Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri
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<strong>1956</strong> : QUE COMMÉMORE-T-ON ? PROBLÉMATIQUES ET ENJEUX HISTORIOGRAPHIQUES<br />
rapport facile à analyser au regard des logiques de fonctionnement de l’Union<br />
soviétique <strong>et</strong> de la direction du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> de l’Union soviétique. <strong>Le</strong><br />
terme même de rapport secr<strong>et</strong>, il faudrait en faire l’histoire, savoir qui l’a utilisé,<br />
comment, <strong>et</strong>c. puisque, comme le montre un article de Jean-Paul Depr<strong>et</strong>to publié<br />
par la revue <strong>Fondation</strong>s, dans lequel il étudie la réception du rapport dit<br />
« secr<strong>et</strong> » de Khrouchtchev dans la région de Gorki, ce rapport a été immédiatement<br />
connu de tous les militants <strong>communiste</strong>s russes mais aussi de « sans parti ».<br />
Il a fait l’obj<strong>et</strong> d’une information tout de suite après qu’il ait été prononcé, le<br />
texte du rapport lui-même n’étant d’ailleurs pas connu. Pour ce que je peux en<br />
savoir, un rapport, qui était en partie le rapport Khrouchtchev, a effectivement<br />
circulé. Mais, en définitive, nous ne disposons pas du texte exact du rapport réellement<br />
prononcé au 20 e congrès du PCUS. C’est du moins ce qu’en disent les<br />
soviétologues, en particulier Jean-Paul Depr<strong>et</strong>to. Il faut donc être prudent dans<br />
c<strong>et</strong>te affaire. L’un des problèmes que soulève c<strong>et</strong>te affaire concerne le degré de<br />
ferm<strong>et</strong>ure manifesté par la direction du PCUS à l’égard d’un texte, dont elle a<br />
tout fait par ailleurs pour qu’il soit connu du monde entier. On ne peut pas faire<br />
discuter un texte à des dizaines de milliers de <strong>communiste</strong>s en URSS, en Pologne<br />
<strong>et</strong> ailleurs sans que des informations circulent sur son contenu. C’est un problème<br />
qui, pour moi, reste entier. Je passe là-dessus mais c’est quand même une<br />
question importante, en particulier pour la suite. Parce qu’évidemment, quand ce<br />
rapport dit secr<strong>et</strong> va être publié en France, on va se trouver dans une toute autre<br />
situation. Personnellement, je ne fais pas d’histoire, disons « normative ». Je ne<br />
considère pas que la direction du <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> <strong>français</strong> ait commis une<br />
erreur en refusant d’adm<strong>et</strong>tre la réalité du rapport, <strong>et</strong>c. Ce n’est pas mon problème.<br />
Ce qui m’intéresse, on peut le contester, mais c’est ma position, ce sont<br />
les raisons pour lesquelles les protagonistes - Thorez en particulier - étaient obligés,<br />
dans une certaine mesure, d’agir comme ils l’ont fait, ou en tout cas, les<br />
rationalités qui sont au principe de leur réaction. Il semble que c’est plus compliqué<br />
que ce qui en a été dit <strong>et</strong> je voudrais avancer quelques hypothèses.<br />
Première hypothèse, le rapport de Khrouchtchev est un rapport stalinien. Je<br />
ne peux pas développer cela ici, mais ce qui caractérise de mon point de vue le<br />
monde <strong>communiste</strong>, c’est qu’il est un monde biocratique. Autrement dit, que<br />
l’évaluation de tous les individus dans la société soviétique, dans le parti, <strong>et</strong>c. est<br />
fondée sur une évaluation du capital politique, lequel capital politique est fondé<br />
sur toute une série - je renvoie à tout ce que nous avons pu publier avec Claude<br />
Penn<strong>et</strong>ier à ce suj<strong>et</strong> - d’évaluations de la biographie des gens. En fait, dans ce qui<br />
est appelé le rapport secr<strong>et</strong>, Khrouchtchev propose une nouvelle biographie de<br />
Staline. Elle vise à casser - en cela, je suis d’accord avec Marc Lazar - le lien<br />
magique d’identification qui caractérisait le monde stalinien. Or ce lien irrigue<br />
toute la culture <strong>communiste</strong> <strong>et</strong> bien entendu si, en Union soviétique, les dirigeants<br />
soviétiques peuvent s’imaginer contrôler les eff<strong>et</strong>s symboliques du travail<br />
de déconstruction du mythe de Staline, il va de soi que, dans les pays capitalistes<br />
entre autres, les partis <strong>communiste</strong>s qui ne sont pas au pouvoir ne peuvent pas<br />
contrôler ces eff<strong>et</strong>s. C’est pourquoi ils envoient des délégations qui portent en<br />
substance le message : « Attention ce n’est pas possible, il faut qu’il y ait un autre<br />
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