Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />
à l’Assemblée nationale. Ce débat, on le sait, commence une semaine plus tard.<br />
Et le moins que l’on puisse dire est que le discours moll<strong>et</strong>iste n’a rien pour rassurer<br />
les <strong>communiste</strong>s. C’est en connaissance de cause que le groupe <strong>communiste</strong><br />
vote finalement la confiance.<br />
Quelle logique a présidé à ce choix de mars <strong>1956</strong> ? Il faut faire ici appel<br />
à la thématique de la « partie » <strong>et</strong> du « tout », déjà utilisée, naguère, sous le<br />
Front populaire, par <strong>Gabriel</strong> <strong>Péri</strong> 50 . <strong>Le</strong> 16 mars <strong>1956</strong> 51 , Thorez reprend les<br />
mêmes mots, devant le comité central : « <strong>Le</strong> <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> n’a pas voulu<br />
sacrifier le tout à la partie », affirme-t-il d’emblée. Qu’est-ce que « la partie » ?<br />
C’est la guerre d’Algérie, qualifiée d’« affaire très importante, mais pourtant<br />
délimitée à la préoccupation essentielle ». Qu’est-ce donc que ce « tout », quelle<br />
est la « préoccupation essentielle » ? Dans la vie politique métropolitaine, c’est<br />
la lutte déjà évoquée pour un nouveau Front populaire, ce sont les conquêtes<br />
sociales (acquises ou possibles). Dans la vie internationale, c’est le dégel, présent<br />
en mars, mais qui prendra une dimension spectaculaire tout au long du premier<br />
semestre. Dans l’outre-mer, ce sont les accords qui reconnaissent les jeunes<br />
indépendances de la Tunisie <strong>et</strong> du Maroc.<br />
Pour les <strong>communiste</strong>s, tout n’est donc pas joué. Un mois encore après le<br />
vote favorable du 12 mars, l’Humanité interroge : « Qui l’emportera ? La pression<br />
des ultras ou la pression populaire ? » 52 . L’auteur anonyme de l’article a l’air<br />
de pencher pour la seconde hypothèse. <strong>Le</strong> 4 mai encore, Marcel Servin écrit dans<br />
le même journal : « Notre position au Parlement a déjà permis un développement<br />
considérable de l’action des masses populaires, <strong>communiste</strong>s <strong>et</strong> socialistes en<br />
tête. L’élargissement de ce mouvement sorti des profondeurs de la nation est la<br />
condition nécessaire <strong>et</strong> suffisante (souligné par nous - AR) pour que les colonialistes,<br />
leurs intrigues <strong>et</strong> leurs pressions connaissent un échec r<strong>et</strong>entissant… ».<br />
Troubles au sein du PCF<br />
On sait aujourd’hui - <strong>et</strong> depuis longtemps - que le vote de mars <strong>1956</strong> a<br />
provoqué débats, remous <strong>et</strong> ruptures au sein du PCF.<br />
Tout d’abord, avant le vote. On a vu que Duclos, le 6 mars encore, laisse<br />
entendre que la décision n’est pas prise. A quel moment l’opinion de la majorité<br />
des dirigeants <strong>communiste</strong>s bascule-t-elle ? 53 En tout cas, le 12 mars, très pro-<br />
50 e 8 Congrès du PCF, Arles, décembre 1937 ; brochure, Paris, Ed. du Comité populaire de propagande,<br />
s.d. (1938).<br />
51 C’est un phénomène bien connu des historiens spécialisés dans l’étude du PCF : contrairement à<br />
d’autres sessions de c<strong>et</strong> organisme, la session de mars n’a pas été enregistrée – ou a disparu . Rappelons<br />
que c’est lors de c<strong>et</strong>te session que le contenu du 20e congrès du PCUS est exposé aux<br />
membres du CC du PCF. On ne peut donc ici citer que le texte public.<br />
52 12 avril.<br />
53 On sait que c’est essentiellement au bureau politique (BP) que sont prises les décisions stratégiques.<br />
Or, contrairement aux interventions devant le CC, celles devant le BP n’étaient ni enregistrées,<br />
ni consignées. Seuls étaient publiés des comptes-rendus, très peu argumentés.