Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />
ment publié, étudié, dans un premier temps, au printemps. La tendance est alors<br />
à la valorisation des innovations qu’il comporte, en tentant d’ailleurs d’expliquer<br />
qu’il reprend des éléments avancés par Thorez en 1946. Mais, dès l’été,<br />
s’amorce une nouvelle lecture, en r<strong>et</strong>rait, appelant à ne pas perdre de vue les<br />
fondamentaux, notamment la dictature du prolétariat. A l’automne, a lieu pour<br />
le coup un revirement compl<strong>et</strong>, dont nous avons parlé au suj<strong>et</strong> de France Nouvelle.<br />
Au printemps, c<strong>et</strong> hebdomadaire est encore l’hebdomadaire khroutchévien<br />
<strong>français</strong> ; à l’automne, son directeur, Florimond Bonte, est débarqué <strong>et</strong><br />
remplacé par François Billoux. Tout simplement parce que la direction du PCF<br />
a considéré que France Nouvelle allait trop loin dans les innovations, notamment<br />
sur la notion de voie italienne, yougoslave, <strong>et</strong>c. <strong>et</strong> là, estiment les dirigeants<br />
<strong>français</strong> - Thorez en particulier - réside le début de la renonciation de fait<br />
au communisme, parce qu’il n’y a pas de communisme pensable indépendamment<br />
du modèle soviétique.<br />
Serge WOLIKOW<br />
Une remarque, toujours sur ce point. Jean-Paul Scot a souligné l’importance<br />
de ne pas ignorer le rapport public. Je voudrais ajouter que le débat sur<br />
les voies nationales, sur l’interprétation de la situation mondiale, renvoie à un<br />
débat qui a eu lieu lors de la mise en place du stalinisme <strong>et</strong> à un personnage<br />
toujours présent, sous-jacent, mais jamais évoqué explicitement, Boukharine.<br />
Kuusinen, qui incarne sur ce plan un peu la continuité a d’ailleurs travaillé avec<br />
Khrouchtchev pour l’élaboration du rapport du 20 e congrès. La question des<br />
voies nationales, réapparue en 1945-1946, avait nourri un débat sur le développement,<br />
la conception du communisme à l’échelle mondiale au moment où, en<br />
1928, Boukharine dirigeait l’Internationale <strong>communiste</strong>. Pour ceux qui savent<br />
de quoi il r<strong>et</strong>ourne, comme Waldeck Roch<strong>et</strong> <strong>et</strong>, surtout, Maurice Thorez, c<strong>et</strong>te<br />
question recouvre des enjeux. Donc, dans l’analyse du rapport public de<br />
Khrouchtchev, c<strong>et</strong>te partie-là, à la fin de l’année <strong>1956</strong>, a tendance à être mise<br />
en doute, à être critiquée. Cela nous renvoie au constat, qui mériterait que nous<br />
ayons un débat entre nous, que le stalinisme a certes triomphé dans sa forme<br />
organique, du point de vue du parti. Néanmoins, dans l’interprétation de l’histoire<br />
internationale, subsiste c<strong>et</strong>te question que Roger Martelli a évoquée :<br />
comment conserver l’héritage de Staline touchant à la conception du parti, sans<br />
pour autant faire complètement siennes les analyses staliniennes du socialisme<br />
dans un seul pays, au moment où dans le mouvement <strong>communiste</strong> international,<br />
la plupart des partis <strong>communiste</strong>s veulent développer leur propre politique<br />
? <strong>Le</strong> débat avec les <strong>communiste</strong>s italiens autour du « polycentrisme », à la<br />
fin de l’année <strong>1956</strong>, est un symptôme de ce questionnement. <strong>Le</strong>s Italiens se<br />
montrent au départ prudents, puis interviennent dans le débat par le biais de<br />
leur conception des centres de décisions. On voit bien que Togliatti manifeste<br />
une connaissance parfaite de ce qu’il est possible de dire <strong>et</strong> de ce qu’il ne l’est<br />
pas à ce moment-là.