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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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L’ANNÉE <strong>1956</strong> ET SON CONTEXTE<br />

comité central du 21 novembre contre l’algarade de Thorez. Ce dernier dénonça<br />

l’emploi par le journaliste du mot « désu<strong>et</strong> » de stalinisme, mais il s’emportait<br />

en réalité à cause du fait que Courtade donnait une vision différente de l’insurrection<br />

hongroise. Courtade considérait en eff<strong>et</strong> que Rákosi <strong>et</strong> ses crimes portaient<br />

avant tout la responsabilité du soulèvement. Il accusait - bien que seulement<br />

dans des conversations privées - ses confrères qui travestissaient<br />

l’insurrection en putsch fasciste, <strong>et</strong> en premier lieu André Stil, l’envoyé spécial<br />

de l’Humanité à Budapest, de « malhonnêt<strong>et</strong>é intellectuelle ». 89 Il n’en reste pas<br />

moins vrai que Courtade admit finalement, comme beaucoup d’autres - sa fidélité<br />

au parti, à la classe ouvrière <strong>et</strong> sa confiance en Khrouchtchev aidant - qu’il<br />

n’était pas opportun de confronter les ouvriers <strong>français</strong> aux exactions des régimes<br />

staliniens à l’Est. Deux ans plus tard, il justifia le silence de l’Humanité sur<br />

la Hongrie devant l’ambassadeur du régime Kádár par le prolongement des difficultés<br />

auxquelles le PCF continuait à se heurter à cause de <strong>1956</strong>. 90<br />

<strong>Le</strong>s militants <strong>communiste</strong>s <strong>et</strong> l’intervention soviétique<br />

<strong>Le</strong>s efforts de la direction visaient avant tout, en novembre <strong>1956</strong> <strong>et</strong> dans<br />

les mois suivants, à limiter les eff<strong>et</strong>s des protestations intellectuelles qu’avaient<br />

déclenchées la seconde intervention soviétique en Hongrie. <strong>Le</strong> 4 novembre<br />

apporta à de nombreux militants <strong>et</strong> compagnons de route un double-désenchantement<br />

: l’emploi de la force par Moscou compromit leur espoir dans la politique<br />

de déstalinisation, tandis que la déclaration du bureau politique leur révéla<br />

la sclérose du parti <strong>français</strong>. <strong>Le</strong>s protestations n’étaient cependant pas comparables<br />

à celles qui s’exprimaient dans le parti italien <strong>et</strong> n’avaient qu’une portée<br />

limitée à cause des nombreuses précautions prises par les signataires. 91<br />

<strong>Le</strong>s vingt-<strong>et</strong>-un intellectuels qui signèrent une pétition condamnant l’intervention<br />

soviétique, publiée dans France-Observateur le 8 novembre,<br />

déniaient le droit aux partisans du coup de force de Suez de protester contre l’intervention,<br />

dans le but de se différencier du camp ennemi. Et, d’autre part, ils<br />

réservaient leur sympathie aux écrivains hongrois, excluant de leur pitié les<br />

catégories ouvrières <strong>et</strong> paysannes dont provenaient pourtant la grande majorité<br />

de ceux qui étaient emprisonnés, s’ils n’étaient pas tombés plus tôt dans la rue<br />

sous le feu des chars soviétiques. En fait, se solidariser avec tous les insurgés<br />

aurait signifié pour ces intellectuels la coupure définitive avec le parti. Or, ils se<br />

sentaient d’autant moins prêts à embrasser la cause de la révolution hongroise -<br />

face au parti - qu’ils jugeaient ses revendications, la demande de l’humanisme<br />

<strong>et</strong> de l’indépendance, comme l’a écrit François Fejtó, anachroniques en comparaison<br />

avec l’idée de la révolution sociale. 92 Par conséquent, la plupart des décla-<br />

89 Institut mémoire éditorial contemporain (IMEC), journal de Courtade. <strong>Le</strong>gs de Pierre Courtade.<br />

90 Archives nationales hongroises (dans la suite ANH), rapport de la légation de Hongrie du 17 nov.<br />

1958. Fonds du ministère des Affaires étrangères, France 1945-1964, XIX-J-1-j.<br />

91 Cf. Marc Lazar : Maisons rouges. <strong>Le</strong>s <strong>Parti</strong>s <strong>communiste</strong>s <strong>français</strong> <strong>et</strong> italien de la Libération à<br />

nos jours. Paris, Aubier, 1992 ; Claude <strong>Le</strong>fort : La complication. R<strong>et</strong>our sur le communisme.<br />

Paris, Fayard, 1999.<br />

92 François Fejtó : L’Héritage de Lénine. Paris, 1977 (2 e éd.).<br />

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