Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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L’ANNÉE <strong>1956</strong> ET SON CONTEXTE<br />
Un autre élément mérite d’être signalé, bien qu’il n’apparaisse que par<br />
intermittence <strong>et</strong> fort discrètement dans le quotidien <strong>communiste</strong> : le malaise<br />
face à des formes non traditionnelles de lutte contre la guerre d’Algérie, ce que<br />
la phraséologie de l’époque nomme « actes individuels », opposés à l’ « action<br />
de masse ». On pense par exemple au cas d’Alban Liechti, militant <strong>communiste</strong><br />
discipliné, mais qui refuse de porter les armes en Algérie 66 . Il s’en explique dans<br />
une l<strong>et</strong>tre au président de la République, le 2 juill<strong>et</strong>. Sa l<strong>et</strong>tre est transmise par<br />
sa famille aux responsables locaux du parti, puis au secrétariat d’Etienne Fajon.<br />
Dans la journée du 3, le réponse, transmise par le secrétaire de Fajon, tombe :<br />
« Ne rien faire, ne pas transm<strong>et</strong>tre aux journaux » 67 . Alban Liechti est tout de<br />
même envoyé en Algérie, transféré <strong>et</strong> emprisonné à Tizi Ouzou, puis à Fort<br />
National. Ce n’est finalement que le 15 novembre, soit quatre mois <strong>et</strong> demi<br />
après la <strong>Le</strong>ttre à Coty, que l’Humanité informe ses lecteurs : « <strong>Le</strong> soldat Alban<br />
Liechti, jugé le 19 à Alger, doit être acquitté » titre-t-elle.<br />
Un autre exemple de la distance prise à l’égard de méthodes de lutte<br />
considérées comme « individuelles » est l’encadré, intitulé « Mise en garde »,<br />
que, le 4 juill<strong>et</strong>, l’Humanité publie en page intérieure : « Nous apprenons que<br />
certains individus se présentent à des camarades ou à des militants d’organisations<br />
démocratiques comme délégués du PC Algérien ou habilités par lui. Il ne<br />
peut s’agir là que de vulgaires provocateurs ; ils doivent être reçus comme tels<br />
en pareil cas. Il doit en être de même de tout individu qui préconiserait des actes<br />
allant à l’encontre de la politique de masse du PCF ». On peut sans doute y voir<br />
une première manifestation des divergences avec ceux que l’on appellera plus<br />
tard les « porteurs de valises ».<br />
<strong>Le</strong> journal <strong>communiste</strong> est moins discr<strong>et</strong> sur ce qui a été appelé un temps<br />
l’« affaire Maillot ». <strong>Le</strong> 4 avril, Henri Maillot, <strong>communiste</strong> algérien, appelé,<br />
aspirant, passe, avec armes <strong>et</strong> munitions, au maquis. Un manque évident d’information<br />
règne semble-t-il à l’Humanité, qui ne cite le nom de l’aspirant que<br />
le 14. Par contre, le 18, le quotidien <strong>communiste</strong> publie le texte intégral de la<br />
l<strong>et</strong>tre de justification de Maillot : « Au moment où le peuple algérien s’est levé<br />
pour libérer son sol national du joug colonialiste, ma place est aux côtés de<br />
ceux qui ont engagé le combat libérateur ». C<strong>et</strong>te affaire provoque une crise<br />
d’une violence inouïe dans le monde politique <strong>et</strong> journalistique <strong>français</strong>.<br />
<strong>Le</strong>s <strong>communiste</strong>s <strong>et</strong> l’Union <strong>français</strong>e<br />
Plus globalement - mais c’est le même problème - on trouve trace de ces<br />
troubles dans le débat sur l’Union <strong>français</strong>e. <strong>Le</strong> revirement du vocabulaire <strong>communiste</strong><br />
à c<strong>et</strong> égard mériterait à soi seul une étude méticuleuse. En début d’année<br />
encore, les spécialistes du parti sur ces questions déploient l’argumentaire<br />
66 Voir son ouvrage de Mémoires, Paris, <strong>Le</strong> Temps des Cerises, 2005<br />
67 Note dactylographiée, sans date, non signée (probablement Jos<strong>et</strong>te Liechti, mère d’Alban), archives<br />
famille Liechti ; cité par Alban Liechti, o.c.<br />
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