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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />

Denis PESCHANSKI<br />

Merci. Je propose à Roger Martelli <strong>et</strong> à Serge Wolikow de réagir à leur tour.<br />

Roger MARTELLI<br />

Je souhaiterais en eff<strong>et</strong> discuter de quelques points d’interprétation.<br />

D’abord, l’utilisation du concept de crise pour caractériser l’année <strong>1956</strong> ne me<br />

semble pas opérationnelle. Je pense plutôt que ce qui domine en <strong>1956</strong>, ainsi que<br />

le disait à l’instant Marc Lazar, c’est la prégnance d’un univers culturel extrêmement<br />

intégré, qui ne se réduit pas simplement à un concept, à une idéologie,<br />

mais constitue une façon d’être qui ordonne complètement le rapport au monde.<br />

Englobant la vision du monde, de la société, de la politique, il fonctionne<br />

comme un bloc compact <strong>et</strong> reste compact durant l’année <strong>1956</strong>. C’est ce qui<br />

explique que, globalement, l’organisation <strong>communiste</strong> passe à côté du 20 e<br />

congrès. Car, même si quelques troubles, quelques interrogations se font jour, il<br />

passe à côté. A la limite, je dirais même que l’actif dirigeant <strong>et</strong> l’actif militant<br />

sont rassurés par l’attitude de Thorez, lorsque celui-ci dit en substance : « il n’y<br />

a pas à se faire de souci ». En prenant des distances à l’égard de Khrouchtchev,<br />

Thorez rassure plus qu’il n’inquiète. Et Marc Lazar a raison de dire que même<br />

les événements de Hongrie, qui provoquent une distorsion entre une partie de<br />

l’intelligentsia <strong>et</strong> le reste du PCF, ne mobilisent pas la totalité de la haute intelligentsia.<br />

En France, ce sont 10 % à peine de l’effectif qui sont effectivement<br />

touchés. Pour moi, en <strong>1956</strong>, il n’y a pas véritablement crise mais plutôt la tentation<br />

culturelle de l’immobilité.<br />

Je m’explique : le monde <strong>communiste</strong> s’est installé à partir de la Libération<br />

<strong>et</strong> exerce une sorte de fascination en régissant un tiers de l’Humanité. Mais,<br />

en France, le communisme fait partie du mobilier national. Il est intégré dans la<br />

société politique <strong>et</strong> dans la société tout court, éventuellement comme une contresociété,<br />

mais en tout état de cause, il est intégré. Ce que j’appelle la tentation de<br />

l’immobilité, c’est la peur panique qu’à un moment, quelque chose bouge qui<br />

m<strong>et</strong>te en cause la place que le communisme a acquise à l’intérieur même de la<br />

société. Tout ce qui donne l’impression que l’on va commencer à bouger est<br />

vécu sur le registre de la mise en cause <strong>et</strong> donc du danger. D’où la fixation idéologique<br />

imposée par Thorez dans les années 1954-1955, comme l’affaire de la<br />

paupérisation ou l’opération autour du « birth control », par exemple. Même s’il<br />

y a une part tactique, tout cela exprime aussi quelque chose de profond, l’idée<br />

qu’il ne faut surtout pas commencer à bouger, parce que si on commence à bouger,<br />

si ce monde se m<strong>et</strong> à bouger, c’est tout l’édifice qui risque de s’écrouler.<br />

Une p<strong>et</strong>ite réflexion à ce suj<strong>et</strong>. Marc Lazar a dit que Thorez, au fond, a eu<br />

raison, au regard d’une logique fondée sur l’imbrication de l’Union soviétique,<br />

des démocraties populaires <strong>et</strong> du PCF, qui voulait que si on commence à tou-

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