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LA NOTION DE PAUVRETÉ DANS LE TEMPS Liliane AMOUDRUZ

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Avant-propos.<br />

Introduction.<br />

I - Les signes de la pauvreté.<br />

1-1- La faim.<br />

1-2- Le vêtement et l’apparence.<br />

1-3- Le logement.<br />

II - Les pauvres.<br />

2-1- La propriété de la terre. Le surendettement.<br />

2-2- Chômage et misère des salaires.<br />

2-3- Au XIXe siècle, les « nouveaux pauvres ».<br />

III - Le regard de la société.<br />

3-1- La charité.<br />

3-2- La peur.<br />

3-3- Politique et pauvreté.<br />

IV - La conquête des droits.<br />

4-1- Politique sociale et solidarité.<br />

4-2- La charité et la loi.<br />

Conclusion.<br />

Annexe : Extraits de la loi.<br />

Bibliographie.<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong><br />

<strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong><br />

Sommaire<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 1/27<br />

Espaces Dialogues • La Maison des Associations • 1a, place des Orphelins 67000 STRASBOURG • espaces.dialogues@free.fr<br />

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AVANT-PROPOS<br />

J’ai souhaité reprendre et mettre à jour ce fascicule parce que sa dernière partie, trop<br />

sommaire, ne soulignait pas suffisamment à mes yeux la démarche contemporaine qui s’appuie sur<br />

la loi pour insérer les exclus. Charité n’est pas justice, et la dignité de chacun réclame des droits et non<br />

l’aumône.<br />

Je voulais aussi parler de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, pour laquelle<br />

Geneviève de Gaulle a si longtemps bataillé. Elle apporte une nouvelle vision des pauvres, qu’elle nomme « les personnes<br />

les plus démunies ». Elle pose, à travers toute une série de mesures, le principe de leur protection par les collectivités - la<br />

collectivité - et s’efforce de recenser les interstices des lois par lesquels pourraient se glisser les manques qui les menacent.<br />

J’ai choisi de vous proposer en annexe des Extraits de cette loi qui remplit quarante-sept pages du Journal Officiel. Je prends<br />

la responsabilité de ces choix, et pour plus d’information, vous renvoie au texte.<br />

A Strasbourg, le 9 octobre 1998<br />

<strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong><br />

***<br />

INTRODUCTION<br />

Qu’est-ce qu’être pauvre ? C’est d’abord être privé du strict nécessaire, mais c’est aussi être en situation de faiblesse et<br />

d’humilité, c’est être privé de ces moyens, qui changent avec les époques et la société : argent, influence, relations, science ou<br />

qualification technique, honorabilité de la naissance, vigueur physique, capacités intellectuelles, qui vous confèrent du pouvoir<br />

et de la considération sociale.<br />

En entamant ce travail, l’ambition était d’interroger ce statut et cette notion de pauvreté. Voir ce qu’ils signifiaient dans<br />

l’Histoire, comment ils étaient perçus par la société des non-pauvres.<br />

Au fur et à mesure de l’avancement des lectures, des constats se sont imposés.<br />

L’invisibilité des pauvres : les historiens les ignorent ; jusqu’à une période très récente on ne sait rien sur eux.<br />

Malgré tout, la perception d’un piétinement, d’un bruit de foule puis celle de visages : Villon, Breughel et ses estropiés<br />

ricanant d’un seul chicot, ces mendiants que les peintres placent au seuil des églises car ils font partie du décor, et puis ce<br />

misérable que Molière montre en train d’obliger «un grand seigneur, méchant homme» à reconnaître sa dignité d’homme : «Va,<br />

je te le donne pour l’amour de l’humanité » (Don Juan, Molière).<br />

Au fur et à mesure qu’elles se rapprochent de nous, les voix se font plus fortes. La Bruyère « voit certains animaux<br />

farouches, des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs, livides, et tout brûlés de soleil, attachés à la terre qu’ils<br />

fouillent et qu’ils remuent avec une opiniâtreté invincible : ils ont comme une voix articulée, et, quand ils se lèvent sur leurs<br />

pieds, ils montrent une face humaine ; et en effet ils sont des hommes.» (Les Caractères, Chapitre XI, De l’homme). Dénoncer<br />

le malheur visible est une nouveauté courageuse à la fin du règne de Louis XIV.<br />

Un demi-siècle plus tard, Rousseau réfléchissant aux causes de la misère, désigne la propriété, et l’exploitation du travail<br />

d’autrui : «… dès l’instant qu’un homme eut besoin du secours d’un autre, dès qu’on s’aperçut qu’il était utile à un seul<br />

d’avoir des provisions pour deux, l’égalité disparut, la propriété s’introduisit, le travail devint nécessaire et les vastes forêts se<br />

changèrent en des campagnes riantes qu’il fallut arroser de la sueur des hommes, et dans lesquelles on vit bientôt l’esclavage<br />

et la misère germer et croître avec les moissons.» (Discours sur l’origine de l’inégalité. 2e partie.) Et pourtant, ses contemporains<br />

moralistes et économistes proposeront le travail comme la valeur qui permettait d’échapper vertueusement à la misère.<br />

En 1789, «les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale» adoptent la Déclaration des droits de<br />

l’homme et du citoyen. Elle fait des pauvres des citoyens qui, comme les autres, sont reconnus «libres et égaux en droits». Les<br />

juristes font surgir le pauvre citoyen, qui apprend à parler pour lui-même et à réclamer ses droits. Toute une frange de la<br />

société se libère lentement de l’alternative charité /répression. La société policée découvre que la misère, jusque-là destin<br />

individuel à ses yeux, est un phénomène social, collectif, dont elle ne sait pas grand chose. Elle en fait un sujet d’études savantes<br />

qui se hasardent à explorer ce monde inconnu.<br />

La littérature s’intéresse au peuple. Eugène Sue passionne le bourgeois avec un feuilleton, Les Mystères de Paris, description<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 2/27<br />

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de « ces barbares qui sont au milieu de nous » - l’expression est de l’auteur. En même<br />

temps, il amène à la lecture les gens du peuple qui se reconnaissent dans ce récit et dans ses<br />

revendications sociales. Il précède de vingt ans l’épopée populaire des Misérables de Victor Hugo.<br />

La révolution industrielle, consommatrice de main-d’œuvre, révèle le pauvre utile, nécessaire aux<br />

nouvelles activités économiques.<br />

Pendant deux siècles, le travail a été proposé par les moralistes et les économistes comme la valeur qui<br />

permettait d’échapper vertueusement à la misère : « Ô travail, sainte loi du monde … » (Lamartine).<br />

De nombreux auteurs seront fascinés par cette société en train de naître, même si tous n’ont pas le génie de Zola. Ils<br />

décrivent les villes en plein développement, les ouvriers qui s’entassent dans des quartiers insalubres, la mise en place de la<br />

ségrégation entre les classes sociales, et les liens entre le malheur et le crime.<br />

Presque tous ces auteurs sont révoltés par la misère qu’ils décrivent et sont amenés à prendre des positions politiques.<br />

Leurs œuvres, mises à la portée d’un plus grand nombre par les progrès de la presse, contribuent à transformer le citoyen utile<br />

en électeur dont les politiciens sollicitent les voix : la question sociale devient politique.<br />

Au début du XXéme siècle, dans la plupart des sociétés européennes, les plus démunis sont citoyens, travailleurs, électeurs…<br />

De plus pauvres vont s’y ajouter, dont il faudra bien tenir compte : les chômeurs et les immigrés.<br />

En France, la récente loi d’orientation du 29 juillet 1998 a l’ambition de mettre en place un ensemble de mesures destinées<br />

à lutter contre les exclusions. Pour la première fois, le législateur qualifie cette lutte d’« impératif national fondé sur le respect<br />

de l’égale dignité de tous les êtres humains », et garantit « sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits<br />

fondamentaux dans les domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la<br />

formation et de la culture, de la protection de la famille et de l’enfance.» Et pour ce faire, il en appelle à la responsabilité de<br />

tous : « Les entreprises, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles, les organisations syndicales de salariés<br />

représentatives, les organismes de prévoyance, les groupements régis par le code de la mutualité, les associations qui œuvrent<br />

notamment dans le domaine de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion, les citoyens ainsi que l’ensemble des acteurs de<br />

l’économie solidaire et de l’économie sociale concourent à la réalisation de ces objectifs.»<br />

De sorte que la réflexion sur l’évolution de la pauvreté nous fait passer du pauvre invisible au pauvre visible, et, pour finir,<br />

à une réflexion sur l’être humain et sur la nature de sa dignité.<br />

I - <strong>LE</strong>S SIGNES <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> PAUVRETE<br />

1-1- <strong>LA</strong> FAIM<br />

L’humanité occidentale a vécu, jusqu’à l’accélération des échanges économiques, non pas continuellement affamée, mais<br />

sous la menace de pénuries dues à de mauvaises récoltes, à des guerres ou à l’incurie de certains régimes politiques. La<br />

spéculation sur les blés, le mauvais état des routes, les seigneurs pillards créent des disettes ou des famines d’origine sociale,<br />

aggravées par les vicissitudes climatiques. L’histoire des humains anonymes est celle de leurs luttes pour survivre.<br />

De nos jours comme aux temps les plus lointains, les régimes alimentaires insuffisants ou le manque complet de nourriture<br />

tuent plus d’hommes et de femmes que les guerres. C’est pourquoi, si l’on veut réfléchir sur la pauvreté, il faut d’abord parler<br />

de la faim.<br />

La fatalité : la faim résignée.<br />

La nature. Les catastrophes naturelles ont réduit à la famine des régions entières. Le même refrain accompagne l’homme<br />

depuis le fond des âges.<br />

«Je me lamente du haut de mon trône élevé, à cause de l’immense malheur qui a voulu que le flot du Nil ne soit pas venu<br />

pendant sept ans, au cours de mon temps. Le grain est rare. Les vivres manquent comme toutes les sortes de nourriture.<br />

Chacun est devenu voleur pour son voisin. Les gens voudraient courir et ne peuvent marcher. Les enfants pleurent, les jeunes<br />

chancellent comme les vieillards, leurs âmes sont brisées, leurs jambes sont tordues et se traînent misérablement, et leurs<br />

mains demeurent sur leurs poitrines. Le conseil des grands de la cour est désert. Les coffres à provisions sont éventrés, mais<br />

ne contiennent que de l’air. Tout est épuisé.» (Stèle de la famine, découverte au niveau de la 1ère cataracte du Nil)<br />

A l’époque carolingienne, les restes trouvés dans les tombes révèlent une malnutrition de l’ensemble du peuple : la<br />

mortalité infantile est très importante chez les moins de dix ans, aggravée par l’infanticide : « Dans un cimetière lyonnais, tous<br />

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les gens enterrés avaient moins de 60 ans ; en Ile-de-France, l’âge des adultes est compris<br />

entre 19 et 29 ans et les trois quarts des enfants étaient morts avant 10 ans.»<br />

En 791 et en 1032 des textes parlent de cannibalisme : «… quand on eut mangé les bêtes<br />

sauvages et les oiseaux, les hommes se mirent sous l’empire d’une faim dévorante, à ramasser pour les<br />

manger toutes sortes de charognes et de choses horribles à dire. Certains eurent recours pour échapper à<br />

la mort aux racines des forêts et aux herbes des fleuves ; mais en vain ; le seul recours contre la vengeance de<br />

Dieu, c’est de rentrer en soi-même […]. Hélas ! O douleur ! Chose rarement entendue au cours des âges, une faim<br />

enragée fit que les hommes dévorèrent de la chair humaine. Des voyageurs étaient enlevés par de plus robustes qu’eux,<br />

leurs membres découpés, cuits au feu et dévorés […] Beaucoup de gens tiraient du sol une terre blanche qui ressemble à<br />

de l’argile, la mêlaient à ce qu’ils avaient de farine et de son, et faisaient de ce mélange des pains grâce auxquels ils comptaient<br />

ne pas mourir de faim. On ne voyait que faces pâles et émaciées ; beaucoup présentaient une peau distendue par des<br />

ballonnements ; la voix humaine elle-même devenait grêle, semblable à de petits cris d’oiseaux mourants […] Le monde, pour<br />

la punition des péchés des hommes, fut la proie de ce fléau désastreux pendant trois ans » (Chronique de Raoul le Chauve)<br />

Même dans les régions réputées riches, les pauvres gens meurent de faim lorsque les conditions climatiques sont<br />

mauvaises : « Les pouvres (sic) gens furent contraints de manger du pain d’avoine et autres grains avec toutes telles autres<br />

choses qu’ils pouvaient avoir. Et estoit chose la plus pitoyable qui se peut excogiter, voiant les pouvres gens promener par les<br />

rues tout exténués de chair et de sang et si difforme qu’on eussent jugé d’aucuns avoir (être) fait comme les singes ou autres<br />

bêtes sauvages Et oioit-on aussi plusieurs enfants criant par les rues : «Nous mourons de faim, nous mourons de faim». Et<br />

aucuns mangeoient toutes sortes d’herbes pour remplir leurs ventres, cause pourquoi plusieurs venoient enflés comme gens<br />

hydropiques. Et y avoit des pouvres femmes qui alloient eutour des roues des moulins, ramasser les poussières tombantes<br />

desdits moulins pour faire des Petits tourtons ou gateaux Cuits sur les Braises, chose la plus mal goutable que l’on sçaurait<br />

penser … » (Témoignage produit en Cambrésis, pourtant région céréalière, après l’hiver 1585/1586, long et rigoureux).<br />

Dix ans plus tard «des pluies continuelles qui durèrent 4 à 5 mois sans un seul jour de beau temps … causèrent une famine<br />

universelle parce que les grains ne pourraient venir à maturité ». Les plus pauvres n’ont plus de revenus et sont condamnés<br />

à la mendicité, à l’errance et à la mort : «d’aucuns furent contraints couper du secourgeon (orge) à demi mûr, qu’ils firent<br />

sécher au four, qui n’était qu’écorché et tout vert… Et fut le pauvre peuple oppressé de telle sorte que la plupart d’iceux qui<br />

avoient accoutumé de vivre de leurs petits revenus, furent contraints aller mendier leur pain. Et croisoient les dits mendiants<br />

en tel nombre que c’estoit chose épouvantable de les voir en troupes, avec une grande puanteur qui leur procédait du corps<br />

d’avoir rempli leur ventre de toutes choses qu’ils pouvoient aviser, bonnes ou mauvaises, pour l’extême faim qu’ils enduroient.<br />

Et ne voyoit-on que hommes et femmes, jeunes et vieux, tremblant par les rues, pleins de peaux, gonflés comme tambours<br />

d’hydropisie, les autres couchés à demi morts, l’herbe verte sortie de leur bouche, en tirant les derniers soupirs. Ainsi se<br />

présentoient tant de pauvres mères, si maigres et transies, chargées et environnées de plusieurs petits enfants de même<br />

parure, lesquels de grande détresse de faim, crioient après leurs mères qui les regardoient si piteusement qu’il me semble<br />

n’être pitié que celle-là …» (témoignage de Jean Vaultier, de Senlis).<br />

Les hommes. La guerre permet aux vainqueurs de se nourrir et de s’enrichir aux dépens des vaincus : «… chez de<br />

nombreux peuples soumis aux Romains, les citadins, ayant l’habitude d’accumuler et de stocker suffisamment de céréales pour<br />

l’ensemble de l’année suivante, immédiatement après la moisson, laissaient aux gens de la campagne ce qui restait, c’est-à-dire<br />

différentes sortes de légumineuses, dont ils emportaient aussi du reste une grande partie en ville. Les gens de la campagne<br />

terminaient les légumineuses pendant l’hiver et devaient donc avoir recours à des aliments malsains durant le printemps ; ils<br />

mangeaient des brindilles et des pousses d’arbres et de buissons, ainsi que des bulbes et des racines de plantes indigestes; ils<br />

se remplissaient d’herbes sauvages et faisaient cuire de l’herbe fraîche» (Galien, médecin grec, v.131 - v.201).<br />

Les inégalités sociales. Pauvres et riches ne sont pas égaux devant la famine. Tous ont des difficultés à conserver leurs<br />

réserves livrées aux rongeurs et aux insectes ; le fromage devient rance et le vin tourne dans les tonneaux. Les gens aisés<br />

ont peur de «manquer», mais ont les moyens de stocker, même dans de mauvaises conditions. Les pauvres, eux, connaissent<br />

vraiment la disette au moment de la soudure, lorsque les réserves tirent à leur fin.<br />

Les mécanismes économiques : la cherté tue. Le pain devient trop cher pour les plus pauvres quand, au<br />

XIVéme siècle par exemple, des années très pluvieuses font pourrir le grain et s’ajoutent aux guerres qui dévastent l’Europe.<br />

En Angleterre, le prix du blé a été multiplié par quatre en 1315, par huit en 1316.<br />

Les épidémies prennent le relais. La Peste Noire ravage l’Europe entre 1346 et 1350, tuant ici 10% de la population, ailleurs<br />

50%. Les quartiers où les pauvres s’entassent sont frappés les premiers : les puces et les rats qui y prolifèrent<br />

véhiculent le germe de la maladie, et la promiscuité favorise la contagion. Les riches, comme les jeunes gens que Boccace met<br />

en scène dans le Décaméron (1349-1353), ont la possibilité de fuir à la campagne et d’échapper à la contamination.<br />

L’Histoire des pauvres n’est pas la même que celle des riches. Des périodes de l’Histoire qui nous<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 4/27<br />

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apparaissent comme fastueuses, comme le «Grand Siècle» sont ponctuées de pestes et<br />

de famines qui tuent les pauvres gens (1605-1608, 1617, 1622, 1628-1629, 1635, 1641, 1648-<br />

1651). En 1630, Gaston d’Orléans écrit d’Agen à son frère Louis XIII : « Je vous dirai ce que j’ai vu.<br />

C’est qu’il n’y a pas un tiers de vos sujets qui mange du pain d’ordinaire ; l’autre tiers qui ne vit que<br />

de pain d’avoine et l’autre tiers n’est pas seulement réduit à la mendicité mais languit dans une nécessité<br />

si lamentable qu’une partie meurt effectivement de faim ; l’autre ne se sustente que de glands, d’herbes et<br />

choses semblables comme les bestes. Et les moins à plaindre de ceux-ci ne mangent que du son et du sang qu’ils<br />

ramassent dans les ruisseaux des boucheries. J’ai vu ces misères de mes yeux en divers endroits depuis mon partiment<br />

de Paris …»<br />

En 1675, le gouverneur du Dauphiné écrit : « La plus grande partie des paysans n’ont vécu, pendant l’hiver, que de pains de<br />

glands et de racines, et, présentement, on les voit manger l’herbe des prés et l’écorce des arbres. »<br />

Le XVIIIéme siècle aussi. Parmentier souligne, en 1781, la différence entre les possédants et ceux qui n’ont rien :<br />

« Je sais que les hommes qui vivent entourés de l’abondance ne peuvent imaginer que leurs contemporains soient privés<br />

des choses les plus nécessaires. Ils ne pourront croire que la plupart des plantes dont je vais donner la liste soient souvent<br />

mangées telles quelles et sans aucune sorte de préparation culinaire. Et pourtant, pour s’en convaincre, il suffirait de remonter<br />

bien peu en arrière. C’est avec terreur que l’on apprend par quels moyens, en 1709, presque toute l’Europe essayait de calmer<br />

la faim. Mais il n’est même pas nécessaire de remonter si loin, car chacun sait ce qui se passa en 1770, dans quelques parties<br />

de nos provinces, par exemple dans la Franche-Comté, où l’on surprit des cultivateurs et des vignerons essayant de mâcher<br />

de l’herbe. »<br />

Les Lumières contre la fatalité.<br />

La faim change de nature. Parmentier, pharmacien militaire, est un scientifique qui appartient à cette génération<br />

d’hommes dont la religion ne freine plus la curiosité savante. Il cherche des remèdes à la mauvaise conservation des aliments<br />

et tente de faire adopter des nourritures nouvelles. Ses campagnes en faveur de la pomme de terre, appuyées par Louis XVI,<br />

s’accordent au courant de pensée qui veut qu’un bon gouvernement assure le bonheur de ses sujets par une économie bien<br />

gérée.<br />

[Pour les physiocrates, l’agriculture seule produit la richesse d’un Etat. « Ce sont les richesses du laboureur qui assurent<br />

les revenus de la nation, la puissance du Souverain et la prospérité de L’Etat. » (Quesnay, article Homme non publié dans<br />

l’Encyclopédie ). La passion pour l’innovation agricole est un des faits marquants du XVIIIe siècle, sans toujours atteindre les<br />

paysans, enfermés dans leur peur de rater une récolte par une expérience malencontreuse. « On écrivit des choses utiles sur<br />

l’agriculture ; tout le monde les lut excepté les agriculteurs » (Voltaire).]<br />

La révolution industrielle. Au XIXéme siècle, la faim se déplace de la campagne vers les villes où les ruraux les<br />

plus miséreux affluent pour chercher du travail. Elle ne sera pas vaincue, mais, de phénomène tenu pour naturel, elle devient<br />

un fléau auquel la société découvre des causes multiples, et qu’elle doit combattre : elle nuit à la santé d’une main d’œuvre<br />

indispensable, et génère des épidémies dangereuses pour tous.<br />

Le développement des transports (bateaux, chemins de fer, etc.) permettent l’importation des blés d’Amérique, et leur<br />

circulation sur le vieux continent.<br />

En dépit de la misère ouvrière, l’espérance de vie augmente :<br />

Augmentation de l’espérance de vie dans la deuxième moitié du XIXe siècle :<br />

Période Hommes Femmes Ensemble<br />

1840-1859 39,3 41,0 40,0<br />

1861-1865 39,1 40,6 39,8<br />

1877-1881 40,8 43,6 42,1<br />

1898-1903 45,4 48,7 47,0<br />

1908-1913 48,5 52,4 50,4<br />

L’alimentation prend place parmi d’autres nécessités : s’habiller, se loger, se protéger du froid, dont les textes anciens se<br />

préoccupent peu.<br />

Pourtant, la faim ne disparaît pas. Alors que la foi dans le progrès fait naître l’espoir d’une vie meilleure pour tous, elle<br />

réapparaît au XXéme siècle comme une calamité géopolitique, et - plus désespérant encore - comme une auxiliaire des<br />

génocides dans les camps d’extermination, comme une arme politique au goulag et dans les camps de concentration. Au<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 5/27<br />

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Zaïre, elle sert de moyen de pression sur les institutions internationales. Les organisations<br />

humanitaires posent publiquement la question de leur rôle et des enjeux politiques ou<br />

militaires des aides distribuées.<br />

1-2- <strong>LE</strong> VÊTEMENT ET L’APPARENCE.<br />

Pendant des millénaires, les pauvres se défendent comme ils peuvent contre le froid, leur apparence n’a pas<br />

d’histoire. Pour la plupart, ils ne possèdent qu’un seul vêtement, jamais neuf, souvent en loques. Les historiens ne<br />

s’intéressent qu’aux habits des riches.<br />

Le rebut et la saleté. Les vêtements faits sur mesure sont chers donc réservés aux gens aisés. Les autres s’adressent<br />

aux fripiers, aux marchands à la toilette qui revendent des vêtements de seconde, voire de troisième main : garde-robes de<br />

personnes décédées, vêtements usagés que les patrons donnent aux domestiques, haillons de clients qui rachètent quelque<br />

chose d’un peu moins usé. Ces commerçants négocient avec les chiffonniers et savent maquiller de vieux habits pour les<br />

revendre vingt fois leur valeur. Tous ces articles sont menaçants de saleté et de malhonnêteté.<br />

Les normes : chacun à sa place. A la Révolution, les lois qui codifiaient le vêtement disparaissent. Le décret du 8<br />

brumaire an II ( 29 octobre 1793) stipule « Nulle personne de l’un et l’autre sexe ne pourra contraindre aucun citoyen ou<br />

citoyenne à se vêtir d’une façon particulière, sous peine d’être considérée et traitée comme suspecte et poursuivie comme<br />

perturbateur du repos public ; chacun est libre de porter tel vêtement ou ajustement de son sexe qui lui convient.» [Mais : «<br />

une ordonnance du 16 brumaire an IX interdit formellement le port du pantalon «à toute femme désirant s’habiller en homme<br />

sans autorisation spéciale de la Préfecture.» Cette ordonnance n’a jamais été abrogée ! ]<br />

Ce sera donc la société qui édictera, sous une autre forme, mais plus fortement que jamais, les lois et les normes qui<br />

régissent les vêtements : les femmes du peuple sortent en cheveux, seules les bourgeoises portent un chapeau. Les nombreux<br />

manuels de savoir-vivre du XIXe siècle lient apparence et identité, conduite vestimentaire et conduite morale et sociale ;<br />

propre et en ordre est pour eux une règle impérieuse.<br />

[Dans les Mémoires d’un âne. la comtesse de Ségur raconte comment des petites filles de bonne famille doivent exercer<br />

la charité, tout en apprenant les signes extérieurs de leur différence sociale : Camille, Madeleine et leur cousine Thérèse ont<br />

recueilli une petite pauvre « si sale, si sale, qu’elle est dégoûtante ». Leur maman lui coupe les cheveux : « elle les ramassa avec<br />

une pelle et pria un des domestiques de les jeter sur le fumier » puis lui lave la tête. La petite pauvre est baignée par les autres<br />

petites filles qui s’amusent beaucoup « ce ne fut qu’après l’avoir séchée comme un jambon, qu’elles lui mirent une chemise,<br />

un jupon et une robe de Thérèse. Tout cela allait assez bien, parce que Thérèse portait ses robes très courtes, comme le font<br />

toutes les petites filles élégantes, et que la petite mendiante devait avoir ses jupons tombant sur les chevilles.» (Bibliothèque<br />

rose Hachette)]<br />

Les nouveaux circuits de production et de diffusion vont jouer jusqu’après la deuxième guerre mondiale non pas la<br />

nouveauté ou la fantaisie, mais l’imitation des modèles socialement supérieurs. La diffusion du modèle bourgeois se fait<br />

depuis le sommet de la hiérarchie sociale : un ouvrier qui arbore un vêtement bourgeois est, aux yeux de la classe dominante,<br />

quelqu’un qui rassure parce qu’il en a accepté les formes, et en a intériorisé les codes. D’autres ouvriers, qui affichent un<br />

débraillé agressif, défient ainsi les «bonnes manières», et leur aspect est lu comme une menace pour l’ordre social.<br />

Le progrès. Le vêtement neuf devient accessible а des bourses modestes. Au XIXe siècle, les<br />

transformations techniques permettent de mettre des vêtements neufs et plus seyants à la portée sinon des miséreux, tout<br />

au moins des petits salaires.<br />

[Michelet écrit en 1846 : « Il a fallu l’effort combiné de la science et de l’art pour forcer un tissu rebelle, ingrat, le coton,<br />

à subir chaque jour tant de transformations brillantes, puis transformé ainsi, le répandre partout, le mettre à la portée des<br />

pauvres. Toute femme portait jadis une robe bleue ou noire qu’elle gardait dix ans sans la laver, de peur qu’elle ne s’en allât en<br />

lambeaux.... Aujourd’hui, son mari, pauvre ouvrier, au prix d’une journée de travail, la couvre d’un vêtement de fleurs. Tout ce<br />

peuple de femmes qui présente sur nos promenades un éblouissant iris de mille couleurs, naguère était en deuil.» (Le Peuple)<br />

Le tissu de coton dont parle Michelet est l’indienne, toile de coton légère colorée par impression, très chère encore au XVIIIeme siècle,<br />

que les progrès techniques avaient rendue abordable.]<br />

La distribution. Ses transformations rendent les vêtements plus accessibles : en 1824, La Belle Jardinière est le premier<br />

magasin à en rationaliser la production - c’est à dire à les faire fabriquer d’avance et en série - et un des premiers à les vendre<br />

à prix fixes et affichés ; donc le client peut choisir des vêtements tout faits, dont il ne discute plus les prix.<br />

[Selon Le Journal des Tailleurs, « on y rencontre toutes les espèces de vêtements à la portée des petites bourses, sous<br />

ces trois divisions : habits d’atelier, costumes journaliers, vêtements des dimanches, depuis la vareuse-paletot à 4fr.75c. et le<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 6/27<br />

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pantalon cuir-laine à 5 fr., jusqu’au pantalon de 20 fr. et la redingote de 60 fr.» (16 novembre<br />

1855)]<br />

La vente par correspondance. La Belle Jardinière la développe grâce à la construction des<br />

chemins de fer, en particulier des lignes secondaires. Le premier catalogue cité est de 1874, mais, pour<br />

commander, le client doit savoir lire et écrire : il doit remplir une feuille de mesures, qu’accompagnent de<br />

longues explications sur la manière de les prendre soi-même (le mètre-ruban est connu depuis le début du XIXéme<br />

siècle). Les milieux populaires où les vêtements étaient portés jusqu’à usure complète, et n’étaient pas forcément<br />

remplacés par du neuf ne pourront donc accéder à la VPC qu’à la fin du XIXe siècle, avec l’obligation d’aller à l’école.<br />

[Sous le Second Empire, presque toutes les femmes portent une crinoline. Mais leur prix va de 500 à 1.000 frs. pour les plus<br />

chères, faites sur mesures, à 50 à 100 frs pour les autres, achetées toutes faites. En France, les ateliers Thompson et Peugeot<br />

fabriquent dans les années 1858 à 1864 environ 4 880 000 de ces engins d’acier qui pèsent environ 500 g. chacun.]<br />

Au XXéme siècle, les normes sont diffusées par les différents magazines, pas seulement les journaux de femmes ou ceux<br />

spécialisés dans la mode. Les modèles sont les vedettes du spectacle, de la vie mondaine (people), du sport. La démocratisation<br />

de la rue a démodé la mode au profit du «look» de la «tendance». De nos jours, les grandes surfaces vendent des vêtements<br />

accessibles aux salaires modestes. Mais ils restent trop chers malgré tout pour une frange de plus en plus importante de<br />

personnes qui ont recours aux vêtements distribués par les organisations caritatives.<br />

1-3- <strong>LE</strong> LOGEMENT.<br />

Dans l’absolu, la pauvreté est sans feu ni lieu, sans protection et sans abri. Mais tous les pauvres ne sont pas des vagabonds,<br />

et la notion de pauvreté inscrite dans la manière de se loger varie elle aussi.<br />

Les domestiques, souvent perçus comme à peine des humains sont très nombreux, surtout chez les nobles, et<br />

n’existent à leurs yeux que pour les servir. Ils sont logés jusqu’au XVIIe siècle dans la chambre même des maîtres, puis dans<br />

des soupentes ou des cabinets tout proches des maîtres, toujours à portée de voix, « qui servent de chambre aux domestiques<br />

et aux enfants, et abritent les armoires ou les coffres dans lesquels sont rangés les vêtements et le linge. Les cabinets sont de<br />

petits réduits sans feu et parfois sans jour qui servent pour le rangement, mais dans lesquels on peut aussi éventuellement<br />

dresser un lit. On les appelle encore bouges» (Pierre Le Muet, Paris, 1623) ou dans les communs, bâtiments séparés du corps<br />

du logis et entourant des basses-cours.<br />

Au XIXéme siècle, la séparation des classes n’allant plus de soi, chacun se retranche dans ses prérogatives, et marque<br />

son territoire. La place des domestiques est à la cuisine, éloignée des pièces d’habitation, et, le soir, dans les combles où les<br />

architectes des immeubles à loyer ont prévu, vers 1860, de placer les chambres de service. Ces chambres sont sans chauffage,<br />

sans eau courante, et les toilettes communes sont situées sur le palier.<br />

Mais faut-il classer parmi les pauvres ces gens qui étaient nourris - des restes des maîtres - vêtus - d’une livrée qui marquait<br />

leur appartenance - et logés ?<br />

Les ouvriers, des travailleurs hors la loi. La croissance non règlementée des villes, et l’industrialisation créent des<br />

situations diverses. Le vote de la loi Le Chapelier en 1791 favorise le développement du travail en chambre au détriment du<br />

travail en atelier.<br />

L’absence de règlementation permet dès lors l’emploi des femmes et des enfants, avec des horaires illimités dans une même<br />

pièce qui sert de chambre et d’atelier. Le lit individuel est presque inconnu chez les pauvres avant 1850 - sauf à l’hôpital qui<br />

généralise, à la fin du XVIIIéme siècle, l’usage d’un lit pour chaque malade.<br />

[La situation peut être dramatique dans les grands centres industriels. En 1835, le Docteur Villermé, chargé d’enquête<br />

par l’Académie des Sciences morales et politiques, rend compte de l’état des lieux dans un quartier de Lille : «Les plus pauvres<br />

habitent les caves et les greniers. Ces caves n’ont aucune communication avec l’intérieur des maisons (…) Elles sont en pierres<br />

ou en briques, voûtées, pavées, ou carrelées, et toutes ont une cheminée ; ce qui prouve qu’elles ont été construites pour<br />

servir d’habitation. (…) C’est dans ces sombres et tristes demeures que mangent, couchent et même travaillent un grand<br />

nombre d’ouvriers. (…)<br />

Leur mobilier ordinaire se compose, avec les objets de leur profession, d’une sorte d’armoire ou d’une planche pour<br />

déposer les aliments, d’un poêle, d’un réchaud en terre cuite, de quelques poteries, d’une petite table, de deux ou trois<br />

mauvaises chaises, et d’un sale grabat dont les seules pièces sont une paillasse et des lambeaux de couverture.(…) j’ai vu<br />

reposer ensemble des individus des deux sexes et d’âges très différents, la plupart sans chemise et d’une saleté repoussante.<br />

(…)<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 7/27<br />

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Les pires logements sont les greniers, où rien ne garantit des extrêmes de température ;<br />

car les locataires, tout aussi misérables que ceux des caves, manquent également des moyens<br />

d’y entretenir du feu pour se chauffer pendant l’hiver. » ]<br />

A Paris, fin du XIXéme siècle, à la Cité Jeanne d’Arc, les logements sont sales, les portes arrachées,<br />

les fenêtres n’ont pas de vitres ou ne s’ouvrent pas. Les cheminées sont hors d’usage. Les toilettes, à l’étage,<br />

n’ont pas de portes ou ferment mal, et les matières fécales se répandent dans les caves. Dans les hôtels garnis,<br />

les chambres ont été divisées en réduits sans fenêtres, certains locataires ne disposent que de 3 m3 - il en faudrait<br />

14 - d’un air empuanti par les immondices amoncelés dans les cours. Le prix d’un de ces réduits varie de 45 centimes à<br />

1 franc la nuit.<br />

Les bidonvilles se multiplient, faits de débris, sans eau, avec des cabinets d’aisance faits de tonneaux enfoncés dans le sol.<br />

Ces quartiers apparaissent comme dangereux aux autorités, car ils sont périodiquement ravagés par les épidémies de choléra<br />

ou de typhoïde.<br />

Les normes. Ce ne sont pas les victimes de cette misère qui réclament un changement, mais des philanthropes, des<br />

sociologues, des écrivains, des journalistes indignés par la promiscuité des taudis, des médecins qui mesurent les risques de<br />

cette absence d’hygiène, puis des élus, quand les pauvres seront devenus des électeurs.<br />

Les premières protestations ont été morales. Dormir avec n’importe qui, faire ses besoins sans gêne, se laver<br />

devant les autres, sont sujets de scandale pour la bourgeoisie devenue pudibonde : chacun doit avoir son lit, et si possible<br />

sa chambre, les enfants doivent être séparés des parents. La femme est incitée à rester au foyer et à s’occuper des enfants,<br />

l’homme va travailler au dehors.<br />

Presque simultanément, les médecins et les hygiénistes dénoncent les dangers de l’insalubrité et de la promiscuité.<br />

Vers 1890 les épidémies de typhoïde et de cholera incitent les autorités à faire installer l’eau potable dans les immeubles, en<br />

dépit du coût. Une enquête menée de 1894 à 1904 montre que la moyenne parisienne de mortalité tuberculeuse de 1,8‰,<br />

« pouvait atteindre 8,5‰ dans certains îlots insalubres, et jusqu’à 20‰ dans certains hôtels garnis. Il existait des immeubles<br />

tellement infestés qu’on était sûr, en y entrant, d’y mourir de tuberculose en dix ans. » Dans des logements surpeuplés, 20.000<br />

familles nombreuses vivent dans moins d’une demi-pièce par personne, le nombre des familles sans abri se multiplie, entre<br />

1900 et 1910 12.000 personnes meurent de tuberculose par an. Devant le danger pour la collectivité, les préoccupations<br />

morales cèdent le pas à la nécessité de repenser le problème urbain en fonction de l’hygiène.<br />

Le premier Congrès de Salubrité de l’Habitation réclame, en 1904, de l’eau pour toutes les habitations. Mais les<br />

nouvelles normes d’hygiène ne seront pas les mêmes pour les riches et les pauvres : aux premiers les salles de bains, aux<br />

seconds, les douches collectives chargées de lutter contre les mauvaises odeurs et les microbes et considérées comme<br />

hygiéniques par les médecins et les philanthropes. Elles équipent les casernes depuis 1860, les prisons et les internats. Puis les<br />

bains-douches populaires proposeront une eau imposée de l’extérieur et un lieu de propreté étranger au logement.<br />

Le rôle nouveau de l’architecte. La multiplication des rapports et des articles de revues sur la misère et les taudis<br />

génère l’idée, dans la deuxième moitié du siècle, d’un rôle nouveau de l’architecte : régler par le logement les problèmes<br />

d’hygiène et de morale. Il peut dès lors se considérer ou au service du peuple, ou chargé de régler les problèmes de société<br />

tels que les posent les classes dirigeantes.<br />

Celles-ci perçoivent les ouvriers comme une menace : « La fièvre typhoïde a suivi dans sa progression constante<br />

l’accroissement de la population entassée dans les quartiers excentriques.» (Rapport général sur les travaux de la Commission<br />

des logements insalubres pendant les années 1877 à 1883, 1884). Alors que les appartements bourgeois, même modestes, se<br />

sont construits à partir d’un consensus sur un certain mode de vie, il est admis qu’il faut imposer un modèle à cette classe<br />

amorale et «dangereuse» : fixer la femme à son foyer et faire de la maison le contenant d’une famille gardienne des enfants et<br />

responsable de la transmission de la morale.<br />

D’autres recherches sont menées dans le domaine du logement social avec des références idéologiques différentes. Les<br />

solutions collectivistes essaieront dans des programmes expérimentaux de faire fonctionner des services communs : lavoir,<br />

bains, chauffoir, garderie d’enfants, consultations médicales quotidiennes et distribution gratuite de médicaments. Elles seront<br />

accusées d’affaiblir la famille, de séparer les mères de leurs enfants, d’offrir des lieux de réunion à une pensée subversive.<br />

[Cependant le socialisme municipal s’en inspire : à Strasbourg, à la fin du XIXéme siècle, la municipalité social-démocrate<br />

développe un programme de résorption des logements insalubres et après la première guerre mondiale, l’Office d’Habitations<br />

à Bon Marché présidé par le maire socialiste Jacques Peirotes multiplie la construction de logements sociaux et de cités jardins.<br />

On trouve dans leur voisinage des services sociaux, des garderies d’enfants, des crèches, des consultations de nourrissons, des<br />

établissements de bains.]<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 8/27<br />

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Le principe du logement bon marché proposé par la collectivité, géré par elle, ou<br />

par un organisme semi-public est acquis après le vote, en 1912, d’une loi, déjà en vigueur à<br />

Paris, qui généralise à toute la France le principe de la construction municipale de logements<br />

sociaux.<br />

Que les constructions se fassent à l’initiative de la classe dirigeante ou au service du peuple, celui-ci n’est<br />

jamais consulté. Il subit.<br />

Le débat sur les normes et la liberté continue puisqu’un professeur et chercheur à l’Ecole d’architecture<br />

de Strasbourg a pu, lors d’un colloque, s’en prendre à un autre participant qui parlait, à propos du «logement très social ou<br />

adapté» de la «nécessité d’apprendre à habiter à ces personnes qu’on souhaite insérer». Jusqu’à ce qu’il soit clair qu’il s’agissait<br />

de l’utilisation des «robinets, de la gazinière, d’interrupteurs, de chasse d’eau». Discussion qui rappelait que «la restauration<br />

d’un statut de sujet-habitant ne peut pas ne pas coïncider avec un système de conventions culturelles et sociétales ».<br />

II - <strong>LE</strong>S PAUVRES.<br />

Mendiants, gueux ou vagabonds, les pauvres ont toujours existé. « Domestiques, invalides, enfants abandonnés, femmes<br />

seules, marchands ambulants, ouvriers », entre la potence et la pitié ils suscitaient tantôt la compassion, tantôt la<br />

répression.<br />

Bien que l’on ne sache pas grand-chose de l’existence des pauvres dans les civilisations antiques, on peut imaginer qu’aucune<br />

société n’a évité l’effondrement des destins individuels. L’incapacité physique ou intellectuelle met les plus faibles à la merci de<br />

la solidarité familiale ou villageoise. Les calamités naturelles peuvent ravager une vie de paysan, mais aussi l’incendie, la guerre<br />

et les pillages, les dettes, les héritages misérables. Parmi les causes d’appauvrissement les plus fréquemment mentionnées on<br />

compte le surendettement, le chômage, la misère des salaires et l’industrialisation, les progrès techniques qui détruisent les<br />

formes de travail existantes.<br />

2-1- <strong>LA</strong> PROPRIÉTÉ <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> TERRE. <strong>LE</strong> SUREN<strong>DE</strong>TTEMENT.<br />

Les puissants (potentes) peuvent, à tort ou à raison, faire prononcer des sentences de confiscation des biens, de bannissement<br />

ou de prison. Les propriétaires des terres profitent des périodes d’insécurité pour aggraver leur domination sur les plus<br />

faibles.<br />

A la fin de l’Empire Romain, par exemple, le pouvoir central, trop affaibli, ne peut les empêcher de se constituer d’immenses<br />

propriétés, le plus souvent en contraignant les petits propriétaires dont ils sont les créanciers à leur vendre leurs terres à bas<br />

prix, quand ils ne s’en emparent pas purement et simplement. Ces petites gens deviennent alors tenanciers du nouveau maître,<br />

qui peut les exploiter à son gré, ou sont chassés vers la ville.<br />

Le même processus de déchéance se retrouve aux VIIIéme et IXéme siècles en Angleterre : une crise économique oblige<br />

les petits propriétaires libres à vendre leurs terres, les puissants mettent les pauvres au travail sur leurs seigneuries. Au Xéme<br />

siècle il y a de nouvelles famines. Chacune produit son lot de déclassés, devenus inférieurs et méprisés, les humiles. Les années<br />

où le temps est mauvais, les conditions de vie s’aggravent encore ; les semences pourrissent en terre, le prix des céréales<br />

augmente et beaucoup de gens s’endettent pour manger puis sont expropriés du fait de leurs dettes.<br />

Ces mécanismes de paupérisation se sont répétés au cours de l’histoire, mettant les pauvres gens en situation de dépendance<br />

aussi bien à l’égard du ciel que des hommes.<br />

2-2- CHÔMAGE ET MISÈRE <strong>DE</strong>S SA<strong>LA</strong>IRES.<br />

Au XVIIéme siècle, une déflation fait perdre aux salaires réels près de la moitié de leur valeur. « A Lyon, les manouvriers<br />

doivent consacrer plus des quatre cinquièmes de leur ressources à acheter du pain ou les céréales panifiables nécessaires à<br />

la survie de leur ménage »<br />

En 1609, le conseil de Castille constate que les paysans « se trouvent pauvres, nécessiteux et endettés, de telle manière que,<br />

leurs terres n’étant suffisantes pour subvenir à leurs besoins, payer leurs dettes, ils abandonnent leurs biens, comme on l’a vu<br />

en plusieurs parties du royaume et, à cette occasion, se font fainéants et vagabonds.»<br />

En Angleterre, en 1641, « la quatrième partie des habitants de la plupart des paroisses sont un peuple misérable et,<br />

hors le temps des récoltes, sans aucune subsistance.» Exclus de la propriété des terres et des moyens de production,<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 9/27<br />

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analphabètes, souvent sans feu ni lieu, ils n’ont que leurs bras comme gagnepain.<br />

Les infirmités, l’âge ou la maladie les condamnent à mendier ou à mourir de faim. Leur<br />

existence est commandée par l’emploi, le niveau des salaires et le prix du pain.<br />

Lorsqu’ils se révoltent contre l’injustice trop dure à supporter, ils sont vaincus par la violence<br />

institutionnelle : sous Louis XIV, l’excès de misère provoque des troubles - Boulonnais (1662), Pyrénées<br />

(1664), Vivarais (1670), Guyenne, etc. - chaque fois réprimés avec une brutalité sans merci ; en Bretagne, le roi<br />

envoie 10 000 soldats contre la jacquerie. « Les arbres commencent à se pencher sur les grands chemins du poids<br />

qu’on leur donne », écrivait le gouverneur, faisant allusion aux pendaisons en masse.<br />

2-3 - AU XIXéme SIEC<strong>LE</strong>, <strong>LE</strong>S « NOUVEAUX PAUVRES ».<br />

De plus en plus nombreux sont ceux qui vont en ville pour chercher du travail ou essayer de vivre d’expédients. Ce faisant,<br />

ils sortent du réseau des organisations charitables traditionnelles d’entraide ou de charité, paroisses, couvents, hospices. Le<br />

malheureux vivant de la charité, ou le vagabond hébergé chaque nuit dans un hospice différent a cédé la place à de « nouveaux<br />

pauvres » valides, rarement isolés, dont la masse grossit au fur et à mesure que l’industrialisation détruit l’artisanat traditionnel<br />

des campagnes.<br />

Le jeu de l’offre et de la demande fait baisser la valeur du travail qu’aucune loi ne protège avant le<br />

dernier quart du XIXéme siècle. Dans les usines nouvellement créées, les ouvriers travaillent pour ne pas mourir de faim. Les<br />

descriptions de l’époque ne peuvent dire ce qui est pire, dans ces conditions de vie, de la nourriture ou du logement. Le poste<br />

de l’alimentation envahit les budgets ouvriers.<br />

La population qui s’entasse dans les quartiers pauvres est une proie facile pour les épidémies : à Glasgow, le typhus<br />

et le choléra y font, en 1832 et en 1849, deux fois plus de victimes que dans le reste de la population et l’espérance de<br />

vie n’y dépasse pas trente ans - contre 40 en moyenne en Angleterre. Les salaires sont misérables et la délinquance<br />

augmente.<br />

Cette masse à la recherche de travail, mais aussi de distractions suspectes à la morale de l’époque, apparaît comme «<br />

dangereuse » à la ville héritière de traditions de travail et de bonnes mœurs, « bourgeoise », en un mot.<br />

Face à la menace que représentaient des pauvres toujours plus nombreux, l’Ancien Régime avait mis en place une politique<br />

répressive - hospices, maisons de correction très proches de la prison - renforcée en 1810 par le Code Pénal qui définit les<br />

délits de vagabondage et de mendicité. Les remèdes caritatifs ont toujours été trouvés dans l’initiative privée.<br />

Mais la nouvelle pauvreté qui s’installe dans les villes, génératrice de maladies, d’immoralité et de<br />

troubles publics devient un problиme de société et de gouvernement.<br />

III - <strong>LE</strong> REGARD <strong>DE</strong> <strong>LA</strong> SOCIÉTÉ.<br />

Le regard que porte une société sur ses pauvres et sur l’état de pauvreté évolue en même temps qu’elle. L’Antiquité<br />

pratiquait l’hospitalité individuelle, et les Romains le clientélisme, qui permettait à beaucoup de vivre ou de survivre.<br />

Avec le christianisme le rapport aux biens matériels et au don change de nature, l’esprit passe avant le corps. Le renoncement<br />

volontaire à la richesse comme le don sont des actes religieux. Mais, par ailleurs, l’appauvrissement, le malheur et la déchéance<br />

seraient plutôt considérés comme une punition, ou à tout le moins comme une situation voulue par Dieu et à laquelle<br />

personne ne peut rien.<br />

De sorte que, lorsque les guerres, les épidémies ou les famines jettent les pauvres sur les routes, la peur qu’ils suscitent<br />

justifie aux yeux du reste de la société une répression souvent impitoyable.<br />

Pris entre la compassion, religieuse ou simplement humaine, la crainte qu’inspirent ces masses sur lesquelles ils ne savent<br />

rien, et la conscience qu’elles posent un problème de gouvernement, ceux que nous appellerions les «intellectuels» de<br />

l’Ancien Régime tâtonnent à la recherche de solutions qui oscillent entre la charité, privée, et la distribution de travail, dont ils<br />

ne savent à qui la confier. Lorsque la Révolution proclame l’égalité de tous, la lutte contre la misère s’inscrit dans les nouveaux<br />

devoirs de la Nation.<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 10/27<br />

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3-1- <strong>LA</strong> CHARITÉ<br />

Le pauvre, auxiliaire du salut chrétien. L’aumône a autant pour fonction de<br />

permettre au pécheur d’obtenir de Dieu la rémission de ses péchés que de nourrir ou d’habiller les<br />

malheureux.<br />

[L’Eglise reconnaît au pauvre ce statut d’intercesseur, et lève un impôt spécial, la dîme, pour faire face à ce<br />

qui est pour elle une obligation « car les biens terrestres appartiennent en commun à tout le monde.» La règle de<br />

fondation du monastère de Cluny stipule que «… selon les circonstances et les ressources de ce lieu, chaque jour, l’on<br />

pratique avec le plus grand zèle les œuvres de miséricorde, envers les pauvres, les indigents, les visiteurs et les pèlerins… »<br />

Le couvent reçoit des donations dont les motifs sont explicites : racheter une faute, ne pas perdre le bonheur éternel, parce<br />

que « les biens n’appartiennent pas à l’homme mais lui sont concédés par Dieu, non pour être possédés, mais pour être<br />

distribués d’une main large et généreuse ».]<br />

Donc, les riches, quelle que soit l’origine de leur fortune, peuvent se racheter par la charité et assurer leur salut personnel<br />

à travers le secours aux déshérités. Néanmoins, si bien des penseurs chrétiens estiment que les pauvres ont des droits sur<br />

les revenus ecclésiastiques, aucun ne considère la pauvreté comme une injustice, ou ne suggère une protection<br />

des miséreux contre les prélèvements fiscaux ou les dénis de justice. La pauvreté est un mal inévitable, voulu par Dieu. « La<br />

glorification du pauvre, comme intercesseur privilégié, est un moyen simple de figer sa condition et de la lui faire accepter<br />

comme une nécessité à laquelle lui-même ne peut rien changer. »<br />

La colère de Dieu. Les famines et les épidémies, fréquentes au XIVe siècle, sont vécues comme des manifestations de la<br />

colère de Dieu. Les plus pauvres étant atteints les premiers, ils sont accusés d’avoir provoqué cette colère par leurs péchés ;<br />

ils ne sont plus alors une source de salut, mais une menace qui met en péril la société. Les mieux lotis sont persuadés que les<br />

responsables des épidémies sont les miséreux, les marginaux, ceux qui sont différents d’eux : les lépreux de Périgueux, les juifs<br />

de nombreuses villes d’Europe, pourtant atteints par la maladie comme tout le monde, sont accusés de l’avoir volontairement<br />

transmise en empoisonnant les puits et les rivières, et brûlés vifs.<br />

3-2- <strong>LA</strong> PEUR.<br />

Violence de la misère. Les groupes d’errants que les guerres, les épidémies et les famines jettent sur les routes au XIVe<br />

siècle sont des gens jeunes, déracinés, sans profession ni famille. Ils sont les exclus de l’organisation sociale existante, même<br />

pour les institutions caritatives qui secourent en priorité leurs pauvres, domiciliés dans le voisinage et souvent invalides. Ces<br />

vagabonds travaillent par intermittence, volent fréquemment, tuent le cas échéant. Des bandes de criminels et des sociétés de<br />

mendiants professionnels, parfois originaires d’une même province, s’organisent dans les villes. Ce monde parallèle de voleurs<br />

ou de faux-monnayeurs a ses chefs, ses receleurs, sa solidarité et obtient parfois la complicité des sergents du roi.<br />

Violence des institutions. Les pouvoirs en place ne savent comment répondre à la menace que représente cette masse<br />

d’indigents et de criminels. A la violence de la misère ils opposent la violence institutionnelle. La justice frappe durement, usant<br />

systématiquement de la torture et de l’exécution capitale contre ces marginaux sans état et sans protection. La condamnation<br />

d’un aide à maçon, vagabond convaincu de vol à Paris, stipule sans détours : « Estait digne de mourir comme inutile au monde,<br />

c’est assavoir estre pendu comme larron. »<br />

Fixer les miséreux. Là où le pouvoir central existe, il va tenter de maîtriser ces masses en mouvement.<br />

En 1349, Edouard III, roi d’Angleterre, promulgue le Statut des travailleurs, véritable code du travail qui ordonne à tous ceux<br />

qui ont du travail de rester où ils sont et de se contenter de leur salaire et de leur condition. Ceux qui sont mobiles ou sans<br />

emploi sont réinscrits de force dans des structures fixes où ils sont obligés de travailler.<br />

En France, en 1351, une ordonnance royale essaie à son tour ce nouveau traitement de la misère : à Paris tout homme<br />

valide doit travailler ou quitter la ville « tout contrevenant est passible de quatre jours de prison ; il encourt ensuite la mise<br />

au pilori, puis le marquage au fer rouge et, enfin, le bannissement ». Comme en Angleterre, il est interdit de faire l’aumône à<br />

ceux qui ne veulent pas travailler.<br />

Le Portugal, l’Aragon et la Castille fixent des maxima de salaires et interdisent les déplacements pour rechercher un emploi.<br />

En Bavière et au Tyrol, en 1357, « les serviteurs et travailleurs journaliers doivent rester au service de leurs employeurs sans<br />

augmentation de salaire. S’ils quittent leur emploi, leurs biens seront confisqués.»<br />

A Marseille, au XVIe siècle, les édiles décident d’« ensarrer les pauvres », c’est-à-dire de les enfermer, mesure d’abord<br />

non suivie d’effet mais qui aboutit le siècle suivant à la construction de Notre-Dame-de-la-Charité pour « renfermer en un<br />

lieu propre et choisi par les consuls les pauvres natifs de Marseille, afin que les étrangers fainéants et vagabonds ne<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 11/27<br />

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s’introduisent plus parmi eux, pour être en ledit lieu nourris et entretenus tant de leur<br />

travail que des aumônes suivant la quête qui en sera faite.» «Peigneurs de laine, vignerons,<br />

cureurs de puits, domestiques, jardiniers, portefaix, porteurs de chaise» sont ramassés par les «<br />

chasse-gueux » pour être menés à la Charité, et marqués d’un m au fer rouge. Quant aux mendiants<br />

étrangers, « hommes ou femmes, valides et invalides » et aux bohémiens, ils doivent quitter la ville et son<br />

terroir sous « peine de fouet ».<br />

Une solution, la mort. Le vagabond doit être banni, « sa place est n’importe où, à condition que ce soit<br />

ailleurs », ce qui ne fait que déplacer le problème, alors que l’exécution capitale le résout. Cette solution, qui fait du<br />

vagabondage le délit suprême, est adoptée en France par Henri II (1556) et en Angleterre par Henri VIII qui aurait fait pendre<br />

12 000 personnes sous ce chef d’accusation.<br />

Les misérables sont cependant trop nombreux pour être tous exécutés. Ni l’agrandissement sans fin de la Charité à<br />

Marseille, ni ailleurs l’engorgement des hôpitaux, obligés d’accueillir des vagabonds au milieu des vieillards, des malades<br />

mentaux et des enfants abandonnés, dans l’idée de les fixer et de les socialiser par le travail, ne résoudront la question de<br />

l’enfermement des miséreux.<br />

Au XVIIIe siècle, on estime qu’un dixième environ de la population française est réduit à la mendicité. Envoyer tous les<br />

hommes valides aux galères se révèle impossible à cette échelle. La chasse au vagabond continue, sous contrôle de<br />

la maréchaussée, avec une prime de 3 livres pour chaque capture. Ces malheureux sont enfermés dans des « dépôts de<br />

mendicité » créés pour encadrer le travail forcé et gérés par l’administration et la police et non, comme les hôpitaux, par les<br />

organismes de bienfaisance ou les notables. Dans ces édifices insalubres, sans hygiène ni soins médicaux, le travail est illusoire.<br />

Sur 111 836 personnes « entrées aux dépôts » entre 1768 et 1772, il y aura 21 339 décès.<br />

Au XIXéme siècle, les années quarante, années de la faim et de la colère, les hungry forties qui deviennent les angry forties,<br />

s’achèvent sur l’explosion de 1848. La société industrielle prend conscience de sa nouveauté à travers ses victimes, et de la<br />

menace qu’elle semble secréter pour elle-même.<br />

3-3- POLITIQUE ET <strong>PAUVRETÉ</strong>.<br />

La misère pensée. La masse des pauvres et des errants pose donc très tôt un problème dont la nature est mal définie,<br />

mais qui semble assez vite lié à celui du travail que la société fournit, ou non, au pauvre. Dès le XVIIéme siècle, les académies<br />

font de la mendicité un sujet de concours. Le siècle des Lumières échafaude d’innombrables systèmes sociaux plus ou moins<br />

utopiques, mais partant tous de l’idée que, pour lutter contre la pauvreté, il faut réformer l’organisation politique et porter un<br />

regard différent sur un certain nombre de valeurs.<br />

Une valeur nouvelle, le travail. Une évolution, qui sera très lente dans les faits, commence à valoriser le travail,<br />

peu digne de considération jusque-là, par rapport à l’oisiveté, apanage des classes dirigeantes mais aussi des mendiants. « La<br />

pratique de l’oisiveté est une chose contraire aux devoirs de l’homme et du citoyen, dont l’obligation générale est d’être bon<br />

à quelque chose, et en particulier de se rendre utile à la société dont il est membre. Rien ne peut dispenser personne de ce<br />

devoir, parce qu’il est imposé par la nature.» (Article Oisiveté de l’Encyclopédie)<br />

Cette nouvelle morale prône l’obligation pour chacun de trouver sa place dans l’activité productrice, moyennant quoi<br />

le travail lui procurera « en même temps sa santé, sa subsistance, sa sérénité, son bon sens et sa vertu peut-être » (Article<br />

Travail de l’Encyclopédie). L’industrie naissante qui réclame une main d’œuvre importante et mobile ne peut qu’approuver. Elle<br />

demande donc la suppression des workhouses ou dépôts de mendicité qui tentaient de fixer les miséreux.<br />

Une idée neuve, la responsabilité de l’Etat. Cependant, au XVIIIéme siècle, le nombre des pauvres augmente sans<br />

cesse et menace l’ordre social. Les esprits éclairés s’interrogent sur la responsabilité de l’Etat face à la misère : « Quelques<br />

aumônes que l’on fait à l’homme dans les rues ne remplissent point les obligations de l’Etat qui doit à tous ses citoyens une<br />

subsistance assurée.» (Montesquieu) Les pauvres qui, jusque-là relevaient de la charité c’est-à-dire de la bonne volonté des<br />

donateurs, auraient donc des droits, en particulier l’accès au travail. « Dieu, en donnant à l’homme des besoins, en lui rendant<br />

nécessaire la ressource du travail, a fait du droit de travailler la propriété de tout homme, et cette propriété est la première,<br />

la plus sacrée et la plus imprescriptible de toutes.» (Turgot)<br />

De ces interrogations convergentes sur le travail et sur le rôle de l’Etat va naître, avec la Révolution de 1789 et la<br />

transformation des sujets (du Roi) en citoyens, une nouvelle problématique de la pauvreté.<br />

Une politique de la pauvreté. Un phénomène mal connu. La Révolution, en accordant le même statut<br />

juridique à tous les membres de la société, implique une politique de la pauvreté ; mais le phénomène est mal connu. Dès 1790,<br />

l’Assemblée Nationale Constituante met en place un «Comité de mendicité» chargé de l’étudier et de trouver les moyens de<br />

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le faire disparaître. Le projet qu’il élabore sera repris par le Comité des secours publics de<br />

l’Assemblée Législative (1791), puis de la Convention (1792).<br />

[« De la Constitution de 1791, décrétant un établissement général des secours pour élever les<br />

enfants abandonnés et fournir du travail aux pauvres valides, au décret qui établit les bases des secours<br />

publics (mars 1793), à celui sur l’extinction de la mendicité (24 vendémiaire, an II), à l’institution du Grand<br />

Livre de la bienfaisance (22 floréal, an II), à la nationalisation complète des secours (décret du 23 messidor, an II,<br />

sur la mise en vente des biens hospitaliers) prit forme un développement législatif qui devait permettre de réaliser<br />

le plan général rédigé par la Constituante.»]<br />

Misère et pauvreté. Ces trois Comités, héritiers des Lumières, font la différence entre la pauvreté qui leur paraît<br />

nécessaire et la misère, produit d’un mauvais gouvernement. La loi doit inscrire les dépenses de «l’assistance publique» au<br />

budget de la Nation, mais, aussi, distinguer le pauvre utile, désireux de travailler, à qui il faut faciliter l’accès à l’emploi ou à des<br />

secours, du vagabond professionnel, inutile et traité en délinquant.<br />

« Il y aura toujours des riches, il doit donc y avoir des pauvres. Dans les Etats bien gouvernés, ces derniers travaillent et<br />

vivent ; dans les autres, ils se revêtent des haillons de la mendicité et rongent insensiblement l’Etat sous le manteau de la<br />

fainéantise. Ayons des pauvres et jamais de mendiants ; voilà le but où doit tendre une bonne administration.» (J.P.Brissot, 1781,<br />

Théorie des lois criminelles).<br />

Emergence de l’individu. « On a toujours pensé à faire la charité aux pauvres, et jamais à faire valoir les droits de<br />

l’homme pauvre sur la société et ceux de la société sur lui ». Si tous les citoyens ont des droits et des devoirs, les pauvres,<br />

citoyens à part entière, doivent participer par leur travail à la bonne marche de la société. Aux yeux de la pensée libérale, une<br />

politique de la pauvreté est indissociable de la question du travail.<br />

[Si la pensée libérale voit la masse des pauvres comme un stock de main-d’œuvre bon marché et docile, elle y découvre<br />

aussi des consommateurs potentiels. Il faut donc lui garantir un niveau de vie qui lui permette de participer à l’économie de<br />

marché qui se met en place : «qu’on ne diminue pas l’aisance des dernières classes des citoyens ; car elles ne pourront pas<br />

assez contribuer à la consommation des denrées qui ne peuvent être consommées dans le pays, ce qui ferait diminuer la<br />

reproduction et le revenu de la Nation.» (Quesnay, Maximes générales pour un gouvernement plus avantageux au genre humain,<br />

1775 Vingtième Maxime)]<br />

IV - <strong>LA</strong> CONQUÊTE <strong>DE</strong>S DROITS.<br />

4-1- POLITIQUE SOCIA<strong>LE</strong> ET SOLIDARITÉ.<br />

Une société sans lois sociales. Au delà de ces idées neuves, la Révolution a surtout codifié la liberté économique,<br />

c’est-à-dire la liberté d’un individu face à un autre individu, sans lois pour régler les rapports économiques et sociaux. Les plus<br />

pauvres sont donc sans défense face aux puissants.<br />

La grande peur du législateur, dès les premiers tâtonnements de la politique sociale, est d’encourager l’oisiveté en voulant<br />

combattre la pauvreté. Elle est déjà exprimée dans les textes du comité de mendicité de la Constituante : « le législateur,<br />

continuellement placé entre la crainte de ne donner qu’une assistance incomplète et de laisser ainsi des malheureux ou sans<br />

secours, ou sans la masse des secours qui leur est nécessaire, et entre la crainte d’accroître, par une assistance trop entière,<br />

le nombre de ceux qui voudraient être assistés, et, par conséquent, l’oisiveté et la fainéantise, doit éviter soigneusement ces<br />

deux écueils, et ils se touchent de bien près.» (Procès-verbaux et rapports du comité de mendicité de la Constituante 1790-<br />

1791, Paris, Imprimerie nationale, 1911.)<br />

Les droits de l’homme et du citoyen, et les hésitations de la lutte contre la précarité. Les conquêtes<br />

des XIXe et XXe siècles seront d’abord celles du droit des individus à s’organiser pour se défendre à travers les syndicats<br />

ou les partis politiques. Le XXe siècle a vu se mettre en place, au coup par coup, les lois règlementant le travail, la protection<br />

sociale, les congés payés, les salaires.<br />

Ceux qui n’ont ni travail ni ressources restent longtemps dans une grande précarité. Ils trouveront leur place dans la<br />

collectivité par l’instauration progressive, catégorielle, des différents revenus minimums. Trois prestations de revenu minimum<br />

sont instituées pour des personnes qui ne peuvent être tenues pour responsables de leur pauvreté : l’Allocation Parent Isolé<br />

(API), l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), le Fonds National de Solidarité (FNS)<br />

Avec la crise qui se développe au cours des années 70, la manière d’aborder le problème de la pauvreté va changer. Au<br />

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nom des principes de la citoyenneté et de la responsabilité de la société sur les situations<br />

d’exclusion est donc établi pour tous un droit à des conditions minimales d’existence. (Art.<br />

1er de la loi du 18 décembre 1988, Journal officiel du 3 décembre 1988) : le revenu minimum<br />

d’insertion (RMI) sort de la logique catégorielle et sera attribué à tous ceux qui réunissent les<br />

conditions de revenus et d’âge (il faut avoir au moins 25 ans).<br />

Une pauvreté en constante évolution. Deux études, l’une du CREDOC (Centre de recherches<br />

et de documentation sur les conditions de vie), l’autre de l’Insee (Institut national de la statistique et des études<br />

économiques) notent une forte évolution des profils de la pauvreté depuis les années 80. En 1980, 49% des foyers les plus<br />

défavorisés étaient constitués de retraités, en 1994 ils sont 34%. La part des chômeurs est passée de 19% à 37%.<br />

En 1985, sur 17 millions de jeunes de moins de 25 ans, 1,8 million vivaient dans la pauvreté, dont 50% dans une famille<br />

nombreuse (1 couple et 3 enfants ou plus). En 1995, ils sont 32%. Les familles monoparentales sont passées de 12% du total<br />

des foyers vivant en-dessous du seuil de pauvreté à 17%, et la part des enfants pauvres vivant dans ce type de famille est<br />

passée de 1/10 à 1/5. La part des allocations sous condition de ressources (RMI, aides au logement) est passée de 8% à 21%<br />

des revenus des familles pauvres, tandis que celle des prestations familiales baissait de 22% à 15%.<br />

Un actif sur cinq peut désormais être considéré comme exclu du monde du travail. L’Etat, les départements et les communes<br />

doivent faire face à une augmentation des dépenses d’action sociale de 5% à 8% par an. La plupart des collectivités voient<br />

ces dépenses augmenter plus vite que leurs recettes. Face à une pauvreté en constante évolution, elles seront obligées de<br />

restructurer leur action sociale en profondeur. (Action sociale, la décentralisation face а la crise, Jean-Louis Sanchez, directeur de<br />

l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée, ODAS éditeur).<br />

Surendettement et précarité. Le chômage et la dégradation de la situation sociale ont entraîné le développement<br />

du surendettement.<br />

Les commissions départementales du surendettement ont été créées par la loi Néiertz en déc.1989 (RMI déc.88). Elles<br />

étaient chargées d’«offrir aux débiteurs de bonne foi (…) une procédure de règlement amiable et global des dettes» et<br />

visaient, au départ, les débiteurs imprudents qui avaient cumulé leur endettement immobilier avec les multiples crédits à la<br />

consommation.<br />

Sept ans plus tard, les commissions ont à faire à des débiteurs qui ne peuvent plus payer parce qu’ils ont perdu leurs<br />

revenus. Ils n’appartiennent pas forcément à des milieux défavorisés et se sont endettés sur des postes budgétaires de la vie<br />

courante : électricité, eau, loyer, impôts.<br />

La perte d’un emploi comme cause essentielle de ce surendettement était de 22% en 1990, 41% en 1993, 43% en 1995.<br />

Le système mis en place par la loi Néiertz visait les familles qu’il faut aider à gérer leurs ressources ; là où il n’y a rien, les<br />

commissions ont quelquefois tendance à rogner sur les ressources vitales. L’ODAS (Observatoire national de l’action sociale<br />

décentralisée) à la recherche de nouvelles solutions, souhaite la présence de travailleurs sociaux lors des délibérations des<br />

commissions et une meilleure articulation avec le FSL (Fonds de solidarité pour le logement).<br />

Les institutions sont à nouveau confrontées à l’arrivée de « nouveaux pauvres ».<br />

4-2- <strong>LA</strong> CHARITÉ ET <strong>LA</strong> LOI.<br />

Les SDF. « La pauvreté contemporaine […] peut se définir comme la situation des individus et des ménages marqués par<br />

: l’insuffisance des ressources, l’exclusion d’un mode de vie matériel et culturel dominant, la précarité du statut social ». Ceux<br />

sur qui s’abattent ces trois pauvretés, monétaire, sociologique et psychologique, sont les exclus.<br />

«Et donc ce pauvre appartient à une autre race, à une étrange tribu, celle des parias aux mœurs exotiques et puantes, qui<br />

mendient pour vivre […] Ces hommes-monstres ne peuvent aller au cinéma, au café, au restaurant, car ils sont trop moches<br />

et trop odorants. Ils ne peuvent pas se faire soigner, aucun médecin ne pourrait accepter, dans sa salle d’attente, l’un d’entre<br />

eux sous peine de faillite immédiate. Les services d’urgence ne les supportent que s’ils «sont» une plaie, une fracture, une<br />

perte de connaissance, enfin quelque chose qui se diagnostique aisément et qui porte un nom. L’hôpital répugne à les garder<br />

- trop caractériels, non assurés sociaux, trop différents, trop compliqués… Ils sentent la mort, cette caste d’intouchables, et<br />

sont tous semblables. […]<br />

Pourtant ils crèvent les siècles. Ils défilent sans leurs crécelles désormais, en habits gris, en hordes claudicantes, livrés aux<br />

bonnes œuvres, et si l’institution les rejette, c’est qu’ils n’ont pas, qu’ils ne peuvent pas avoir- ce serait pourtant la condition<br />

du rachat - de projet de réinsertion … Et sans projet de «ré»-insertion, que peut-on faire pour eux ? Rien, sinon les livrer à la<br />

charité publique, à l’espace du cœur, aux gens dont c’est la justification, la carte de visite, la mission explicite et remarquable.»<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 14/27<br />

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(Xavier Emmanuelli, Dernier avis avant la fin du monde)<br />

Interrogés sur les causes de leur situation, les SDF invoquent le plus souvent les problèmes<br />

d’emploi, mais aussi les mauvaises relations avec les parents ou dans le couple. Ils souffrent de<br />

leur solitude, de l’absence d’un lieu à eux, de ne pas connaître leurs droits et, naturellement, de n’avoir<br />

pas d’argent. Très peu se définissent comme des marginaux ou des routards. Ils expriment le souhait de<br />

s’intégrer à la vie de la cité, de faire partie de la société, ou même d’agir sur elle.<br />

La mendicité n’est plus un délit - depuis 1994. Les mendiants ont reparu aux portes des églises, devant les grands<br />

magasins, devant les boucheries. Ils ont devant eux un carton qui interpelle le passant - qui peut lire « J’ai faim » sans frémir<br />

? Ou ils demandent. Ou ils font la quête après une prestation musicale. Ils suivent leurs «clients» sur leurs lieux de vacances,<br />

assistent à des festivals et profitent en même temps de la douceur des cieux méridionaux.<br />

Certains maires, excédés par l’afflux de gens dont on ne sait plus s’ils exploitent la compassion pour vivre des vacances<br />

bon marché, ou s’ils sont vraiment sans ressources, ont pris des arrêtés municipaux contre « la multiplication des actions de<br />

mendicité qui troublent la sérénité et le fonctionnement de l’ordre public ». La circulaire du 20 juillet 1995 leur reconnaît ce<br />

droit, tout en spécifiant « Les interdictions et limitations ainsi prononcées doivent cependant être strictement proportionnées<br />

à ce qui est indispensable au maintien du bon ordre, de la tranquillité ou de la salubrité publics car les exigences de la police<br />

municipale doivent se concilier avec l’exercice des libertés fondamentales et le principe de la liberté du commerce et de<br />

l’industrie ».<br />

De la charité à la loi. Les dernières années du XXe siècle ont vu le retour de toutes les misères, même en France<br />

où la fin de la Deuxième Guerre Mondiale avait ressuscité la foi dans un monde perfectible. Des gens y sont la proie de la<br />

malnutrition, dorment dans la rue par les plus grands froids, sont illettrés, abandonnés, extérieurs à un monde qui n’est plus<br />

le leur.<br />

De la Croix-Rouge créée en 1864 aux Restaurants du Cœur lancés par Coluche en 1985, en passant par le Secours<br />

Catholique, l’Armée du Salut, le Secours Populaire, le Mouvement ATD Quart-Monde, et bien d’autres, toutes les organisations<br />

caritatives et humanitaires ont été obligées de se repenser. Elles ont revu leurs actions en fonction de l’accroissement de la<br />

misère, de sa diversification et de l’apparition de nouvelles formes de pauvreté.<br />

L’opinion publique, informée par les medias ou secouée par de fortes personnalités comme l’abbé Pierre, Coluche ou<br />

Geneviève de Gaulle, soutient ceux qui ne se résignent pas. Cela peut, bien entendu, ne durer que le temps d’une campagne,<br />

mais peut aussi aboutir à l’organisation de Collectifs mobilisés par la colère, ou déboucher sur la mise en place d’associations<br />

qui prennent en charge une revendication sociale et font pression sur les pouvoirs publics.<br />

Dans le domaine du logement, les services publics et le réseau associatif sont amenés à coopérer. Ils ont dû renoncer à<br />

se limiter à des catégories spécifiques. Hébergement et réentraînement au travail, mais aussi accueil, information, soins aux<br />

personnes les plus démunies, les prestations se multiplient et quelquefois s’enchevêtrent.<br />

La demande d’accueil en urgence augmente chaque année et déborde maintenant le cadre urbain. Parce qu’il y a de plus<br />

en plus de gens qui ne savent où dormir, les asiles de nuit et les centres d’accueil et d’hébergement abritent maintenant des<br />

chômeurs ou des jeunes qui vivent de petits boulots intermittents, en rupture avec leur famille; ils touchent quelquefois le RMI,<br />

mendient, traînent sur les places publiques ou dans les gares. De nouvelles populations sont amenées à être secourues : des<br />

couples, des familles, des vagabonds qui ne veulent pas être séparés de leurs chiens. Le personnel qui assure l’accueil, souvent<br />

insuffisant, n’est pas toujours formé pour faire face à l’alcoolisme, la violence, la toxicomanie ou les maladies mentales.<br />

Les carences, visibles par tous, font ressortir les contradictions entre la réalité des secours et les textes fondamentaux,<br />

nationaux ou internationaux : Déclaration Universelle des droits de l’homme, ou Préambules des Constitutions de 1946 et de<br />

1958, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, Convention et Déclarations de l’ONU. « Il résulte de<br />

ces principes (textes cités ci-dessus) que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif<br />

de valeur constitutionnelle » (Conseil Constitutionnel, 19 janvier 1995). Des associations, plus particulièrement le DAL (Droit<br />

Au Logement), né au début des années quatre-vingt-dix, invoquent ces textes et revendiquent la réquisition et l’occupation<br />

des logements vacants.<br />

Les organisations caritatives affrontent la faim - Les Restaurants du coeur distribuent de 30 à 40 millions de repas par an et<br />

environ 30 000 tonnes de marchandises - mais aussi la pauvreté symbolique et le désengagement dans la cité. Le Mouvement<br />

ATD Quart-Monde a crée des universités populaires où hommes et femmes apprennent à s’exprimer en public et à donner<br />

leur avis, des bibliothèques de rue qui permettent aux enfants des quartiers défavorisés de découvrir le livre ; ses publications<br />

s’adressent à tous, les plus démunis peuvent y prendre la parole.<br />

La lutte contre le chômage mobilise une multitude d’associations, regroupées ou non au sein de collectifs - Un Travail<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 15/27<br />

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pour Chacun (UTC) refuse la fatalité et recherche les gisements d’activités, AC ! Agir contre<br />

le chômage revendique le droit à l’emploi et à un salaire décent pour tous, 4 jours - Nouvel<br />

Equilibre revendique la semaine de 4 jours qui serait génératrice d’emplois -. La liste des groupes<br />

et des remèdes proposés est innombrable.<br />

Les professionnels de la santé, bénévoles ou non, sont confrontés aux conséquences physiologiques de<br />

toute cette misère et de toutes ces angoisses. Les Missions France de Médecins du Monde voient le nombre<br />

des malades qui ne bénéficient d’aucune protection sociale augmenter d’année en année. Cette population est de<br />

plus en plus jeune, essentiellement masculine. «Les pathologies rencontrées dans les consultations ne diffèrent pas de<br />

celles rencontrées dans une consultation de médecine générale. Les dermatoses dues aux conditions d’hygiène précaire, les<br />

pathologies de la sphère ORL, sont légèrement plus nombreuses, mais s’expliquent par le mode de vie de cette population.<br />

Par contre, tous nos consultants ou presque expriment un mal-être, une plainte, une révolte parfois, devant les conditions de<br />

vie qui sont les leurs, qui est bien souvent, le motif principal de leur demande de soins.» (Docteur B.Canguilhem, Mission de<br />

France Strasbourg)<br />

Les «formes de travail dit «précaire» (contrat à durée déterminée, intérim) s’accompagnent [aussi] d’une plus grande<br />

vulnérabilité sur le plan physique et psychique ». C’est ce que révèle l’enquête «Précarité-santé-travail» commandée en 1996<br />

par la Direction des relations du travail en vue de la préparation de la loi de lutte contre les exclusions. Or, à l’heure actuelle,<br />

« plus de 80% des employés de santé, 70% des employés de bureau et 65% des ouvriers sont recrutés sur des emplois à statut<br />

précaire.»<br />

On voit bien, dans ce bref survol du malheur, que, à moins de se détourner des nombreux textes solennellement ratifiés par<br />

nos collectivités, et de laisser mourir les pauvres au bord du chemin, la détresse a un coût, matériel et moral. Les organismes<br />

caritatifs - et particulièrement ATD Quart-Monde - le savent bien qui ont pesé de tout leur poids pour obtenir que les<br />

multiples actions publiques et privées soient prises en charge dans un grand texte qui traiterait de l’être humain dans sa<br />

totalité. La charité pèse sur le politique, et les revendications deviennent des lois.<br />

En France, le 29 juillet 1998, le Président de la République, le Premier ministre, la ministre de l’emploi et de la solidarité, la<br />

garde des sceaux, ministre de la justice, le ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, le ministre de<br />

l’intérieur, le ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le ministre de l’équipement, des transports et du logement,<br />

la ministre de la culture et de la communication, le ministre de l’agriculture et de la pêche, la ministre de la jeunesse et des<br />

sports, la ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire, le secrétaire d’Etat à la santé, le secrétaire d’Etat à l’outremer,<br />

le secrétaire d’Etat au budget, la secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l’artisanat, le<br />

secrétaire d’Etat au logement ont signé la loi d’orientation relative à la lutte contre les exclusions. Ce document de 47 pages touche<br />

au travail, au logement, à la santé, à l’éducation et à la culture, à l’exercice de la citoyenneté. Il prend en compte l’individu dans<br />

son ensemble et dans sa durée. Il mobilise « l’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics dont les centres<br />

communaux et intercommunaux d’action sociale, les organismes de sécurité sociale ainsi que les institutions sociales et<br />

médico-sociales [pour] la mise en œuvre de ces principes ».<br />

Il est destiné non seulement à combattre les exclusions, mais aussi à les prévenir en informant « chacun de la nature et<br />

de l’étendue de ses droits [en l’aidant], éventuellement par un accompagnement personnalisé, à accomplir les démarches<br />

administratives ou sociales nécessaires à leur mise en œuvre dans les délais les plus rapides.»<br />

Les plus hautes instances politiques entérinent ainsi la volonté solennelle d’inclure les plus démunis dans la vie institutionnelle,<br />

de les reconnaître comme faisant partie de la Nation, et de les protéger par la loi.<br />

CONCLUSION<br />

Qu’est-ce qu’être pauvre à l’aube du IIIéme millénaire ? La mondialisation, les bouleversements technologiques ont changé<br />

toutes les données des sociétés. Ils ont aggravé le chômage et la précarité. L’horreur économique, ce cri de colère de Viviane<br />

Forrester, s’est vendu à plus de 300 000 exemplaires. Or, que clame-t-elle ? « Nous vivons au sein d’un leurre magistral, d’un<br />

monde disparu que nous nous acharnons à ne pas reconnaître tel, et que des politiques artificielles prétendent perpétuer.» Ce<br />

leurre c’est «notre tabou le plus sacré : le travail. […] Quand prendrons-nous conscience qu’il n’y a pas de crise, ni de crises,<br />

mais une mutation ? Non celle d’une société, mais celle, très brutale d’une civilisation ? […] des millions de personnes sont<br />

mises entre parenthèses, ont droit pour un temps indéfini … à la misère ou à sa menace plus ou moins rapprochée.<br />

«Les marchés peuvent choisir leurs pauvres dans des circuits élargis ; le catalogue s’enrichit, car il y existe désormais<br />

des pauvres pauvres et des pauvres riches. Et il en existe- on en découvre toujours - d’encore plus pauvres, moins difficiles,<br />

moins «exigeants». Pas exigeants du tout. Des soldes fantastiques. Des promotions partout. Le travail est pour rien si on sait<br />

voyager.»<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 16/27<br />

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En Europe, le chômage touche officiellement entre dix-huit et vingt millions de<br />

personnes et sans doute beaucoup plus. Ken Coates, député européen travailliste, membre de<br />

la Commission des affaires sociales et de l’emploi affirme que l’Union européenne pourrait créer<br />

environ quinze millions d’emplois, mais qu’il y manque la volonté politique, en particulier du Conseil<br />

des ministres, donc des Etats-membres.<br />

La colère, donc, ne suffit pas. A la suite de la charge polémique, des économistes, des sociologues, mais aussi<br />

des associations et des groupes plus ou moins organisés jettent un regard neuf sur la répartition et l’organisation du<br />

travail et sur ces marchés financiers sans foi ni loi. Ils proposent des mesures, ils exigent l’intervention des institutions,<br />

et la crise mondiale venant se rajouter à la misère «ordinaire», il faudra bien que les politiques prennent ces exigences en<br />

charge, et que les Etats s’en mêlent. La loi ne peut pas tout mais elle légitime l’action et la conforte.<br />

ANNEXE :<br />

***<br />

Extraits de la loi n°98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions.<br />

Article 1er.<br />

La lutte contre les exclusions est un impératif national fondé sur le respect de l’égale dignité de tous les êtres humains et<br />

une priorité de l’ensemble des politiques publiques de la nation.<br />

La présente loi tend à garantir sur l’ensemble du territoire l’accès effectif de tous aux droits fondamentaux dans les<br />

domaines de l’emploi, du logement, de la protection de la santé, de la justice, de l’éducation, de la formation et de la culture,<br />

de la protection de la famille et de l’enfance.<br />

L’Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics dont les centres communaux et intercommunaux d’action<br />

sociale, les organismes de sécurité sociale ainsi que les institutions sociales et médico-sociales participent à la mise en œuvre<br />

de ces principes.<br />

Ils poursuivent une politique destinée à connaître, à prévenir et à supprimer toutes les situations pouvant engendrer des<br />

exclusions.<br />

Ils prennent les dispositions nécessaires pour informer chacun de la nature et de l’étendue de ses droits et pour l’aider,<br />

éventuellement par un accompagnement personnalisé, à accomplir les démarches administratives ou sociales nécessaires à<br />

leur mise en œuvre dans les délais les plus rapides.<br />

Les entreprises, les organisations professionnelles ou interprofessionnelles, les organisations syndicales de salariés<br />

représentatives, les organismes de prévoyance, les groupements régis par le code de la mutualité, les associations qui œuvrent<br />

notamment dans le domaine de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion, les citoyens ainsi que l’ensemble des acteurs de<br />

l’économie solidaire et de l’économie sociale concourent à la réalisation de ces objectifs.<br />

Code du travail.<br />

Article 4.<br />

Tout chômeur âgé de seize à vingt-cinq ans ou tout chômeur de longue durée ou rencontrant des difficultés d’insertion<br />

professionnelle a le droit à un accueil, un bilan de compétences et une action d’orientation professionnelle afin de bénéficier d’un<br />

nouveau départ sous forme d’une formation, d’un appui individualisé ou d’un parcours vers l’emploi ou la reprise d’entreprise.<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 17/27<br />

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Article 5.<br />

[ … ] Les actions d’accompagnement personnalisé et renforcé comprennent notamment des<br />

mesures concernant la lutte contre l’illettrisme, l’acquisition accélérée d’une expérience professionnelle,<br />

l’orientation et la qualification, et sont assorties, si nécessaire, de toute autre action, notamment culturelle et<br />

sportive. Elles visent également à assurer l’égalité d’accès des jeunes gens et des jeunes filles à ces actions et la<br />

mixité des emplois.<br />

Article 11<br />

I. - L’article L.322-4-16 du code du travail est ainsi rédigé :<br />

« Art. L.322-4-16 - I - L’insertion par l’activité économique a pour objet de permettre à des personnes sans emploi,<br />

rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, de bénéficier de contrats de travail en vue de faciliter leur<br />

insertion sociale et professionnelle. Elle met en œuvre des modalités spécifiques d’accueil et d’accompagnement. […]. »<br />

Article 16<br />

Il est inséré, dans le code du travail, trois articles L.322-4-16-4 à L.322-4-16-6 ainsi rédigés :<br />

« Art. L.322-4-16-4. - Il est institué dans chaque département un conseil départemental de l’insertion par l’activité économique,<br />

présidé par le représentant de l’Etat dans le département, composé de représentants de l’Etat, des collectivités territoriales,<br />

des organisations professionnelles ou interprofessionnelles, des organisations syndicales de salariés représentatives et de<br />

personnes qualifiées, notamment issues du mouvement associatif. […]. »<br />

Le livre IX du code du travail est ainsi modifié :<br />

1° L’article L.900-6 devient l’article L.900-7<br />

2° Il est inséré un article L.900-6 ainsi rédigé :<br />

Article 24<br />

« Art. L.900-6. - La lutte contre l’illettrisme fait partie de l’éducation permanente. L’Etat, les collectivités territoriales, les<br />

établissements publics, les établissements d’enseignement publics et privés, les associations, les organisations professionnelles,<br />

syndicales et familiales, ainsi que les entreprises y concourent chacun pour leur part. »<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 18/27<br />

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Accès au logement.<br />

Mise en oeuvre du droit au logement.<br />

Article 33<br />

L’article 4 de la loi n°90-449 du 31 mai 1990 précitée est ainsi rédigé :<br />

« Art.4. - Le plan départemental est établi à partir d’une évaluation qualitative et quantitative des besoins. A cet effet, il<br />

précise les besoins résultant de l’application de l’article 1er en distinguant les situations des personnes ou des familles dont<br />

la difficulté d’accès ou de maintien dans un logement provient de difficultés financières ou du cumul de difficultés financières<br />

et de difficultés d’insertion sociale. »<br />

« Il doit accorder une priorité aux personnes et familles sans aucun logement ou menacées d’expulsion sans relogement<br />

ou logées dans des taudis, des habitations insalubres, précaires ou de fortune, ainsi qu’à celles qui sont confrontées à un cumul<br />

de difficultés. »<br />

Article 36<br />

L’article 6 de la loi n°90-449 du 31 mai 1990 précitée est ainsi modifié :<br />

3° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :<br />

« Les aides accordées par le fonds pour l’accès au logement ne peuvent être soumises à aucune condition de résidence<br />

préalable dans le département. »<br />

Accroissement de l’offre de logement<br />

Article 47<br />

Il est inséré, après l’article L.442-6 du code de la construction et de l’habitation, un article L.442-6-4 ainsi rédigé :<br />

« Art. L.442-6-4. - […] A compter de la publication de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre<br />

les exclusions, les locataires concernés peuvent en application des dispositions précédentes renoncer à l’usage d’une aire de<br />

stationnement. Dans cette hypothèse, ils bénéficient d’une réduction de loyers et de charges d’un montant correspondant au<br />

prix qui leur était demandé pour la location de l’aire de stationnement considérée.»<br />

« Principes généraux. »<br />

Article 52<br />

Réquisition avec attributaire.<br />

« Art. L.642-1. - Afin de garantir le droit au logement, le représentant de l’Etat dans le département peut réquisitionner,<br />

pour une durée d’un an au moins et de six ans au plus, des locaux sur lesquels une personne morale est titulaire d’un droit<br />

réel conférant l’usage de ces locaux et qui sont vacants depuis dix-huit mois, dans les communes où existent d’importants<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 19/27<br />

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déséquilibres entre l’offre et la demande de logement au détriment de personnes à revenus<br />

modestes et de personnes défavorisées.<br />

La réquisition donne la jouissance des locaux à un attributaire, à charge pour lui de les donner à<br />

bail à des personnes bénéficiaires visées à l’article L.642-5. »<br />

« Art. 642-5. - Les locaux sont donnés à bail aux personnes justifiant de ressources inférieures à un plafond<br />

fixé par décret et désignées par le représentant de l’Etat dans le département en raison de leurs mauvaises<br />

conditions de logement »<br />

Régime des attributions de logements locatifs sociaux<br />

Article 55<br />

Il est inséré, au début du chapitre unique du titre Ier du livre IV du code de la construction et de l’habitation, un article<br />

L.411 ainsi rédigé :<br />

« Art. L.411. - La construction, l’aménagement, l’attribution et la gestion des logements locatifs sociaux visent à améliorer les<br />

conditions d’habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées. Ces opérations participent à la mise en œuvre<br />

du droit au logement et contribuent à la nécessaire mixité sociale des villes et des quartiers.»<br />

Article 56<br />

I. - Les articles L.441-1 à L.441-2-1 du code de la construction et de l’habitation sont remplacés par les articles L.441 à<br />

L.441-2-6 ainsi rédigés :<br />

« Art. L.441. - L’attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement afin de satisfaire<br />

les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées.»<br />

« L’attribution des logements locatifs sociaux doit notamment prendre en compte la diversité de la demande constatée<br />

localement ; elle doit favoriser l’égalité des chances des demandeurs et la mixité sociale des villes et des quartiers.»<br />

Accès aux soins<br />

Article 67<br />

L’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies constitue un objectif prioritaire de la politique de la<br />

santé.<br />

Les programmes de santé publique mis en œuvre par l’Etat ainsi que par les collectivités territoriales et les organismes<br />

d’assurance maladie prennent en compte les difficultés spécifiques des personnes les plus démunies.<br />

Article 70<br />

Dans un délai d’un an, le Gouvernement présentera au Parlement un rapport sur le rôle de la médecine scolaire dans<br />

la politique de prévention et les conditions de son renforcement pour améliorer le suivi médical des enfants scolarisés,<br />

notamment dans les zones où le recours aux soins est insuffisant.<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 20/27<br />

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Article 71<br />

Il est établi, dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse, un programme régional<br />

pour l’accès à la prévention et aux soins des personnes les plus démunies, dont l’élaboration et la mise<br />

en œuvre sont coordonnées par le représentant de l’Etat dans la région ou le représentant de l’Etat dans la<br />

collectivité territoriale de Corse.<br />

Ce programme est établi à partir d’une analyse préalable, dans chaque département, de la situation en matière d’accès aux<br />

soins et à la prévention des personnes démunies.<br />

[…] Il s’attache à définir des actions pour lutter contre les pathologies aggravées par la précarité ou l’exclusion sous<br />

toutes leurs formes, notamment les maladies chroniques, les dépendances à l’alcool, à la drogue ou au tabac, les souffrances<br />

psychiques, les troubles du comportement et les déséquilibres nutritionnels.<br />

Article 72<br />

I. - L’article 1er de la loi n°75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est complété par un<br />

6° ainsi rédigé :<br />

« 6° Assurent des soins ambulatoires et des actions d’accompagnement social et de réinsertion en faveur des personnes<br />

présentant une consommation d’alcool à risque ou nocive, ou atteintes de dépendance alcoolique. »<br />

II. - Après le 8e de l’article 3 de la même loi, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :<br />

« 9° Centres assurant, en cure ambulatoire, des soins et des actions d’accompagnement social et de réinsertion à l’égard<br />

des personnes présentant une consommation d’alcool à risque ou nocive, ou atteintes de dépendance alcoolique. »<br />

« […] ainsi qu’en faveur de leur famille. »<br />

Article 73<br />

I. - Après le 6° de l’article L.711-3 du code de la santé publique, il est inséré un 7° ainsi rédigé :<br />

« 7° A la lutte contre l’exclusion sociale, en relation avec les autres professions et institutions compétentes en ce domaine,<br />

ainsi que les associations qui œuvrent dans le domaine de l’insertion et de la lutte contre l’exclusion, dans une dynamique de<br />

réseaux.»<br />

II. - Après les mots : « continuité de ces soins », la fin du cinquième alinéa de l’article L.711-4 du même code est ainsi<br />

rédigée : « en s’assurant qu’à l’issue de leur admission ou de leur hébergement, tous les patients disposent des conditions<br />

d’existence nécessaires à la poursuite de leur traitement. A cette fin, ils orientent les patients sortants ne disposant pas de<br />

telles conditions d’existence vers des structures prenant en compte la précarité de leur situation. »<br />

Article 76<br />

Après l’article L.711-7 du code de la santé publique est inséré un article L.711-7-1 ainsi rédigé :<br />

« Art.711-7-1 - […] les établissements publics de santé et les établissements de santé privés participant au service public<br />

hospitalier mettent en place des permanences d’accès aux soins de santé, qui comprennent notamment des permanences<br />

d’orthogénie, adaptées aux personnes en situation de précarité, visant à faciliter leur accès au système de santé et à les<br />

accompagner dans les démarches nécessaires à la reconnaissance de leurs droits. Ils concluent avec l’Etat des conventions<br />

prévoyant, en cas de nécessité, la prise en charge des consultations externes, des actes diagnostiques et thérapeutiques ainsi<br />

que des traitements qui sont délivrés gratuitement à ces personnes. »<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 21/27<br />

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Exercice de la citoyenneté<br />

Article 80<br />

I. - Il est inséré, dans le code général des impôts, un article 951 bis ainsi rédigé :<br />

« Art.951 bis. - Les cartes nationales d’identité délivrées aux personnes dont les ressources ne dépassent pas le montant<br />

du revenu minimum prévu à l’article 3 de la loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion et<br />

qui n’ont pas la possibilité d’apporter la preuve d’un domicile ou d’une résidence dont elles seraient propriétaires ou occupant<br />

ou auxquelles la loi n’a pas fixé une commune de rattachement sont exonérées du droit de timbre prévu au c de l’article 947,<br />

sur production d’une attestation établissant le lien entre le demandeur et un organisme d’accueil figurant sur une liste établie<br />

par le représentant de l’Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police. »<br />

Article 81<br />

I. - La section 1 du chapitre II du titre Ier du livre Ier du code électoral est complétée par un article L.15-1 ainsi rédigé :<br />

« Art. L.15-1. - Les citoyens qui ne peuvent fournir la preuve d’un domicile ou d’une résidence et auxquels la loi n’a pas fixé<br />

une commune de rattachement sont, sur leur demande, inscrits sur la liste électorale de la commune où est situé l’organisme<br />

d’accueil agréé :<br />

- dont l’adresse figure depuis au moins six mois sur leur carte nationale d’identité<br />

- ou qui leur a fourni une attestation établissant leur lien avec lui depuis au moins six mois.»<br />

II. - L’article L.18 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :<br />

« Toutefois, pour les électeurs mentionnés à l’art. L.15-1, l’indication du domicile ou de la résidence est remplacée par celle<br />

de l’adresse de l’organisme d’accueil au titre duquel ils ont été inscrits sur la liste électorale. »<br />

Article 82<br />

Le dernier alinéa de l’article 13 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est complété par deux phrases<br />

ainsi rédigées :<br />

« S’il n’a pas de domicile le demandeur peut adresser sa demande au bureau d’aide juridictionnelle établi au siège de la<br />

juridiction dans le ressort de laquelle se trouve l’organisme d’accueil choisi par lui. Pour les besoins de la procédure d’aide<br />

juridictionnelle, le demandeur est réputé domicilié audit organisme d’accueil. »<br />

De la prévention des exclusions.<br />

Procédure de traitement des situations de surendettement.<br />

Article 87<br />

L’article L.331-2 du code de la consommation est complété par un alinéa ainsi rédigé :<br />

« Le montant des remboursements […] est fixé, dans des conditions précisées par décret, par référence à la quotité<br />

saisissable du salaire telle qu’elle résulte de l’art. L.145-2 du code du travail, de manière à ce qu’une partie des ressources<br />

nécessaire aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée par priorité. Cette part de ressources, qui ne peut être<br />

inférieure à un montant égal au revenu minimum d’insertion dont disposerait le ménage, est mentionnée dans le plan<br />

conventionnel de redressement […].»<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 22/27<br />

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Article 89<br />

Le débiteur est entendu à sa demande par la commission (voir art. 86). Celle-ci peut également<br />

entendre toute personne dont l’audition lui paraît utile, sous réserve que celle-ci intervienne à titre<br />

gratuit.<br />

Mesures relatives au maintien dans le logement.<br />

Prévention des expulsions<br />

Article 114<br />

« A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence de<br />

l’huissier de justice au représentant de l’Etat dans le département, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception,<br />

au moins deux mois avant l’audience, afin qu’il saisisse, en tant que de besoin, les organismes dont relèvent les aides au<br />

logement, le Fonds de solidarité pour le logement ou les services sociaux compétents.<br />

Le juge peut, même d’office, accorder des délais de paiement, dans les conditions prévues aux articles 1244-1 (premier<br />

alinéa) et 1244-2 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative. »<br />

Article 117<br />

I. - L’article 62 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution est ainsi modifié :<br />

« Le juge qui ordonne l’expulsion ou qui, avant la délivrance du commandement d’avoir à libérer les locaux mentionné à<br />

l’article 61 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d’exécution, statue sur une demande<br />

de délais présentée sur le fondement des articles L.613-1 et L.613-2 peut, même d’office, décider que l’ordonnance ou le<br />

jugement sera transmis, par les soins du greffe, au représentant de l’Etat dans le département, en vue de la prise en compte<br />

de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes<br />

défavorisées […] ».<br />

Mesures d’urgence contre le saturnisme<br />

Amélioration des conditions de vie et d’habitat<br />

Article 123<br />

Art. L.32-1. - Tout médecin qui dépiste un cas de saturnisme chez une personne mineure doit, après information de la<br />

personne exerçant l’autorité parentale, le porter à la connaissance, sous pli confidentiel, du médecin du service de l’Etat dans<br />

le département compétent en matière sanitaire et sociale qui en informe le médecin responsable du service départemental<br />

de la protection maternelle et infantile […].<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 23/27<br />

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Moyens d’existence<br />

Article 127<br />

Après l’article L.351-10 du code du travail, il est inséré un article L.351-10bis, ainsi rédigé:<br />

« L’allocation d’insertion prévue à l’article L.351-9 et l’allocation de solidarité spécifique prévue à l’article L.351-10<br />

sont incessibles et insaisissables. […].»<br />

Article 133<br />

Dans le cadre de la mise en œuvre du droit au transport, une concertation entre l’Etat, les régions, les départements, les<br />

communes, les associations pour l’emploi dans l’industrie et le commerce et les directeurs d’entreprise de transport sera<br />

engagée, dans un délai de six mois après la promulgation de la présente loi, sur la mise en œuvre de mécanismes d’aide aux<br />

chômeurs en fin de droits et aux demandeurs d’emploi de moins de vingt-six ans leur permettant l’accès aux transports<br />

collectifs.<br />

Article 134<br />

L’article 3 de la loi n° 75-535 du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales est complété par deux<br />

alinéas ainsi rédigés :<br />

« En vue d’assurer le respect du droit à une vie familiale des membres des familles accueillies dans les établissements<br />

ou services mentionnés aux 1° et 8° ci-dessus, ces établissements ou services doivent rechercher une solution évitant la<br />

séparation de ces personnes ou, si une telle solution ne peut être trouvée, établir, de concert avec les personnes accueillies,<br />

un projet propre à permettre leur réunion dans les plus brefs délais, et assurer le suivi de ce projet jusqu’à ce qu’il aboutisse.<br />

[…]. »<br />

Article 136<br />

La loi n° 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertion est ainsi modifiée :<br />

1° L’article 43-5 est ainsi rédigé :<br />

« Art. 43-5. - Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières du fait d’une situation de précarité a droit<br />

à une aide de la collectivité pour accéder ou pour préserver son accès à une fourniture d’eau, d’énergie et de services<br />

téléphoniques.[…].»<br />

Article 138<br />

I. - Il est inséré, dans le code général des collectivités territoriales, un article L.1611-6 ainsi rédigé :<br />

« Art. L.1611-6. - Dans le cadre des actions sociales qui concernent notamment l’alimentation, l’hygiène, l’habillement<br />

et les transports, des actions éducatives, culturelles, sportives ou de loisirs qu’elles mènent, à l’exclusion de l’aide sociale<br />

légale, les collectivités territoriales, les établissements publics de coopération intercommunale, les centres communaux et<br />

intercommunaux d’action sociale et les caisses des écoles peuvent remettre aux personnes qui rencontrent des difficultés<br />

sociales des titres dénommés «chèque d’accompagnement personnalisé» pour acquérir des biens ou services dans les<br />

catégories définies par la collectivité ou l’établissement public.<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 24/27<br />

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Les personnes à qui des chèques d’accompagnement personnalisé sont remis peuvent<br />

acquérir, à hauteur du montant figurant sur sa valeur faciale, auprès d’un réseau de prestataires,<br />

les biens, produits ou services prévus sur le chèque, à l’exclusion de tout remboursement en<br />

numéraire, total ou partiel.[…]. »<br />

Droit à l’égalité des chances par l’éducation et la culture.<br />

Article 140<br />

L’égal accès de tous, tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux loisirs constitue un objectif<br />

national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la citoyenneté.<br />

La réalisation de cet objectif passe notamment par le développement, en priorité dans les zones défavorisées, des activités<br />

artistiques, culturelles et sportives, la promotion de la formation dans le secteur de l’animation et des activités périscolaires<br />

ainsi que des actions de sensibilisation des jeunes fréquentant les structures de vacances et de loisirs collectifs. Elle passe<br />

également par le développement des structures touristiques à caractère social et familial et l’organisation du départ en<br />

vacances des personnes en situation d’exclusion.<br />

L’Etat, les collectivités territoriales, les organismes de protection sociale, les entreprises et les associations contribuent à<br />

la réalisation de cet objectif. […]<br />

Article 142<br />

I. - Il est inséré, après le deuxième alinéa de l’article 1er de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d’orientation sur l’éducation,<br />

deux alinéas ainsi rédigés :<br />

« Pour garantir ce droit [à l’éducation], la répartition des moyens du service public de l’éducation tient compte des<br />

différences de situations objectives, notamment en matière économique et sociale.<br />

« Elle a pour objet de renforcer l’encadrement des élèves dans les écoles et établissements d’enseignement situés dans<br />

des zones d’environnement social défavorisé et des zones d’habitat dispersé, et de permettre de façon générale aux élèves en<br />

difficulté de bénéficier d’action de soutien individualisé. »<br />

II. - Après la deuxième phrase du cinquième alinéa de l’article 1er de la même loi, il est inséré une phrase ainsi rédigée :<br />

« Ils assurent une formation à la connaissance et au respect des droits de la personne ainsi qu’à la compréhension des<br />

situations concrètes qui y portent atteinte. »<br />

III. - L’avant-dernier alinéa de l’article 1er de la même loi est complété par deux phrases ainsi rédigées :<br />

« Elles visent notamment à favoriser, pendant le temps libre des élèves, leur égal accès aux pratiques culturelles et sportives<br />

et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les établissements scolaires veillent, dans l’organisation<br />

des activités périscolaires à caractère facultatif, à ce que les ressources des familles ne constituent pas un facteur discriminant<br />

entre les élèves. »<br />

Article 143<br />

Après l’article 21 de la loi n°89-486 du 10 juillet 1989 précitée, il est inséré un article 21 bis ainsi rédigé :<br />

« Art.21 bis. - Le comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté présidé par le chef d’établissement a pour mission<br />

d’apporter un appui aux acteurs de la lutte contre l’exclusion. »<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 25/27<br />

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« Ce comité a pour mission de renforcer sur le terrain les liens entre l’établissement<br />

d’enseignement, les parents les plus en difficulté et les autres acteurs de la lutte contre l’exclusion.<br />

En liaison avec les axes du projet d’établissement, approuvés par le conseil d’administration, il<br />

contribue à des initiatives en matière de lutte contre l’échec scolaire, d’améliorations des relations<br />

avec les familles, en particulier les plus démunies, de médiation sociale et culturelle et de prévention des<br />

conduites à risque et de la violence. »<br />

Article 149<br />

La lutte contre l’illettrisme constitue une priorité nationale. Cette priorité est prise en compte par le service public de<br />

l’éducation ainsi que par les personnes publiques et privées qui assurent une mission de formation ou d’action sociale. Tous les<br />

services publics contribuent de manière coordonnée à la lutte contre l’illettrisme dans leurs domaines d’action respectifs.<br />

Cette loi est signée, le 29 juillet 1998, par :<br />

Jacques Chirac, Président de la République<br />

Lionel Jospin, Premier ministre,<br />

Martine Aubry, ministre de l’emploi et de la solidarité,<br />

Elisabeth Guigou, garde des sceaux, ministre de la justice,<br />

Claude Allègre, ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, Jean-Pierre Chevènement, ministre<br />

de l’intérieur,<br />

Dominique Strauss-Kahn, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, Jean-Claude Gayssot, ministre de l’équipement,<br />

des transports et du logement,<br />

Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication,<br />

Louis Le Pensec, ministre de l’agriculture et de la pêche,<br />

Marie-George Buffet ministre de la jeunesse et des sports,<br />

Ségolène Royal, ministre déléguée chargée de l’enseignement scolaire,<br />

Bernard Kouchner, secrétaire d’Etat à la santé,<br />

Jean-Jack Queyranne, secrétaire d’Etat à l’outre-mer,<br />

Christian Sautter, secrétaire d’Etat au budget,<br />

Marylise Lebranchu, secrétaire d’Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l’artisanat,<br />

Louis Besson, secrétaire d’Etat au logement.<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 26/27<br />

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1996.<br />

BIBLIOGRAPHIE :<br />

- Cépède Michel, Gounel de Pontanel Hugues, Autret Marcel : La faim, Que sais-je ? PUF, 1983.<br />

- Damon Julien, Les SDF, La documentation française, Problèmes politiques et sociaux, n° 770, 19 juillet<br />

- Delort Robert, La vie au Moyen Âge, Seuil, Points Histoire, 1981.<br />

- Eleb-Vidal Monique, avec Anne Debarre-Blanchard, Architectures de la vie privée. Maisons et mentalités. XVIIe - XIXe siècles.<br />

Bruxelles, Archives d’architecture moderne, 1989.<br />

- Faraut François, Histoire de La Belle Jardinière, Belin, 1987.<br />

- Flandrin Jean-Louis, Montanari Massimo (sous la direction de), Histoire de l’alimentation, Fayard, 1996.<br />

- Forrester Viviane, L’horreur économique, Fayard, 1996.<br />

- Goglin Jean-Louis, Les misérables dans l’Occident médiéval, Seuil, Points Histoire, 1976.<br />

- J. Isaac et A. Lesaffre, Histoire, Classes de 4e de l’enseignement technique, Hachette, 1952.<br />

- Léon Pierre (sous la direction de), Histoire économique et sociale du monde, A. Colin, 1977.<br />

Tome 1 L’ouverture du monde, XIVe XVIe siècles, B. Benassar, Pierre Chaunu.<br />

Tome 2 Les hésitations de la croissance 1580-1730, Pierre Deyon, Jean Jacquart.<br />

Tome 3 Inerties et révolutions 1730-1840, Louis Bergeron.<br />

Tome 4 La domination du capitalisme 1840-1914, Gilbert Garrier.<br />

Tome 5 Guerres et crises 1914 - 1947, Georges Dupeux.<br />

Tome 6 Le second XXe siècle, de 1947 а nos jours, Pierre Léon.<br />

- Milano Serge, La lutte contre la pauvreté, La documentation française, Problèmes politiques et sociaux, n° 751, 7 juillet 1995.<br />

- Murard L., Zylbermann P., Le petit travailleur infatigable ou le prolétaire régénéré. Villes - usines, habitat et intimité au XIXe<br />

siècle, Recherches, Fontenay-sous-Bois, 1976.<br />

- P- errot Philippe, Les dessus et les dessous de la bourgeoisie. Une histoire du vêtement au XIXe siècle, Fayard, 1981.<br />

- Procacci Giovanna, Gouverner la misère. La question sociale en France 1789 -1848, Seuil, L’univers historique, 1993.<br />

- Revue Quart Monde, Vaincre l’exclusion, Travaillés par le travail, février 1997, n° 161.<br />

<strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> est Présidente d’honneur d’Espaces Dialogues.<br />

<strong>LA</strong> <strong>NOTION</strong> <strong>DE</strong> <strong>PAUVRETÉ</strong> <strong>DANS</strong> <strong>LE</strong> <strong>TEMPS</strong> <strong>Liliane</strong> <strong>AMOUDRUZ</strong> — 2e trim. 2009 p 27/27<br />

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