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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />

nous avons vécu c<strong>et</strong>te année <strong>1956</strong>, qui a effectivement constitué, pour nous,<br />

quelque chose d’énorme. Je voudrais d’abord remonter un peu en avant, pour<br />

revenir sur le culte de la personnalité. Mes parents n’étaient pas issus d’un milieu<br />

ouvrier. Mon père était employé <strong>et</strong> ma mère, artisan, venait de la p<strong>et</strong>ite bourgeoisie.<br />

Ils étaient tous les deux <strong>communiste</strong>s. En 1954, la direction du PCF a<br />

demandé à toutes les cellules de France de fêter l’anniversaire de Maurice Thorez<br />

en lui faisant un cadeau. Ma mère était secrétaire de cellule. Opposée au culte<br />

de la personnalité, elle a dit : « jamais notre cellule ne fera ça » <strong>et</strong> elle a failli être<br />

exclue du parti. Elle a quand même été « blâmée », on appelait ça ainsi… Cela<br />

vous laisse mesurer quel était le poids du culte de la personnalité au sein du <strong>Parti</strong><br />

<strong>communiste</strong> <strong>français</strong>. D’autre part, quand on parle de la distinction entre ouvriers<br />

<strong>et</strong> intellectuels, il ne faut pas perdre de vue qu’un ouvriérisme forcené régnait.<br />

Mes parents, pourtant ouverts, se méfiaient toujours des intellectuels. Ils estimaient<br />

que c’étaient des gens à qui on ne peut pas se fier. C’est ainsi que les choses<br />

se passaient à la base du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong>. Il faut en tenir compte. Ensuite,<br />

l’image qu’on avait de l’Union soviétique était celle du pays qui avait vaincu<br />

l’hitlérisme, <strong>et</strong> Staline représentait le chef de la plus grande armée du monde,<br />

celle qui avait vaincu Hitler. Cela comptait énormément pour les <strong>communiste</strong>s<br />

<strong>français</strong>. Ma mère, qui n’était pas stalinienne du tout, se moquait un peu de lui<br />

en disant : « oui, ils l’appellent le p<strong>et</strong>it père des peuples ». Mais elle n’aurait pas<br />

admis qu’on rem<strong>et</strong>te en cause ce qui s’était passé durant la guerre. C’est quand<br />

même lui qui avait gagné la guerre avec l’Armée rouge. Car l’Armée rouge <strong>et</strong><br />

Staline, cela ne faisait qu’un à l’époque. Il faut bien se remémorer tout cela, car<br />

l’année <strong>1956</strong> a commencé dans ce contexte. J’ajoute qu’il existait un anticommunisme<br />

virulent. J’ai été élève dans un lycée pilote, à Sèvres, un lycée international.<br />

Il recrutait dans la p<strong>et</strong>ite bourgeoisie <strong>et</strong> j’y étais un des seuls <strong>communiste</strong>s.<br />

J’ai le souvenir d’un anticommunisme très virulent. Nous étions vraiment<br />

voués aux gémonies à l’époque. Cela peut expliquer pourquoi, par la suite, les<br />

<strong>communiste</strong>s ont pu avoir tendance à se refermer un peu sur eux-mêmes.<br />

Personnellement, j’ai adhéré au <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> en 1955, le jour de mes<br />

quinze ans, contre l’avis de mon père. A l’époque, il fallait que deux personnes se<br />

portent garantes. Dans mon cas, cela a été le secrétaire de section <strong>et</strong> un autre camarade,<br />

mais pas mon père, qui trouvait que j’étais trop jeune. Cela montre, en passant,<br />

qu’on n’adhérait pas comme ça, il fallait être parrainé. J’ai donc adhéré à 15<br />

ans <strong>et</strong> après, j’ai été envoyé en Algérie. A ce moment-là, je me suis posé la question<br />

: « qu’est-ce que je vais faire, est-ce que j’en parle ou pas au <strong>Parti</strong> ? ». Mes<br />

parents étaient fidèles aux valeurs anticolonialistes du parti, dont cela constitue<br />

tout de même un des fondements. Au début, mon père ne m’a pas totalement<br />

approuvé, mais ma mère si, immédiatement, quand j’ai dit : « je refuse d’aller me<br />

battre contre un peuple qui lutte pour son indépendance ». Evidemment, parler<br />

d’indépendance de l’Algérie en <strong>1956</strong> ce n’était pas évident, ce n’était pas la position<br />

du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong>. D’autre part, ce dernier continuait à se référer à des choses<br />

anciennes. Lénine avait dit quelque chose comme : « le militant <strong>communiste</strong><br />

doit aller à l’armée, prendre les armes <strong>et</strong> les r<strong>et</strong>ourner pour la révolution, <strong>et</strong>c. ».<br />

Pour le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong>, cela restait valable en <strong>1956</strong>. J’avais répondu : « oui,

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