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FIN DE VIE : RÉFLEXION ÉTHIQUE - SFAP

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DOSSIER<br />

<strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> :<br />

<strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

Face à un patient en fin de vie, nous sommes confrontés à notre propre peur de la mort<br />

et à notre peine de la séparation. Il nous est difficile d’accepter la mort, et pourtant, la<br />

mort fait partie de la vie. Elle l’achève et la clôture.<br />

Je suis infirmière libérale, l’an dernier, nous suivions une jeune femme (Cancer de l’utérus incurable,<br />

diabétique et hémodialysée). Elle se rend trois fois par semaine à l’hôpital pour être dialysée.<br />

Elle supporte de plus en plus mal ses séances et souhaitent les arrêter : elle en connait le<br />

risque. Elle est tellement mal après les dialyses que l’équipe de soins pensent qu’elle va finir par<br />

mourir dans l’ambulance après une séance de dialyse…Elle réitère à plusieurs reprises sa demande<br />

d’arrêter ces séances. Les membres de l’équipe : médecin traitant, néphrologue et les équipes infirmières<br />

d’hémodialyse et libérales, se concertent et la démarche éthique conduit à penser qu’il s’agit<br />

d’acharnement et qu’il faut accéder à sa demande. Elle sera accueillie en unité de soins palliatifs et<br />

les dialyses seront progressivement arrêtées, elle décédera au bout de 6 jours avec des soins<br />

de confort maximal, entourée de sa mère et de sa meilleure amie. (et non dans l’ambulance…)<br />

““<br />

19


20<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

HISTOIRE <strong>DE</strong>S SOINS<br />

PALLIATIFS ET <strong>DE</strong><br />

L'ACCOMPAGNEMENT<br />

Les prémisses : le soin aux incurables<br />

Au Moyen Age, les soins aux indigents et<br />

incurables étaient déjà la préoccupation des<br />

confréries "de la bonne mort" et des Hôtels<br />

Dieu. Mais cet accueil ne faisait pas l'objet de<br />

structures spécifiques vouées aux soins palliatifs.<br />

Pour cela, il faudra attendre le XIX ème siècle.<br />

C'est en effet en 1842, dans le quartier du<br />

calvaire à Lyon, qu'une jeune femme, Jeanne<br />

Garnier, fonde l'association des Dames du<br />

Calvaire pour accueillir les malades incurables.<br />

En 1874, toujours sous l'égide de l'œuvre<br />

du Calvaire, Aurélie Jousset crée un hospice<br />

à Paris, dans le XV ème arrondissement : ce<br />

centre deviendra l'actuelle Maison Jeanne<br />

Garnier qui, avec ses 80 lits, est aujourd'hui la<br />

plus grande unité de soins palliatifs en France.<br />

En 1870, les sœurs néerlandaises de la<br />

Charité ouvrent l'hospice Notre Dame à Dublin<br />

et en 1905 celui de St Joseph à Londres. Le<br />

mouvement des hospices anglais est amorcé.<br />

Le travail précurseur des<br />

soignants anglo-saxons<br />

Un médecin, Cicely Saunders, jouera un rôle prépondérant dans le développement<br />

des soins palliatifs. Elle met au point des protocoles antalgiques,<br />

étudie et fait connaître le maniement des morphiniques par voie orale. Elle<br />

développe également le concept de «total pain »<br />

(douleur globale) prenant en considération la<br />

douleur physique mais aussi les souffrances<br />

psychologiques, sociales et spirituelles des<br />

malades en fin de vie. En 1967, en banlieue<br />

de Londres, Cicely Saunders fonde le<br />

St Christopher's Hospice autour d'une<br />

équipe interdisciplinaire dans laquelle les<br />

professionnels de santé, les bénévoles,<br />

les agents du culte travaillent ensemble<br />

pour prendre en charge le patient et ses<br />

proches. Véritable pionnier du mouvement des soins palliatifs, le<br />

St Christopher's Hospice reste un lieu de référence.<br />

A peu près à la même époque, d'autres figures anglosaxonnes<br />

contribuent à faire émerger la question de la<br />

prise en charge des malades en fin de vie : en 1969, aux<br />

Etats-Unis, Elisabeth Kübler-Ross publie «On death and<br />

Dying», à propos des réactions psychologiques de<br />

malades confrontés à la mort ; en 1974, à Montréal<br />

(Canada), grâce à l'enseignement qu'il a reçu au St Christopher's Hospice, le Dr<br />

Balfour Mount crée la première unité d'hospitalisation en milieu universitaire,<br />

au Royal Victoria Hospital. Il choisit l'appellation soins palliatifs plutôt que<br />

de conserver le terme hospice qui présente au Canada une connotation<br />

péjorative. Le mouvement va ensuite se développer rapidement en<br />

Amérique du Nord.


L'émergence du<br />

mouvement des soins<br />

palliatifs en France<br />

En 1973, au retour d'un voyage d'étude au St<br />

Christopher's Hospice, les publications du Père Patrick<br />

Verspieren ont un retentissement important. Le Ministère de<br />

la Santé prend alors conscience de la nécessité de réfléchir à<br />

la prise en charge de ces malades en fin de vie ; il constitue<br />

ainsi un groupe d'experts sur l'accompagnement des<br />

malades en phase terminale. Dans ses conclusions, ce groupe<br />

prend officiellement position en faveur du soulagement de la<br />

douleur. Mais, aucune suite particulière ne sera donnée.<br />

Sur le territoire français, le mouvement des soins palliatifs<br />

se développe. Les premiers services ou consultations spécifiquement<br />

dédiés vont se créer.<br />

Vers un enjeu<br />

de santé publique<br />

1984 est un tournant dans la prise de conscience<br />

de l'importance des soins palliatifs. Dans<br />

un article de la revue "Etudes", le Père<br />

Patrick Verspieren dénonce les pratiques<br />

d'euthanasie dans les hôpitaux; le Comité<br />

Consultatif d'Ethique Médicale est créé; la voix<br />

de quelques soignants se fait entendre pour<br />

désapprouver les positions en faveur de l'euthanasie de<br />

l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité (ADMD).<br />

Un nouveau groupe de travail est constitué par le Ministère<br />

de la santé. Il conduira la ministre Michèle Barzach à officialiser<br />

les soins palliatifs par la "Circulaire du 26 août 1986 relative à<br />

l'organisation des soins et à l'accompagnement des malades<br />

en phase terminale".<br />

Une véritable<br />

dynamique associative<br />

L'accompagnement des malades suscite la création de<br />

nombreuses associations, preuve que la société française toute<br />

entière manifeste son intérêt et sa solidarité.<br />

En 1989, beaucoup de ces associations, animées des mêmes<br />

objectifs, se rapprochent des professionnels de la santé (médecins,<br />

infirmières, psychologues…) pour fonder la Société<br />

Française d'Accompagnement et de soins Palliatifs (<strong>SFAP</strong>).<br />

Sa mission est de représenter,<br />

de stimuler et de faciliter<br />

l'action des personnes<br />

morales ou physiques impliquées dans le mouvement des soins<br />

palliatifs et de l'accompagnement des personnes en fin de vie,<br />

dans le but de développer et d'améliorer la prise en charge des<br />

personnes et la qualité des soins reçus. La <strong>SFAP</strong> est notamment<br />

leur porte-parole auprès des pouvoirs publics. Elle adhère également<br />

à l'Association Européenne des Soins Palliatifs (EAPC).<br />

Anne-Marie CADART<br />

Source <strong>SFAP</strong><br />

Un dispositif en<br />

constante évolution<br />

A partir des années 90, une série de<br />

textes fait progresser la reconnaissance des<br />

soins palliatifs et de l'accompagnement ;<br />

des dispositifs opérationnels sont mis en<br />

place, même si les moyens ne sont pas<br />

encore à la hauteur des enjeux.<br />

1991 : la loi hospitalière du 31 juillet introduit<br />

les soins palliatifs dans les missions de<br />

tout établissement de santé.<br />

1993 : le rapport du Dr Delbecque, à la<br />

demande du Ministère de la Santé, fait le<br />

point sur les évolutions intervenues depuis la<br />

circulaire de 1986 et émet des propositions,<br />

lesquelles s'articulent autour de trois axes :<br />

• Développement des soins palliatifs à domicile<br />

• Planification des centres de soins palliatifs<br />

• Enseignement/information des soins<br />

palliatifs.<br />

1994 : le sénateur Lucien<br />

Neuwirth se prononce pour<br />

l'amélioration de la prise<br />

en charge de la douleur et<br />

travaille à l'élaboration de<br />

textes en ce sens.<br />

1998 : Bernard Kouchner, secrétaire<br />

d'Etat chargé de la santé, déclare que «les<br />

soins palliatifs et la douleur sont une priorité<br />

de santé publique». Le plan triennal 1999-<br />

2001 entraîne<br />

plusieurs actions de<br />

formation (en faculté<br />

de médecine et dans<br />

les instituts de soins<br />

infirmiers) ainsi que la<br />

création de nouvelles<br />

structures de soins.<br />

1999 : d'une valeur juridique supérieure à la<br />

circulaire Laroque, la loi du 9 juin votée à<br />

l'unanimité par le Parlement garantit un<br />

droit d'accès aux soins palliatifs pour toute<br />

personne en fin de vie (article 1). La loi<br />

institue aussi un congé d'accompagnement<br />

que peuvent prendre des personnes désireuses<br />

d'accompagner un proche en fin de<br />

vie (articles 11 et 12). D'autres dispositions<br />

concernent :<br />

• L'intégration des soins palliatifs dans le<br />

Schéma Régional d'Organisation Sanitaire<br />

et Sociale (SROS), outil servant à la répartition<br />

des ressources, en fonction de priorités<br />

définies (article 2)<br />

• L'organisation de l'enseignement des<br />

soins palliatifs (article 7)<br />

• L'organisation du bénévolat (article 10)<br />

2000 : la circulaire du 22 mars<br />

de la Caisse Nationale<br />

d'Assurance Maladie (CNAM),<br />

définit la contribution du<br />

fonds d'action sanitaire et social de la caisse<br />

pour le maintien au domicile des personnes en<br />

fin de vie. Elle prévoit en particulier une aide<br />

financière (sous conditions) pour le paiement<br />

de gardes-malades et l'achat d'équipements<br />

spécifiques. Une dotation est créée pour<br />

soutenir la formation des bénévoles d'accompagnement<br />

; la gestion en est confiée à la <strong>SFAP</strong>.<br />

En outre, le gouvernement édite la circulaire du<br />

30 mai qui encourage le développement de<br />

l'hospitalisation à domicile par les Agences<br />

Régionales Hospitalières (ARH), en précisant<br />

que ces structures doivent participer à la prise<br />

en charge de la douleur et des soins palliatifs.<br />

2002 : la circulaire du 19 février précise l'organisation<br />

des soins palliatifs et de l'accompagnement.<br />

Elle définit les missions et les<br />

modalités de fonctionnement en ce qui<br />

concerne les réseaux de soins palliatifs et<br />

l'hospitalisation à domicile, la notion de<br />

démarche palliative dans tous les services et<br />

le concept de lits identifiés soins palliatifs.<br />

Cette circulaire s'accompagne d'un<br />

second programme national de développement<br />

des soins palliatifs 2002-<br />

2005 privilégie trois axes :<br />

• Le développement des<br />

soins palliatifs à domicile<br />

• La poursuite du renforcement<br />

et de la création de<br />

structures spécialisées<br />

• La sensibilisation et l'information de l'ensemble<br />

du corps social à la démarche palliative.<br />

2003 : le plan cancer remis au Président de la<br />

République insiste sur la nécessité de développer<br />

les soins de support, permettant une prise en<br />

charge globale du patient dans laquelle s'inscrivent<br />

les soins palliatifs et l'accompagnement.<br />

Les débats concernant l’euthanasie ont<br />

régulièrement secoué la société française,<br />

resurgissant lors de chaque nouvelle affaire<br />

touchant à cette question. Le cas de Vincent<br />

Humbert a cristallisé toutes les interrogations<br />

et les positions partisanes.<br />

Entre la fin 2004 et le printemps 2005,<br />

dans un contexte émotionnel particulièrement<br />

dramatique, une mission parlementaire est<br />

mise en place, présidée par M. Jean Léonetti.<br />

Cette mission a débouché sur une proposition<br />

de loi qui a été adoptée à l’unanimité à<br />

l'Assemblée Nationale le 1 er décembre 2004,<br />

puis votée en termes conformes par le Sénat le<br />

12 avril 2005.<br />

Pour soutenir et signer en ligne le plaidoyer des professionnels<br />

de santé et de bénévoles d'accompagnement<br />

concernant le débat sur la fin de la vie :<br />

http://www.sfap.org/component/option,com_wrapper/Itemid,163/<br />

21


22<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

QUELQUES DÉ<strong>FIN</strong>ITIONS<br />

Définition des soins palliatifs<br />

Par la "loi de 1999"<br />

Article 1 er de la loi n°99-477<br />

Titre 1 er :<br />

Droits de la personne malade :<br />

Art. L.1 er A. – Toute personne malade<br />

dont l’état le requiert a le droit d’accéder<br />

à des soins palliatifs et à un<br />

accompagnement.<br />

Art. L.1 er B. – Les soins palliatifs sont<br />

des soins actifs et continus pratiqués<br />

par une équipe interdisciplinaire en<br />

institution ou à domicile. Ils visent à<br />

soulager la douleur, à apaiser la souffrance<br />

psychique, à sauvegarder la<br />

dignité de la personne malade et à<br />

soutenir son entourage.<br />

Art. L.1 er C. – La personne malade<br />

peut s’opposer à toute investigation<br />

ou thérapeutique.<br />

Par l’OMS (Organisation<br />

Mondiale de la Santé)<br />

Définition de 1990<br />

Les soins palliatifs sont des soins<br />

actifs, complets, donnés aux malades<br />

dont l’affection ne répond pas au traitement<br />

curatif. La lutte contre la<br />

douleur et autres symptômes et la<br />

prise en considération des problèmes<br />

psychologiques, sociaux et spirituels,<br />

sont primordiales. Le but des soins<br />

palliatifs est d’obtenir la meilleure<br />

qualité de vie possible pour les<br />

malades et leur famille.<br />

De nombreux éléments des soins<br />

palliatifs sont également applicables<br />

au début de l’évolution de la maladie,<br />

en association avec un traitement<br />

anticancéreux.<br />

Par Thérèse Vanier : " C'est tout ce qui<br />

reste à faire quand il n'y a plus<br />

rien à faire " (1976)<br />

Les soins palliatifs affirment la vie et<br />

considèrent la mort comme un<br />

processus normal, ne hâtent ni ne retardent<br />

la mort, procurent un soulagement<br />

de la douleur et des autres symptômes<br />

pénibles, intègrent les aspects<br />

psychologiques et spirituels dans les<br />

soins aux malades, offrent un système<br />

de soutien pour aider les malades à vivre<br />

aussi activement que possible jusqu’à la<br />

mort, offrent un système de soutien qui<br />

aide la famille à tenir pendant la<br />

maladie du patient et leur propre deuil.<br />

Définition de 2002<br />

Les soins palliatifs cherchent à<br />

améliorer la qualité de vie des patients et<br />

de leur famille, face aux conséquences<br />

d’une maladie potentiellement mortelle,<br />

par la prévention et le soulagement de la<br />

souffrance, identifiée précocement et<br />

évaluée avec précision, ainsi que le traitement<br />

de la douleur et des autres<br />

problèmes physiques, psychologiques et<br />

spirituels qui lui sont liés.<br />

Les soins palliatifs procurent le<br />

soulagement de la douleur et des autres<br />

symptômes gênants, soutiennent la vie<br />

et considèrent la mort comme un<br />

processus normal, n’entendent ni accélérer<br />

ni repousser la mort, intègrent les<br />

aspects psychologiques et spirituels des<br />

soins aux patients, proposent un<br />

système de soutien pour aider les<br />

patients à vivre aussi activement que<br />

possible jusqu’à la mort, offrent un<br />

système de soutien qui aide la famille à<br />

tenir pendant la maladie du patient et<br />

leur propre deuil, utilisent une approche<br />

d’équipe pour répondre aux besoins<br />

des patients et de leurs familles en y<br />

incluant si nécessaire une assistance au<br />

deuil, peuvent améliorer la qualité de<br />

vie et influencer peut-être aussi de<br />

manière positive l’évolution de la<br />

maladie, sont applicables tôt dans le<br />

décours de la maladie, en association<br />

avec d’autres traitements pouvant<br />

prolonger la vie, comme la chimiothérapie<br />

et la radiothérapie, et incluent les<br />

investigations qui sont requises afin de<br />

mieux comprendre les complications<br />

cliniques gênantes et de manière à<br />

pouvoir les prendre en charge.<br />

Par le Conseil National de<br />

l’Ordre des Médecins (1996)<br />

Les soins palliatifs sont les soins et<br />

l’accompagnement qui doivent être<br />

mis en œuvre toutes les fois qu’une<br />

atteinte pathologique menace l’existence,<br />

que la mort survienne ou<br />

puisse être évitée.<br />

Par l’ANAES (2002)<br />

(Agence Nationale d’Accréditation<br />

et d’Evaluation en Santé)<br />

Les soins<br />

palliatifs sont<br />

des soins actifs,<br />

continus,<br />

évolutifs, coordonnés<br />

et pratiqués par une équipe<br />

pluriprofessionnelle. Ils ont pour<br />

objectif, dans une approche globale et<br />

individualisée, de prévenir ou de<br />

soulager les symptômes physiques,<br />

dont la douleur, mais aussi les autres<br />

symptômes, d’anticiper les risques de<br />

complications et de prendre en<br />

compte les besoins psychologiques,<br />

sociaux et spirituels, dans le respect de<br />

la dignité de la personne soignée.<br />

Les soins palliatifs cherchent à<br />

éviter les investigations et les traitements<br />

déraisonnables et se refusent à<br />

provoquer intentionnellement la<br />

mort. Selon cette approche, le patient<br />

est considéré comme un être vivant et<br />

la mort comme un processus naturel.<br />

Les soins palliatifs s’adressent aux<br />

personnes atteintes de maladies<br />

graves évolutives ou mettant en jeu le<br />

pronostic vital ou en phase avancée<br />

ou terminale, ainsi qu’à leur famille<br />

ou à leurs proches. Des bénévoles,<br />

formés à l’accompagnement et<br />

appartenant à des associations qui les<br />

sélectionnent peuvent compléter,<br />

avec l’accord du malade ou de ses<br />

proches, l’action des équipes<br />

soignantes.


Par Cicely Saunders :<br />

" La médecine palliative<br />

repose sur la définition<br />

suivante : le suivi<br />

et la prise en charge de<br />

patients atteints d'une<br />

maladie active, progressive,<br />

dont le stade est très<br />

avancé et<br />

le pronostic<br />

très limité, et<br />

dont le traitement<br />

vise<br />

au maintien<br />

de la qualité<br />

de vie ."<br />

Par Maurice Abiven :<br />

" Une discipline nouvelle<br />

est née, les soins palliatifs<br />

terminaux : il s'agit<br />

de prendre en charge<br />

des malades atteints<br />

d'une maladie<br />

inéluctablement mortelle,<br />

dans un délai en général<br />

bref (en moyenne moins<br />

de trois mois).<br />

Cette maladie ne<br />

peut plus par<br />

définition,<br />

comporter de<br />

thérapeutique<br />

curative.” (1990)<br />

Définition<br />

de l’euthanasie<br />

À l'origine, l'euthanasie (gr: - , bonne, , mort)<br />

désigne l'ensemble des moyens et recours permettant de soulager, d'abréger ou<br />

d'éviter l'agonie à une personne en fin de vie 1 .<br />

Etymologiquement, "euthanos" signifie la "bonne mort".<br />

"Autrefois synonyme de mort calme et sans souffrances, ce terme est<br />

aujourd'hui réservé à la pratique qui consiste à hâter la mort d'un malade<br />

incurable, dans le dessein d'abréger ses souffrances."<br />

Définition extraite du Dictionnaire de Médecine Flammarion.<br />

On distingue deux types d'euthanasie :<br />

> l'euthanasie active : c'est le geste d'un tiers qui donne la mort.<br />

> l'euthanasie passive : c'est l'arrêt des traitements qui abrège la vie lorsque le cas<br />

est désespéré. Certains disent que c'est un refus d'acharnement thérapeutique.<br />

On emploie aussi le mot pour désigner l'acte d'aider une personne qui le<br />

souhaite, et quelles que soient ses motivations, à mourir. Dans ce cas, les termes<br />

plus appropriés sont plutôt l'aide au suicide ou le suicide assisté. Un autre<br />

usage abusif du mot est son application aux soins palliatifs, qui ne visent jamais<br />

à hâter le décès ou éviter le prolongement de l'agonie des patients même si, pour<br />

soulager la douleur, il arrive aux soignants d'user de doses d'analgésiques ou<br />

d'antalgiques risquant d'anticiper la mort.<br />

Définition de l'Eglise catholique<br />

« Il faut distinguer de l’euthanasie la décision de renoncer à ce qu’on<br />

appelle l’acharnement thérapeutique, c’est-à-dire à certaines interventions<br />

médicales qui ne conviennent plus à la situation réelle du malade, parce<br />

qu’elles sont désormais disproportionnées par rapport aux résultats que l’on<br />

pourrait espérer ou encore parce qu’elles sont trop lourdes pour lui et pour<br />

sa famille. Dans ces situations, lorsque la mort s’annonce imminente et inévitable,<br />

on peut en conscience "renoncer à des traitements qui ne procureraient<br />

qu’un sursis<br />

précaire et pénible<br />

de la vie, sans interrompre<br />

pourtant les<br />

soins dus au malade<br />

en pareil cas" »<br />

Evangelium vitae<br />

n°65<br />

Dans un document<br />

approuvé par le<br />

pape Benoît XVI, la<br />

Congrégation pour<br />

la doctrine de la foi<br />

estime que l'alimentation<br />

et l'hydratation artificielles constituent "un moyen ordinaire et proportionné<br />

de maintien de la vie", qui ne doit être interrompu sous aucun prétexte<br />

par respect pour la dignité des patients.<br />

Anne-Marie CADART<br />

Sources : Dictionnaire de médecine Flammarion<br />

Site internet OMS<br />

Dictionnaire Larousse<br />

Site Internet du Conseil de l’ordre des médecins<br />

Site Internet de l’HAS (ANAES)<br />

<strong>SFAP</strong><br />

23


24<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

<strong>ÉTHIQUE</strong> : EST-IL ACCEPTABLE<br />

La délicate<br />

issue fatale<br />

Avec les<br />

patients atteints<br />

de cancer en<br />

phase terminale, les<br />

patients souffrant de<br />

maladies dégénératives,<br />

ou chroniques, les accidentés<br />

de la route, les<br />

personnes âgées dont les fonctions<br />

vitales se sont dégradées, la mort dans<br />

notre société s’est médicalisée.<br />

Inévitablement, les soignants sont<br />

confrontés à la redoutable situation, où ces<br />

personnes estimeront qu’elles ne vivent plus<br />

dignement, et réclameront d’être aidées à<br />

mourir. Peut-on provoquer la mort d’un malade<br />

quelque soit sa pathologie, son âge, lorsque lui<br />

et sa famille y consentent ? Et quand le malade<br />

est inconscient, ou souffre d’une affection<br />

psychiatrique, quelle est la référence à prendre<br />

en compte pour prendre une décision ?<br />

La loi Leonetti<br />

UN PATIENT À MOURIR ?<br />

Dans la majorité des cas c’est à l’euthanasie<br />

passive, autorisée par la loi Leonetti,<br />

que les soignants font référence.<br />

Cette loi votée en avril 2005 permet de<br />

respecter le malade dans ses choix et d’éviter<br />

l’obstination déraisonnable (l’acharnement<br />

thérapeutique) par un questionnement éthique<br />

de l’équipe de soins autour de la question de<br />

l’arrêt ou de la limitation de traitement lorsque<br />

le risque devient pour le<br />

malade plus important que<br />

le bénéfice. Elle ne permet<br />

pas l’euthanasie active par<br />

injection d’un produit en<br />

vue de provoquer la mort.<br />

Le pouvoir de décision reste<br />

au médecin. Il n’a pas l’obligation<br />

de respecter les<br />

volontés du malade, l’aide<br />

au suicide est interdite.<br />

Jean Leonetti<br />

Au-delà des procès médiatiques, la question de la fin de vie, interpelle les soignants, et nous<br />

incite à une réflexion personnelle. Avant de prétendre apporter une réponse à l’ensemble<br />

des problèmes posés par la fin de vie, ouvrons le débat.<br />

La loi Leonetti est- elle suffisante ?<br />

Deux manifestes signés par des médecins<br />

et des soignants ont circulés en Mars 2007 :<br />

l’un demandait la dépénalisation de l’euthanasie,<br />

l’autre s’y opposait. Le manifeste des<br />

2000 médecins et soignants, publié dans la<br />

presse trouvait la loi insuffisante : « La majorité<br />

des gens peuvent être endormis et soulagés<br />

par la morphine, mais il y en a d’autres pour<br />

qui les traitements antidouleur ne marchent<br />

pas du tout » Il déclare aussi « que les signataires<br />

avaient aidé des patients à mourir. Ils<br />

demandent la dépénalisation de l’euthanasie,<br />

et l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires<br />

des soignants mis en accusation. Ils exigent<br />

aussi des moyens adaptés permettant d’accompagner<br />

les patients en fin de vie quels que<br />

soient les lieux et les conditions de vie… »<br />

Selon les signataires « Les améliorations apportées<br />

par loi Leonetti de 2005 sont également<br />

insuffisantes puisque celle-ci est toujours aussi<br />

répressive et injuste envers les soignants qui<br />

aident leurs patients à mourir… »<br />

« Je ne veux pas vivre sur la souffrance des<br />

autres. Par deux fois j’ai donné à des patients<br />

une surdose de morphine pour les aider à<br />

partir » confie le docteur T.L.D. généraliste<br />

dans le département de Haute -Garonne.<br />

La Société Française d’Accompagnement<br />

et de Soins Palliatifs, dans son manifeste qui<br />

sera signé par plus de 4500 personnes, médecins,<br />

infirmiers, psychologues, bénévoles<br />

déclare : « Ne pas se reconnaître dans le<br />

mouvement réclamant la légalisation de l’euthanasie.<br />

Elle tient à réaffirmer que la<br />

complexité des problèmes posés appelle une<br />

réflexion approfondie, dépassionnée, et non<br />

des solutions simplistes. » Trois revendications<br />

dans son plaidoyer : informer le public ;<br />

former les personnels de santé ; créer un<br />

observatoire qui assurerait un rôle d’information,<br />

d’expertise et de médiation dans les cas<br />

les plus délicats.<br />

Fadek Beloucif, anesthésiste réanimateur,<br />

déclare quand à lui « que la loi Leonetti règle<br />

les choses de manière humaine… Le droit au<br />

suicide assisté n’est pas un acte médical, ce<br />

n’est pas un boulot de docteur… »<br />

Jean Leonetti, à l’origine de cette loi,<br />

déplore la confusion qui règne sur la terminologie<br />

dans ce débat, et soutien que : « la loi<br />

n’est pas connue, mal comprise, et mal appliquée.<br />

La première chose à faire serait d’abord<br />

de remédier à cela. »<br />

Edouard Ferrand, anesthésiste réanimateur<br />

à l’hôpital Henri Mondor à Créteil,<br />

membre de plusieurs commissions<br />

d’éthiques médicales affirme : « 2 ans après<br />

son adoption cette loi est loin d’être appliquée<br />

comme elle le devrait…elle permet de<br />

lutter contre l’acharnement thérapeutique<br />

en instaurant la collégialité, afin de prendre<br />

la moins mauvaise décision…Mais il y a un<br />

fossé majeur entre le cadre légal sur le droit<br />

des patients, le respect de leur dignité, et ce<br />

qui se passe dans la réalité… Nous constatons<br />

encore des fins de vie qui sont accélérées,<br />

ou des actes qui ne correspondent à ce<br />

qui a été défini comme de bonnes<br />

pratiques… La législation prévoit notamment<br />

la possibilité pour le patient de désigner<br />

un tiers de confiance, mais cela n’est<br />

pratiquement jamais fait. » (Le Monde<br />

10/03/07)<br />

L’Association pour le Droit de<br />

Mourir dans la Dignité (ADMD)<br />

L’ADMD est une association qui milite<br />

pour permettre à chacun d’avoir une fin de<br />

vie conforme à ses conceptions personnelles<br />

de dignité et de liberté. Dans cette<br />

perspective, elle entend obtenir le vote<br />

légalisant l’euthanasie. Elle milite pour le<br />

développement des soins palliatifs, de telle<br />

sorte que soit préservé en toutes circonstances<br />

le choix du patient, le recours à l’euthanasie<br />

ne devant pas être envisagé<br />

comme une alternative à un défaut d’accès<br />

aux soins palliatifs.


« D’AI<strong>DE</strong>R »<br />

Les Pays-Bas premier<br />

pays à avoir dépénalisé<br />

l’euthanasie<br />

Les Pays-Bas souhaitaient, en 2001<br />

mieux contrôler l’euthanasie, et en réduire le<br />

nombre de cas. « L’euthanasie doit être un<br />

refuge ultime… » explique le Ministre de la<br />

Santé Els Borst. L’euthanasie active est autorisée<br />

sous conditions très strictes et des<br />

critères, dits de minutie :<br />

> Etre convaincu que la demande du patient<br />

est volontaire, réfléchie et réitérée.<br />

> Etre convaincu que la souffrance du patient<br />

est insupportable et sans issue.<br />

> Avoir informé le patient sur son état actuel<br />

et sur le pronostic.<br />

> Etre arrivé avec le patient à la conclusion<br />

qu’il n’y a pas d’autre solution acceptable.<br />

> Avoir consulté au moins un autre médecin<br />

indépendant qui, après avoir examiné le<br />

patient, a émis un avis concernant le respect<br />

des critères de minutie.<br />

> Avoir procédé à la fin de vie selon les<br />

critères médicaux.<br />

La loi reconnaît la validité d’une déclaration<br />

écrite anticipée de demande d’euthanasie<br />

pour le cas ou un individu deviendrait<br />

incapable de s’exprimer.<br />

L’euthanasie reste punissable d’une peine<br />

maximale de 12 ans de prison et d’une très<br />

forte amende dès lors que les critères de<br />

minutie ne sont pas respectés par un médecin.<br />

Une étude de pratique sur 10 ans indique<br />

que si les demandes sont passées de 25.000<br />

à 34.700, les euthanasies n’ont augmentées<br />

que de 3%.<br />

La Belgique deuxième<br />

pays autorisant l’acte<br />

pratiqué par un tiers<br />

L’euthanasie est autorisée pour les<br />

personnes dans un état désespéré, et en<br />

proie à des souffrances tant physiques<br />

que psychiques. S’il ne s’agit pas d’un<br />

patient en phase terminale, l’avis d’un<br />

confrère est requis. Les conditions et<br />

procédures sont très semblables aux<br />

critères requis aux Pays-Bas. S’il y a une<br />

équipe soignante, elle doit être consultée.<br />

Une clause de liberté existe, aucun<br />

médecin n’est tenu de pratiquer une<br />

euthanasie, mais dans ce cas, il doit en<br />

informer le patient. Aucun soignant, n’est<br />

tenu de participer à une euthanasie.<br />

Un débat qui traverse l’Europe.<br />

Dans la plupart des pays d’Europe, l’euthanasie et le suicide assisté sont illégaux,<br />

et à chaque nouvelle affaire le débat refait surface avec passion, pour faire évoluer la<br />

législation. Et, conséquence, la justice tantôt poursuit, tantôt rend un non lieu.<br />

En Espagne<br />

L’euthanasie n’est pas<br />

autorisée. Le 1 er . Mars<br />

2007, une patiente de 51 ans a obtenu le<br />

droit de faire débrancher le respirateur qui la<br />

maintenait en vie depuis 9 ans. Cette<br />

patiente totalement paralysée, avait officiellement<br />

formulée sa demande et médiatisé<br />

son cas. Les autorités lui ont répondu favorablement,<br />

se fondant sur une disposition législative<br />

qui autorise les patients à refuser un<br />

traitement. (L’humanité, 12 Mars 2007)<br />

En Grande- Bretagne<br />

Pas de suicide assisté, ni<br />

d’euthanasie au Royaume<br />

Uni. Les médecins bravent la loi. Néanmoins<br />

la Chambre des Lords ouvre le débat. Un<br />

débat sur l’euthanasie des prématurés lourdement<br />

handicapés est relancé.<br />

L'Association des médecins britanniques<br />

s'est prononcée à 65 % contre la légalisation<br />

du suicide assisté par un médecin et, à une plus<br />

forte majorité (94 %), contre l'euthanasie<br />

«non volontaire», sans l'accord d'un patient<br />

inconscient. Les médecins britanniques<br />

soutiennent en revanche le développement<br />

des soins palliatifs. Le débat sur l'euthanasie a<br />

été ouvert au Royaume-Uni par une proposition<br />

de loi visant à permettre aux médecins de<br />

prescrire les médicaments ad hoc aux patients<br />

qui souhaiteraient mettre fin à leurs jours. La<br />

Chambre des Lords a décidé le 12 mai de<br />

repousser de six mois l'examen du texte.<br />

En Suisse<br />

Le Conseil Fédéral<br />

refuse de légiférer sur l’euthanasie.<br />

Elle est interdite, mais pourtant elle<br />

se banalise. La Suisse tolère le suicide assisté,<br />

même pour les étrangers. (0,4% des décès.)<br />

Deux associations, Exit et Dignitas,<br />

« aident » les candidats au suicide en leur<br />

préparant une potion mortelle, qu’ils n’auront<br />

plus qu’à boire. Un médecin prescrit le<br />

médicament, après avoir confirmé le caractère<br />

incurable de la maladie.<br />

En Italie<br />

Le débat est relancé à<br />

chaque affaire. La justice<br />

se range du côté des patients qui refusent<br />

l’acharnement thérapeutique.<br />

Fin de vie et<br />

soins palliatifs<br />

« La démarche palliative, démarche qui limite les gestes et<br />

les actes, n’est pas valorisée, il n’y a aucun intérêt même<br />

économique à la développer. » (1)<br />

Résultat 700 lits seulement accueillent les malades en soins<br />

palliatifs en France. Au moins 100.000 personnes devraient en<br />

bénéficier. Et si l’on estime que tous les malades doivent mourir<br />

dans les unités de soins palliatifs, on ne pourra jamais créer suffisamment<br />

de lits. La démarche palliative doit donc concerner tous<br />

les services hospitaliers, et la médecine de ville.<br />

Les soignants sont insuffisamment formés à la prise en<br />

charge des patients en fin de vie. Actuellement, l’enseignement<br />

est centré sur le curatif. C’est comme s’il y avait une hiérarchie<br />

consistant à s’occuper des malades curables avant les incurables<br />

et les mourants. Il faut transformer le concept de soins, il ne<br />

faut pas que du savoir-faire mais aussi du savoir être.<br />

La formation doit leur apprendre à appréhender les<br />

problèmes éthiques complexes, à pouvoir en discuter. Elle<br />

devrait devenir une priorité dans les formations continues. (2)<br />

L’association Pierre Clément, basée à Strasbourg, milite<br />

pour les soins palliatifs. Son président Maurice Chausson<br />

déclare : « Supprimons la douleur plutôt que la personne ! La<br />

souffrance physique peut être ôtée dans 92 à 95% des cas.<br />

Seulement, très peu de médecins savent faire : on ne leur<br />

apprend pas à gérer la douleur en fin de vie, qui est complexe,<br />

multiple. Il faut les former. Les 5% de douleurs ne cédant pas<br />

aux antalgiques, devraient bénéficier de la sédation induite<br />

qui est comme une anesthésie profonde. »<br />

Conclusion<br />

L’euthanasie est peut être le sujet qui cache le vrai<br />

problème, celui de la prise en charge de la fin de vie.<br />

Aujourd’hui près d’un français sur deux meurt à l’hôpital. Une<br />

étude (3) sur les conditions de décès à l’hôpital révèle une solitude<br />

profonde en fin de vie. Elle pointe une prise en charge,<br />

non pas déficiente, mais… absente. Les infirmières présentes<br />

dans 80% des décès sont en première ligne. La prise en<br />

charge des patients en fin de vie n’a été discutée que dans<br />

17% des cas ; il n’existe le plus souvent pas de procédure<br />

spécifique dans les services.<br />

L’épuisement professionnel des soignants est dû en grande<br />

partie, à la mauvaise gestion de la fin de vie (1) dans les services. Il<br />

ne faut pas faire de la collégialité un quart d’heure avant la mort<br />

du malade. Les soignants doivent en discuter en amont, s’asseoir<br />

autour d’une table, connaître l’environnement du patient, qui<br />

le représente, ce qu’il souhaitait, son histoire. En amorçant<br />

le processus très tôt on arrive à prendre des décisions plus tôt<br />

et donc à diminuer l’acharnement thérapeutique.<br />

Bibliographie.<br />

(1). E. Ferrand, anesthésiste réanimateur a l’hôpital Henri Mondor -<br />

Créteil, membre de plusieurs commissions d’éthique médicale. Mourir le<br />

moins mal possible. Le Monde. 10 /03/07 - (2). Eric Favereau. On meurt<br />

seul à l’hôpital. Libération 23/10/05. - (3). Enquête nationale (SAR-Samu<br />

94, Hôpital Henri Mondor - Créteil) Dr. Ferrand, Lemaire, Marty. - (4).<br />

Journal L’Alsace .Débat : la mort aidée. 24 mars 2007<br />

Internet.<br />

1. Association P. Clément : www.association-pierre-clement.fr<br />

2. Jusqu’à la mort accompagner la vie : www.jalmalv.fr<br />

3. ADMD : www.admd.net<br />

4. Dignitas :dignitas@dignitas.ch<br />

Loi Leonetti - Téléchargement du texte complet : http://www.legifrance.gouv.fr/imagesJOE/2005/0423/joe_20050423_0095_0001.pdf<br />

Jean-Claude CLERC<br />

25


26<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

Le livre<br />

blanc de<br />

l’ADMD<br />

L'ADMD a publié en<br />

mars 2007 un livre blanc<br />

dans lequel elle soulignait<br />

que la loi Leonetti [du 22<br />

avril 2005 relative au droit<br />

des malades et la fin de vie]<br />

n'était pas encore appliquée<br />

et restait peu connue.<br />

Le député Jean Leonetti<br />

(UMP, Alpes-Maritimes) a<br />

défendu cette loi, tout en<br />

reconnaissant qu'elle était<br />

encore "peu appliquée".<br />

Lors "d'un tour de France",<br />

il a constaté que les médecins<br />

étaient "éloignés de<br />

cette pratique".<br />

Il a admis aussi que les<br />

citoyens ne s'étaient pas<br />

"appropriés" les termes et<br />

les idées de la loi. Estimant<br />

pourtant qu’elle était<br />

"claire", il a reconnu qu'elle<br />

aurait mérité plus de décrets<br />

d'application pour la "décortiquer"<br />

et "l'expliquer".<br />

Pour que sa loi soit<br />

mieux appliquée, il a formulé<br />

trois propositions :<br />

> Former l'ensemble du<br />

corps médical<br />

> Créer un observatoire des<br />

pratiques sur la fin de vie<br />

> Organiser un grand débat<br />

avec l'ensemble des<br />

citoyens<br />

ARRÊT <strong>DE</strong>S SOINS,<br />

<strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong>,<br />

QUESTIONNEMENTS<br />

Le débat sur la fin de vie existe depuis longtemps, entre les<br />

"pros" et les "antis" euthanasie, mais aussi entre toutes les<br />

« euthanasies » possibles. Chacun d’entre nous est unique,<br />

chaque fin de vie le sera également. Ce débat est aujourd’hui<br />

relayé par l’actualité et porté par Marie Humbert, la mère de<br />

Vincent dont nous connaissons tous la douloureuse histoire.<br />

Alors, faut-il arrêter les traitements,<br />

ne pas les commencer, définir<br />

de façon radicale ce qui est palliatif ou<br />

non, tout ceci reste complexe.<br />

Que dire de l’arrêt des soins ?<br />

Posons-nous d’abord la question de<br />

la définition du soin. Un soin n’est pas<br />

forcément curatif, il est hors de question<br />

pour un soignant d’arrêter les soins chez<br />

un patient, quand bien même ce patient<br />

serait en unité palliative.<br />

Dispenser des soins d’hygiène,<br />

relationnels, de confort, hydrater,<br />

alimenter un patient, assurer une<br />

réfection des pansements, soulager la<br />

douleur par des massages ou le<br />

toucher sont des soins indispensables,<br />

même en fin de vie.<br />

Alors de quoi parle-t-on lorsqu’on<br />

parle d’arrêt des soins ?<br />

Prenons l’exemple d’un patient dialysé,<br />

qui ne veut plus assurer<br />

son traitement.<br />

Nombre d’entre nous ont été<br />

confrontés à ce cas de figure. Il est<br />

certes « facile » d’arrêter le traitement<br />

par dialyse, chacun sait que le patient<br />

mourra. Oui, mais dans quelle conditions<br />

? L’arrêt de la dialyse ne doit-il pas<br />

être associé à d’autres traitements,<br />

curatifs dans la vie quotidienne, mais<br />

palliatifs dans ce cas précis, puisque<br />

destinés à soulager l’inconfort physique<br />

lié à cet arrêt de dialyse ?<br />

Est-il supportable de débrancher<br />

un respirateur, sans soulager la<br />

détresse respiratoire qui en résultera ?<br />

Est-il dans ces conditions raisonnable<br />

de définir ce qui est palliatif ou<br />

ne l’est pas ? D’autant plus que la<br />

sensibilité de chacun interviendra dans<br />

nos choix. J’entends encore cette<br />

collègue croisée dans un couloir de<br />

l’hôpital et révoltée par l’acharnement<br />

thérapeutique sur une patiente âgée<br />

souhaitant mourir : « Elle fait un choc<br />

septique et « ils » la sorte de là !!!<br />

Maintenant, tous les matins, c’est à<br />

nous qu’elle demande la piqûre !! »<br />

« Ils », les acteurs de cette « résurrection<br />

», au contraire, défendent leur<br />

action car «c’était un problème aigu au<br />

cours d’une pathologie chronique ».<br />

Cette souffrance, tant au niveau<br />

du patient que du soignant, montre<br />

bien l’absence de frontière entre le<br />

palliatif, le curatif et la perception<br />

qu’en a chacun d’entre nous.<br />

Arrêter la chimiothérapie ou toute<br />

thérapie chez un patient cancéreux dont<br />

on sait qu’il ne guérira plus ou ne pas<br />

commencer la dialyse chez un patient<br />

âgé souffrant de démence sénile ou de<br />

maladie d’Alzheimer sont des démarches<br />

relativement faciles à définir, bien que<br />

toujours très difficiles à appliquer ou à<br />

discuter. Mais que faire pour des patients<br />

dans la situation de Vincent Humbert par<br />

exemple, incapables de vivre sans assistance,<br />

mais vivants, en bonne santé, et<br />

sans espoir d’amélioration de leur état ?<br />

Là, point d’arrêt de traitement curatif, il<br />

n’y en a pas, arrêt des soins de base ?<br />

C’est bien entendu une question terrifiante<br />

et polémique dont personne ne<br />

parle réellement sérieusement, laissant le<br />

patient, sa famille et la société dans le<br />

désarroi que l’on connaît actuellement.<br />

Une solution peut-elle être la<br />

bonne solution ?<br />

Quelle serait la société idéale ? Celle<br />

qui développerait des centres de soins<br />

palliatifs, accessibles à tous les patients<br />

en fin de vie, apportant confort et<br />

réconfort, mais oublierait les patients<br />

n’acceptant pas leur déchéance<br />

physique et souhaitant partir avant<br />

cette déchéance, celle qui légaliserait<br />

l’euthanasie dite active, laissant la porte<br />

ouverte à des excès et se dédouanerait<br />

de cette façon, de la mise en place<br />

d’unités de soins palliatifs ?<br />

Sommes-nous prêts à donner à<br />

la fin de vie la place philosophique,<br />

sociale et économique<br />

qu’elle requiert ?<br />

Le débat n’est donc pas encore clos ;<br />

notre société n’aime pas la mort, elle est<br />

pourtant la seule certitude de notre<br />

avenir. Il serait grand temps de s’en<br />

rendre compte.<br />

Béatrice BAGHDASSARIAN


<strong>ÉTHIQUE</strong> ET <strong>FIN</strong><br />

<strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> EN DIALYSE<br />

Les structures pouvant traiter les patients en insuffisance rénale chronique étaient peu<br />

nombreuses, lorsque le traitement par dialyse a débuté en France. (Début des années 60)<br />

Les performances du matériel étaient restreintes, avec comme conséquence l’obligation<br />

d’épurer les patients pendant 12 heures pour obtenir des résultats corrects.<br />

Sélection des patients<br />

La longueur des séances, la rareté<br />

des postes ne permettaient pas de<br />

prendre tous les patients insuffisants<br />

rénaux chroniques au stade terminal. Il<br />

y avait donc obligation de faire une<br />

sélection drastique des patients pris en<br />

charge. Les critères retenus étaient,<br />

l’âge, le statut social, les pathologies<br />

associées. Le profil type du<br />

patient était donc un<br />

adulte de 16-40 ans, bien<br />

inséré socialement. Les<br />

patients âgés, diabétiques,<br />

cardiaques, psychiatriques,<br />

marginaux etc... ne<br />

pouvaient être dialysés et<br />

mouraient. Si parfois en fin<br />

de vie ces patients étaient<br />

dans un coma calme, ce<br />

n’était pas toujours le cas<br />

et souvent la mort succédait<br />

à des symptômes<br />

d’étouffement, des hémorragies,<br />

des nausées. Cette sélection<br />

était un choix douloureux, puisqu’il<br />

fallait refuser à de nombreux patients<br />

un traitement salvateur. La dialyse que<br />

nous pratiquions était très artisanale.<br />

Nous ne disposions pas de matériel à<br />

usage unique, et avions peu de possibilité<br />

d’augmenter la capacité d’accueil.<br />

Les soignants étaient très motivés,<br />

avaient le sentiment d’être les pionniers<br />

d’une technique nouvelle, et les<br />

patients étaient reconnaissants.<br />

L’amélioration du matériel<br />

permit fort heureusement d’augmenter<br />

le nombre de patients traités. Mais de<br />

nombreux paramètres de la technique<br />

n’étaient pas maîtrisés, et c’est l’apparition<br />

de complications chez certains<br />

patients qui permettra de l’améliorer.<br />

Dans quelques centres, les dialysés<br />

après quelques années de traitement<br />

présentaient des troubles de la conscience,<br />

puis devenaient complètement<br />

végétatifs par encéphalopathie aluminique,<br />

provoquée par l’eau et les traitements<br />

par gels d’alumine. L’eau était<br />

uniquement adoucie, et les osmoseurs<br />

qui permettent d’obtenir une eau pure<br />

pas encore disponibles. Une des solutions<br />

pour tenter d’enrayer cette complication<br />

fut de transférer les patients les plus<br />

atteints dans des structures disposant<br />

d’une eau correcte. Plusieurs de ces<br />

patients furent pris en charge chez nous.<br />

Dialyser des patients en état végétatif<br />

était éprouvant et les améliorations rares.<br />

Il n’était pourtant pas question d’arrêter<br />

le traitement. La situation était vécue<br />

comme un échec par les médecins, la<br />

prise en charge était entièrement gérée<br />

par l’équipe soignante. Le terme d’acharnement<br />

thérapeutique n’était pas encore<br />

utilisé, et la seule loi évoquée pour<br />

prendre une décision était l’assistance ou<br />

la non-assistance à personne en danger.<br />

L’environnement de la dialyse en<br />

progrès, matériel fiable, qualité de<br />

l’eau, abords vasculaires de qualité, la<br />

DP ambulatoire, font disparaitre les<br />

dernières contre-indications.<br />

La population dialysée change<br />

progressivement<br />

La moyenne d’âge pour la transplantation<br />

rénale est repoussée. Les patients<br />

dits lourds, à l’espérance de vie très<br />

courte, sont pris en charge. Et lorsque<br />

l’état de ces patients devient précaire,<br />

se pose la question, acharnement<br />

thérapeutique ou arrêt des séances ?<br />

“La déchéance physique<br />

et la mort sont présentes à<br />

l’esprit des patients dialysés.<br />

Ils n’en parlent guère chez<br />

eux, de peur d’alourdir<br />

le climat familial.”<br />

Des décisions délicates souvent impossibles<br />

à prendre avec la famille. Le<br />

conjoint souhaitant l’arrêt, les enfants<br />

non, ou bien personne ne voulant<br />

s’impliquer dans la décision.<br />

Le patient en fin de vie lorsqu’il est<br />

conscient sait que si on arrête les dialyses<br />

il mourra : ce n’est pas son état qui<br />

entraînera sa fin mais bien l’arrêt du traitement.<br />

A cette angoisse s’ajoutera aussi<br />

le sentiment d’abandon par l’équipe qui<br />

l’a entouré, parfois des années.<br />

L’équipe soignante proposera de<br />

continuer les séances en réduisant les<br />

fréquences à 2 fois par semaine, ou le<br />

temps de séance, progressivement.<br />

Ces changements sont adaptés à<br />

l’état du patient. La décision d’interrompre<br />

les séances se posera seulement<br />

quand le patient perd conscience.<br />

Il est indispensable de<br />

dialoguer le plus tôt possible avec la<br />

famille, lui faire prendre<br />

conscience qu’une issue<br />

défavorable est à envisager.<br />

Un accompagne-<br />

ment est alors possible, la<br />

famille pourra faire<br />

connaître à l’équipe<br />

jusqu’où elle désire que le<br />

traitement soit poursuivi.<br />

Après de nombreuses<br />

concertations, des expériences<br />

douloureuses,<br />

nous, équipe soignante,<br />

sommes persuadés que<br />

l’accompagnement thérapeutique de<br />

la maladie doit se faire jusqu’à la mort<br />

de la personne.<br />

La gestion de l’accompagnement<br />

de fin de vie doit être construite<br />

très tôt par l’équipe soignante, et<br />

non au dernier moment, les décès<br />

des personnes étant très souvent<br />

prévisibles.<br />

La déchéance physique, la mort<br />

sont toujours présentes à l’esprit<br />

des patients dialysés. Ils n’en parlent<br />

guère chez eux, de peur d’alourdir le<br />

climat familial. La rencontre avec les<br />

soignants est une des possibilités de le<br />

faire. Bien sûr ce n’est pas à nous<br />

d’aborder le sujet, mais en faisant<br />

preuve d’une disponibilité d’écoute, la<br />

confiance s’installera, et la communication<br />

se fera. Il est indispensable de<br />

connaître l’environnement du patient,<br />

de connaître sa personne référente, de<br />

connaître son histoire, de savoir ce<br />

qu’il souhaite. Et quelque soit l’avenir<br />

de ce patient, la décision qui sera prise<br />

pour et avec lui, sera respectueuse et<br />

humaine.<br />

Jean-Claude CLERC<br />

27


28<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

Peut-on bénéficier<br />

légalement d'une<br />

euthanasie ?<br />

Pas une euthanasie active.<br />

> vous ne pouvez pas disposer librement de votre corps :<br />

l'interdiction d'euthanasie constitue l'une des applications<br />

du principe d'indisponibilité du corps humain.<br />

> en outre, l’euthanasie active est pénalement réprimée. Elle peut<br />

constituer un meurtre, un homicide involontaire, un délit de non<br />

assistance à personne en péril, un empoisonnement, une provocation<br />

au suicide ... De plus, la personne qui provoque l'euthanasie peut être<br />

condamnée à payer des dommages et intérêts et si elle a agit dans le<br />

cadre de sa profession, elle encourt des sanctions disciplinaires.<br />

Peut-on être poursuivi<br />

si on demande ou provoque<br />

une euthanasie<br />

pour soi-même ou<br />

autrui (un membre de<br />

sa famille par exemple) ?<br />

> pour soi-même :<br />

Votre demande ne peut justifier légalement<br />

une euthanasie active.<br />

Par contre, vous ne pouvez pas être<br />

poursuivi au motif que vous avez sollicité<br />

une euthanasie active : Le suicide n'est pas<br />

réprimé.<br />

> pour autrui :<br />

L'euthanasie active est constitutive d'infractions<br />

pénales : meurtre, non-assistance à<br />

personne en péril, empoisonnement ...<br />

Toute personne qui a contribué à sa<br />

réalisation peut être poursuivie comme<br />

coauteur ou complice.<br />

Elle peut également être condamnée le<br />

cas échéant à payer des dommages et intérêts<br />

à la famille ou à l'intéressé en cas d'échec<br />

(la tentative d'euthanasie est punissable).<br />

Si vous avez agi dans l'exercice de votre<br />

profession, vous encourez en outre des sanctions<br />

disciplinaires.<br />

Enfin, dans le cadre d'un conflit entre<br />

héritiers, dans l'hypothèse où l'un d'eux a<br />

provoqué l'euthanasie :<br />

La tentative de mort ou le fait de donner<br />

la mort peut entraîner la déchéance de la<br />

succession.<br />

En outre la complicité de mort ou la<br />

mort par un donataire ou légataire peut<br />

entraîner la révocation de la donation et/ou<br />

du testament pour cause d'ingratitude<br />

> par contre, la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux<br />

droits des malades et à la fin de vie autorise désormais le<br />

médecin à limiter ou arrêter un traitement concernant une<br />

personne « hors d’état d’exprimer une volonté » alors que « la<br />

limitation ou l’arrêt du traitement serait susceptible de<br />

mettre sa vie en danger » (C. santé publique, art. L. 1111-4).<br />

Le médecin peut également, lorsque le malade est en « fin de<br />

vie et hors d’état d’exprimer sa volonté », « limiter ou arrêter<br />

un traitement inutile, disproportionné ou n’ayant d’autre<br />

objet que la seule prolongation artificielle de la vie » (C. santé<br />

publique. art. L. 1111-13). Dans ces deux cas, le médecin doit<br />

respecter plusieurs conditions et une procédure collégiale.<br />

> Le décret n° 2006-120 du 6 février 2006 précise que la décision est<br />

prise par le médecin en charge du patient, après concertation avec<br />

« l’équipe de soins si elle existe et sur l’avis motivé d’au moins un<br />

médecin, appelé en qualité de consultant » et le cas échéant celui<br />

d’autres personnes (personne de confiance, membre de la famille,<br />

proche, titulaires de l’autorité parentale ou du tuteur si le patient est<br />

mineur (C. santé publique. art. R. 4127-37)<br />

La tentative d'euthanasie<br />

est-elle réprimée ?<br />

La tentative de crime est punissable.<br />

En cas d'euthanasie active qui peut être qualifiée de meurtre<br />

ou d'empoisonnement, la tentative est donc punissable.<br />

Il faut un commencement d'exécution et que la tentative n'ait<br />

pas été suspendue ou qu'elle n'ait manqué son effet qu'en raison<br />

de circonstances indépendantes de la volonté de son auteur.<br />

Quelles sont les sanctions encourues ?<br />

> L'auteur de l'euthanasie<br />

peut être poursuivi au pénal<br />

sur les fondements suivants:<br />

> Meurtre :<br />

Art 221-3 NCP :"Le fait de<br />

donner volontairement la<br />

mort à autrui constitue un<br />

meurtre. Il est puni de trente<br />

ans de réclusion criminelle. "<br />

Article 221 - 3 du NCP : "le<br />

meurtre commis avec préméditation<br />

constitue un assassinat.<br />

Il est puni de la réclusion<br />

criminelle à perpétuité."<br />

> Il faut :<br />

1. Un élément matériel :<br />

le fait de donner la mort.<br />

2. Un élément moral :<br />

l'intention de tuer.<br />

À défaut, il s'agirait de<br />

coups ayant entraîné la mort<br />

sans intention de la donner<br />

(article 222 - 7 et 222 - 8 du NCP)<br />

Le mobile est indifférent :<br />

peu importe que l'euthanasie<br />

ait été provoquée en vue de<br />

soulager les souffrances d'une<br />

personne ou de lui nuire.<br />

> Empoisonnement :<br />

L'article 221 - 5 du NCP<br />

dispose à cet effet : "le fait<br />

d'attenter à la vie d'autrui par<br />

l'emploi ou l'administration<br />

de substances de nature à<br />

entraîner la mort constitue un<br />

empoisonnement.L'empoison<br />

nement est puni de trente ans<br />

de réclusion criminelle ...".<br />

> Il faut :<br />

1. Un élément matériel : l'utilisation<br />

ou l'administration de<br />

substances de nature à<br />

entraîner la mort. L'infraction<br />

est constituée que le résultat<br />

soit atteint ou non.<br />

2. Un élément moral : l'intention<br />

de donner la mort. Le<br />

mobile est également indifférent<br />

à la constitution de l'infraction.<br />

La Cour d'assises<br />

d'Ille-et-Vilaine dans un arrêt<br />

du 11 mars 1998 a ainsi récemment<br />

condamné l'auteur d'un<br />

geste euthanasique à cinq ans<br />

de prison avec sursis pour<br />

empoisonnement.<br />

Outre les peines pénales,<br />

la personne responsable peut<br />

être condamnée à payer des<br />

dommages intérêts à la<br />

famille de la victime.<br />

De plus, si la personne qui<br />

a procédé au geste d'euthanasie<br />

est un médecin, il<br />

encourt des sanctions disciplinaires.<br />

Le Conseil Régional de<br />

l'Ordre des Médecins constitue<br />

la juridiction de<br />

première instance.<br />

Le Conseil National est la<br />

juridiction d'appel.<br />

Les décisions du Conseil<br />

National peuvent faire l'objet<br />

de recours en cassation<br />

devant le Conseil d'État.<br />

Le Conseil peut ainsi<br />

prononcer des blâmes, l'interdiction<br />

d'exercer, la<br />

radiation..., ce indépendamment<br />

des autres juridictions<br />

civiles, pénales ou<br />

administratives.<br />

Anne-Marie CADART<br />

Source : © Carine DIEBOLT "Droit pour Tous" - 2006


LE SUICI<strong>DE</strong> ASSISTÉ <strong>DE</strong> MAÏA SIMON<br />

RELANCE LE DÉBAT <strong>DE</strong> L’EUTHANASIE<br />

La comédienne française Maïa<br />

Simon, est décédée mercredi 19<br />

septembre 2007 en Suisse à l'âge<br />

de 67 ans après avoir eu recours<br />

à un "suicide médicalement<br />

assisté" en toute légalité, pour<br />

"abréger ses souffrances".<br />

"Je veux<br />

choisir<br />

ma mort"<br />

L'actrice, atteinte d'un cancer,<br />

est morte entourée de ses amis et de<br />

membres de sa famille, à Zurich, où<br />

elle était partie deux jours plus tôt.<br />

"Elle a pris d'elle-même un<br />

médicament, le penthotal, qui lui<br />

avait été prescrit" afin de mettre fin<br />

à ses jours, a précisé Jean-Luc<br />

Romero, le président de<br />

l'Association pour le droit de<br />

Mourir dans la Dignité (ADMD).<br />

Après passage devant une<br />

commission médicale, l'ADMD a<br />

mis en contact la malade avec une<br />

association suisse nommée<br />

Dignitas. Celle-ci fournit une<br />

potion létale aux candidats au<br />

suicide, qu’ils doivent ingurgiter<br />

eux-mêmes, comme cela a été le<br />

cas pour Maïa Simon.<br />

Dans un long entretien diffusé<br />

sur RTL, l'actrice avait dénoncé<br />

« l'hypocrisie française en matière<br />

d'euthanasie ». Elle a qualifié<br />

la situation dans l'Hexagone<br />

d'"absolument ignoble”, soulignant<br />

que les patients "trouvent<br />

toujours des gens qui peuvent<br />

les aider", avec le risque que<br />

"les médecins ou anesthésistes"<br />

soient punis.<br />

"Quand vous êtes dans un<br />

centre de soins palliatifs, vous<br />

attendez la mort de manière<br />

passive, vous ne faites pratiquement<br />

plus rien, vous êtes un peu<br />

végétatif. Moi j'étais une nomade,<br />

toujours entre deux voyages. Si je<br />

n'ai plus la liberté d'aller caracoler<br />

à l'extérieur, c'est comme si on<br />

m'assassinait, comme si je m'étiolais<br />

comme un oiseau en cage".<br />

"Au lieu d'attendre la mort<br />

d'une manière passive, j'organise<br />

mon dernier voyage avec ma<br />

famille et mes amis. Comme nous<br />

n'avons pas la possibilité d'accomplir<br />

cette chose en France, je suis<br />

obligée de partir à l'étranger.<br />

« A MON HEURE, JE MOURRAI<br />

DIGNEMENT ET L’ESPRIT EN PAIX. »<br />

Mulhouse, deuxième ville d’Alsace, la Suisse alémanique est toute proche.<br />

Chaque jour de milliers de personnes franchissent la frontière pour y<br />

travailler. Ce sont les frontaliers. Pour les alsaciens, la Suisse ce n’est pas<br />

seulement le pays des montagnes, des alpages et des lacs, mais également,<br />

depuis qu’un des leurs y a eu recours, le pays du suicide médicalement<br />

assisté. Un étrange tourisme ouvert aux étrangers : Canadiens, Allemands,<br />

Italiens, Français, viennent pour un ultime voyage.<br />

Suicide assisté, mode d’emploi<br />

La Suisse, pays où l’euthanasie est<br />

interdite, tolère le suicide assisté. Dignitas<br />

est la seule association au monde à<br />

proposer son assistance au suicide à des<br />

étrangers, atteints de maladies incurables,<br />

qui souhaitent abréger leurs souffrances.<br />

« Beaucoup de personnes,<br />

veulent avoir une sortie de<br />

secours, souligne son président Ludwig<br />

Minelli, si la souffrance devient un jour<br />

trop intolérable. » Créée en 1998, l’association<br />

a aidé activement, à ce jour, plus de<br />

800 personnes à mourir.<br />

Les candidats potentiels, atteints de<br />

maladies incurables ou dégénératives,<br />

deviennent membres de l’association<br />

moyennant une cotisation de 17 euros. Ils<br />

signent un document attestant leur volonté<br />

de mettre un terme à leur existence. Ces<br />

malades sont alors assurés de pouvoir<br />

quitter le monde quand ils le décideront. Le<br />

nombre de membres augmente rapidement,<br />

de 650 en l’année 2000, ils sont<br />

actuellement plusieurs milliers. Ils viennent<br />

principalement d’Europe, les étrangers<br />

représentant 80% des candidats.<br />

Dignitas loue des appartements<br />

dans plusieurs villes, Zürich, Stäfa, etc...<br />

Les protestations des voisins qui voient des<br />

cercueils défiler (6 en 10 jours à Stäfa) obligent<br />

l’association à déménager souvent.<br />

Lorsque la personne a décidé de mettre<br />

un terme à sa vie, et obtenu le feu vert de<br />

l’association, elle est accueillie dans un des<br />

appartements. Dignitas souhaite que les<br />

patients soient accompagnés de leurs<br />

proches. Le malade doit apporter des certificats<br />

médicaux justifiant son état, et se<br />

soumettre à l’examen d’un des 7 médecins<br />

de l’association. Après l’entretien le<br />

médecin délivre ou non l’ordonnance pour<br />

le mélange mortel.<br />

Erika Luley (2) une des bénévoles de l’association,<br />

infirmière de profession, discute<br />

avec la personne et s’assure de sa détermination<br />

à mourir. Puis elle prépare le produit :<br />

c’est un mélange à base de penthiobarbital<br />

de sodium, dilué dans de l’eau. Erika n’administre<br />

jamais elle-même le cocktail mortel.<br />

FRANCIS RIGONI. (1)<br />

« La personne prend elle-même le verre et<br />

l’avale…Deux à cinq minutes plus tard elle<br />

perd connaissance, et vingt minutes à une<br />

heure plus tard elle décèdera…Je prends<br />

son pouls, et vérifie que son cœur à bien<br />

cessé de battre. Enfin j’appellerai la police.»<br />

La police, le procureur, le médecin<br />

légiste constaterons le décès, ouvriront une<br />

enquête qui aboutira à un non-lieu. Entre<br />

leur arrivée en Suisse et leur décès il<br />

s’écoule habituellement une douzaine<br />

d’heures, parfois plus selon que la personne<br />

désire un temps de réflexion.<br />

Le suicide assisté,<br />

un modèle à suivre ?<br />

Dignitas est une association<br />

non gouvernementale<br />

très controversée en Suisse<br />

même. Elle n’a de compte à<br />

rendre à personne. Les critères de sélection<br />

des candidats sont- ils effectués par des<br />

médecins, ou acquis à l’association ?<br />

Peut-on évaluer, pour les patients<br />

étrangers, le désir de mourir, les souffrances<br />

physiques ou morales, l’état dépressif ou<br />

psychiatrique, à distance ?<br />

Enfin il faut être suffisamment riche<br />

pour se payer le voyage en Suisse<br />

Jean-Claude CLERC<br />

Quelque part cette idée me séduit<br />

parce que ça me donne la possibilité<br />

d'une escapade (...). Et quand<br />

j'arriverai là-bas, ce sera le grand<br />

bond", ajoutait-elle.<br />

"Au début ça n'a pas été facile<br />

de leur faire admettre ma décision.<br />

Et puis, petit à petit, ils ont quand<br />

même compris (...) que ce que je<br />

choisissais c'était essentiel pour<br />

moi. Donc ils sont passés au-delà<br />

de leurs a priori ou de leurs peurs",<br />

expliquait la comédienne.<br />

"Je veux choisir ma mort"<br />

Ses amis veulent poursuivre<br />

son combat pour faire changer la<br />

loi sur la fin de vie.<br />

Roselyne Bachelot a accepté<br />

de rencontrer ses proches. Et la<br />

Ministre de la Santé indique ne pas<br />

"fermer la porte" à une évolution<br />

de la loi.<br />

Anne-Marie CADART<br />

Sources : ADMD, Le figaro,<br />

l’express, le Monde, RTL<br />

(1) Francis Rigoni âgé de 61 ans<br />

souffrait d’une maladie rare, la<br />

syringomyélie. La maladie a<br />

débutée à l’âge de 13 ans par<br />

une hémiplégie. Les traitements<br />

n’ont guère empêché la maladie<br />

d’évoluer. Il était tassé au fond<br />

de son fauteuil roulant, ne<br />

supportant même plus qu’on le<br />

touche. « …J’étais déjà en<br />

hôpital. Il y a une barrière entre<br />

les souffrants qui se comprennent,<br />

et, en face les soignants.<br />

Ce sont deux mondes différents,<br />

avec, entre eux,<br />

souvent perdus, le<br />

conjoint, la famille, les<br />

amis. A mon niveau, la<br />

prise en charge de la<br />

douleur tant physique<br />

que morale en hôpital est<br />

totalement incomprise… La<br />

paralysie totale me conduira à<br />

l’hospitalisation » Il a choisit de<br />

mourir à Zürich en mars 2007.<br />

(2) Erika, infirmière bénévole à<br />

Dignitas, a travaillé plus de vingt<br />

ans dans un service de soins<br />

palliatifs accompagnant des<br />

cancéreux en phase terminale.<br />

Sources : Pierre Hazan. www.entretemps.<br />

asso.fr/ Stalingrad/Etudes/Suicide.<br />

Stéphanie Carter. www.ledevoir.com<br />

Journal l’Alsace. Suicide assisté. 31/03/07<br />

29


30<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

Ouvrir un<br />

débat<br />

LA POSITION <strong>DE</strong>S POLITIQUES<br />

Ségolène<br />

Royal souhaite<br />

« ouvrir un<br />

débat et mettre<br />

en place une<br />

législation qui<br />

permette d’apaiser les<br />

souffrances les plus intolérables<br />

». Le projet socialiste prévoit de saisir<br />

« le Parlement d’un projet de loi “Vincent<br />

Humbert” sur l’assistance médicalisée pour<br />

mourir dans la dignité ».<br />

Nicolas Sarkozy a ouvert le débat à<br />

droite: « On ne peut pas rester les bras<br />

ballants devant la souffrance d’un de<br />

nos compatriotes qui appelle à ce que ça se<br />

termine, tout simplement parce qu’il n’en peut plus. »<br />

Le débat<br />

à droite<br />

Favorables à une dépénalisation<br />

Dominique Voynet, Olivier Besancenot, José Bové et<br />

Corinne Lepage sont favorables à une dépénalisation de l’euthanasie.<br />

Suffisant<br />

Marie-George<br />

Buffet se démarque<br />

et considère que<br />

la loi Leonetti est<br />

suffisante.<br />

Opposés<br />

Philippe de Villiers et<br />

Jean-Marie Le Pen<br />

sont opposés à toute remise en question<br />

du caractère sacré de la vie, ce dernier assimilant<br />

l’euthanasie à un meurtre.<br />

La loi Leonetti<br />

François Bayrou, lui, s’en tient à la loi<br />

Leonetti. « Cette législation nous<br />

paraît suffisante pour mourir dans<br />

la dignité , explique Jean-Luc<br />

Préhel, responsable des questions de<br />

santé à l’UDF.<br />

Le PS souhaite dépénaliser l'exception d'euthanasie<br />

Le député Pascal Terrasse (Ardèche), secrétaire<br />

national à la santé du Parti socialiste, a<br />

souligné les problèmes de moyens pour<br />

mettre en place des formations des professionnels<br />

de santé en matière de soins palliatifs.<br />

Il a estimé que la loi Leonetti était "une<br />

avancée" mais qu'elle entrait dans "un<br />

parcours initiatique" qui a démarré avec la<br />

loi Kouchner sur les droits des malades. Il a<br />

indiqué que si le parti socialiste était opposé<br />

à la légalisation du suicide assisté, il souhaitait<br />

"dépénaliser l'exception d'euthanasie".<br />

L'association "Faut qu'on s'active!",<br />

soutenue par Marie Humbert, avait<br />

proposé cette "exception d'euthanasie" en<br />

2004. Il ne s'agit pas de légaliser l'euthanasie,<br />

mais d'introduire une 'exception'<br />

dans le code pénal, lorsqu'une aide active à<br />

mourir a été apportée à une demande clairement<br />

exprimée, dans des conditions strictement<br />

définies.<br />

LA POSITION <strong>DE</strong>S RELIGIEUX<br />

Juifs et catholiques ensemble<br />

contre l'euthanasie<br />

"Le commandement biblique 'Tu ne tueras point' exige de ne pas chercher à hâter<br />

la mort du malade,… ni de demander l'aide d'autrui dans cet objectif", affirment<br />

l'archevêque de Paris Mgr André Vingt-Trois et le grand rabbin David Messas.<br />

"Porter remède à leurs souffrances"<br />

Selon l'archevêque et le grand rabbin, "la sollicitude due à nos frères et sœurs gravement malades ou<br />

même agonisants, 'en phase avancée ou terminale d'une affection grave et incurable' selon les termes<br />

de la loi, exige de s'employer à porter remède à leurs souffrances" par le biais des soins palliatifs.<br />

Anne-Marie CADART


PREMIÈRE JOURNÉE NATIONALE<br />

<strong>DE</strong>S RÉSEAUX <strong>DE</strong> SANTÉ<br />

<strong>DE</strong> SOINS PALLIATIFS<br />

Le 17 octobre 2007 s'est déroulée, au Ministère<br />

de la Santé, la première Journée Nationale des<br />

Réseaux de Santé de Soins Palliatifs organisée<br />

par le Groupe de Travail « Réseaux, Interfaces et<br />

Coopération, de la <strong>SFAP</strong> » avec le parrainage du<br />

Ministère de la Santé, de la Jeunesse et des Sports et<br />

sous le haut patronage de Monsieur Nicolas Sarkozy, Président de la<br />

République. Madame Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de la<br />

Santé, a clôturé cette journée par un discours.<br />

Extraits de l’Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports :<br />

• «… que chacun puisse effectivement, dans un projet de vie au long cours, effectuer ces choix éclairés et réfléchis<br />

dont dépend à tout moment le sens de notre existence.»<br />

• «… la diffusion dans notre pays de la culture du soin palliatif procède d'une obligation morale autant que<br />

sociale. »<br />

• « … les besoins du patient doivent être saisis et compris dans leur globalité. Tel est le sens de la circulaire que<br />

je m'apprête à signer, et qui propose le développement de référentiels structurants et la mise en œuvre de la<br />

démarche palliative,... »<br />

• «… il est, à mes yeux, absolument indispensable de renforcer la formation des soignants, aussi bien la formation<br />

initiale que la formation continue,... »<br />

• « Les aidants professionnels mais aussi les proches doivent bénéficier d’une plus grande reconnaissance. »<br />

• « Les proches, en effet, ne sauraient être les oubliés d'une politique de santé globale et ambitieuse. Ainsi, je<br />

souhaite avancer dans les tous prochains mois sur la question du congé de solidarité familiale. »<br />

• « Notre détermination à améliorer le confort des patients en fin de vie, d'ores et déjà, se traduit par des efforts<br />

matériels sans précédent. [...]. J'ai d'ailleurs proposé dans le projet de loi de finance 2008 qu'une enveloppe<br />

de 30 millions d'euros soit dédiée au développement des soins palliatifs. »<br />

• « Il me suffira de rappeler, pour conclure, l'existence d'une loi, dite loi Léonetti, qui énonce assez<br />

clairement les grands principes qui régissent les pratiques palliatives. »<br />

Discours complet consultable sur le site du Ministère de la Santé<br />

Rapport du Comité National de Suivi des Soins Palliatifs<br />

Roselyne Bachelot-Narquin, Ministre de la Santé, de la Jeunesse et des Sports a reçu le Docteur Aubry, qui<br />

lui a remis le rapport du Comité National de Suivi des Soins Palliatifs et de l’accompagnement de la fin de vie.<br />

Ce rapport est le fruit d’un groupe de travail qui s’est réuni pendant un an dans le but d’établir un état<br />

des lieux et une stratégie de développement des soins palliatifs.<br />

Rapport consultable sur : http://www.sante-jeunesse-sports.gouv.fr/actualite-presse/pressesante/communiques/rapport-du-comite-national-suivi-soins-palliatifs.html<br />

31


32<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

LES RÉCENTES AFFAIRES<br />

D’EUTHANASIE<br />

Voici en quelques dates, les récents cas d’euthanasie pratiquée par<br />

des personnels de santé et examinés par la justice française.<br />

4 octobre 1985 :<br />

Un infirmier de 30 ans qui a injecté une dose mortelle de chlorure de potassium à<br />

une patiente gravement malade âgée de 86 ans est acquitté par la cour d’assises<br />

du Bas-Rhin.<br />

16 aout 1987 :<br />

Le professeur Schwartzenberg, ancien Ministre de la Santé révèle avoir aidé<br />

un patient à mourir. Le Conseil de l’Ordre le suspend pour un an. le 17 juillet 1990,<br />

le conseil d’État annule la sanction.<br />

3 février 1999 :<br />

Une I.D.E. de 49 ans exerçant dans une maison de retraite est mis en examen à Nice,<br />

pour assassinats. Elle reconnaît avoir aidé à mourir au moins 5 personnes âgées incurables<br />

de 89 à 97 ans. Elle assure avoir agi à la demande des patients ou avec l’assentiment<br />

des familles. Elle obtient un non-lieu en 2001.<br />

19 septembre 1999 :<br />

Le conseil de l’ordre des Midi Pyrénées relaxe un médecin aveyronnais auteur<br />

d’un acte d’euthanasie active sur une nonagénaire dans le coma.<br />

19 avril 2002 :<br />

Des infirmiers du CHU de Besançon font état de cas d’euthanasie dans l’hôpital<br />

dans lequel ils exercent.<br />

15 octobre 2002 :<br />

Christine Malèvre est condamnée à 12 ans de réclusion criminelle pour avoir<br />

euthanasié six patients à l’hôpital de Mantes-la-Jolie.<br />

16 février 2005 :<br />

Suspecté d’avoir euthanasié 9 patients, le Dr. Joël de Bourayne, cardiologue dans<br />

une clinique de Saclay, obtient un non-lieu, après avoir été mis en examen. Il s’agissait<br />

de soins palliatifs, et non d’euthanasie.<br />

9 janvier 2006 :<br />

Une chirurgienne est mise en examen. Elle a avoué avoir abrégé les souffrances<br />

d’une patiente de 74 ans. Elle revendique par ailleurs plusieurs actes d’euthanasie<br />

en Belgique avant la dépénalisation partielle de 2002.<br />

27 février 2006 :<br />

Marie Humbert et le Dr. Chaussoy obtiennent un non-lieu. Ils avaient avoué avoir<br />

aidé à mourir, à sa demande, Vincent Humbert tétraplégique. Le juge estime qu’ils ont<br />

agi sous l’emprise d’une contrainte les exonérant de toute responsabilité pénale.<br />

13 juin 2006 :<br />

Le Dr. Tramois et l’infirmière Chantal Chanel sont renvoyées devant la cour<br />

d’assises de la Dordogne. Elles sont accusées d’avoir donné la mort en 2003 à une<br />

femme de 65 ans en phase terminale d’un cancer du pancréas.


Un an avec sursis<br />

pour le meurtre de<br />

sa femme atteinte<br />

d'Alzheimer<br />

Au terme d'un délibéré de plus de trois heures,<br />

le 3 octobre 2007, la cour d'assises du Val-de-<br />

Marne a reconnu coupable le vieil homme âgé de<br />

86 ans et l’a condamné à un an de prison avec<br />

sursis pour avoir tué en 2003, parce qu'il ne<br />

pouvait plus faire face à la situation, sa femme<br />

atteinte de la maladie d'Alzheimer.<br />

La défense, qui a plaidé l'acquittement, avait salué un<br />

"réquisitoire d'une rare humanité" dans ce dossier "extrêmement<br />

singulier" où, fait aussi très rare, nul ne s'est porté<br />

partie civile. C'est une affaire "qui trouble, qui dérange,<br />

mais qui nous concerne tous", a dit Me Norbert Goutmann.<br />

Mardi, le vieil homme, avait expliqué de sa voix un peu<br />

faible, mais avec une parole toujours très claire, qu'il devait<br />

faire la toilette de son épouse, changer ses draps. "Elle oubliait<br />

des choses, ne savait plus la date, l'heure. Elle m'insultait, me<br />

disait que j'avais des maîtresses...", avait-il raconté.<br />

"Déchéance, naufrage, outrage. Une dépendance<br />

totale, c'est ça la réalité quotidienne" de cette maladie, a<br />

dit son avocat.<br />

Face à cet "abandon par la médecine", que M e<br />

Goutmann n'entend pourtant pas mettre en cause, l'octogénaire<br />

a commis "peut-être un acte de délivrance, d'amour".<br />

L'a-t-il tuée pour son confort parce qu'il était épuisé,<br />

ou pour la soulager elle, s'est interrogé l'avocat.<br />

"Moi je crois qu'il s'agit probablement d'une addition<br />

des deux", a-t-il répondu, en plaidant l'acquittement au<br />

motif que l'élément moral de ce dossier, c'est "la contrainte,<br />

la compassion, la maladie".<br />

«Euthanasie». Lors du procès, un expert psychiatre a<br />

affirmé que ce jour-là «le discernement de M. Loyen avait<br />

été en partie altéré par sa souffrance psychique». Marcel a<br />

exprimé des choses, et leur contraire. «Quelqu’un m’a dit<br />

que ça pouvait être une preuve d’amour. Chacun pensera ce<br />

qu’il veut. Moi, ma peine est de vivre.» L’avocat de la défense<br />

a parlé d’ «euthanasie». L’avocat général a lâché :<br />

«Personne n’a le droit de donner la mort, même à un proche<br />

qui souffre… Les faits sont graves, mais sa place n’est<br />

pas en prison, c’est une évidence.» Avant de réclamer un an<br />

avec sursis. Les jurés l’ont suivi sur cette peine symbolique.<br />

TÉMOIGNAGES<br />

À la mémoire de DAVID<br />

David est né le 19 décembre<br />

1985, presque jumeau de Céline,<br />

ma fille. David et sa famille ont<br />

appris qu’il avait une tumeur au<br />

cerveau… inopérable, derrière<br />

les yeux... le 24 décembre 2003.<br />

« Ma vie s’est arrêtée là » a dit Brigitte,<br />

sa maman, mon amie. Quel « cadeau »<br />

de Noël atroce !<br />

La radiothérapie et la chimiothérapie<br />

n’ont pas eu d’effet sur la tumeur,<br />

qui a évolué plus vite que le pronostic<br />

des cancérologues. David a été hospitalisé<br />

en service de neurochirurgie à Lyon<br />

en février 2004. Il a subi plusieurs interventions<br />

pour limiter les complications<br />

dues au développement de la tumeur<br />

dont on ignore « l’histoire ». Suite à une<br />

hémorragie cérébrale, il était devenu<br />

hémiplégique et ne pouvait plus s’exprimer<br />

mais il entendait et comprenait<br />

tout ce qu’on lui disait. Un clignement<br />

des yeux signifiait qu’il nous reconnaissait,<br />

qu’il avait compris.<br />

En juillet 2004, David entrait dans le<br />

coma, abandonné par la médecine,<br />

impuissante à arrêter cette « chose »<br />

abominable qui détruisait son cerveau.<br />

L’équipe de chirurgiens et de soignants<br />

très compétente, capable de compassion<br />

et de sensibilité avait décidé de ne<br />

pas le transférer en soins palliatifs. Cette<br />

équipe a été d’un accompagnement et<br />

d’un dévouement exemplaires.<br />

Comment exprimer les sentiments<br />

d’impuissance, d’injustice et de colère à<br />

la vue de David étendu sur son lit blanc<br />

d’hôpital, inerte, désormais, mais tellement<br />

beau, si intelligent, très bon élève<br />

en prépa ingénieur intégrée dans une<br />

des meilleures écoles d’ingénieurs à<br />

Paris. Si dynamique, enthousiaste,<br />

rayonnant… Passionné de musique, il<br />

jouait du piano, de la guitare. Sa<br />

chanson préférée : « I am a rock, I am an<br />

island » de Simon and Garfunkel.<br />

La vie était agréable avant la maladie.<br />

Tout était en train de disparaître sans<br />

aucun espoir de retour.<br />

Quelle souffrance atroce pour sa<br />

maman, son papa, son frère Jonathan,<br />

sa famille devant une telle impuissance<br />

à empêcher l’inéluctable et pourtant<br />

quelle énergie, quel espoir fou habite<br />

Brigitte qui ne quittait pas le chevet de<br />

son fils, continuant à le soutenir, le<br />

stimuler jusqu’à l’épuisement. « Tant<br />

qu’il vit, il y a de l’espoir », disait-elle,<br />

« nous avons mis en place une vaste<br />

chaîne de prières qui passe aussi par<br />

l’Afrique du Sud où Jonathan est né. »<br />

David n’aura jamais 19 ans. Il nous a<br />

quittés le 2 octobre 2004. Il n’a jamais<br />

aussi bien respiré que ce jour-là. Sans<br />

doute sentait-il la présence toute proche<br />

de sa mère, de ses copains. Il a ouvert les<br />

yeux, il a souri à sa maman et dans un<br />

soupir, « il est parti dans le vent et non<br />

dans le vide ». Pas de souffrance, ni d’angoisse,<br />

mais un sourire : « c’est tout<br />

David, ça ! ». Une dernière pirouette de<br />

cet éternel farceur à cette « chose » qui<br />

lui ronge le cerveau : « je pars mais tu<br />

pars avec moi ! » et en même temps un<br />

dernier clin d’œil à sa maman qui a veillé<br />

sur lui avec une énergie, un dynamisme,<br />

un optimisme qui forcent l’admiration :<br />

« ne sois pas triste, je ne suis pas loin,<br />

juste de l’autre côté du chemin ». Un<br />

dernier clin d’œil à Jonathan, le « frangin »,<br />

le complice, à son papa dont la douleur<br />

est dangereusement muette, à sa famille<br />

et à sa bande de « potes », toujours<br />

présente…<br />

Les images ressurgissent, envahissent<br />

l’esprit, empoisonnent l’existence.<br />

La mort est un passage. Les morts continuent<br />

d’exister et d’intervenir dans l’existence<br />

des vivants, ceux qu’ils aimaient<br />

mais aussi leurs ennemis. David n’avait<br />

pas d’ennemi que cette « chose » dont<br />

nous avons si peur de prononcer le nom,<br />

par superstition sans doute…<br />

Quelque part en Afrique du Sud,<br />

Jonathan, le frangin, le complice a aussi<br />

son frère jumeau.<br />

Pour mon amie Brigitte, avec toute ma<br />

tendresse. Colette<br />

Colette TOUZET<br />

33


34<br />

DOSSIER > <strong>FIN</strong> <strong>DE</strong> <strong>VIE</strong> : <strong>RÉFLEXION</strong> <strong>ÉTHIQUE</strong><br />

J’AI LE DROIT <strong>DE</strong> NE<br />

PAS MOURIR SEUL<br />

Face à un patient en fin de vie, nous sommes<br />

confrontés à notre propre peur de la mort et à notre<br />

peine de la séparation. Il nous est difficile d’accepter la<br />

mort, celle de nos proches….révolte, détresse,<br />

angoisse, impuissance, culpabilité, déchirement…<br />

tant de bouleversements, de souffrance. Et pourtant<br />

la mort fait partie de la vie. Elle l’achève et la clôture.<br />

"La vie si courte, si longue, devient parfois insupportable.<br />

Elle se déroule, toujours pareille, avec la<br />

mort au bout. On ne peut ni l'arrêter, ni la changer, ni<br />

la comprendre. Et souvent une révolte indignée nous<br />

saisit devant l'impuissance de notre effort. Quoi que<br />

nous fassions, nous mourrons ! Quoi que nous<br />

croyions, quoi que nous pensions, quoi que nous<br />

tentions, nous mourrons." (Guy de Maupassant)<br />

La mort n’est plus une affaire familiale, elle n’est<br />

plus entourée. Les progrès de la médecine et de la<br />

technique dépossèdent la personne de sa mort : elle<br />

ne lui permet plus de prendre en charge ses derniers<br />

moments, de les vivre sereinement, entourée des<br />

siens… comme le laboureur de Jean de La Fontaine<br />

qui sent venir sa mort et s’y prépare : « un riche laboureur,<br />

sentant sa mort proche, fit venir ses enfants, leur<br />

parla sans témoins… »<br />

Un matin, en entrant dans une chambre, une<br />

personne nous dit : « je vais mourir aujourd’hui »… la<br />

tentation est trop forte de lui énoncer une de ces<br />

phrases, derrière lesquelles, nous, soignants, nous nous<br />

réfugions :<br />

« Au fond, personne ne croit à sa propre<br />

mort, et dans son inconscient, chacun<br />

est persuadé de son immortalité."<br />

(Sigmund Freud)<br />

• « Ne dites pas de bêtises », comme un ordre donné à<br />

un enfant.<br />

• « Pensez-donc à vos enfants, vous ne devriez pas dire<br />

des choses comme ça », très moralisateur qui tend à<br />

culpabiliser, empêchant l’expression des sentiments.<br />

• « Vous savez, on va tous mourir un jour », qui banalise,<br />

esquive, « claque la porte » à la parole de l’autre.<br />

• « Vous avez des pensées bien négatives ce matin »:<br />

qui juge, blâme, enfonce dans l’impuissance et n’aide<br />

pas à se situer en personne capable, en adulte.<br />

• « Mais ce n’est pas possible, vos examens sont très<br />

bons, je ne pense pas que cela soit déjà votre heure »,<br />

opposition d’arguments objectifs servant de défense<br />

pour soi-même.<br />

• « A mon avis, c’est la visite de vos enfants qui vous a<br />

perturbé et c’est à cause de cela que vous dites que<br />

vous allez mourir », interprétation qui peut créer de la<br />

confusion si elle est fausse ou violer l’intimité<br />

psychique si elle est juste.<br />

• « Pourquoi est-ce que vous dites cela ? », enquête<br />

souvent liée à la peur du silence.<br />

• « Vous devriez penser à autre chose », conseil trop<br />

rapide qui ne fait pas confiance aux capacités de<br />

l’autre à trouver sa propre solution.<br />

• « Mais non ça va passer, vous allez tenir le coup, il ne<br />

faut pas vous décourager, tenez bon », qui rassure,<br />

console, encourage trop vite et ferme la possibilité d’expression<br />

de l’autre et risque de l’enfermer dans la solitude.<br />

• « Je vais voir si le médecin peut passer vous voir<br />

aujourd’hui », façon de se réfugier dans l’action, fuite<br />

parfois nécessaire pour soi.<br />

Aucune de ces réponses ne manifeste vraiment<br />

d’empathie vis-à-vis de la personne. L’angoisse qui<br />

nous envahit face à la personne en fin de vie et sa<br />

famille nous pousse à développer des attitudes défensives<br />

qui rendent difficile l’écoute réelle de la personne<br />

que nous accompagnons. N’oublions pas qu’au centre<br />

de la relation humaine et du soin est l’être humain qui,<br />

un jour, sera : VOUS, MOI !<br />

Toute personne devrait pouvoir dire :<br />

1. J’ai le droit d’être traité comme un être humain vivant<br />

jusqu’à ma mort.<br />

2. J’ai le droit de garder espoir, même si les raisons de mon<br />

espoir varient.<br />

3. J’ai le droit d’être soigné par des gens qui peuvent<br />

m’aider à garder espoir, même si les raisons de mon espoir<br />

varient.<br />

4. J’ai le droit de participer aux décisions à prendre concernant<br />

les soins à me donner.<br />

5. J’ai le droit d’exprimer mes sentiments et mes émotions<br />

à ma manière concernant l’approche de ma mort.<br />

6. J’ai le droit de recevoir l’attention de l’équipe médicale<br />

et infirmière même s’il devient évident que je ne guérirai<br />

pas.<br />

7. J’ai le droit de ne pas mourir seul.<br />

8. J’ai le droit de ne pas avoir mal.<br />

9. J’ai le droit d’avoir une réponse honnête à mes questions.<br />

10. J’ai le droit de ne pas être trompé.<br />

11. J’ai le droit d’obtenir de l’aide venant de ma famille<br />

afin de pouvoir accepter ma mort, et ma famille a le droit<br />

de recevoir de l’aide afin de mieux pouvoir accepter ma<br />

mort.<br />

12. J’ai le droit de mourir dans la paix et la dignité.<br />

13. J’ai le droit de conserver mon individualité et de ne pas<br />

être jugé si mes décisions vont à l’encontre des croyances<br />

de ceux qui me soignent.<br />

14. J’ai le droit de discuter et partager mes expériences<br />

religieuses et spirituelles même si elles sont différentes de<br />

celles des autres.<br />

15. J’ai le droit d’attendre que l’on respecte mon corps<br />

après ma mort.<br />

16. J’ai le droit d’être soigné par des gens capables de<br />

compassion et de sensibilité, compétents dans leur<br />

profession, qui s’efforcerons de comprendre mes besoins<br />

et qui sauront trouver de la satisfaction pour eux-mêmes<br />

dans le support qu’ils m’apporteront alors que je serai<br />

confronté à ma mort.<br />

(Les droits de la personne en fin de vie font l’objet de<br />

plusieurs chartes. En 1975, un groupe de travail, dépendant<br />

du Southwestern Michigan in Service Education<br />

Council élabora une charte très complète: Rosette POLETTI).<br />

Accompagner une personne en fin de vie doit être<br />

quelque chose de naturel. Evitons de la juger, de minimiser<br />

ou fuir, ne cherchons pas à diriger sa vie ni à<br />

prendre possession de ses derniers instants. Ecoutons<br />

la, regardons la, ne détournons pas le regard, touchons<br />

la : soyons présent tout simplement !<br />

Malgré le manque cruel de présence humaine, à<br />

la personne qui me dit « je vais mourir aujourd’hui »,<br />

je veux pouvoir répondre « vous ne mourrez pas seule,<br />

je suis là ! »<br />

«Le livre de la vie est le livre suprême qu'on ne<br />

peut ni fermer ni rouvrir à son choix. On voudrait<br />

revenir à la page où l'on aime, et la page où l'on meurt<br />

est déjà sous nos doigts. » Lamartine.<br />

Colette TOUZET I<strong>DE</strong> Dialysaix- Marseille<br />

Avec l’aide de Véronique MOUREAU- Psychologue


LETTRE À MA MÈRE<br />

“<br />

Lorsque le médecin t’a annoncé, à<br />

toi, ma mère, que cette « tâche » au<br />

poumon était un cancer, « le temps a<br />

suspendu son vol »… un cancer… le mot<br />

tant redouté a été prononcé et il te<br />

concerne, toi, ma mère que je croyais<br />

immortelle. Le cancer du fumeur, a-t-il poursuivi,<br />

alors que nous, ses enfants, écoutions,<br />

ahuris mais… « elle n’a jamais fumé ni vécu<br />

dans une atmosphère enfumée » au<br />

contraire nous vivions à la campagne…<br />

Incompréhension, injustice, douleur…et<br />

quand le médecin a poursuivi : « vous vous<br />

battez ou vous baissez les bras ? » et que j’ai<br />

entendu ta réponse instantanée : « je me<br />

bats ! », j’ai pris une douche glacée. « Pas la<br />

chimio, maman, s’il te plaît, je connais trop<br />

les ravages de la chimio pour en avoir tant<br />

fait en service… pas la chimio, un cancer du<br />

poumon, tu ne peux pas guérir » ai-je pensé.<br />

Pas le courage de t’enlever l’espoir. Et puis,<br />

j’y ai cru, moi aussi…<br />

A 86 ans, c’est une bien curieuse fin de<br />

vie qui t’attend…Après la guerre, la captivité<br />

de papa, la résistance, les drames familiaux,<br />

l’énergie dépensée à t’occuper de tes<br />

quatre enfants et de ceux des autres comme<br />

enseignante…<br />

Après une courte rémission, je t’ai vu<br />

dépérir, manquer de souffle malgré l’oxygène<br />

qui ne te quittait plus, sans te plaindre pour<br />

épargner tes enfants, tes petits-enfants.<br />

J’avais le cœur brisé, impuissant… Je ne<br />

voulais pas que tu nous quittes mais je voulais<br />

aussi que tu ne souffres plus. Et puis le<br />

médecin a proposé le talcage du poumon<br />

pour t’aider à respirer « ça passe ou ça casse ! »,<br />

m’as-tu dit avec ton humour mais tu savais…<br />

Tu nous as quittés un après-midi de juin,<br />

seule dans ton lit d’hôpital, juste, juste, avant<br />

que je ne passe la porte de ta chambre, trop<br />

tard pour rentrer à la maison. Pourtant,<br />

j’étais là près de toi, la veille, j’avais projeté<br />

de te ramener pour que tu puisses t’en aller<br />

près de papa, de tes enfants, de tes fleurs. Tu<br />

me disais : « je voudrais être dans mon lit »,<br />

c’était ta façon très pudique de me dire que<br />

tu allais mourir…<br />

Partir, mourir, quitter, décéder, disparaître….perte,<br />

absence, désert, solitude,<br />

manque, chagrin…<br />

“<br />

Chaque printemps je regarde tes roses<br />

s’épanouir dans le jardin : elles<br />

sont tellement belles, tu es là avec<br />

moi et cela m’apaise.<br />

Colette TOUZET<br />

Tu es toujours<br />

dans mon cœur<br />

Ma grand-mère est morte le 8 Janvier 2005.<br />

Fin Août, une phlébite compliquée d’une embolie<br />

pulmonaire la conduisait à l’hôpital, ce qui entraînait<br />

une rapide dégradation de l’état général.<br />

A 86 ans, cela n’a rien d’étonnant.<br />

Des douleurs s’installent, une incontinence urinaire<br />

et fécale, puis une grande lassitude.<br />

Très vite, se pose le problème du retour à domicile.<br />

Elle le souhaite, mon grand-père également,<br />

quoique effrayé par l’organisation qui en découle<br />

et la perte de l’intimité de son foyer, tout est organisé<br />

en octobre.<br />

Vont suivre alors, trois mois difficiles pour tous.<br />

Ma grand-mère a toujours été très lucide, mais totalement<br />

dépendante. Toilette, couches, besoin d’aide<br />

pour manger, elle a très vite dit qu’elle en avait assez ;<br />

certes, mais mis à part des traitements antalgiques<br />

puissants, rien d’autre n’était mis en œuvre, il n’y avait<br />

donc pas de possibilité d’arrêter un traitement curatif,<br />

accédant ainsi à sa demande.<br />

Ces mois de fin de vie ont été difficiles pour chacun<br />

de nous, il y a eu, bien sûr, des moments forts,<br />

des paroles, des gestes, mais à quel prix ? Celui de la<br />

déchéance physique et de la difficulté à supporter<br />

cette déchéance et cette dépendance. Et puis,<br />

attend-on les deniers mois, les derniers jours pour se<br />

dire « je t’aime » ?<br />

Nous avons pensé à l’euthanasie active, elle le<br />

demandait, mais quelle était vraiment sa demande ?<br />

Un jour avec, un jour sans !<br />

Aujourd’hui, 2 ans après, je ne sais toujours pas s’il<br />

fallait ou non répondre de façon active à son désir de<br />

mourir plus vite, nous avons été là, tous, autour d’elle,<br />

mais qu’aurions-nous fait si cela avait duré des mois et<br />

des mois, si cette demande s’était faite plus pressante ?<br />

Ma grand-mère me manque, j’ai eu le temps et la<br />

chance de lui dire au revoir, de l’embrasser, de lui dire<br />

que je l’aimais, mais au prix d’une agonie difficile, douloureuse,<br />

si loin de ce qu’elle avait été dans sa vie.<br />

Alors faut-il légiférer, comment légiférer lorsque<br />

chaque histoire est différente ? Je ne suis pas certaine<br />

que l’on puisse répondre à cette question car chacun y<br />

trouvera une réponse différente.<br />

Béatrice BAGHDASSARIAN<br />

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