Notre-Dame de l'Epine, le monument de 1543 ... - PATZINAKIA

Corneliu Dragomirescu
L’usure des marches de la porte est à mettre en rapport avec celle de la base
de la clôture du chœur contiguë. Sans doute les deux sont très anciennes.
Elles sont de plus comparables dans leurs dimensions (environ 2 cm.). Si cela
peut s’expliquer pour la clôture puisqu’on se hissait par curiosité pour voir
le grand-autel, l’usure des marches du monument est plus surprenante, car
elle indique une forte fréquentation de cet espace, normalement moins
accessible, puisqu’en retrait de l’espace de passage habituel du fidèle dans le
déambulatoire. Cela suggère que ce lieu était une station dans le parcours
des pèlerins qui venaient en grand nombre pour vénérer la statue
miraculeuse. Concernant le nombre de personnes venant à L’Épine, pour le
XVII e siècle, époque de fleurissement du pèlerinage, la lettre royale de 1626
parle d’un « grand nombre de peuple qui aborde journellement de toutes
pars à L’Épine », estimant à 1 400 ou 1 500 le nombre de communiants à
chaque fête de Notre-Dame « et autres solennelles » 81 . L’usure ne pourrait
pas être très récente, car, au moins pour le XIX e siècle, et jusqu’en 1967, une
porte limitait l’accès à l’intérieur. Cette usure serait donc antérieure à la
fermeture du monument au public qui, comme nous l’avons vu, daterait du
XVII e siècle. Plus intéressante encore est l’usure de la base du buffet de la
travée centrale, laquelle est très prononcée vers la gauche : cela
correspondrait à la place laissée ouverte par la glissière. Peut-être se hissaiton
pour toucher un reliquaire ou pour laisser des offrandes.
À L’Épine, la vénération des reliques était accompagnée d’offrandes,
comme semblent l’attester les sommes apportées à la fin du XVII e siècle
« devant les saintes reliques » 82 en un lieu non mentionné. Le monument
était donc intégré dans cette forme de dévotion qui attirait les foules de
pèlerins. Le reliquaire de la Vraie Croix, attesté dès 1553, comporte des
parties peut-être plus anciennes, comme ce médaillon quadrilobé contenant
les portions de bois et peut-être daté du XIV e siècle 83 . Jean-Pierre Ravaux
montre même que le formidable essor de L’Épine au XV e siècle pourrait être
du à la présence de cette relique très vénérée, et non pas à la statue
miraculeuse, comme on l’a longtemps cru 84 .
Tout au long du XV e siècle, donc bien avant de la construction de
l’état actuel de l’édicule, on a des témoignages sur les dons reçus, et l'on
peut supposer qu'ils sont liés à l’attrait que suscitent les reliques de l’Épine.
Ainsi, suite à un procès de 1457, les marguilliers s’engagent à payer à
Jacques Bouron, chanoine de Reims et curé de Melette, 11 écus d’or par an,
« et qu’ilz perçoive toutes les oblations qui seraient hors le cœur de ladite
église » 85 . Un accord de 1472 entre les marguilliers et le curé Jacques de
Vieilleville prévoit que toutes les oblations faites en-dehors du chœur, sauf
81 Berland, L’Épine en Champagne, op. cit., p. 33.
82 Renault, La basilique Notre-Dame de l’Épine…, op. cit., p. 49.
83 Anonyme, « Le trésor de N.-D. de L’Épine : la relique de la Vraie Croix », Les Annales de
Notre-Dame de l’Épine 22, 1960, p. 6.
84 Voir l’article de Jean-Pierre Ravaux dans le présent volume.
85 Inventaire de 1660, Arch. dép. Marne, J 3884, f°2v°.
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