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LA NOTION DE PAUVRETÉ DANS LE TEMPS Liliane AMOUDRUZ

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AVANT-PROPOS<br />

J’ai souhaité reprendre et mettre à jour ce fascicule parce que sa dernière partie, trop<br />

sommaire, ne soulignait pas suffisamment à mes yeux la démarche contemporaine qui s’appuie sur<br />

la loi pour insérer les exclus. Charité n’est pas justice, et la dignité de chacun réclame des droits et non<br />

l’aumône.<br />

Je voulais aussi parler de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, pour laquelle<br />

Geneviève de Gaulle a si longtemps bataillé. Elle apporte une nouvelle vision des pauvres, qu’elle nomme « les personnes<br />

les plus démunies ». Elle pose, à travers toute une série de mesures, le principe de leur protection par les collectivités - la<br />

collectivité - et s’efforce de recenser les interstices des lois par lesquels pourraient se glisser les manques qui les menacent.<br />

J’ai choisi de vous proposer en annexe des Extraits de cette loi qui remplit quarante-sept pages du Journal Officiel. Je prends<br />

la responsabilité de ces choix, et pour plus d’information, vous renvoie au texte.<br />

A Strasbourg, le 9 octobre 1998<br />

<strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong><br />

***<br />

INTRODUCTION<br />

Qu’est-ce qu’être pauvre ? C’est d’abord être privé du strict nécessaire, mais c’est aussi être en situation de faiblesse et<br />

d’humilité, c’est être privé de ces moyens, qui changent avec les époques et la société : argent, influence, relations, science ou<br />

qualification technique, honorabilité de la naissance, vigueur physique, capacités intellectuelles, qui vous confèrent du pouvoir<br />

et de la considération sociale.<br />

En entamant ce travail, l’ambition était d’interroger ce statut et cette notion de pauvreté. Voir ce qu’ils signifiaient dans<br />

l’Histoire, comment ils étaient perçus par la société des non-pauvres.<br />

Au fur et à mesure de l’avancement des lectures, des constats se sont imposés.<br />

L’invisibilité des pauvres : les historiens les ignorent ; jusqu’à une période très récente on ne sait rien sur eux.<br />

Malgré tout, la perception d’un piétinement, d’un bruit de foule puis celle de visages : Villon, Breughel et ses estropiés<br />

ricanant d’un seul chicot, ces mendiants que les peintres placent au seuil des églises car ils font partie du décor, et puis ce<br />

misérable que Molière montre en train d’obliger «un grand seigneur, méchant homme» à reconnaître sa dignité d’homme : «Va,<br />

je te le donne pour l’amour de l’humanité » (Don Juan, Molière).<br />

Au fur et à mesure qu’elles se rapprochent de nous, les voix se font plus fortes. La Bruyère « voit certains animaux<br />

farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés de soleil, attachés à la terre qu’ils<br />

fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible : ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs<br />

pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes.» (Les Caractères, Chapitre XI, De l’homme). Dénoncer<br />

le malheur visible est une nouveauté courageuse à la fin du règne de Louis XIV.<br />

Un demi-siècle plus tard, Rousseau réfléchissant aux causes de la misère, désigne la propriété, et l’exploitation du travail<br />

d’autrui : «… dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre, dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul<br />

d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se<br />

changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage<br />

et la misère germer et croître avec les moissons.» (Discours sur l’origine de l’inégalité. 2e partie.) Et pourtant, ses contemporains<br />

moralistes et économistes proposeront le travail comme la valeur qui permettait d’échapper vertueusement à la misère.<br />

En 1789, «les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale» adoptent la Déclaration des droits de<br />

l’homme et du citoyen. Elle fait des pauvres des citoyens qui, comme les autres, sont reconnus «libres et égaux en droits». Les<br />

juristes font surgir le pauvre citoyen, qui apprend à parler pour lui-même et à réclamer ses droits. Toute une frange de la<br />

société se libère lentement de l’alternative charité /répression. La société policée découvre que la misère, jusque-là destin<br />

individuel à ses yeux, est un phénomène social, collectif, dont elle ne sait pas grand chose. Elle en fait un sujet d’études savantes<br />

qui se hasardent à explorer ce monde inconnu.<br />

La littérature s’intéresse au peuple. Eugène Sue passionne le bourgeois avec un feuilleton, Les Mystères de Paris, description<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 2/27<br />

Espaces Dialogues • La Maison des Associations • 1a, place des Orphelins 67000 STRASBOURG • espaces.dialogues@free.fr<br />

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