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LA NOTION DE PAUVRETÉ DANS LE TEMPS Liliane AMOUDRUZ

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de « ces barbares qui sont au milieu de nous » - l’expression est de l’auteur. En même<br />

temps, il amène à la lecture les gens du peuple qui se reconnaissent dans ce récit et dans ses<br />

revendications sociales. Il précède de vingt ans l’épopée populaire des Misérables de Victor Hugo.<br />

La révolution industrielle, consommatrice de main-d’œuvre, révèle le pauvre utile, nécessaire aux<br />

nouvelles activités économiques.<br />

Pendant deux siècles, le travail a été proposé par les moralistes et les économistes comme la valeur qui<br />

permettait d’échapper vertueusement à la misère : « Ô travail, sainte loi du monde … » (Lamartine).<br />

De nombreux auteurs seront fascinés par cette société en train de naître, même si tous n’ont pas le génie de Zola. Ils<br />

décrivent les villes en plein développement, les ouvriers qui s’entassent dans des quartiers insalubres, la mise en place de la<br />

ségrégation entre les classes sociales, et les liens entre le malheur et le crime.<br />

Presque tous ces auteurs sont révoltés par la misère qu’ils décrivent et sont amenés à prendre des positions politiques.<br />

Leurs œuvres, mises à la portée d’un plus grand nombre par les progrès de la presse, contribuent à transformer le citoyen utile<br />

en électeur dont les politiciens sollicitent les voix : la question sociale devient politique.<br />

Au début du XXéme siècle, dans la plupart des sociétés européennes, les plus démunis sont citoyens, travailleurs, électeurs…<br />

De plus pauvres vont s’y ajouter, dont il faudra bien tenir compte : les chômeurs et les immigrés.<br />

En France, la récente loi d’orientation du 29 juillet 1998 a l’ambition de mettre en place un ensemble de mesures destinées<br />

à lutter contre les exclusions. Pour la première fois, le législateur qualifie cette lutte d’« impératif national fondé sur le respect<br />

de l’égale dignité de tous les êtres humains », et garantit « sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits<br />

fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la<br />

formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance.» Et pour ce faire, il en appelle à la responsabilité de<br />

tous : « Les entreprises, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles, les organisations syndicales de salariés<br />

représentatives, les organismes de prévoyance, les groupements régis par le code de la mutualité, les associations qui œuvrent<br />

notamment dans le domaine de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion, les citoyens ainsi que l’ensemble des acteurs de<br />

l’économie solidaire et de l’économie sociale concourent à la réalisation de ces objectifs.»<br />

De sorte que la réflexion sur l’évolution de la pauvreté nous fait passer du pauvre invisible au pauvre visible, et, pour finir,<br />

à une réflexion sur l’être humain et sur la nature de sa dignité.<br />

I - <strong>LE</strong>S SIGNES <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> PAUVRETE<br />

1-1- <strong>LA</strong> FAIM<br />

L’humanité occidentale a vécu, jusqu’à l’accélération des échanges économiques, non pas continuellement affamée, mais<br />

sous la menace de pénuries dues à de mauvaises récoltes, à des guerres ou à l’incurie de certains régimes politiques. La<br />

spéculation sur les blés, le mauvais état des routes, les seigneurs pillards créent des disettes ou des famines d’origine sociale,<br />

aggravées par les vicissitudes climatiques. L’histoire des humains anonymes est celle de leurs luttes pour survivre.<br />

De nos jours comme aux temps les plus lointains, les régimes alimentaires insuffisants ou le manque complet de nourriture<br />

tuent plus d’hommes et de femmes que les guerres. C’est pourquoi, si l’on veut réfléchir sur la pauvreté, il faut d’abord parler<br />

de la faim.<br />

La fatalité : la faim résignée.<br />

La nature. Les catastrophes naturelles ont réduit à la famine des régions entières. Le même refrain accompagne l’homme<br />

depuis le fond des âges.<br />

«Je me lamente du haut de mon trône élevé, à cause de l’immense malheur qui a voulu que le flot du Nil ne soit pas venu<br />

pendant sept ans, au cours de mon temps. Le grain est rare. Les vivres manquent comme toutes les sortes de nourriture.<br />

Chacun est devenu voleur pour son voisin. Les gens voudraient courir et ne peuvent marcher. Les enfants pleurent, les jeunes<br />

chancellent comme les vieillards, leurs âmes sont brisées, leurs jambes sont tordues et se traînent misérablement, et leurs<br />

mains demeurent sur leurs poitrines. Le conseil des grands de la cour est désert. Les coffres à provisions sont éventrés, mais<br />

ne contiennent que de l’air. Tout est épuisé.» (Stèle de la famine, découverte au niveau de la 1ère cataracte du Nil)<br />

A l’époque carolingienne, les restes trouvés dans les tombes révèlent une malnutrition de l’ensemble du peuple : la<br />

mortalité infantile est très importante chez les moins de dix ans, aggravée par l’infanticide : « Dans un cimetière lyonnais, tous<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 3/27<br />

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