>ce</strong>r par <strong>ce</strong>ux de<br />
Ci/izen Kane. A la base, <strong>une</strong> tireuse optique est<br />
composée d'un projecteur et d'<strong>une</strong> caméra<br />
emegistreuse qui se font fa<strong>ce</strong>, séparés par un<br />
écran. Le bm originel visait il dupliquer rapidement<br />
et effica<strong>ce</strong>ment des films. Mais on s'est<br />
très vite rendu compte que <strong>ce</strong>t écran intennédiaire<br />
permettait de réaliser un <strong>ce</strong>nain nombre<br />
de <strong>trucage</strong>s, des retouches d'images à la main<br />
(rOloscopie), mais aussi de réaliser plus rapidement<br />
el facilement des fondus enchaînés, des<br />
zooms, des mouvements de caméra, des ralentis<br />
ou accélérés, des volets ... jusqu'aux compositions<br />
d'images les plus complexes. En utilisanl<br />
un projecteur muni d'<strong>une</strong> réserve bi-pack (deux<br />
pellicules), la tireuse optique peut se livrer à<br />
toutes sortes de combinaisons, et reste à l' origine<br />
de tous les effets spéciaux modemes. Les<br />
effets réalisés auparavant en direct (fondusenchaînés)<br />
seront dorénavant attribués au<br />
dépanement optique, ou au laboratoire, séparant<br />
les techniques en deux panies, <strong>ce</strong>lles qui<br />
s'exécutent en direct, et <strong>ce</strong>lles qui sont utilisées<br />
après le tournage, en post-production. La truca<br />
numérique améliore encore les combinaisons<br />
d'images qui deviennent réellement imper<strong>ce</strong>ptibles.<br />
.<br />
Transpa r en<strong>ce</strong> (Back ou rear projection):<br />
Tous les plans - ou presque - d'acteurs dans<br />
des moyens de locomotion, voitures en têle.<br />
Une caméra projette le décor de fond sur un<br />
écran translucide (transparent au final car <strong>ce</strong>nsé<br />
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