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Le Calvaire - Octave Mirbeau - Éditions du Boucher

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OCTAVE MIRBEAU<br />

VI<br />

Juliette ne tarda pas à s’ennuyer dans ce bel appartement où elle<br />

s’était promis tant de calme, tant de bonheur. Ses armoires rangées,<br />

ses petits bibelots mis en ordre, elle ne sut que faire et elle<br />

s’étonna. La tapisserie l’agaça, la lecture ne lui procura aucune<br />

distraction. Elle allait d’une pièce dans l’autre, sans savoir à quoi<br />

occuper ses mains, son esprit, bâillant, s’étirant les bras. Elle se<br />

réfugiait en son cabinet de toilette, où elle passait de longues<br />

heures à s’habiller, à essayer des coiffures nouvelles devant sa<br />

glace, à faire jouer les robinets de la baignoire, ce qui l’amusait<br />

un instant; à épucer Spy, et à lui fabriquer des nœuds compliqués<br />

avec les vieilles brides de ses chapeaux. La direction de sa<br />

maison eût pu emplir le vide de ses journées, mais je m’aperçus<br />

vite, avec chagrin, que Juliette n’était pas la femme de ménage<br />

qu’elle se vantait d’être. Elle ne prenait de soin, n’avait de goût,<br />

n’exerçait de surveillance que pour sa lingerie de corps et pour<br />

son chien; le reste lui importait peu, et les choses allaient comme<br />

elles voulaient, ou plutôt comme voulaient les domestiques.<br />

Notre personnel renouvelé se composait d’une cuisinière, vieille<br />

fille sale, avide, grincheuse, dont les talents en cuisine ne s’étendaient<br />

pas au-delà <strong>du</strong> tapioca, de la blanquette de veau, de la<br />

salade; d’une femme de chambre, Célestine, effrontée, vicieuse,<br />

qui n’avait d’estime que pour les gens qui dépensaient beaucoup<br />

d’argent; enfin d’une femme de charge, la mère Sochard, qui prisait<br />

sans cesse, se saoulait effroyablement, afin d’oublier ses malheurs,<br />

disait-elle, son mari qui la battait et la grugeait, sa fille qui<br />

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