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LA NOTION DE PAUVRETÉ DANS LE TEMPS Liliane AMOUDRUZ

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pantalon cuir-laine à 5 fr., jusqu’au pantalon de 20 fr. et la redingote de 60 fr.» (16 novembre<br />

1855)]<br />

La vente par correspondance. La Belle Jardinière la développe grâce à la construction des<br />

chemins de fer, en particulier des lignes secondaires. Le premier catalogue cité est de 1874, mais, pour<br />

commander, le client doit savoir lire et écrire : il doit remplir une feuille de mesures, qu’accompagnent de<br />

longues explications sur la manière de les prendre soi-même (le mètre-ruban est connu depuis le début du XIXéme<br />

siècle). Les milieux populaires où les vêtements étaient portés jusqu’à usure complète, et n’étaient pas forcément<br />

remplacés par du neuf ne pourront donc accéder à la VPC qu’à la fin du XIXe siècle, avec l’obligation d’aller à l’école.<br />

[Sous le Second Empire, presque toutes les femmes portent une crinoline. Mais leur prix va de 500 à 1.000 frs. pour les plus<br />

chères, faites sur mesures, à 50 à 100 frs pour les autres, achetées toutes faites. En France, les ateliers Thompson et Peugeot<br />

fabriquent dans les années 1858 à 1864 environ 4 880 000 de ces engins d’acier qui pèsent environ 500 g. chacun.]<br />

Au XXéme siècle, les normes sont diffusées par les différents magazines, pas seulement les journaux de femmes ou ceux<br />

spécialisés dans la mode. Les modèles sont les vedettes du spectacle, de la vie mondaine (people), du sport. La démocratisation<br />

de la rue a démodé la mode au profit du «look» de la «tendance». De nos jours, les grandes surfaces vendent des vêtements<br />

accessibles aux salaires modestes. Mais ils restent trop chers malgré tout pour une frange de plus en plus importante de<br />

personnes qui ont recours aux vêtements distribués par les organisations caritatives.<br />

1-3- <strong>LE</strong> LOGEMENT.<br />

Dans l’absolu, la pauvreté est sans feu ni lieu, sans protection et sans abri. Mais tous les pauvres ne sont pas des vagabonds,<br />

et la notion de pauvreté inscrite dans la manière de se loger varie elle aussi.<br />

Les domestiques, souvent perçus comme à peine des humains sont très nombreux, surtout chez les nobles, et<br />

n’existent à leurs yeux que pour les servir. Ils sont logés jusqu’au XVIIe siècle dans la chambre même des maîtres, puis dans<br />

des soupentes ou des cabinets tout proches des maîtres, toujours à portée de voix, « qui servent de chambre aux domestiques<br />

et aux enfants, et abritent les armoires ou les coffres dans lesquels sont rangés les vêtements et le linge. Les cabinets sont de<br />

petits réduits sans feu et parfois sans jour qui servent pour le rangement, mais dans lesquels on peut aussi éventuellement<br />

dresser un lit. On les appelle encore bouges» (Pierre Le Muet, Paris, 1623) ou dans les communs, bâtiments séparés du corps<br />

du logis et entourant des basses-cours.<br />

Au XIXéme siècle, la séparation des classes n’allant plus de soi, chacun se retranche dans ses prérogatives, et marque<br />

son territoire. La place des domestiques est à la cuisine, éloignée des pièces d’habitation, et, le soir, dans les combles où les<br />

architectes des immeubles à loyer ont prévu, vers 1860, de placer les chambres de service. Ces chambres sont sans chauffage,<br />

sans eau courante, et les toilettes communes sont situées sur le palier.<br />

Mais faut-il classer parmi les pauvres ces gens qui étaient nourris - des restes des maîtres - vêtus - d’une livrée qui marquait<br />

leur appartenance - et logés ?<br />

Les ouvriers, des travailleurs hors la loi. La croissance non règlementée des villes, et l’industrialisation créent des<br />

situations diverses. Le vote de la loi Le Chapelier en 1791 favorise le développement du travail en chambre au détriment du<br />

travail en atelier.<br />

L’absence de règlementation permet dès lors l’emploi des femmes et des enfants, avec des horaires illimités dans une même<br />

pièce qui sert de chambre et d’atelier. Le lit individuel est presque inconnu chez les pauvres avant 1850 - sauf à l’hôpital qui<br />

généralise, à la fin du XVIIIéme siècle, l’usage d’un lit pour chaque malade.<br />

[La situation peut être dramatique dans les grands centres industriels. En 1835, le Docteur Villermé, chargé d’enquête<br />

par l’Académie des Sciences morales et politiques, rend compte de l’état des lieux dans un quartier de Lille : «Les plus pauvres<br />

habitent les caves et les greniers. Ces caves n’ont aucune communication avec l’intérieur des maisons (…) Elles sont en pierres<br />

ou en briques, voûtées, pavées, ou carrelées, et toutes ont une cheminée ; ce qui prouve qu’elles ont été construites pour<br />

servir d’habitation. (…) C’est dans ces sombres et tristes demeures que mangent, couchent et même travaillent un grand<br />

nombre d’ouvriers. (…)<br />

Leur mobilier ordinaire se compose, avec les objets de leur profession, d’une sorte d’armoire ou d’une planche pour<br />

déposer les aliments, d’un poêle, d’un réchaud en terre cuite, de quelques poteries, d’une petite table, de deux ou trois<br />

mauvaises chaises, et d’un sale grabat dont les seules pièces sont une paillasse et des lambeaux de couverture.(…) j’ai vu<br />

reposer ensemble des individus des deux sexes et d’âges très différents, la plupart sans chemise et d’une saleté repoussante.<br />

(…)<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 7/27<br />

Espaces Dialogues • La Maison des Associations • 1a, place des Orphelins 67000 STRASBOURG • espaces.dialogues@free.fr<br />

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