03.07.2013 Views

LA NOTION DE PAUVRETÉ DANS LE TEMPS Liliane AMOUDRUZ

LA NOTION DE PAUVRETÉ DANS LE TEMPS Liliane AMOUDRUZ

LA NOTION DE PAUVRETÉ DANS LE TEMPS Liliane AMOUDRUZ

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

(Xavier Emmanuelli, Dernier avis avant la fin du monde)<br />

Interrogés sur les causes de leur situation, les SDF invoquent le plus souvent les problèmes<br />

d’emploi, mais aussi les mauvaises relations avec les parents ou dans le couple. Ils souffrent de<br />

leur solitude, de l’absence d’un lieu à eux, de ne pas connaître leurs droits et, naturellement, de n’avoir<br />

pas d’argent. Très peu se définissent comme des marginaux ou des routards. Ils expriment le souhait de<br />

s’intégrer à la vie de la cité, de faire partie de la société, ou même d’agir sur elle.<br />

La mendicité n’est plus un délit - depuis 1994. Les mendiants ont reparu aux portes des églises, devant les grands<br />

magasins, devant les boucheries. Ils ont devant eux un carton qui interpelle le passant - qui peut lire « J’ai faim » sans frémir<br />

? Ou ils demandent. Ou ils font la quête après une prestation musicale. Ils suivent leurs «clients» sur leurs lieux de vacances,<br />

assistent à des festivals et profitent en même temps de la douceur des cieux méridionaux.<br />

Certains maires, excédés par l’afflux de gens dont on ne sait plus s’ils exploitent la compassion pour vivre des vacances<br />

bon marché, ou s’ils sont vraiment sans ressources, ont pris des arrêtés municipaux contre « la multiplication des actions de<br />

mendicité qui troublent la sérénité et le fonctionnement de l’ordre public ». La circulaire du 20 juillet 1995 leur reconnaît ce<br />

droit, tout en spécifiant « Les interdictions et limitations ainsi prononcées doivent cependant être strictement proportionnées<br />

à ce qui est indispensable au maintien du bon ordre, de la tranquillité ou de la salubrité publics car les exigences de la police<br />

municipale doivent se concilier avec l’exercice des libertés fondamentales et le principe de la liberté du commerce et de<br />

l’industrie ».<br />

De la charité à la loi. Les dernières années du XXe siècle ont vu le retour de toutes les misères, même en France<br />

où la fin de la Deuxième Guerre Mondiale avait ressuscité la foi dans un monde perfectible. Des gens y sont la proie de la<br />

malnutrition, dorment dans la rue par les plus grands froids, sont illettrés, abandonnés, extérieurs à un monde qui n’est plus<br />

le leur.<br />

De la Croix-Rouge créée en 1864 aux Restaurants du Cœur lancés par Coluche en 1985, en passant par le Secours<br />

Catholique, l’Armée du Salut, le Secours Populaire, le Mouvement ATD Quart-Monde, et bien d’autres, toutes les organisations<br />

caritatives et humanitaires ont été obligées de se repenser. Elles ont revu leurs actions en fonction de l’accroissement de la<br />

misère, de sa diversification et de l’apparition de nouvelles formes de pauvreté.<br />

L’opinion publique, informée par les medias ou secouée par de fortes personnalités comme l’abbé Pierre, Coluche ou<br />

Geneviève de Gaulle, soutient ceux qui ne se résignent pas. Cela peut, bien entendu, ne durer que le temps d’une campagne,<br />

mais peut aussi aboutir à l’organisation de Collectifs mobilisés par la colère, ou déboucher sur la mise en place d’associations<br />

qui prennent en charge une revendication sociale et font pression sur les pouvoirs publics.<br />

Dans le domaine du logement, les services publics et le réseau associatif sont amenés à coopérer. Ils ont dû renoncer à<br />

se limiter à des catégories spécifiques. Hébergement et réentraînement au travail, mais aussi accueil, information, soins aux<br />

personnes les plus démunies, les prestations se multiplient et quelquefois s’enchevêtrent.<br />

La demande d’accueil en urgence augmente chaque année et déborde maintenant le cadre urbain. Parce qu’il y a de plus<br />

en plus de gens qui ne savent où dormir, les asiles de nuit et les centres d’accueil et d’hébergement abritent maintenant des<br />

chômeurs ou des jeunes qui vivent de petits boulots intermittents, en rupture avec leur famille; ils touchent quelquefois le RMI,<br />

mendient, traînent sur les places publiques ou dans les gares. De nouvelles populations sont amenées à être secourues : des<br />

couples, des familles, des vagabonds qui ne veulent pas être séparés de leurs chiens. Le personnel qui assure l’accueil, souvent<br />

insuffisant, n’est pas toujours formé pour faire face à l’alcoolisme, la violence, la toxicomanie ou les maladies mentales.<br />

Les carences, visibles par tous, font ressortir les contradictions entre la réalité des secours et les textes fondamentaux,<br />

nationaux ou internationaux : Déclaration Universelle des droits de l’homme, ou Préambules des Constitutions de 1946 et de<br />

1958, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, Convention et Déclarations de l’ONU. « Il résulte de<br />

ces principes (textes cités ci-dessus) que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif<br />

de valeur constitutionnelle » (Conseil Constitutionnel, 19 janvier 1995). Des associations, plus particulièrement le DAL (Droit<br />

Au Logement), né au début des années quatre-vingt-dix, invoquent ces textes et revendiquent la réquisition et l’occupation<br />

des logements vacants.<br />

Les organisations caritatives affrontent la faim - Les Restaurants du coeur distribuent de 30 à 40 millions de repas par an et<br />

environ 30 000 tonnes de marchandises - mais aussi la pauvreté symbolique et le désengagement dans la cité. Le Mouvement<br />

ATD Quart-Monde a crée des universités populaires où hommes et femmes apprennent à s’exprimer en public et à donner<br />

leur avis, des bibliothèques de rue qui permettent aux enfants des quartiers défavorisés de découvrir le livre ; ses publications<br />

s’adressent à tous, les plus démunis peuvent y prendre la parole.<br />

La lutte contre le chômage mobilise une multitude d’associations, regroupées ou non au sein de collectifs - Un Travail<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 15/27<br />

Espaces Dialogues • La Maison des Associations • 1a, place des Orphelins 67000 STRASBOURG • espaces.dialogues@free.fr<br />

15

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!