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Le Parti communiste français et l'année 1956 - Fondation Gabriel Péri

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LE PARTI COMMUNISTE FRANÇAIS ET L’ANNÉE <strong>1956</strong><br />

d’Union soviétique sur le rapport secr<strong>et</strong>. Suite à ce qui constitue la première<br />

information sur le document dans le monde occidental, l’Humanité publie les<br />

19 <strong>et</strong> 20 mars des reportages de son propre correspondant à Moscou, Pierre<br />

Hentgès, qui confirment que les <strong>communiste</strong>s soviétiques discutent d’un second<br />

rapport Khrouchtchev, consacré « aux mérites <strong>et</strong> aux erreurs du camarade Staline<br />

». Ainsi, le 19 mars, l’Humanité atteste-t-elle de l’existence du rapport<br />

secr<strong>et</strong>, alors que le 13 mars Thorez n’en a rien dit devant le bureau politique.<br />

<strong>Le</strong> 22 mars, le comité central du PCF se réunit. Maurice Thorez n’y<br />

assiste pas, se sentant sans doute déjugé par l’information divulguée dans l’Humanité<br />

qui contraste avec le silence qu’il a observé lui-même. Premier enseignement<br />

des archives du PCF : la séance du comité central du 22 mars est la seule<br />

parmi toutes celles qui ont été tenues durant l’année <strong>1956</strong> dont l’enregistrement<br />

sonore n’ait pas été conservé. <strong>Le</strong>s raisons n’en ont jamais été éclaircies. Par<br />

contre, on dispose dans les archives du PCF, mais également dans le fonds Jacques<br />

Duclos conservé au musée de l’Histoire vivante à Montreuil, de quelques<br />

extraits du rapport introductif prononcé par Duclos. Ils perm<strong>et</strong>tent d’établir un<br />

élément nouveau, Jacques Duclos évoque explicitement le rapport secr<strong>et</strong>. Il justifie<br />

d’abord le silence entr<strong>et</strong>enu jusque-là, par la volonté de la direction du PCF<br />

d’en parler d’abord devant le comité central. Il procède ensuite à une présentation<br />

qui m<strong>et</strong> en place ce que l’on pourrait appeler « le mensonge » sur le rapport<br />

secr<strong>et</strong>, en affirmant que le texte relève à la fois les mérites <strong>et</strong> les erreurs du<br />

camarade Staline. Quand on sait que le mot « mérite » figure peut-être une fois<br />

dans ce rapport, la volonté manifeste de préserver malgré tout l’équilibre entre<br />

les mérites <strong>et</strong> les erreurs est éloquente. <strong>Le</strong> noyau dirigeant est manifestement<br />

rassuré par c<strong>et</strong>te explication, qui ne provoque pas de remous à l’intérieur de la<br />

direction <strong>communiste</strong>. <strong>Le</strong> seul membre du comité central à exprimer un point<br />

de vue véritablement critique est Pierre Courtade ; les autres ne laissant pas<br />

paraître, du moins nous n’avons pas la preuve du contraire, de franches critiques.<br />

Pierre Courtade, lui, demande des explications. On serait tenté de dire<br />

qu’à ce moment, il est le plus khrouchtchévien des dirigeants <strong>français</strong>.<br />

<strong>Le</strong> 10 mai suivant se tient une nouvelle réunion du comité central. <strong>Le</strong>s<br />

archives, en particulier les enregistrements sonores des réunions, en attestent,<br />

Maurice Thorez est bien présent c<strong>et</strong>te fois, <strong>et</strong> il a manifestement pris le parti de<br />

déballer l’affaire. Il reconnaît : « nous avons eu connaissance du rapport<br />

secr<strong>et</strong> », alors que le 22 mars Duclos en avait admis l’existence sans préciser<br />

que la délégation <strong>français</strong>e avait pu en prendre connaissance. Il affirme : « nous<br />

avons eu connaissance du rapport secr<strong>et</strong>, il y avait les mérites <strong>et</strong> les erreurs du<br />

camarade Staline », ajoutant même : « j’ai dit à Khrouchtchev, je ne comprends<br />

pas, alors que le rapport spécial évoquait les mérites <strong>et</strong> les erreurs, pourquoi<br />

publiquement ne parler que des fautes ». Enfin, il livre une version déformée<br />

des faits car, évidemment, le rapport secr<strong>et</strong> ne disait pas ça <strong>et</strong>, selon toute vraisemblance,<br />

il n’a pas tenu à Khrouchtchev les propos qu’il rapporte devant le<br />

comité central. A partir de là, les jeux sont faits <strong>et</strong> le <strong>Parti</strong> <strong>communiste</strong> ne changera<br />

plus d’analyse. On peut même dire que, au mois de juin, il profitera du

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