Notre-Dame de l'Epine, le monument de 1543 ... - PATZINAKIA

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Corneliu Dragomirescu miraculeuses ; le plus souvent il s’agit d’une statue représentant la Vierge 90 . Il est à noter qu’en général ce sont des Vierges déjà connues pour leurs pouvoirs miraculeux qui sont à l’origine du répit 91 . À L’Épine, cette pratique est attestée dès le XV e siècle 92 . Au cours du XV e siècle, les informations concernant un possible lieu d’exposition font défaut mais, à partir du XVII e siècle, ce lieu est mentionné et il s’agit de l’autel de la sainte Vierge. Des informations orales reprises par Barat permettent de préciser l’endroit où les parents plaçaient l’enfant, soit « sur le marchepied de l’autel de la sainte Vierge » 93 . Si aucun miracle n’est mentionné au XVI e siècle, cette pratique a du continuer en dépit des statuts synodaux châlonnais de 1557 la condamnant 94 . Le monument aurait pu être en rapport avec cette pratique car certains éléments soutiennent cette hypothèse : - même si les autorités font tout pour éviter la proximité des corps avec les reliques, elles jouent souvent un rôle essentiel, à coté des images. Ainsi à Mont-Saint-Vincent (Bourgogne), les enfants sont placés sur l’autel devant une relique insigne de la Sainte Croix 95 . On a vu l’importance de cette relique à L’Épine ; elle aurait pu avoir un poids encore plus grand que la dévotion à la Vierge. L’Épine possédait une image de sainte Barbe, laquelle est invoquée dans une affaire de répit à Cuperly 96 . - à L'Épine, en face du monument, se trouvent les chapelles Saint-Claude et Saint-Nicolas, deux saints invoqués pour ressusciter les enfants 97 . La dédicace de ces autels, fortement remaniés au XIX e siècle, date de 1542, soit un an avant le début de la construction du monument. Il y a donc une certaine cohérence. 90 Ibid., p. 135. 91 Ibid., p. 136. 92 La chronologie des événements connus est la suivante : 1441 : L’official de Châlons condamne le curé Pierre Robert a une amende de 20 livres pour avoir reconnu des miracles à répit (« super assertione miraculorum eventorum in ecclesia de Spina de abortivis »). Cf. Registre de l’officialité, Arch. dép. Marne, G 297, f° 11. 1445 : les lettres patentes de Charles VII parlent des « grands miracles » qui sont faits en l’honneur de la Vierge Marie – il pourrait s’agir d’une éventuelle référence aux miracles à répits. 1641 : le 15 août, un enfant de Cernon-sur-Coole est exposé devant l’autel de la sainte Vierge. Il donne des signes évidents de vie et il est baptisé par Samuel Hacquin, aumônier du roi. Registre de l’officialité, Arch. dép. Marne, I, f° 9v°. 1788 : le 17 septembre Pierre Collard, recteur d’école de la paroisse, baptise un enfant mort-né, « après avoir donné sur l’autel de la Sainte Vierge plusieurs signes de vie ». Jacques Gélis, Les enfants des limbes …, op. cit., p. 84. Voir Barat, Notre-Dame de l'Épine…, op. cit., qui reprend le récit existant dans le registre de la paroisse. 93 Gélis, Les enfants des limbes …, op. cit., p. 84. 94 Voir l’article de Véronique Beaulande dans le présent volume. 95 Gélis, Les enfants des limbes…, op. cit., p. 100. 96 Beaulande, op. cit. 97 Dans l’église du village de Bouchon-sur-Saulx, à 5 km de Savonnières, se trouve une statue de Notre-Dame de l'Épine, assise et couronnée, datant du XVe siècle. Elle provient d'une chapelle détruite, attestée aussi comme lieu de répits. À la sortie du village se trouve un calvaire en pierre érigé au début du XIXe siècle portant les figures de saint Claude et de saint Nicolas. 172

Notre-Dame de l’Epine, le monument de 1543: Usages, transformations, enjeux - on essaye souvent de stimuler le petit corps à donner des signes. Ainsi, à Châtillon, (Vaud), on dépose des charbons ardents dans une excavation ménagée sous la pierre sur laquelle l’enfant est exposé, pour que la chaleur le ranime 98 . À L’Épine cela aurait pu être fait, dans le coffre creusé sous la plaque de pierre de l’édifice. Enfin, devant les sanctuaires à répit on prie avec ferveur et on récite les Litanies de la Vierge 99 - dont on retrouve les symboles dans la fresque du monument. Elle pourrait ainsi être une sorte de sublimation d'une pratique de culte à la Vierge jugée trop excessive et ramené à une dimension plus « raisonnable » par les autorités catholiques. Germaine Maillet interprète la peinture comme « servant de commentaire à la Vierge au buisson ardent d’épines » 100 . Si les miracles à répit ont eu lieu à une certaine date dans le monument, la fresque de la Vierge ne gênerait pas du tout, au contraire. La mise en place de la fresque se fait dans le contexte post-tridentin, époque d’un nouvel essor pour les sanctuaires à répit et d’une multiplication des images miraculeuses 101 . Elle se traduit comme un dédoublement de la présence, très forte, de la statue et enrichit cet espace très important qu’est le monument, à une époque d’essor du culte de la Vierge 102 . À partir du XVII e siècle, les miracles à répits attestés ont lieu devant la statue qui est sous le jubé. On approche ainsi de la fin de notre parcours. En revenant rapidement sur les grandes étapes dans la vie du monument, on peut retenir les éléments suivants : - il y a eu un modèle d’origine prestigieux, influencé aussi par les sépulcres monumentaux, qui a été adapté aux nécessités du lieu autour de 1543 pour accueillir et montrer aux fidèles, à des fins dévotionnelles, des reliques de grande importance pour la basilique, comme la relique de la Vraie Croix. - les importants changements religieux que constituent la Réforme et la Contre-Réforme se sont traduits par le renforcement et une forte promotion du culte de la Vierge, lequel investit aussi cet espace prestigieux qu’est le monument. - il y a ensuite un repli sur la fonction de conservation. Le monument devient trésor et reste fermé aux laïcs, lelerinage perdant de son importance pour revenir autour d’un culte secondaire dans le courant du XIX e siècle. Ainsi, plusieurs fonctions se succèdent et se chevauchent aussi partiellement au fil du temps. Pour éclairer pleinement ce parcours, pour confirmer ou infirmer les hypothèses tissées autour, des textes malheureusement manquants seraient indispensables. Mais aussi, idéalement parlant, des 98 Gélis, Les enfants des limbes…, op. cit., p. 98. 99 Ibid. Voir aussi le cas du répit de 1641. Cf. Registre de l’officialité, A.D. Marne, I, f° 9v°. 100 Maillet, Le tabernacle-reliquaire…, op. cit., p. 6. 101 Gélis, Les enfants des limbes…, op. cit., p. 138. 102 Ce dédoublement se retrouve aussi avec l’image peinte sur le dos de l’autel de la Vierge au XVIIIe siècle, aujourd’hui dans la chapelle Saint-Sébastien. 173

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miracu<strong>le</strong>uses ; <strong>le</strong> plus souvent il s’agit d’une statue représentant la Vierge 90 .<br />

Il est à noter qu’en général ce sont <strong>de</strong>s Vierges déjà connues pour <strong>le</strong>urs<br />

pouvoirs miracu<strong>le</strong>ux qui sont à l’origine du répit 91 .<br />

À L’Épine, cette pratique est attestée dès <strong>le</strong> XV e sièc<strong>le</strong> 92 . Au cours du<br />

XV e sièc<strong>le</strong>, <strong>le</strong>s informations concernant un possib<strong>le</strong> lieu d’exposition font<br />

défaut mais, à partir du XVII e sièc<strong>le</strong>, ce lieu est mentionné et il s’agit<br />

<strong>de</strong> l’autel <strong>de</strong> la sainte Vierge. Des informations ora<strong>le</strong>s reprises par Barat<br />

permettent <strong>de</strong> préciser l’endroit où <strong>le</strong>s parents plaçaient l’enfant, soit « sur <strong>le</strong><br />

marchepied <strong>de</strong> l’autel <strong>de</strong> la sainte Vierge » 93 . Si aucun mirac<strong>le</strong> n’est<br />

mentionné au XVI e sièc<strong>le</strong>, cette pratique a du continuer en dépit <strong>de</strong>s statuts<br />

synodaux châlonnais <strong>de</strong> 1557 la condamnant 94 . Le <strong>monument</strong> aurait pu être<br />

en rapport avec cette pratique car certains éléments soutiennent cette<br />

hypothèse :<br />

- même si <strong>le</strong>s autorités font tout pour éviter la proximité <strong>de</strong>s corps avec <strong>le</strong>s<br />

reliques, el<strong>le</strong>s jouent souvent un rô<strong>le</strong> essentiel, à coté <strong>de</strong>s images. Ainsi à<br />

Mont-Saint-Vincent (Bourgogne), <strong>le</strong>s enfants sont placés sur l’autel <strong>de</strong>vant<br />

une relique insigne <strong>de</strong> la Sainte Croix 95 . On a vu l’importance <strong>de</strong> cette<br />

relique à L’Épine ; el<strong>le</strong> aurait pu avoir un poids encore plus grand que la<br />

dévotion à la Vierge. L’Épine possédait une image <strong>de</strong> sainte Barbe, laquel<strong>le</strong><br />

est invoquée dans une affaire <strong>de</strong> répit à Cuperly 96 .<br />

- à L'Épine, en face du <strong>monument</strong>, se trouvent <strong>le</strong>s chapel<strong>le</strong>s Saint-Clau<strong>de</strong> et<br />

Saint-Nicolas, <strong>de</strong>ux saints invoqués pour ressusciter <strong>le</strong>s enfants 97 . La<br />

dédicace <strong>de</strong> ces autels, fortement remaniés au XIX e sièc<strong>le</strong>, date <strong>de</strong> 1542, soit<br />

un an avant <strong>le</strong> début <strong>de</strong> la construction du <strong>monument</strong>. Il y a donc une<br />

certaine cohérence.<br />

90 Ibid., p. 135.<br />

91 Ibid., p. 136.<br />

92 La chronologie <strong>de</strong>s événements connus est la suivante :<br />

1441 : L’official <strong>de</strong> Châlons condamne <strong>le</strong> curé Pierre Robert a une amen<strong>de</strong> <strong>de</strong> 20 livres<br />

pour avoir reconnu <strong>de</strong>s mirac<strong>le</strong>s à répit (« super assertione miraculorum eventorum in ecc<strong>le</strong>sia <strong>de</strong><br />

Spina <strong>de</strong> abortivis »). Cf. Registre <strong>de</strong> l’officialité, Arch. dép. Marne, G 297, f° 11.<br />

1445 : <strong>le</strong>s <strong>le</strong>ttres patentes <strong>de</strong> Char<strong>le</strong>s VII par<strong>le</strong>nt <strong>de</strong>s « grands mirac<strong>le</strong>s » qui sont faits<br />

en l’honneur <strong>de</strong> la Vierge Marie – il pourrait s’agir d’une éventuel<strong>le</strong> référence aux mirac<strong>le</strong>s à<br />

répits.<br />

1641 : <strong>le</strong> 15 août, un enfant <strong>de</strong> Cernon-sur-Coo<strong>le</strong> est exposé <strong>de</strong>vant l’autel <strong>de</strong> la sainte<br />

Vierge. Il donne <strong>de</strong>s signes évi<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> vie et il est baptisé par Samuel Hacquin, aumônier du<br />

roi. Registre <strong>de</strong> l’officialité, Arch. dép. Marne, I, f° 9v°.<br />

1788 : <strong>le</strong> 17 septembre Pierre Collard, recteur d’éco<strong>le</strong> <strong>de</strong> la paroisse, baptise un enfant<br />

mort-né, « après avoir donné sur l’autel <strong>de</strong> la Sainte Vierge plusieurs signes <strong>de</strong> vie ». Jacques<br />

Gélis, Les enfants <strong>de</strong>s limbes …, op. cit., p. 84. Voir Barat, <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> l'Épine…, op. cit., qui<br />

reprend <strong>le</strong> récit existant dans <strong>le</strong> registre <strong>de</strong> la paroisse.<br />

93 Gélis, Les enfants <strong>de</strong>s limbes …, op. cit., p. 84.<br />

94 Voir l’artic<strong>le</strong> <strong>de</strong> Véronique Beaulan<strong>de</strong> dans <strong>le</strong> présent volume.<br />

95 Gélis, Les enfants <strong>de</strong>s limbes…, op. cit., p. 100.<br />

96 Beaulan<strong>de</strong>, op. cit.<br />

97 Dans l’église du village <strong>de</strong> Bouchon-sur-Saulx, à 5 km <strong>de</strong> Savonnières, se trouve une statue <strong>de</strong><br />

<strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> l'Épine, assise et couronnée, datant du XVe sièc<strong>le</strong>. El<strong>le</strong> provient d'une chapel<strong>le</strong><br />

détruite, attestée aussi comme lieu <strong>de</strong> répits. À la sortie du village se trouve un calvaire en<br />

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