Notre-Dame de l'Epine, le monument de 1543 ... - PATZINAKIA

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Corneliu Dragomirescu par la bulle de Calixte II ou l'inventaire de 1660. Ainsi, il a pu avoir été prévu sur le plan de construction bien avant 1543 à partir du modèle du sacrarium de Reims, comme le croit Luc-Benoist 68 . Les nombreuses parentés de l'église avec Reims ont été soulignées depuis longtemps. Pour l'aspect extérieur de l'édicule, il faut tenir compte aussi du contexte de la construction, qui est celui d’une transition entre l’art du Moyen Âge et de la Renaissance, laquelle s’opère dans la région entre 1530 et 1540, soit avec un retard d’environ 30 ans par rapport au reste de la France 69 . Au-delà, il y a le modèle prestigieux, et surtout le désir de rendre hommage aux prédécesseurs par une allusion délibérée, admirative et sans doute symbolique à l'église du XV e siècle. Ce renvoi formel prolonge les temps « mythiques » de la construction de la basilique - on veut presque faire croire que le monument date de la construction même si on y inscrit la date (remplages encore rayonnants, pinacles, flèche). Ceci rendrait compte aussi de la différence assez marquée du point de vue stylistique avec la clôture du chœur, malgré les motifs communs qui apparaissent. Les conditions locales assignent à l’édicule lele de lieu d’ostension et de conservation de reliques, en ajoutant aussi celui de tabernacle. C’est ensuite, à la lumière des changements religieux du XVII e siècle, qu’il a été adapté à de nouvelles fins, plus appropriées aux conceptions de l’époque, survivant ainsi à son modèle rémois. Une autre comparaison, basée sur des aspects formels, pourrait être faite avec les sépulcres monumentaux, qui apparaissent et se développent dans le deuxième quart du XIV e siècle 70 . Ils ont un modèle funéraire, le tombeau à baldaquin, mais se placent dans la tradition très ancienne des représentations du Saint-Sépulcre de Jérusalem 71 . Souvent, ces structures étaient utilisées dans des jeux liturgiques de Visitatio sepulchri, avec les trois Marie qui découvrent le tombeau vide du Christ ressuscité. Ce type de monument se retrouve notamment en Alsace et en Souabe, où les exemples abondent à l’image du sépulcre de Saint-Etienne de Strasbourg (fig. 9) ou de celui de Haguenau (fig. 10), tous deux datant du milieu du XIV e siècle. Leur modèle commun semblerait être le sépulcre de la chapelle Sainte-Catherine de la cathédrale de Strasbourg 72 , construit entre 1340-1345 et aujourd’hui détruit. La comparaison pourrait se faire pour la structure générale et notamment pour la partie haute, les pinacles. Mais les ressemblances s’arrêtent ici, car à l’Epine manque toute référence à des statues de saintes femmes ou du Christ mort. Aussi, à l’Epine le monument est praticable – ce n’est pas le cas des sépulcres rhénans. 68 Luc-Benoist, Notre-Dame de l'Épine, op. cit., p. 78. 69 Baudoin, La sculpture flamboyante…, op. cit., p. 227. 70 Sylvie Aballéa, Les saints sépulcres monumentaux du Rhin supérieur et de la Souabe : 1340-1400, Strasbourg, Presses Universitaires de Strasbourg, 2003, p. 10. 71 Ibid., p. 49. 72 Aballéa, Les saints sépulcres monumentaux…, op. cit., p. 85-87. 164

Notre-Dame de l’Epine, le monument de 1543: Usages, transformations, enjeux Fig. 8. Gravure représentant le sacre de Louis XV en 1722 dans la Cathédrale de Reims (détail) ; reproduction d’après Patrick Demouy, François Pomarède, Reims : Panorama monumental et architectural des origines à 1914, Strasbourg, Contades, 1985, fig. 63. 165

Corneliu Dragomirescu<br />

par la bul<strong>le</strong> <strong>de</strong> Calixte II ou l'inventaire <strong>de</strong> 1660. Ainsi, il a pu avoir été prévu<br />

sur <strong>le</strong> plan <strong>de</strong> construction bien avant <strong>1543</strong> à partir du modè<strong>le</strong> du sacrarium<br />

<strong>de</strong> Reims, comme <strong>le</strong> croit Luc-Benoist 68 . Les nombreuses parentés <strong>de</strong> l'église<br />

avec Reims ont été soulignées <strong>de</strong>puis longtemps. Pour l'aspect extérieur <strong>de</strong><br />

l'édicu<strong>le</strong>, il faut tenir compte aussi du contexte <strong>de</strong> la construction, qui est<br />

celui d’une transition entre l’art du Moyen Âge et <strong>de</strong> la Renaissance, laquel<strong>le</strong><br />

s’opère dans la région entre 1530 et 1540, soit avec un retard d’environ 30<br />

ans par rapport au reste <strong>de</strong> la France 69 . Au-<strong>de</strong>là, il y a <strong>le</strong> modè<strong>le</strong> prestigieux,<br />

et surtout <strong>le</strong> désir <strong>de</strong> rendre hommage aux prédécesseurs par une allusion<br />

délibérée, admirative et sans doute symbolique à l'église du XV e sièc<strong>le</strong>. Ce<br />

renvoi formel prolonge <strong>le</strong>s temps « mythiques » <strong>de</strong> la construction <strong>de</strong> la<br />

basilique - on veut presque faire croire que <strong>le</strong> <strong>monument</strong> date <strong>de</strong> la<br />

construction même si on y inscrit la date (remplages encore rayonnants,<br />

pinac<strong>le</strong>s, flèche). Ceci rendrait compte aussi <strong>de</strong> la différence assez marquée<br />

du point <strong>de</strong> vue stylistique avec la clôture du chœur, malgré <strong>le</strong>s motifs<br />

communs qui apparaissent. Les conditions loca<strong>le</strong>s assignent à l’édicu<strong>le</strong> <strong>le</strong><br />

rô<strong>le</strong> <strong>de</strong> lieu d’ostension et <strong>de</strong> conservation <strong>de</strong> reliques, en ajoutant aussi<br />

celui <strong>de</strong> tabernac<strong>le</strong>. C’est ensuite, à la lumière <strong>de</strong>s changements religieux du<br />

XVII e sièc<strong>le</strong>, qu’il a été adapté à <strong>de</strong> nouvel<strong>le</strong>s fins, plus appropriées aux<br />

conceptions <strong>de</strong> l’époque, survivant ainsi à son modè<strong>le</strong> rémois.<br />

Une autre comparaison, basée sur <strong>de</strong>s aspects formels, pourrait être<br />

faite avec <strong>le</strong>s sépulcres <strong>monument</strong>aux, qui apparaissent et se développent dans<br />

<strong>le</strong> <strong>de</strong>uxième quart du XIV e sièc<strong>le</strong> 70 . Ils ont un modè<strong>le</strong> funéraire, <strong>le</strong> tombeau à<br />

baldaquin, mais se placent dans la tradition très ancienne <strong>de</strong>s<br />

représentations du Saint-Sépulcre <strong>de</strong> Jérusa<strong>le</strong>m 71 . Souvent, ces structures<br />

étaient utilisées dans <strong>de</strong>s jeux liturgiques <strong>de</strong> Visitatio sepulchri, avec <strong>le</strong>s trois<br />

Marie qui découvrent <strong>le</strong> tombeau vi<strong>de</strong> du Christ ressuscité. Ce type <strong>de</strong><br />

<strong>monument</strong> se retrouve notamment en Alsace et en Souabe, où <strong>le</strong>s exemp<strong>le</strong>s<br />

abon<strong>de</strong>nt à l’image du sépulcre <strong>de</strong> Saint-Etienne <strong>de</strong> Strasbourg (fig. 9) ou <strong>de</strong><br />

celui <strong>de</strong> Haguenau (fig. 10), tous <strong>de</strong>ux datant du milieu du XIV e sièc<strong>le</strong>. Leur<br />

modè<strong>le</strong> commun semb<strong>le</strong>rait être <strong>le</strong> sépulcre <strong>de</strong> la chapel<strong>le</strong> Sainte-Catherine<br />

<strong>de</strong> la cathédra<strong>le</strong> <strong>de</strong> Strasbourg 72 , construit entre 1340-1345 et aujourd’hui<br />

détruit. La comparaison pourrait se faire pour la structure généra<strong>le</strong> et<br />

notamment pour la partie haute, <strong>le</strong>s pinac<strong>le</strong>s. Mais <strong>le</strong>s ressemblances<br />

s’arrêtent ici, car à l’Epine manque toute référence à <strong>de</strong>s statues <strong>de</strong> saintes<br />

femmes ou du Christ mort. Aussi, à l’Epine <strong>le</strong> <strong>monument</strong> est praticab<strong>le</strong> – ce<br />

n’est pas <strong>le</strong> cas <strong>de</strong>s sépulcres rhénans.<br />

68 Luc-Benoist, <strong>Notre</strong>-<strong>Dame</strong> <strong>de</strong> l'Épine, op. cit., p. 78.<br />

69 Baudoin, La sculpture flamboyante…, op. cit., p. 227.<br />

70 Sylvie Aballéa, Les saints sépulcres <strong>monument</strong>aux du Rhin supérieur et <strong>de</strong> la Souabe : 1340-1400,<br />

Strasbourg, Presses Universitaires <strong>de</strong> Strasbourg, 2003, p. 10.<br />

71 Ibid., p. 49.<br />

72 Aballéa, Les saints sépulcres <strong>monument</strong>aux…, op. cit., p. 85-87.<br />

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